Clinique des états dépressifs

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Clinique des états dépressifs

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Psychopathologie · 21 Février 2023
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Clinique des états dépressifs

Les états dépressifs représentent une pathologie fréquente avec une prévalence de 5 % en population générale mais aussi un trouble récidivant : 50 % des patients récidivent dans les 2 ans et 75 % à plus long terme. Les récurrences augmentent le risque suicidaire, accroissent la vulnérabilité dépressive et réduisent la qualité de la réponse thérapeutique ; 20 % des patients souffrent de dépression chronique. La multiplicité des expressions cliniques comporte des formes atypiques ou trompeuses et la diversité symptomatique qui varie en fonction de l'âge rend le diagnostic parfois délicat. Les troubles dépressifs sont au troisième rang des maladies handicapantes ; ils constituent une préoccupation majeure de santé publique.

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Plan de l'article :

Introduction

Historique de la classification des troubles dépressifs
- Dichotomie endogène-exogène
- Dépression unipolaire et dépression bipolaire

Classifications internationales
- Classification de l'Association américaine de psychiatrie : Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders (DSM IV-TR)
- Classification de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) : classification internationale des maladies (CIM) 10 ou ICD (10e édition, 1992)

Critères diagnostiques de dépression
- Critères du DSM IV-TR (2000)

Données épidémiologiques
- Morbidité dépressive
- Morbidité et mortalité suicidaire
- Données démographiques

Syndrome dépressif typique
- Humeur dépressive
- Troubles cognitifs
- Troubles conatifs
- Ralentissement psychomoteur
- Signes somatiques

Évolution
- Évolution de l'épisode dépressif aigu
- Évolution à distance

Formes cliniques
- Formes évolutives
- Formes selon l'intensité
- Formes symptomatiques
- Dépression en fonction de l'âge
- Dépressions de la périnatalité

Dépression et cultures

Tristesse normale et pathologique

Dépression et comorbidité
- Dépression et personnalité
- Dépression et troubles anxieux
- Dépression et stress
- Dépression et troubles des conduites alimentaires
- Dépression et schizophrénies
- Dépression et maladie organique
- Médicaments dépressogènes
- Dépression et alcoolisme

Évaluation psychométrique
- Échelles d'hétéroévaluation
- Instruments d'autoévaluation

Conclusion

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Introduction

Les états dépressifs sont classés dans le chapitre des troubles de l'humeur. L'humeur est une disposition affective de base « qui donne à chacun de nos états d'âme une tonalité agréable ou désagréable oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur », selon Delay [1].

Chaque individu a un niveau de base de l'humeur qui varie dans le sens du plaisir ou du déplaisir en fonction des sollicitations de l'environnement ou de ses représentations personnelles ; cependant, il reste relative­ment maître de ses expériences émotionnelles successives. En revanche, chez le déprimé, l'humeur est non seulement affais­sée, déprimée, mais elle n'est plus contrôlable. Elle envahit le vécu du sujet qui ne peut s'en départir, même en changeant d'univers relationnel ou d'activité.

Le diagnostic de dépression est facile dans les formes typi­ques ; cependant, il existe de nombreuses formes cliniques tant symptomatiques qu'évolutives dont certaines sont trompeuses, mettant davantage le pronostic vital immédiat en jeu en fonction du degré du potentiel suicidaire.

Le pronostic à moyen terme est dominé par les rechutes et le pronostic à long terme est tributaire de la fréquence des récidives et de l'évolution vers l'unipolarité ou la bipolarité.

Le concept de dépression évolue en fonction des recherches. Le champ des troubles de l'humeur s'étend au détriment de certains troubles psychotiques et de la personnalité dépressive qui tendent à être considérés comme des dysrégulations thymiques, position discutée.

La dépression est un trouble complexe, fréquent, récidivant, qui mérite une connaissance subtile de ces différentes expres­sions cliniques pour aménager un traitement précoce afin de prévenir un handicap social important qui se situe au troisième rang des maladies invalidantes.

Historique de la classification des troubles dépressifs

Dichotomie endogène-exogène

Longtemps utilisée, la dichotomie endogène-psychogène s'inspirait de la classification de Kraepelin [2]. Elle distingue cinq formes cliniques :

• la psychose maniacodépressive ou dépression endogène ;
• la dépression névrotique ou dépression exogène ;
• la dépression d'involution ;
• la dépression symptomatique d'une autre affection ;
• la personnalité dépressive.

Dans l'opposition endogène-exogène, la mélancolie de la psychose maniacodépressive est la dépression de référence. Elle est caractérisée par une dépression endogène, d'origine constitu­tionnelle dont l'évolution est autonome avec des récurrences spécifiques marquées par des signes d'endogénéité : ralentisse­ment psychomoteur, idées de culpabilité, amaigrissement, signes végétatifs, peu ou pas de réactivité à l'environnement.

La dépression exogène est caractérisée par l'absence de critère d'endogénéité, sa survenue est réactionnelle à des facteurs d'environnement qui modulent l'humeur dépressive, conférant un caractère « relationnel » aux plaintes du déprimé. Si l'amé­lioration est possible dans le temps, l'humeur dépressive varie aussi avec les contingences environnementales mais en défini­tive demeure.

La dépression exogène ou psychogène est distin­guée en deux formes, la dépression réactionnelle à un événement extérieur déclenchant, et la dépression névrotique liée à des conflits internes ou à un dysfonctionnement de la personnalité. La difficulté de cette distinction obligeait à utiliser, dans de nombreux cas, le diagnostic de dépression névroticoréactionnelle.

Cette dichotomie, trop simple au regard de la complexité et de l'hétérogénéité clinique et étiologique des états dépressifs, fut mise en doute de longue date et infirmée par des études systématiques et des analyses statistiques qui rejettent cette dichotomie en l'absence de distribution bimodale des dépres­sions.

En effet, si ces études retrouvent un profil symptomatique caractéristique de la dépression endogène, elles ne mettent pas en évidence de facteurs névroticoréactionnels distincts dans la dépression psychogène.

Ainsi, dans la dépression endogène où les facteurs biologiques prévalent, les facteurs d'environnement et de personnalité interviennent également pour favoriser leur survenue ou prolonger l'évolution de l'état dépressif.

Cette dichotomie fut donc rejetée au profit d'une conception nosologique unitaire des troubles dépressifs avec continuité possible entre unipolarité et bipolarité, envisagée par Perris en 1973 [3].

Toutefois, la notion de dépression réactionnelle ou névrotique reste utilisée en pratique. Elle s'inscrit dans une conception d'une étiologie multifactorielle de la dépression. Elle est utilisée pour préciser le facteur déclenchant prévalent et non exclusif.

En effet, ce qui détermine la survenue d'une dépression, ce n'est pas seulement l'événement mais aussi son impact subjectif (aspect cognitif) et son écho qui prend sens pour le patient (aspect psychodynamique).

Enfin, les capacités d'adaptation sont liées aussi au tempérament et son éventuelle vulnérabilité biologique ainsi qu'aux caractéristiques de la personnalité.

Ce sont ces différents registres de connaissance qu'il s'agit d'appré­hender pour comprendre et traiter la dépression en fonction de la singularité de chaque patient.

Dépression unipolaire et dépression bipolaire

Existence d'accès maniaque ou mixte

La distinction dépression unipolaire et dépression bipolaire dans la classification des dépressions s'appuie sur la sémiologie dont l'élément fondamental est l'existence d'un accès mania­que, hypomaniaque ou mixte qui signe la bipolarité. Il peut survenir lors d'un premier épisode du trouble bipolaire mais apparaît, le plus souvent, dans l'évolution d'une dépression jusque-là reconnue comme unipolaire. Cette distinction est confortée par l'épidémiologie, la dimension génétique, et la réponse à la thérapeutique.

