Les principes de la restructuration cognitive

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Les principes de la restructuration cognitive

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Psychothérapie · 6 Mars 2023
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Les principes de la restructuration cognitive

Nos comportements sont-ils le reflet de nos pensées ?

Sans doute, mais alors nos pensées ne sont pas très claires et il est bien difficile de les comprendre soi-même. Ainsi, Pierre, Paul et Jacques, le célèbre trio, se réunissent trois fois par semaine dans le parc près de chez eux pour courir une petite heure.

Chacun est d’accord, il faut pratiquer un sport, car c’est bon pour la santé, cela permet d’éliminer les toxines, de muscler le cœur, de garder la forme.

Seulement, après la course du vendredi soir, ils dînent ensemble, toujours dans le même restaurant, n’hésitent pas à prendre un apéritif, commandent toujours une bonne bouteille de vin pour accompagner une viande et des frites noyées dans une sauce au gras.

Souvent, ils terminent avec un petit cognac et un de ces cigares que Paul aime tant. Il existe donc ainsi une contradiction totale entre les pensées et les comportements effectifs de nos trois acolytes éthyliques.

Dans un cas comme celui-ci, les motivations de santé ne sauraient être que des pensées de surface, et c’est sans doute à un autre niveau, plus profond, qu’il faut chercher la raison cognitive des comportements.

On comprendra alors, même s’ils ne sauraient les exprimer, et ne voudraient y croire, que les pensées qui poussent ces compagnons au sport sont plus du type « il faut bien que je les écrase » pour Pierre ; « je fais tout comme Pierre » pour Paul ; « pendant ce temps je ne suis pas avec ma femme et mes gosses » pour Jacques.

On dira que l’un assouvit ses besoins d’admiration, l’autre son assujettissement à son ami d’enfance, et le dernier répond par la fuite à une autre situation dont on ne considérera même pas de lien direct avec le sport.

Un même comportement n’a donc pas obligatoirement les mêmes causes, les mêmes motivations. L’analyse seule des comportements ne saurait donc suffire, il faut creuser un peu.

De même, si le comportement s’avère être un problème, tenter de le changer en lui-même peut paraître inutile puisque l’idée qui le motive lui survit. Le problème est aussi, bien souvent, que cette idée-cause n’est pas facilement accessible de manière explicite et facile, car éloignée du comportement effectif, non exprimé en mots ou parfois non acceptable.

C’est sur ce type de raisonnement que se construit la restructuration cognitive dont le but premier est de retrouver ces pensées qu’en cas de problèmes nous nommerons pensées dysfonctionnelles, afin de pouvoir les modifier.

Plusieurs techniques peuvent être utilisées pour atteindre ce but, ou plutôt pour atteindre une étape première dans la venue et dans l’importance : la prise de conscience par le patient lui-même de ses pensées dysfonctionnelles. Il est aussi souvent admis que ces pensées dysfonctionnelles, parfois nommées croyances automatiques, sont les pensées qui surgissent lors de transactions stressantes et qui par leur action et leur rigidité, empêchent la bonne résolution de ces transac­tions.

De nombreux types de pensées dysfonctionnelles ont été décrits, on parle par exemple de surgénéralisation pour celles du genre : « Ma tartine est tombée côté confiture, mais de toute façon il ne m’arrive que des problèmes » ; d’inférence arbitraire pour : « Elle a baisé les yeux en me croisant, c'est parce qu'elle est tellement folle de moi qu'elle ne supporte même plus un regard » ; d’effet boule de cristal pour : « Il faut bien que je paye un jour toutes ces mauvaises pensées que j'ai eues » ; l’exagération ou amplification pour : « J’ai mal à la main gauche, je vais sûrement mourir » ; etc. et parfois, la bêtise traditionnelle pour les pensées du genre « plus je bois, moins il pleut », « c'est un Christian, c’est normal qu’il soit ch… » ou encore : « Ce sont les petits vieux avec les petites voitures qui sont dangereux, mais pas les gars comme moi qui ont des bonnes bagnoles, qui savent rouler vite, et qui supportent plusieurs apéros sans broncher », mais pour cette dernière sorte de croyances rigides, la remise en cause est parfois trop difficile.

