Humilité de la connaissance
Humilité de la connaissanceLa véritable connaissance consiste à s’effacer devant l’objet. Ce sont ceux qui sont le mieux capables de s’effacer qui reçoivent du dehors et du dedans les touches les plus nombreuses et les plus délicates. Le respect de l’expérience externe et interne exprime une parfaite modestie à l’égard de l’univers et une parfaite piété à l’égard de Dieu.Beaucoup d’hommes éprouvent un plaisir malicieux à découvrir les secrets de la nature et un plaisir conquérant à la dominer en la soumettant à leurs desseins : mais on ressent une joie plus sereine et plus lumineuse en se contentant de la percevoir.On ne juge des choses avec rectitude que si on renonce à cette souveraineté que le moi s’arroge trop souvent sur elles ; alors, dans le miroir uni et clair de l’intelligence, on devient apte à recevoir leur forme pure.La véritable connaissance n’est pas une exaltation de l’amour-propre qui cherche à régner sur le monde afin de l’asservir, mais une abdication de l'amour-propre qui s’incline devant lui avec admiration et docilité ; elle est suffisante quand elle nous permet de reconnaître en lui notre place, et d’y remplir notre rôle avec simplicité et discrétion.Il faut que l’homme ne refuse aucune des connaissances qui s’offrent à lui par rencontre ou par vocation. Il faut qu’il n’en recherche aucune. La plupart des connaissances nous sont aussi extérieures que les biens matériels ; elles sont inutiles et enflent l’esprit, au lieu de l’éclairer.Le nombre des connaissances qui suffisent à produire la sagesse est très petit ; et ce sont des connaissances très simples accompagnées d’une évidence à la fois très profonde et très douce. Mais ce sont elles que l’on est porté à oublier ou à mépriser au profit de certaines connaissances curieuses et lointaines, qui sont sans rapport avec notre vie et dont on pense qu’elles doivent étonner autrui et nous donner du renom.C’est que l’amour-propre prend moins d’intérêt à la connaissance elle-même qu’à l’orgueil qu’il en peut tirer ; il la rabaisse s’il croit trouver dans ce mépris le moindre avantage ; il se plaît à tourner en dérision tous ceux qui se laissent vaincre trop vite ; il pense souvent se relever en inventant des raisons subtiles de douter des vérités les mieux établies.Mais la connaissance est une communion avec le réel et non une défaite ni une victoire : c’est une confrontation de l’univers et de moi ; l’univers se regarde en moi comme je me regarde en lui. Et quand ces deux regards se croisent, une lumière jaillit que le moindre mouvement de l’amour-propre suffit à ternir.___Source : Louis Lavelle - La conscience de soi.
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