Dans la dépression unipolaire, la prévalence, en population générale, est de 5 %, le sex-ratio est de deux femmes pour un homme, les épisodes dépressifs sont moins aigus, moins préco­ces, moins fréquents, sans dimension familiale tangible et sans signe d'endogénéité. La prévention par les antidépresseurs est proposée.

Dans la dépression du trouble bipolaire, la prévalence en population générale est de 1 %, le sex-ratio est égal à 1, les accès dépressifs sont plus aigus, plus précoces, plus fréquents, avec des signes d'endogénéité le plus souvent présents. La dimension génétique implique un risque de morbidité statistique en fonction de la parenté.

Il est de l'ordre de 10 % pour les parents de 1er degré d'un patient souffrant d'un trouble bipolaire I.

La distinction unipolaire et bipolaire a donc un intérêt pronostique et thérapeutique. Le traitement curatif des épisodes dépressifs aigus est identique dans les deux modalités de dépression ; en revanche, la prévention des récurrences est différente. Si les antidépresseurs sont proposés dans les dépres­sions unipolaires, ce sont les normothymiques qui sont indi­quées dans la dépression du trouble bipolaire.

Soulignons que les antidépresseurs prescrits de façon intempestive dans le trouble bipolaire augmentent le risque de récurrence maniaque : la bipolarité est donc à rechercher devant toute dépression.

Recherche d'hypomanie

Si, dans la bipolarité de type I, le diagnostic est facile puisque les accès dépressifs et maniaques sont francs, il n'en est pas de même dans les troubles bipolaires où des accès d'hypomanie discrets sont souvent méconnus.

La recherche d'hypomanie discrète s'impose devant un patient souffrant d'épisodes dépressifs majeurs, caractérisés : l'entretien doit s'efforcer de retrouver des éléments hypomaniaques, en particulier une légère euphorie transitoire, une discrète subagitation, des dépenses inconsidérées, des sorties plus fréquentes, une familiarité excessive, tout signe transitoire que le patient n'exprime pas spontanément mais qui oriente vers une bipolarité.

Cette éventualité d'une maladie bipolaire est grandement confortée s'il existe, parmi les collatéraux ou les ascendants, un membre de la famille souffrant d'une maladie maniaco­dépressive.

Éventualité d'un trouble cyclothymique

Il faut s'enquérir de l'éventuelle existence d'un trouble cyclothymique ; ce trouble est caractérisé par des mouvements d'humeur de faible amplitude, dans le sens de l'hypomanie ou de la dépression.

Souvent considéré comme un trait de person­nalité, il mérite l'attention. Le malade reconnaît rarement ce comportement qui est le plus souvent rapporté par les proches qui signalent, à juste titre, cette variation d'humeur. Si elle est considérée comme étant un subsyndrome maniacodépressif, dès lors d'éventuelles survenues d'un état dépressif majeur sont intégrées dans une maladie maniacodépressive.

Si cette inter­prétation reste controversée, il n'en est pas moins vrai que la cyclothymie évoque une potentialité maniacodépressive.

Classifications internationales

Classification de l'Association américaine de psychiatrie : Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders (DSM IV-TR) [4]

Troubles unipolaires

On distingue :

• le trouble dépressif majeur constitué d'un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs, c'est-à-dire caractérisés. L'intensité légère, moyenne ou sévère est notée de façon globale indépendam­ment du nombre de critères présents. L'épisode dépressif majeur s'intègre dans un trouble bipolaire lors de la survenue d'un premier épisode maniaque ou hypomaniaque ;

• le trouble dysthymique, caractérisé par une humeur dépressive présente la majeure partie du temps, au moins pendant 2 ans, représentant une dépression chronique dont les symptômes ne répondent pas aux critères dépressifs majeurs ;

• le trouble dépressif non spécifié, retenu afin de pouvoir coder les troubles d'allure dépressive qui n'entrent pas dans les catégo­ries précédemment décrites ;

• les troubles de l'adaptation avec humeur dépressive ou humeur mixte anxieuse et dépressive sont classés dans le chapitre des troubles de l'adaptation.

Troubles bipolaires

On distingue :

• le trouble bipolaire I constitué d'un ou plusieurs épisodes maniaques ou mixtes, le plus souvent accompagné d'épisodes dépressifs majeurs ;

• le trouble bipolaire II constitué d'un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs, accompagnés au moins par un épisode hypomaniaque ;

• le trouble bipolaire III (diagnostiqué dans le DSM IV-TR comme un trouble maniaque induit) qui correspond à des épisodes dépressifs majeurs d'allure mélancolique avec des manies pharmaco-induites ;

• le trouble cyclothymique dont la durée est d'au moins 2 ans. Il est constitué par de nombreux épisodes d'hypomanie, ne satisfaisant pas au critère d'épisode maniaque et d'épisodes dépressifs qui ne remplissent pas les critères d'épisode dépressif majeur ;

• le trouble bipolaire non spécifié, retenu afin de pouvoir coder les troubles avec des caractéristiques bipolaires précédemment décrits.

Formes cliniques expérimentales

À ces différentes formes cliniques décrites, le manuel du DSM IV-TR propose en outre des catégories diagnostiques « à l'essai » qui doivent être validées par les travaux de recherche en cours :

• le trouble dépressif postpsychotique de la schizophrénie ;

• le trouble dysphorique prémenstruel ;

• le trouble dysthymique : amélioration de sa définition ;

• le trouble dépressif mineur : deux symptômes dépressifs présents pendant au moins 2 semaines, nombre insuffisant pour répondre à un épisode dépressif majeur ;

• le trouble dépressif bref récurrent ;

• le trouble mixte anxiété-dépression déjà isolé dans la CIM
10 ;

• la personnalité dépressive : autocritique, tendance à la rumination, vision négative de soi et d'autrui, tendance à la culpabilité et aux remords.


Classification de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) : classification internationale des maladies (CIM) 10 ou ICD (10e édition, 1992) [5]

Elle ajoute le trouble dépressif récurrent et le trouble anxieux et dépressif mixte.

Elle distingue les mêmes autres catégories en précisant le degré d'intensité, la présence en fonction du nombre de critères présents. Elle précise la présence ou non de troubles psychoti­ques associés congruents ou non à l'humeur. Elle note l'exis­tence éventuelle d'un syndrome somatique « mélancolique » ou « biologique ».

Critères diagnostiques de dépression

Les critères les plus connus pour les états dépressifs ont été établis par Feighner (1972) [6] et Spitzer (1978) [7]. Ces critères ont servi à l'élaboration du DSM III (1980) et des manuels suivants sous la responsabilité de Spitzer (Université de Colum­bia, New York) en collaboration avec l'Association américaine de psychiatrie.

Chaque trouble ou catégorie est défini par un regroupement caractéristique de critères descriptifs, symptomatiques, permet­tant aux cliniciens et aux chercheurs de comparer des groupes homogènes de patients.

Toutefois, ces regroupements excluent un nombre important de sujets non classables.

Critères du DSM IV-TR (2000)

Critères diagnostiques de l'épisode dépressif majeur

Rappelons que l'épisode dépressif majeur correspond à une symptomatologie complète, caractérisée, mais n'implique pas une notion d'intensité. On peut donc avoir une dépression majeure d'intensité mineure.

L'épisode dépressif majeur comprend, depuis au moins 2 semaines :

• un changement par rapport au fonctionnement antérieur du patient et une souffrance significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel, ou dans d'autres registres importants ;

• l'absence de cause telle qu'une affection médicale, la prise d'une substance ou un deuil ;

• la présence de cinq critères parmi les neuf critères suivants, dont l'un doit être, soit une humeur dépressive, soit une diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir :

1. humeur dépressive ;
2. diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir ;
3. perte ou gain de poids significatif ;
4. insomnie ou hypersomnie ;
5. agitation ou ralentissement psychomoteur ;
6. fatigue ou perte d'énergie ;
7. sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ;
8. diminution de la capacité à penser ou à se concentrer.
9. pensée récurrente de mort.