La rigidité des pensées et croyances étant en cause, on cherchera alors l’acquisition de logiques alternatives moins rigides, qui permettront à l’individu une meilleure adaptation, une plus grande possibilité de résolution des transactions stressantes de l’environnement.

À ce niveau, est quelquefois soulignée une polémique opposant d’un côté ceux qui pensent que les pensées dysfonctionnelles sont des croyances irrationnelles s’étant construites sur une mauvaise compré­hension de l’environnement, et ceux qui pensent que toute croyance a son origine dans la rationalité, mais que c’est l’utilisation d’une croyance dans un contexte différent de celui de son acquisition qui la rend inadaptée.

Toutefois, les tenants des deux camps s’accordant sur le fait que ces croyances restent handicapantes par leur rigidité, donc pour l’heure, nous ne développerons pas nécessairement une position plutôt qu’une autre, de peur d’acquérir effectivement une croyance rigide.

La restructuration cognitive, ainsi définie, peut s’appuyer sur diverses méthodes permettant de guider le patient vers cette découverte de lui-même. Mais avant de commencer cette découverte, nous nous sou­viendrons de manière impérieuse qu’en thérapie comportementale et cognitive, avant même d’arriver à envisager la moindre intervention thérapeutique, le patient aura connu les épreuves de l’analyse fonction­nelle, du diagnostic, de la mise en place du contrat thérapeutique.

La méthode spontanément associée à la restructuration cognitive est dite du « questionnement socratique ». Pour Socrate, que l’on imaginera assis sur une large pierre en haut d’une colline sous un olivier cente­naire, il s’agit, par une habile mise en évidence des contradictions dans la logique, de redresser les erreurs de jugement des disciples crédules et plein de pensées dysfonctionnelles qui l’entourent.

En thérapie, ce sera plus simplement sans doute, de semer le doute dans l’esprit du patient, l’amener à remettre en cause certaines de ses croyances.

Accessoire­ment, mais l’effet est intéressant, ce sera aussi décentrer sa pensée du problème engendrant l’émotion négative, pour l’inciter à se focaliser sur l’une des causes possibles de l’émotion.

Cause qui peut se gérer plus « froidement », dans la réflexion plutôt que dans l’émotion… il n’est cependant pas question ici de considérer que réellement existe une opposition entre l’émotion et la réflexion (voir Rusinek pour la théorie), il s’agit juste de défocaliser un patient des pensées qui engendrent nécessairement des émotions négatives chez lui, et de les remplacer par d’autres, non associées à de telles réactions.

Dans cette technique, pour le thérapeute, tout est question d’attitude. Sans pour autant tomber dans l’entretien thérapeutique humaniste où l’empathie, la non-directivité et le silence sont souverains, le thérapeute maintiendra dans ses interactions quelques principes.

Ainsi, l’empathie sera de mise comme la véritable curiosité, car elles sont de toute façon nécessaires pour que le patient n’ait pas l’impression de parler à une porte de prison. Il n’y aura aucune place dans le discours pour les jugements de valeur, pour les interprétations abusives, et le patient sera face à ses propres choix.

De même, le questionnement socratique ne sera jamais envisagé comme une forme de débat, comme une occasion d’apporter une quelconque vérité au patient, mais juste comme une manière de le pousser un peu plus loin dans sa propre réflexion, de lui ouvrir de nouvelles voies pour qu’il y trouve, de lui-même, ses propres alternatives.

C’est donc par une série de questions que l’on ne peut prévoir à l’avance puisque chacune n’est que le fruit de la réponse précédente du patient, que le thérapeute tente de faire émerger ces règles cognitives si difficiles à gérer. C’est en trouvant des alternatives à ses pensées et modes de jugements que le patient comprendra qu’il utilise des règles dysfonctionnelles.

Il est souvent admis que le principal avantage de cette technique est que le patient ne peut se braquer contre le thérapeute puisqu’il découvre de lui-même ses fonctionnements et qu’au départ, personne ne le juge, à part lui-même.