Chez l'enfant et l'adolescent, il faut prendre en compte l'éventualité d'une irritabilité à la place d'une humeur dépres­sive et chez l'enfant l'absence de l'augmentation de la courbe de poids.

Le diagnostic d'épisode dépressif majeur doit préciser, s'il est isolé (F32X dans le DSM) (296.2x : CIM 10) ou récurrent (F33x dans le DSM) (296.3x : CIM 10) (au moins deux épisodes dépressifs majeurs) en spécifiant :

• la sévérité : léger, moyen sévère ;

• s'il est sévère, l'est-il sans ou avec caractéristiques psychoti­ques ? (idées délirantes, hallucinations) ;

• une congruence à l'humeur des caractéristiques psychotiques ou l'absence de congruence à l'humeur ;

• le niveau de rémission : partielle, complète ;

• la chronicité (présence de l'épisode dépressif majeur pendant au moins 2 ans) ;

• la présence de caractéristiques :

- catatoniques : deux des cinq éléments suivants sont pré­sents : figement moteur, activité motrice excessive sans but, négativisme extrême, mutisme, mouvements volontaires bizarres (maintien de posture), stéréotypes, maniérisme ou mimique grimaçante, écholalie ou échopraxie ;

- mélancoliques : un des éléments suivants est ou a été présent : perte de plaisir pour toutes ou presque toutes les activités ; absence de réactivité aux stimuli habituellement agréables, ainsi que la présence d'au moins trois des éléments suivants : humeur dépressive différente de celle d'un deuil ; dépression plus marquée le matin ; réveil matinal précoce ; agitation ou ralentissement moteur marqué ; anorexie ou perte de poids significative ; culpabi­lité excessive ou inappropriée ;

- atypiques : réactivité de l'humeur à l'environnement, ainsi que deux des éléments suivants : prise de poids ou appétit accru ; hypersomnie, lourdeur des membres de « plomb » : sensibilité ou rejet dans les relations ;

- début lors du post-partum.

Critères diagnostiques du trouble dysthymique

Le trouble dysthymique (F34.1 dans le DSM) (300.4 : CIM 10) implique l'existence d'une humeur dépressive présente quasi­ment toute la journée, plus de 1 jour sur 2 pendant au moins 2 ans, signalée par le sujet ou par des tiers.

Chez l'enfant et l'adolescent, l'humeur dépressive peut être remplacée par une irritabilité dont la durée doit être d'au moins 1 an.

Lors des périodes dépressives, le sujet présente au moins deux des symptômes suivants :

• perte d'appétit ou hyperphagie ;

• insomnie ou hypersomnie ;

• diminution d'énergie ou fatigue ;

• estime de soi défaillante ;

• difficultés de concentration ou lors de prise de décision ;

• sentiment de perte d'espoir.

Les critères présents entraînent une souffrance clinique significative ou une perturbation du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres registres importants.

Pendant la durée minimale de 2 ans du trouble dysthymique, le patient n'a pas eu d'intervalle libre de plus de 2 mois consécutifs, sans présenter d'humeur dépressive ou de symptô­mes associés (1 an pour les adolescents).

Il n'a pas présenté d'épisode dépressif majeur ou de troubles dépressifs majeurs en rémission partielle. Cependant après 2 années de trouble dysthymique, des épisodes dépressifs majeurs peuvent se surajouter et impliquent de formuler alors deux diagnostics (1 an pour les enfants et les adolescents).

Le patient n'a jamais présenté d'épisode maniaque, mixte ou hypomaniaque et n'a jamais présenté de critères du trouble cyclothymique, de trouble psychotique chronique, d'affection médicale générale, telle l'hypothyroïdie, pouvant expliquer le diagnostic.

Trouble dépressif non spécifié

Le trouble dépressif non spécifié (F32.9 ou F33.9 dans le DSM) (311 dans la CIM 10) comprend les troubles qui ont des caractéristiques dépressives qui ne satisfont pas aux critères d'un trouble dépressif majeur, d'un trouble dysthymique, d'un trouble de l'adaptation, soit avec une humeur dépressive, soit avec une anxiété et une humeur dépressive.

Données épidémiologiques

Morbidité dépressive

La morbidité ou prévalence ponctuelle de la dépression unipolaire en population générale est de 5 %, ce qui représente pour la France 3 millions de dépressifs. Le nouvel examen récent des grandes études nord-américaines effectuées en population générale, notamment l'étude ECA [8], précise que la prévalence à 1 an, pour les troubles de l'humeur, épisode dépressif majeur, dysthymie, trouble bipolaire, est de 5,1 % et non de 9,5 % notés dans les résultats précédents [9].

L'incidence vie entière est de 15 % constituant le risque dépressif pendant la vie d'une personne.

Les femmes sont 2 fois plus atteintes que les hommes de dépression franche, c'est-à-dire d'épisodes dépressifs majeurs ou caractérisés.

La dépression unipolaire est un trouble fréquent et récidivant.

Dans les 2 ans suivant une première dépression, 50 % environ des patients récidivent et 75 % des patients ont des récurrences à plus ou moins long terme.

Vingt pour cent des dépressions évoluent vers la dysthymie, c'est-à-dire une dépression d'intensité mineure, dont la durée dépassant 2 ans, entraîne un handicap social. La dysthymie a une prévalence en population générale de l'ordre de 3 % avec un ratio qui augmente en défaveur de la femme puisque la proportion (ou le ratio) atteint 2,5 à 3 femmes pour 1 homme au-delà de 60 ans [10-12].

La morbidité de la dépression du trouble bipolaire est de l'ordre de 1 % dans la population générale.

Le sex-ratio est égal à 1, la parité entre femme et homme est retrouvée quels que soient le contexte culturel et le statut socioéconomique.

Morbidité et mortalité suicidaire

Si le suicide constitue le risque majeur vital des états dépres­sifs, il existe également un risque vital somatique, bien moindre cependant, dans les dépressions sévères, telle la mélancolie stuporeuse qui nécessite un traitement urgent.

Les études relèvent de 120 000 à 150 000 tentatives de suicide annuelles en France dont 30 % sont liées à un état dépressif et 12 000 suicides dont 50 à 80 % sont accomplis par des patients dépressifs.

Les femmes font 2 fois plus de tentatives que les hommes. Les hommes se suicident 2 fois plus que les femmes.
Le suicide est la cause la plus fréquente de décès chez les jeunes entre 15 et 34 ans. Les patients déprimés ont un risque suicidaire multiplié par 30 par rapport à la population générale.

Le suivi des patients qui souffrent de dépression sévère précise que 15 % décèdent par suicide et 10 % des suicides sont accomplis par des patients atteints de maladie maniacodépres­sive (trouble bipolaire). Le suivi des patients dépressifs et des suicidants, quelle que soit l'origine du passage à l'acte, s'inscrit dans une démarche de santé publique [13].

La prévention du suicide passe, entre autres approches, par l'évaluation des facteurs de risque, notamment la sévérité de la dépression et le degré du potentiel suicidaire, les éléments personnels et environnementaux dépressogènes et les facteurs de risque généraux qui sont plus élevés chez les hommes, les adultes jeunes, les célibataires, les personnes isolées, l'existence d'antécédents de tentatives de suicide personnelles ou familia­les, les premières années des épisodes dépressifs et la prise de toxiques, notamment d'alcool [14].

Les sujets dépressifs consultent en médecine 3 fois plus que les sujets non dépressifs, ce qui devrait être mis à profit pour des dépistages précoces dont le taux augmente lorsque les praticiens ont suivi une formation spécifique.

La qualité de vie des patients déprimés est inférieure, en excluant les maladies cardiovasculaires, à celle des autres maladies somatiques.

Données démographiques

L'influence de l'âge est retrouvée dans les tranches d'âge les plus touchées par un épisode dépressif majeur, c'est-à-dire chez le sujet jeune et chez l'adulte d'âge moyen (18-44 ans) en remarquant que la femme est davantage atteinte (4 %) que l'homme (2,3 %). Il en est de même pour la tranche d'âge 45-65 ans : femme 4,8 %, homme 1,9 %. Au-delà de 65 ans, l'écart est également noté chez la femme, 2,3 %, et chez l'homme, 1 %.

La prévalence des dysthymies s'élève de 18 à 64 ans chez la femme ; les épisodes dépressifs majeurs ont une prévalence plus élevée entre 25 et 35 ans chez la femme, puis diminuent au fur et à mesure que l'âge avance.

La dépression chez l'enfant est retrouvée avec une prévalence de l'ordre de 2 % dans la population générale. Si cette préva­lence est plus élevée chez le garçon avant la puberté, en revanche, après celle-ci, le sex-ratio est comparable à celui de l'adulte, c'est-à-dire qu'on dénombre deux femmes dépressives pour un homme.

Le statut marital apparaît comme un statut social de protec­tion relatif contre la dépression. Le taux de prévalence dépres­sive est plus élevé chez les couples séparés ou divorcés. Il se retrouve également chez les veufs ou les veuves, ce qui, compte tenu de la plus grande longévité des femmes et de leur veuvage plus fréquent, explique une partie de la prévalence féminine plus élevée.

Cependant les personnes qui ne se sont jamais mariées ont un taux de prévalence dépressive plus bas, ce qui témoigne vraisemblablement de l'interférence et du rôle des conflits conjugaux dans la survenue d'une dépression.

Le statut socioéconomique a été controversé dans les dépressions unipolaires. L'étude ECA retrouve cependant une prévalence 2 fois supérieure de dépression caractérisée chez les personnes au chômage ou percevant une aide sociale de l'État que chez celles qui ont une activité professionnelle régulière ou qui sont économiquement autonomes. En revanche, la maladie maniaco­dépressive touche à parité les sujets, quel que soit leur statut socioéconomique.

Syndrome dépressif typique

Il correspond à l'épisode dépressif majeur des Anglo-Saxons, c'est-à-dire caractérisé, comprenant les différents symptômes de la dépression, quelle que soit leur intensité.

Humeur dépressive

Elle constitue le trouble émotionnel le plus tangible d'un état dépressif et lui confère, par son intensité, son degré de sévérité. Elle s'exprime sous différents aspects.

La tristesse pathologique marquée par un pessimisme à l'encontre de soi et du monde. Elle donne d'emblée une tonalité à la dépression : le découragement amplifie ce mal­être, l'abattement le péjore, le désespoir l'aggrave.

La douleur morale taraudante, persistante, incontrôlable, envahit les pensées que le patient soit réticent et « honteux » de son état ou qu'il se dise « déprimé » ou « las », « épuisé », « sans force », « à bout ».

Le désintérêt participe à l'incapacité d'anticipation, à l'absence de projet en un présent et un avenir définitivement sombre. L'affectivité s'émousse, et le plaisir s'évanouit. Les situations agréables ne sont plus perçues comme telles : l'anhédonie dépressive s'installe. Cette perte de plaisir peut être perçue avec une conscience aiguë d'anesthésie affective qui engendre une souffrance extrême et souvent une culpabilité à l'égard des proches : « je ne sais plus aimer », « ma fille, mes petits-enfants ne m'intéressent plus ».

Cette indifférence affective, cette hypothymie culpabilisante qui est énoncée sur un ton mono­corde, las, peut être remplacée par une hyperthymie douloureuse dont témoigne une sensibilité excessive avec pleurs réitérés face aux tracas habituels de la vie quotidienne qui réactive et aiguise la douleur morale.

Cette humeur dépressive, variable dans la journée, maximale le matin, apparaît d'emblée lors d'un réveil précoce réitéré. Elle teinte en sombre la journée à venir. Le patient, en proie à un pessimisme redoublé, envahi par une apathie exacerbée, « souffre le martyr » et, paradoxe évocateur, ce découragement matinal qui peut s'amplifier jusqu'au désar­roi, lors d'une journée épuisante, s'améliore en « un léger mieux » transitoire, le soir.

L'humeur dépressive, la tristesse, le désintérêt, la perte de plaisir, peuvent être toutefois au second plan, masqués par une dysphorie avec une humeur irritable, irascible, qui peut être péjorée par des explosions de colère, d'agressivité sur un fond de lassitude et d'émoussement affectif.

L'anxiété, associée à la tristesse pathologique, participe au pronostic immédiat. Permanente, elle aggrave le pessimisme en l'infiltrant d'une crainte, d'une menace imminente. L'avenir, qui est déjà vécu comme sombre, peut alors être perçu comme étant sans issue, catastrophique. L'attente devient intolérable marquée par une hypervigilance, anxieuse, agitée qui remplace le ralentissement (dépression agitée).

L'agitation est accrue par l'incapacité à se détendre physiquement : muscles tendus, boule dans la gorge, tension épigastrique, avec nausées et perturbation neurovégétatives telles que chaud-froid, précordialgies, cépha­lées. L'anxiété peut s'organiser en des symptômes phobiques, obsessionnels.

Elle peut prendre l'allure d'un trouble panique. Elle augmente ainsi le risque suicidaire. Il devient maximal lors des raptus anxieux où le patient, en proie à un désarroi majeur, ne voit que la mort comme seule issue à ses tourments.

L'anxiété est à évaluer avec précision. Elle est un des éléments majeurs du pronostic et doit être, lorsqu'elle est intense, réduite rapidement par les thérapeutiques.

Troubles cognitifs

Représentations cognitives

Elles témoignent du pessimisme au travers de distorsions de pensées dominées par la mésestime de soi : « je ne suis pas à la hauteur », « je n'ai pas les capacités nécessaires ». Cette dévalo­risation peut s'accompagner d'un sentiment de culpabilité « je n'ai pas fait suffisamment d'efforts dans ma vie », « j'aurai dû travailler davantage ».

Cette culpabilité s'amplifie : « je suis un poids pour ma famille », et devenir plus sévère lorsqu'elle s'exprime par des idées d'autoaccusations à dimension déli­rante : « j'ai mal agi », « je suis un incapable ». À un degré de plus, ce sont des idées délirantes de culpabilité, d'incurabilité, de ruine qui caractérisent la forme dépressive, psychotique, délirante, appelée mélancolie.

Cette représentation pessimiste de soi s'accompagne souvent d'inquiétude corporelle majeure avec des préoccupations d'allure hypocondriaque ou d'idées délirantes hypocondriaques dans la mélancolie : estomac bouché, absence de sang dans les veines. Le pessimisme s'étend également au monde, passé et présent, péjoré, et au futur qui, incertain, est sans espoir, voire franchement catastrophique.

Cette vision désespérée du monde confronte le patient avec l'idée de mort.

Quelle que soit l'intensité d'un état dépressif, l'évaluation du potentiel suicidaire est un moment important dans l'entretien avec un déprimé qui est toujours peu ou prou confronté à l'idée de mort, qu'elle soit ou non verbalisée. Il ne faut pas hésiter, avec subtilité, à envisager cette perspective et souvent le patient parle de ses « idées noires » avec un relatif soulagement d'avoir pu les aborder.

Attitude qui ne constitue pas pour autant un signe rassurant pour le pronostic et ne doit pas retarder l'hospitalisation.

Le risque suicidaire est fonction du degré de sévérité de l'état dépressif, de l'importance de la dévalorisation, de la mésestime de soi, qui est maximale dans la mélancolie, de l'activité, de la prégnance des idées de mort et du niveau de l'intentionnalité suicidaire, tous signes qui sont aggravés par l'intensité de l'anxiété.