Si le questionnement socratique a ses avantages, il a aussi ses contraintes. Il est évident qu’il pourra parfois rendre les interactions thérapeutiques assez longues, voire ennuyeuses ou très énervantes pour le thérapeute qui devra se contraindre à garder un air détendu, son calme, et par-devers lui, des pensées du type : « Mais bon Dieu, il va bien finir par le dire qu’il voit tout de manière négative ! »

En réalité, la maîtrise d’une telle technique demande assez d’entraî­nement.

Il n’est pas rare de voir chez les thérapeutes moins expérimen­tés, une certaine volonté de piéger le patient, de le mettre coûte que coûte face à ses erreurs de logique, de s’ériger en maître à penser… un peu comme Socrate. Mais, si le thérapeute sait reconnaître dans le discours de son patient les règles dysfonctionnelles et leur mode de fonctionnement, il saura aussi se taire et attendre un moment opportun pour utiliser cette connaissance. Il saura aussi orienter ses questions pour qu’elles amènent des réponses simples qui ne sont qu’une petite étape supplémentaire au cheminement propre du patient, qui permette de cerner un peu plus le problème.

Il serait en effet dommageable pour le patient que les questions n’amènent aucune réponse, ou ne concernent pas un problème réel. Le thérapeute maîtrisera aussi les différentes formes de reformulations pour d’une part montrer au patient qu’il a bien compris les idées développées et d’autre part le faire sans risque d’y introduire un quelconque jugement.

L’art de la thérapie sera donc ici de savoir guider le raisonnement, par étapes successives de compréhension, du simple au compliqué, du concret à l’abstrait, du banal à l’intéressant.

On notera qu’il est aussi souvent question de la découverte guidée, parfois différenciée du questionnement socratique et parfois considérée comme une simple variante de ce dernier.

C’est un exercice un peu plus ardu dans le sens où le thérapeute doit faire preuve de beaucoup d’ima­gination et d’ingéniosité dans la progression de l’interaction. Le but est d’arriver plus rapidement aux règles dysfonctionnelles en déstabilisant le patient par des questions des plus banales et naïves.

Dans la même veine, on considérera aussi la technique de la flèche descendante, plus agressive que les dernières. Il s’agit d’aller toujours plus loin dans le raisonnement du patient, encore bien souvent par un questionnement, mais cette fois bien ciblé.

L’idée est d’acculer le patient, de l’obliger à exprimer clairement la règle dysfonctionnelle qu’il emploie et de lui faire ouvertement dire que cette règle est mauvaise. On touche ici obligatoirement très rapidement à la sphère émotionnelle et bien souvent, même si ce n’est pas toujours le cas, l’interaction ne peut rester tranquille, les réactions du patient sont parfois fortes, voire violentes, et le thérapeute n’est plus la personne la plus empathique du monde.

La restructuration cognitive peut aussi prendre le chemin d’autres méthodes tout en gardant comme buts la mise en évidence des pensées dysfonctionnelles et l’acquisition de pensées alternatives qui se consoli­deront avec le temps. Parmi ces méthodes, comme pour les précédentes, certaines sont fondées sur l’idée que les pensées dysfonctionnelles sont évidentes par leur action durant les interactions stressantes avec l’en­vironnement et donc apparaissent concomitantes à certaines émotions, alors que d’autres sont plus fondées sur la prise de conscience par la logique.

Parmi ces dernières, on comptera la prise d'information. Dans certains cas, comme l’association de pensées dysfonctionnelles avec quelque objet phobique par exemple, une connaissance plus importante sur l’objet peut amener le patient à se remettre facilement en cause et à doucement changer ses raisonnements.

Ainsi, pour un patient souffrant d’arachnophobie et persuadé que « rien que parce que vous les regardez de travers, il y a des araignées qui peuvent vous sauter à la gorge et vous injecter un venin instantanément mortel qui vous fait souffrir pendant des heures », une discussion avec un expert peut parfois remettre quelques idées en place. Il existe des règles dysfonctionnelles associées à certains comportements quasi pathologiques que la vérité bien donnée peut changer… Nous prierons pour que des règles regroupables sous des termes comme prétention, misogynie, phallocratie, racisme, etc. puissent ainsi être atteintes.