Ainsi, l'idéation suicidaire est d'intensité variable. Interroga­tion sur l'intérêt de vivre « à quoi bon vivre dans ce monde ? », pensée récurrente de mort où l'interrogation initiale devient plus pressante avec l'idée d'un soulagement envisagé.

Appari­tion d'une intentionnalité de se donner la mort si la situation actuelle se prolongeait. Intentionnalité d'un geste suicidaire avec réflexion sur les modalités possibles de passage à l'acte ultérieur. L'intention manifeste, verbalisée, persistante, de se donner la mort, avec réflexion sur ces possibilités de mise en œuvre signe le risque imminent de passage à l'acte : les mesures d'urgence s'imposent…

L'échelle HARD (humeur, anxiété, ralentissement, danger) de Rufin et Ferreri [15], permet, sur la symptomatologie dépressive, de calculer un indice suicidaire.

Il existe, outre l'intensité dépressive, des facteurs de risque qui aggravent le potentiel suicidaire :

• les antécédents suicidaires personnels et familiaux ;

• le degré d'impulsivité lié à la personnalité ;

• la prise de toxiques, notamment d'alcool qui abaisse la maîtrise de l'impulsivité ;

• les facteurs démographiques péjoratifs en particulier l'homme, l'adulte jeune, le célibat, les conflits relationnels, l'environnement dépressogène, l'isolement, le chômage, les difficultés économiques, l'absence d'aide, de recours.
Il faut souligner que le potentiel suicidaire peut rapidement varier dans le temps dans le sens d'une aggravation et qu'il existe des dépressions trompeuses qui retardent le diagnostic et la thérapeutique.

Distorsions cognitives

L'attention est réduite et la fatigabilité apparaît rapidement : la concentration décroît avec l'intensité et la durée de l'effort intellectuel [16].

La mémoire à court terme, c'est-à-dire la mémoire de travail, est perturbée par une distorsion des capacités attentionnelles, dirigée préférentiellement sur des éléments négatifs qui sont amplifiés au détriment des éléments positifs. La mémoire biographique se focalise sur les épisodes douloureux, dramatisés, au détriment d'épisodes heureux qui ne sont pas spontanément remémorés, voire récusés.

La pensée dépressive est une pensée contrainte, perturbée, marquée par le pessimisme de soi et du monde, témoignant à des degrés variables des interprétations erronées, péjoratives de la réalité. L'anxiété associée accroît les troubles cognitifs [17].

La diminution des ressources attentionnelles et la chute de performance en mémoire explicite ou déclarative caractérisent le profil cognitif du patient dépressif. Le phénomène de congruence de l'humeur entraîne un biais cognitif en faveur d'une remémorisation meilleure des souvenirs douloureux.

Les troubles de la mémoire sont souvent les premiers et derniers symptômes de la dépression, leur dépistage est impor­tant à réaliser.

Troubles conatifs

Ces représentations négatives s'accompagnent de troubles conatifs dominés par l'aboulie, caractérisés par un fléchissement des capacités d'effort, d'initiative, d'anticipation. Cette incapa­cité à terminer une tâche, à élaborer un projet, à se projeter dans un avenir possible, ressentie douloureusement, est caracté­ristique d'un état dépressif.

Ralentissement psychomoteur

D'emblée, il oriente le diagnostic dans la majorité des cas et est remplacé, dans 10 % des dépressions, par une subagitation visible.

Ralentissement moteur

C'est un des signes caractéristiques de l'état dépressif marqué par un faciès peu expressif, donnant une impression de tristesse. Les épaules sont voûtées, la démarche, la gestuelle sont ralenties.

La voix est lente, monocorde, affaiblie, suspendue par des pauses, des soupirs, témoignant de l'engourdissement de la pensée.

Le ralentissement moteur peut aller d'une lenteur modérée à la prostration, voire la catatonie.


Ralentissement psychique

Le patient se plaint de fatigue intellectuelle, avec difficulté à tenir l'effort lors d'une tâche, même simple, habituelle. Il a des difficultés à lire l'article de son quotidien, à regarder la télévi­sion et ne peut effectuer des tâches complexes.

L'attention, la concentration, le jugement, demandent un effort important pour vaincre la lenteur des processus intellec­tuels. Le déprimé est caractérisé par sa lenteur idéatoire, ses réponses retardées, courtes, soutenues par un effort tangible pénible, pour répondre aux questions [18, 19].

Signes somatiques

Ils sont engendrés par les perturbations psychobiologiques de la dépression et précèdent souvent l'installation des symptômes psychiques. Ils peuvent être prévalents et occulter alors les symptômes psychiques qui restent discrets, caractérisant la dépression dite masquée. Lors d'éventuelles récurrences dépres­sives, ils sont reconnus par le patient comme des symptômes annonciateurs et invitent à mettre en œuvre ou à aménager la thérapeutique.

Asthénie

Elle est le symptôme le plus fréquent et souvent le plus précoce. Elle s'aggrave à l'effort qu'il soit psychique, lors d'activités intellectuelles ou relationnelles, ou physiques. Elle s'exprime subjectivement par une lassitude, une impression de fatigue psychique avec difficultés à trouver et à agencer ses idées, à faire des projets et, sur le plan physique, une impression de lourdeur musculaire qui peut aller jusqu'à l'épuisement. L'asthénie s'accompagne de multiples plaintes, notamment douloureuses, qui, paradoxalement, peuvent s'améliorer de façon fugace à l'effort. L'ensemble de la symptomatologie s'améliore progressivement en cours de journée, pour être perçu comme un discret mieux, le soir.

Troubles du sommeil

Le sommeil est perturbé, non réparateur. Si la majorité des patients souffrent d'insomnie, 10 % environ se plaignent d'hypersomnie avec réveil tardif et sieste prolongée, sans qu'il y ait un effet réparateur sur la lassitude.
L'insomnie touche l'endormissement qui est difficile. Le patient anxieux rumine les mêmes faits de la journée, ne pouvant trouver un moment de détente musculaire et de calme psychique facilitant le sommeil.

Au milieu de la nuit apparais­sent des rêves pénibles engendrant des réendormissements difficiles ou impossibles, parfois des cauchemars avec réveil en sursaut. La fin de la nuit est interrompue par un réveil précoce avec impossibilité de se rendormir, évocateur d'un trouble dépressif. Le patient, déjà fatigué, est d'emblée envahi par une douleur morale intense avec idées pessimistes réitérées, voire mortifères où l'anticipation de la journée n'est perçue qu'à travers un effort épuisant et une souffrance intense.

Les divers temps successifs du sommeil peuvent être pertur­bés, entraînant une dyssomnie mixte non réparatrice.
Le tracé du sommeil montre une avance de phase avec raccourcissement du temps de la latence de l'apparition du sommeil paradoxal, une réduction du sommeil lent profond qui est la phase réparatrice du sommeil, expliquant sans doute une partie de l'épuisement ressenti au réveil.

Troubles de l'appétit

L'appétit est dominé par une anorexie. Elle peut n'être qu'un désintérêt pour la nourriture mais recouvre le plus souvent un dégoût alimentaire avec perte de poids dont l'intensité est un facteur de gravité. L'hyperphagie est retrouvée chez 10 % des patients, caractérisée le plus souvent par des accès boulimiques lors de bouffées anxiodépressives que le patient tente ainsi de calmer.

Troubles sexuels

La réduction du désir sexuel, avec impuissance et frigidité, est habituelle à la période d'état. Au début, lors de l'installation de l'état dépressif, peut apparaître une lutte contre cet envahisse­ment, marqué par une excitation sexuelle transitoire. La baisse de la libido doit être recherchée, elle est, avec l'insomnie et les troubles de la mémoire, un des symptômes les plus tardifs à disparaître.

Troubles urinaires

Ils sont possibles avec pollakiurie, dysurie, miction impé­rieuse, brûlures à la miction qui apparaissent dans un contexte d'anxiété dépressive.

Troubles digestifs

Ils sont habituels, en particulier nausées, dysphagie, dyspep­sie, lenteur de la digestion, ballonnements, qui s'accroissent lors des acmés anxieuses.

Troubles cardiovasculaires

Ils sont fréquents, notamment tachycardie, bouffée vasomotrice, oscillations tensionnelles témoignant d'une hyperactivité du système nerveux autonome chez les déprimés anxieux. En revanche, hypotension, bradycardie vagotonique, touchent préférentiellement les déprimés ralentis.

Troubles musculaires

La fatigue, l'épuisement musculaire, s'accompagnent de contractures, de crampes, de myalgies erratiques.

Troubles neurologiques

Les céphalées sont fréquentes avec sensation de vertiges. Les cénesthésies, les paresthésies sont possibles.

Évolution

Évolution de l'épisode dépressif aigu

Évolution spontanée

Elle se fait vers la guérison avec disparition des symptômes en environ 6 mois, dans la majorité des cas (80 %). Les antidépres­seurs raccourcissent les délais de guérison à environ 2 à 6 semaines. Cependant, comme nous le verrons dans les formes cliniques, cette durée peut varier dans certains états dépressifs de 2 à 3 jours pour les dépressions récurrentes brèves, et dépasser 2 ans dans les formes chroniques. Pour éviter les redites, les modes évolutifs sont développés dans les formes cliniques.

Évolution sous traitement

La clinique permet de reconnaître des indices défavorables aux thérapeutiques, notamment un retard à la mise sous antidépresseur, une durée d'évolution prolongée de l'épisode dépressif, une anxiété importante, la présence d'idées délirantes, un état mixte, un premier épisode dépressif tardif chez un sujet âgé, une rémission partielle et la présence de symptômes résiduels, un trouble de la personnalité.

En revanche, l'existence de signes d'endogénéité induisant souvent une sévérité dépres­sive est un élément favorable.

Ce ne sont que des indices de prédiction relative d'une évolution qui demeure variable.

• La rémission complète est caractérisée par une amélioration telle que le patient ne satisfait plus aux critères diagnostiques d'épisode dépressif majeur. Le score total est inférieur ou égal à 7 à l'échelle de dépression de Hamilton (HDRS) [20] ou inférieur à 10 à l'échelle de Montgomery et Asberg (MADRS) [21].

• La guérison correspond à une période de rémission complète égale ou supérieure à 6 mois.

• La rémission partielle constitue une amélioration clinique telle que le patient ne satisfait plus les critères diagnostiques d'un épisode dépressif majeur, tout en souffrant de symptômes discrets. Le score à l'échelle de Hamilton se situe entre 8 et 15. Elle touche environ 30 à 50 % des patients selon l'âge, la sévérité de la dépression, la précocité du traitement et atteindrait 80 % chez les patients âgés [22].

Les symptômes résiduels de la rémission partielle sont similaires aux symptô­mes prodromiques de l'épisode dépressif actuel, ils sont représentés le plus souvent par l'humeur dépressive, l'anxiété, la réduction de l'intérêt pour les activités habituelles [23]. La rémission partielle est un facteur de risque de rechute et de récidive 3 à 6 fois plus élevé que lors d'une rémission complète [24].

• La rechute est constituée par la réapparition des symptômes avant la guérison, c'est-à-dire avant une période asymptoma­tique égale ou supérieure à 6 mois. La prévalence des rechutes est de 50 %. Elle est réduite de moitié par le traitement. La rechute s'intègre dans un même épisode dépressif aigu alors que la récurrence correspond à la survenue d'un nouvel épisode dépressif.

• L'absence de rémission témoigne d'une résistance au traite­ment, facteur de passage à la chronicité.

• La dépression résistante : la résistance à un antidépresseur est jugée après 4 semaines d'un traitement prescrit à doses efficaces. La résistance totale médicamenteuse correspond à l'absence de réponse à deux traitements antidépresseurs bien conduits avec deux classes différentes d'antidépresseurs dont l'une tricyclique. Certains auteurs ajoutent, pour accréditer une résistance totale biologique, l'échec de la pratique de la sismothérapie.

• Le suicide : l'évolution des états dépressifs comporte un risque de degré variable de passage à l'acte suicidaire. L'évaluation renouvelée du potentiel suicidaire est un point important qui conditionne le plus souvent l'hospitalisation. Trente pour cent des tentatives de suicide sont dues à un état dépressif alors que 15 % des déprimés décèdent par suicide.

Qu'il s'agisse d'un acte impulsif, notamment d'un raptus anxieux ou d'un acte prémédité, l'acte suicidaire survient le plus souvent dans les premiers temps de la dépression, en particu­lier lors d'une mélancolie anxieuse dont le potentiel suici­daire est très élevé.

Évolution à distance

L'évolution à distance, c'est-à-dire après la guérison de l'épisode dépressif aigu, qui resterait unique dans 20 % des cas, peut prendre deux aspects particuliers, soit des récidives uniquement dépressives représentant la dépression unipolaire, soit des récidives dépressives, maniaque ou mixte définissant le trouble bipolaire [25].

Évolution unipolaire

L'épisode dépressif unique concerne environ 20 à 30 % des patients.

Les dépressions récurrentes, c'est-à-dire à partir de la deuxième récidive, touchent 70 à 80 % des patients. Environ 50 % des déprimés récidivent dans les 2 ans après un premier épisode et 75 % des déprimés auront un troisième épisode dépressif dans les 10 ans qui suivent.

Celui-ci augmente fortement la probabi­lité d'une récidive qui atteint 87 % dans les 5 ans suivants. À partir de 65 ans, les récidives, cependant, semblent diminuer mais les rémissions sont davantage partielles et le passage à la chronicité plus fréquent.

Vingt à 30 % des patients récidivent, quelle que soit la thérapeutique. Environ 40 à 50 % demeurent en rémission sous placebo. Trente pour cent des patients atteints de dépression récurrente bénéficient de la thérapeutique préventive. Ces patients à risque méritent d'être mieux reconnus [11].

La dépression chronique correspond à un état dépressif qui se prolonge sur une période égale ou supérieure à 2 ans, sponta­nément ou en dépit des traitements entrepris. Elle correspond dans la majorité des cas à la dysthymie ou trouble dysthymique, dépression d'intensité modérée sans épisode dépressif majeur ou sans symptôme d'un épisode dépressif majeur en rémission partielle (DSM IV-TR).

Évolution bipolaire

Il est estimé que 10 % des dépressions unipolaires évoluent vers la bipolarité [26].

Formes cliniques

La sémiologie dépressive varie tant dans son évolution que dans son intensité, son expression sémiologique en fonction de la sévérité respective des symptômes qui engendrent de nom­breuses formes cliniques décrites avec précision par différents auteurs. Il existe cependant des formes cliniques principales dont la description est consensuelle.

Formes évolutives

Dépressions récurrentes brèves

Elles sont caractérisées par la brièveté évolutive « dépression intermittente de 3 jours ». Comme le précisent en 1988, Angst[27, 28] et Montgomery en 1989 [29, 30] bien que la sémio­logie dépressive soit complète, cette brièveté ne permet pas de les classer dans les épisodes dépressifs majeurs qui doivent évoluer depuis au moins 15 jours (DSM IV-TR, 2003). Les autres aspects sémiologiques caractéristiques sont la sévérité avec un haut potentiel suicidaire et les récurrences, un ou deux accès mensuels, qui provoquent un handicap socioprofessionnel important.

Ces dépressions brèves sont connues de longue date et reconnues par la psychiatrie française comme conséquence, le plus souvent, de difficultés relationnelles d'origine conflic­tuelle dans un contexte névrotique ou de troubles de la personnalité [31].