Malheureusement, cette prise d'information est bien souvent soit inutilisable, soit inefficace. Ainsi, dans le cas extrême comme celui de notre patient phobique des araignées, la prise de connaissances ne peut passer par la lecture d'un bon livre ou par le visionnage d'un bon film, puisque cela reviendrait à une exposition que le patient ne supporterait sûrement pas.

La discussion avec un expert tourne bien vite au désastre de l'attaque de panique. Pour d'autres cas, il n'est même pas envisa­geable de prendre de l'information, car elle aggraverait sans doute le trouble et enracinerait d'autres pensées. Il en irait ainsi pour une phobie de la contamination et une connaissance plus approfondie des microbes et virus.

De même un patient se dévalorisant sans cesse souffrirait les comparaisons avec les moyennes de la population pour peu qu'il soit effectivement en dessous de toutes ces moyennes. Il est aussi risqué pour une personne paranoïaque de suivre son conjoint ou de laisser des micros derrière elle… on ne sait jamais ce qu’elle découvrirait.

Enfin, la prise d'informations peut aussi être inefficace tout simplement parce que les règles dysfonctionnelles sont trop bien ancrées, trop rigides, et pour beaucoup, malheureusement, un stage dans un service de rescapés de la route ne sert qu'à deux choses : éviter de perdre des points sur le permis de conduire et confirmer l'idée qu'il faut une bonne voiture pour rouler vite.

Mais ici, il est aussi question d'un principe sur lequel nous reviendrons plus longuement et qui rend bien difficile toute intervention de restructuration : avant d'accepter l'épreuve de la remise en cause des règles dysfonctionnelles qu'elle utilise, toute personne aura tendance à les confirmer par n'importe quelle méthode, même se faire souffrir ou garder les yeux fermés.

Parmi les méthodes basées sur la concomitance entre une émotion et une règle dysfonctionnelles, on en comptera de nombreuses dérivées des « colonnes de Beck ». Il s’agit, par quelque moyen que ce soit, de permettre la prise de conscience de cette concomitance qui de manière purement logique débouchera sur ce constat : « Si lorsque je pense telle chose j'ai une émotion négative, alors il me faut travailler sur cette pensée pour modifier l'émotion et ainsi me sentir mieux. »

Il est évident que la pensée n'est pas obligatoirement primaire à l'émotion négative que le patient ne veut plus ressentir, tout comme l'émotion n'est pas obligatoirement la cause de la pensée. En fait, il est aussi nécessaire, pour l’utilisation d’un tel principe thérapeutique de réaliser une analyse fonctionnelle précise avec le patient afin justement de préciser ce qui est primaire, pour un problème donné, dans le cycle > Émotion > Comporte­ment > Cognition > Émotion > Comportement > etc.

L’intérêt pour la restructuration cognitive sera, justement, de faire ressortir le primaire de certaines règles cognitives et de les identifier comme dysfonction­nelles et changeables.

L’exercice des colonnes le permet assez facile­ment. Il peut s’agir, par exemple, d’un relevé journalier de toutes les situations stressantes avec, lorsque cela est possible, explicités dans plu­sieurs colonnes, l’événement, l’émotion associée, les pensées avant, les pensées après, les comportements associés, les sensations physiques… avec des précisions du type intensité de l’émotion, tonalité, etc.

Les pensées sont alors plus directement extraites et isolées de même que leur association avec les émotions négatives redoutées. Les patients peuvent alors prendre conscience des effets des règles dysfonctionnelles, mais aussi trouver des alternatives par un simple questionnement : « Que pense quelqu’un qui vit bien cet événement ? » ou : « Qu’aurais-je dû penser pour ne pas en souffrir ? »

Ainsi quelqu’un pourrait se rendre compte par ce relevé journalier qu’il souffre souvent de ses interactions avec les femmes, parce que toujours il se fixe sur un petit indice qu’il interprète d’une manière négative sur un type exagération ou inférence arbitraire, qui en conclusion conduit toujours à une dévalorisation : « Elle m’a juste fait remarquer que je me suis fait couper les cheveux, elle ne m’a pas dit que cela me sied à merveille, c’est parce qu’elle me trouve laid… » ; « Quand elle dit que je ne suis pas très grand, c’est bien pour dire que suis trop petit pour elle… »