Dysthymie

La dysthymie, ou trouble dysthymique, est caractérisée par la présence d'une humeur dépressive dont l'intensité est modérée. Elle ne comporte pas d'épisode dépressif majeur (critères diagnostiques du DSM IV-TR). Son évolution est cependant handicapante [32-34]. L'intérêt de cette forme de dépression est d'éviter de poser de façon excessive le diagnostic de « person­nalité dépressive » ou de « névrose dépressive » chez des patients présentant des symptômes communs aux pathologies de la personnalité et aux troubles dépressifs [35]. Deux sous-ensembles de troubles dysthymiques sont distingués par Akiskal [36] chez des patients présentant un trouble dysthymique et traités par antidépresseurs.

Dysthymie dépressive mineure ou dysthymie subaffective

Elle est améliorée par le traitement ; 55 % de ces formes se compliquent d'épisodes dépressifs majeurs réalisant une dépres­sion à double forme décrite par Keller [37]. La parenté de la dysthymie dépressive mineure avec le trouble dépressif majeur est étayée par la sémiologie, notamment l'asthénie, la perte d'appétit, l'hyperphagie, l'insomnie, l'hypersomnie, l'estime de soi fragile, les difficultés de concentration, les antécédents familiaux.

En outre, la personnalité de ces patients est souvent caractérisée par la passivité, le pessimisme, le sentiment d'insuffisance et d'échec, le scepticisme, l'autocritique dévalori­sante.

Ces éléments sémiologiques de la dysthymie dépressive et les traits de personnalité retrouvés par Akiskal rejoignent en partie la description de Kraepelin qui considérait ces états dépressifs mineurs comme une forme atténuée de la psychose maniacodépressive dont ils pouvaient représenter le creuset.

Il en est de même pour le tempérament dépressif par le retrait sérieux, le pessimisme de fond, l'autocritique, la dévalorisation de soi. Ces traits de personnalité ont été également envisagés par Schneider qui décrit la personnalité psychopathique dépres­sive [38] et par Montassut qui étudie la dépression constitution­nelle [39]. Cependant Akiskal, en réactualisant le tempérament dépressif, se situe dans la continuité kraepelinienne.

Il insiste sur l'appartenance de ces traits au champ de la pathologie de l'humeur.

L'évolution de la dysthymie subaffective apparaît sensible aux antidépresseurs avec survenue d'hypomanie pharmaco-induite par les tricycliques (bipolaire III).

L'existence éventuelle d'antécédents bipolaires familiaux fait envisager un lien entre ces formes particulières de dysthymie et la bipolarité telles la cyclothymie ou l'hypomanie chronique (hyperthymie) dont le potentiel de l'évolutivité de type « maniaque » spontanée et surtout pharmaco-induite apparaît élevé.

Les dysthymies dépressives ou subaffectives représente­raient la moitié des dépressions mineures chroniques.

Dysthymie à spectre caractériel

Elle est plus fréquente chez les femmes, où les manifestations dépressives s'expriment par des troubles de la personnalité, qui ne répondent pas à la chimiothérapie.

La survenue éventuelle d'un trouble dépressif majeur qui nécessite un traitement adéquat n'a pas les caractéristiques d'endogénéité, notamment l'absence d'amaigrissement, de ralentissement psychomoteur.
Ces troubles durables ne relèvent pas clairement d'un trouble de l'humeur mais s'apparentent davantage à un trouble de la personnalité.

Les traits habituels sont dominés par une modestie de la maîtrise de l'impulsivité, une hyperexpressivité, des difficultés d'apprentissage à partir des expériences vécues. Ils coexistent parfois avec des difficultés relationnelles, des abus d'alcool, de toxiques, personnels et/ou familiaux, qui relèvent d'un abord psychothérapique.

Le concept de dysthymie recon­nue, au chapitre des troubles de l'humeur, par les classifications internationales (DSM IV) [40] (DSM IV-TR) et CIM 10, a permis de repenser les rapports entre dépression chronique et troubles de la personnalité et d'envisager, outre l'abord psychothérapi­que, la prescription d'antidépresseurs, avec succès dans certains cas.

La classification CIM 10 ne clarifie pas totalement le pro­blème et les incertitudes demeurent. Le diagnostic de dysthymie présente des points de convergence avec le concept de névrose dépressive, de dépression névrotique et de personnalité dépres­sive, terminologies employées par d'autres références classificatoires.

Dépression chronique

La dépression chronique correspond à un épisode dépressif dont la durée est égale ou supérieure à 2 ans.
Elle a été reconnue de longue date notamment par Cotard [41] dont le syndrome éponyme constitue à l'origine l'évolution chronique d'une mélancolie. Elle fut également décrite par Kraepelin.

Une forme fréquente est représentée par un épisode dépressif majeur dont la régression partielle se prolonge mais différentes formes cliniques de dépression, plus ou moins résistantes aux thérapeutiques, peuvent devenir chroniques et être émaillées aussi d'épisodes dépressifs majeurs. La dysthymie est une forme particulière de dépression chronique.

Formes selon l'intensité

L'évaluation de la tristesse, du pessimisme, du désintérêt et de la perte de plaisir, de la dévalorisation, des idées mortifères, de l'anxiété et du retentissement familial et professionnel, permet de distinguer des formes en fonction de l'intensité. La CIM 10 évalue l'intensité en fonction du nombre de critères présents.

L'intensité peut être également appréhendée par des échelles de dépression : échelle de dépression de Hamilton, échelle de dépression de Montgomery et Asberg, échelle de dépression de Rufin et Ferreri (HARD).

Formes légères

Elles sont caractérisées surtout par une asthénie physique et psychique avec des idées pessimistes qui permettent encore une activité professionnelle qui est toutefois réduite ou aménagée. L'évolution vers l'aggravation est toujours possible et impose un traitement précoce.

Formes moyennes

Elles ont une intensité intermédiaire entre les formes légères et les formes sévères.

Formes sévères

Elles sont marquées par l'importance de la tristesse, de l'anhédonie, du désintérêt, avec des idées suicidaires actives et un retentissement social majeur avec une impossibilité d'accomplir l'activité professionnelle.

La protection du patient s'impose par une hospitalisation en milieu spécialisé.

Formes symptomatiques

Elles se situent entre les deux pôles comportementaux de l'agitation et du ralentissement.

Dépression anxieuse, agitée

L'anxiété domine le tableau clinique, induisant une subagita­tion psychique et motrice désordonnée. L'hyperthymie doulou­reuse à l'environnement avec demande de réassurance s'effectue dans une quête relationnelle constante qui masque les éléments dépressifs. Ils réapparaissent furtivement lors d'une accalmie.

Le diagnostic est encore plus délicat lorsqu’existe une acmé anxieuse dont la symptomatologie se rapproche de celle d'une attaque de panique.

Le risque de raptus suicidaire est majeur. Certaines dépres­sions agitées se rapprochent des dépressions hostiles, des mélancolies anxieuses et des états mixtes.

Mélancolie anxieuse

Elle est caractérisée par l'importance de l'agitation anxieuse, associée à des idées suicidaires fréquentes. Le risque de passage à l'acte suicidaire est majeur dans un contexte de raptus anxieux.

L'acmé anxieuse peut aussi entraîner une fugue « mélancolique », le plus souvent amnésique, aggravant le risque de geste autoagressif.
La mélancolie anxieuse impose une hospitalisation en urgence.

La résistance habituelle aux antidépresseurs et le potentiel suicidaire élevé soulèvent l'indication d'une sismothérapie d'emblée.

Dépression hostile

Dans certaines dépressions agitées, l'irritabilité, l'opposition, l'agressivité, sont prévalentes dans la relation à autrui et donc entraînent des doléances de l'entourage affecté par ces troubles du comportement.

Cet aspect reconnu de longue date par les cliniciens est sous-estimé dans les classifications internationales.

Cependant, l'irritabilité peut remplacer chez l'enfant et l'adoles­cent l'humeur dépressive, ce qui légitime le caractère authenti­quement dépressif de l'irritabilité (épisode dépressif majeur du DSM IV-TR).