Cette étape d’identification des règles dysfonctionnelles sera logique­ment suivie par une recherche d’alternatives, largement accompagnée par le thérapeute qui évitera les dérives. Il pourra s’appuyer sur d’autres techniques telles la décentration de personne (« qu’auriez-vous pensé si ce n’était pas elle ? » ; « qu’est-ce Tom Cruise aurait pensé à votre place ? ») ; la décentration de temps (« quelle importance dans dix ans ? » ; « que pensiez vous dans une telle situation il y a dix ans ? ») ; la décentration de lieu/situation (« et si cela s’était passé chez vous ? » ; « et si vous n’aviez pas été seul à ce moment ? »). La suite touche bien entendu à l’élaboration d’alternatives réalistes et à l’acquisition d’une habitude pour le patient : utiliser ces alternatives.

Le travail de restructuration peut aussi bien souvent se centrer sur les « je dois » et les « il faut » que le patient utilise comme règles impli­cites à son comportement. Ainsi, lorsque nous traitons des problèmes familiaux, il est courant d’entendre énoncer des idées somme toute assez simplistes telles que « il ne faut pas prendre de fromage après le dessert », « je dois être le bon exemple pour mes enfants » ; idées fondées sur des principes d'un monde parfait pour le patient que les personnes de son environnement ne peuvent suivre au pied de la lettre.

Le patient se représente en fait un monde virtuel dont lui-même ne peut respecter les contraintes trop coûteuses en termes d'investissement. La restructuration a ici pour volonté d'assouplir les modes de pensées par une confrontation de ce monde virtuel avec le monde réel. Le thérapeute pourra sans effort poser clairement les quelques questions qui mettront le patient face à ses propres contradictions :

« - Pourquoi ne doit-on pas manger de fromage après le dessert ?
- Parce que sinon, tout se mélange dans l’estomac !
- Mais tout se mélange dans l’estomac…
- Mais c’est aussi pour que les enfants comprennent le sens du goût et prennent des bonnes habitudes.
- Mais lorsque des desserts sont à base de fromage ?
- Oui, mais là c’est un cas particulier…
- Et pour les trous Normands ?
- Mais c’est pareil…
- Est-ce vraiment important, d’autant plus que le fromage c’est bon pour la santé, et puis chacun ses goûts ?
- Non, ce n’est pas important, mais il faut bien que je leur apprenne les choses comme elles doivent être, sinon, ils ne sauront jamais, et puis c’est mon rôle de père… »

L’important ici ne sera pas de continuer une discussion sur le bon ordre des mets, mais de bien expliquer que si chacun a ses propres prin­cipes et entend que ceux-ci soient respectés dans une certaine mesure, ce sont ces principes parfois incompréhensibles pour les autres qui sont vecteurs de situations tendues, de mal-être, de stress. Le monde de principes de chacun est un monde virtuel car individuel.

Ce monde est rempli de « il faut » et de « je dois » qui se basent sur une représentation d’une loi quasi divine… Il est d’ailleurs à remarquer que ceux d’entre nous qui tentent le plus d'imposer leurs principes sont ceux aussi qui se compliquent la vie en se référant sans cesse à la véritable loi : « C’est normal que je m’énerve, même s’il ne s’est rien passé, il a coulé son stop, et on n'a pas le droit de couler un stop, il faut marquer un temps d'arrêt. »

Le problème est trop souvent de confondre une loi des hommes faite pour la société et une règle individuelle dont le but est incertain, car le fait même d'avoir tous ses enfants qui se refusent à manger du fromage après le dessert ne présage pas d’une situation meilleure en termes d’émotions et de qualité de vie.

Ces dernières techniques permettent d’évoquer clairement un risque que tout thérapeute connaît en restructuration cognitive, celui de servir de modèle au patient. Il est très simple de donner l’illusion au patient que le thérapeute, détenteur d’une vérité, est un exemple à suivre.

Or il n’est jamais conseillé d’être un tel exemple qui d’office exclue de la relation thérapeutique puisqu’il n’est plus question alors que d’une relation de conseil… au mieux. Ainsi, s’il est utile de passer par l’utili­sation d’exemples, ces exemples seront à dénicher ailleurs, mais nous y reviendrons amplement.

Il semble que le patient en plus de prendre conscience des problèmes que causent les règles dysfonctionnelles qu’il utilise dans ses interpréta­tions de l’environnement, doit aussi prendre conscience du fait qu’elles sont dysfonctionnelles dans sa seule situation, et parce qu’il les utilise de manière rigide.

Les règles utilisées ne sont pas intrinsèquement fausses, elles sont juste inadaptées aux moments et aux lieux, elles provoquent ainsi des interprétations qui elles peuvent être erronées et qui entraînent des souffrances. Penser que quelqu’un ne vous aime pas parce qu’il ne vous dit pas bonjour n’est pas en soi stupide.

Par contre, le penser tout le temps en oubliant qu’il peut arriver à ce quelqu’un d’être pris dans ses rêveries ou le penser lorsque ce quelqu’un est un total inconnu croisé dans la rue devient très vite handicapant.

Au niveau théorique, l’idée de cette restructuration cognitive, repose sur la notion de schémas que Aaron Beck développa pour la psycho­pathologie cognitive dès les années 1970. Les schémas seraient des structures en mémoire, se construisant au fil du temps par le vécu de certains événements.

Des structures qui contiennent beaucoup de choses comme des informations sur le monde ou des règles pour interpréter le monde. Certains schémas dits pathologiques ou dysfonctionnels ou mal adaptés contiennent de ces règles d’interprétation dont l’application, la plupart du temps entraîne une mécompréhension, des erreurs, qui dans les relations sociales pourront faire naître des souffrances.

Le travail de restructuration est donc d’atteindre patiemment ce niveau profond de la construction cognitive pour en changer les règles. C’est donc, presque d’emblée, un travail fastidieux. Fastidieux d’abord parce qu’il prend du temps, que c’est un long cheminement qui mène aux règles sché­matiques et plus encore à leur assouplissement ou plus radicalement leur remplacement. Fastidieux encore, parce qu’il est supposé que les schémas, une fois installés, ont pour eux de traiter l’information par le filtre de leurs propres règles, donc automatiquement de la rendre congruente au reste des informations qu’ils contiennent.

Ainsi, si un schéma peut expliquer la paranoïa, il faut croire que la personne qui l’utilise interprétera tout comme une menace en pensant des choses du type : « Il faut toujours se méfier des autres, et ce type en costard me veut sûrement du mal », et même face à de mauvaises prédictions, il s’en sortira par : « D’accord, le type en costard a été sympa avec moi cette fois-ci, mais c’est seulement pour m’amadouer, pour m’enfoncer encore plus la prochaine fois. »

Les règles se confirment ainsi, l’information est traitée de manière congruente au schéma, la souffrance augmente, comme la paranoïa. Le problème est parfois que le type en costard n’est autre que le psy qui tente la restructuration cognitive depuis plusieurs séances… et qui n’avance pas.

Il existe à ces problèmes de temps et de complexité de la restructu­ration, des alternatives de traitement qui se focalisent directement sur les schémas. Young, comme nous le verrons, propose des modes de restructuration plus rapides par l’intermédiaire d’une mesure directe des schémas utilisant des questionnaires.

Il est question alors de thérapie centrée schémas. Il est aussi possible d’orienter le travail thérapeutique de restructuration vers une prise de conscience rapide des schémas et de leur action sur les modes de raisonnement et d’interprétation du monde.

C’est ce que nous nommeront les thérapies orientées schémas que nous allons détailler après un exposé théorique nécessaire pour trois raisons :

pour bien appréhender son traitement, le patient doit en comprendre le fondement, il est donc quasiment obligatoire de l’informer sur la théorie liée aux schémas ;

pour comprendre ce qu’il fait en thérapie orientée schémas, le théra­peute doit en saisir les bases théoriques ;

pour briller en société, l’auteur de cet ouvrage a besoin de montrer qu’il manipule des concepts… conceptuels.

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Source : Soigner les schémas de pensée - Dunod





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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

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