Si la fréquence des crises d'angoisse est reconnue de longue date lors des états dépressifs, des études récentes ont montré la fréquence des crises d'agressivité insuffisamment reconnue chez certains patients déprimés.

Le statut de l'hostilité est à considérer chez ces patients dépressifs.

La dépression hostile au sens restreint est caractérisée par un comportement d'hostilité lié à l'humeur dépressive.

L'hostilité est un trouble catégoriel en rupture avec la person­nalité habituelle du sujet qui apparaît et disparaît avec la pathologie dépressive.

Dans d'autres cas, l'hostilité apparaît en continuité avec un trouble de la personnalité du patient, dominé par l'impulsivité, l'agressivité et le passage à l'acte.

La dépression aiguise les traits de caractère prémorbide. Lorsque le patient est guéri de sa dépression, il retrouve les aménagements antérieurs de la personnalité avec ses traits habituels.

L'hostilité est alors un symptôme dimensionnel de la dépression. Il ne s'agit pas d'une dépression hostile au sens strict [42].

Une hostilité est retrouvée dans certaines dépressions chez le sujet âgé, soit une hostilité exprimée par des oscillations entre une irritabilité verbalisée et agie, et un comportement de retrait, de refus de coopérer, voire de régression mutique ou d'agitation entretenue par des idées délirantes de persécution.

Dans certaines cultures, c'est la représentation de la maladie elle-même qui peut être à l'origine du comportement hostile et souvent délirant lors d'état dépressif, en particulier lorsque la maladie est encore explicitée par des phénomènes d'envoûte­ment, d'action d'esprits maléfiques qui induisent des phénomè­nes délirants où l'hostilité peut égarer le diagnostic. L'important est de reconnaître la pathologie thymique pour instituer un traitement adéquat [43].

Dépression ralentie

À l'inverse de la dépression anxieuse, agitée, c'est le ralentis­sement qui domine le tableau clinique dans la dépression ralentie. Dans le registre psychique, la lenteur de la parole corrobore le ralentissement des processus intellectuels et aggrave les troubles cognitifs, marqués par des perturbations de l'atten­tion, de la mémoire, du jugement.

Dans le registre gestuel, le visage est peu mobile, associé à la rareté des gestes, et une démarche ralentie. La guérison de la dépression entraîne un retour à la normale et une reprise de l'activité intellectuelle et gestuelle avec la même vivacité qu'auparavant.

Dans certaines dépressions dites « psychasthéniques », non reconnues dans les classifications internationales, le ralentisse­ment psychomoteur est important et surtout existent des ruminations mentales, dominées par des préoccupations obses­sionnelles avec doute, scrupule, procrastination.

Le plus souvent on retrouve, lors de la guérison des troubles dépressifs, ces mêmes traits de personnalité dominés par une lenteur idéatoire, des difficultés à se mettre en route le matin, caractéristique de la personnalité obsessionnelle à prévalence psychasthénique. La dépression aiguise les traits de personnalité prémorbide qui subsistent une fois la dépression levée. Le statut du ralentisse­ment psychomoteur apparaît dès lors comme dimensionnel et se différencie du ralentissement psychomoteur catégoriel qui naît et disparaît avec l'état dépressif.

Mélancolie typique

Elle est caractérisée, dans sa forme ralentie typique, par :

• une douleur morale intense ;

• un ralentissement psychomoteur important.

L'anxiété intense, la tristesse, se lisent sur un visage figé, un front où est dessiné, entre les sourcils froncé, « l'oméga » mélancolique.

La voix est monotone, basse, faible, parfois à la limite de l'audible.

La démarche est lente, le dos voûté, la gestuelle rare, renfor­çant le sentiment d'accablement.

Le ralentissement psychique, déjà perçu par la parole affaiblie, s'exprime par la lenteur idéatoire obligeant le patient à un effort pour trouver les mots de ses tourments.

L'asthénie intense confirme l'extrême lassitude du visage.

L'aboulie restreint les actes de la vie quotidienne et lorsqu'elle est sévère, aboutit à une incurie.

La tristesse pathologique est profonde, l'anhédonie totale, le désintérêt global. Les propos désespérés sont autoaccusateurs et jugent négativement le monde.

À un degré de plus est caracté­risée la mélancolie marquée par les idées d'autoaccusation : « je suis un menteur », « j'ai trompé mes collaborateurs », « j'ai passé ma vie à pécher ». Cette autoaccusation est le plus souvent infiltrée d'un sentiment de honte et de lâcheté qui appelle une punition, un châtiment qui peut être extrême. « Je suis un vaurien », « je suis un lâche », « je mérite d'aller en prison », « je mérite la mort ».

Cette représentation négative de soi et du monde peut être complétée par des idées délirantes de ruine, d'indignité, « je suis un misérable », d'incurabilité « vous ne pouvez rien faire ». Cette tristesse pathologique est profonde, la douleur morale intense, l'anhédonie totale, le désintérêt global, les propos désespérés témoignent d'un potentiel suicidaire élevé. L'hospi­talisation urgente s'impose.

Cet accès mélancolique s'intègre habituellement comme un épisode dépressif d'une maladie maniacodépressive ou trouble bipolaire.

Lorsque dans un trouble unipolaire la dépression est proche, par sa symptomatologie et sa sévérité, de la mélancolie, l'accès dépressif est alors appelé « mélancoliforme » ou « d'allure mélancolique. »

Mélancolie délirante

Idées congruentes à l'humeur

La mélancolie typique que nous venons de décrire comporte des idées délirantes de culpabilité, d'indignité, d'incurabilité, de ruine, congruentes à l'humeur.

La mélancolie délirante comprend en outre une construction délirante également congruente à l'humeur dans 95 % des cas dont la thématique persécutrice peut s'accompagner d'halluci­nations psychiques d'idées de possession avec automatisme mental, syndrome d'influence et idées perçues comme un châtiment justifié pour toutes les fautes passées.

Les pensées sont anticipées, guidées, commentées, par un groupe qui torture à distance ou par des esprits maléfiques. Le patient est ensorcelé, possédé par le diable (démonopathie), habité par un animal monstrueux, repoussant (zoopathie) qui peut prendre la forme d'un loup (lycantropie).

Le corps est l'objet de transformations, comme en témoi­gnent les idées délirantes hypocondriaques ; absence de sang dans les veines, cœur glacé, arrêté, voire disparu, intestins bouchés, pourris, destruction d'organes par le sida, par un cancer, envahissant et incurable.

À l'extrême, le syndrome de Cotard peut être au complet, constitué d'un délire de négation d'organes, d'idées de damna­tion, d'immortalité, d'énormité avec expansion du corps dans l'univers et possibilité d'atteindre les étoiles. Les idées délirantes sont encore congruentes à l'humeur ou catathymiques.

Idées délirantes non congruentes à l'humeur

Elles recouvrent environ 5 % des mélancolies. Les idées de persécution ne sont plus en rapport avec l'idée de faute, de culpabilité, d'autoaccusation. Elles soulèvent le diagnostic de psychoses dissociatives en particulier avec la schizophrénie affective et les psychoses chroniques.

Cette différenciation peut être difficile en fonction du contexte culturel qui influence la thématique délirante. La qualité des intervalles libres entre les accès sans signe résiduel est en faveur de l'accès mélancolique du trouble bipolaire. En revanche, la schizophrénie affective comporte des intervalles avec des troubles résiduels entre les accès.

Mélancolie stuporeuse

Le ralentissement psychomoteur peut être maximal aboutis­sant à l'immobilité, au mutisme, avec impossibilité de boire, de s'alimenter. Le visage figé, les yeux grands ouverts témoignent d'une anxiété majeure et d'un désarroi profond qui frappe et émeut douloureusement l'entourage.

Des phénomènes catalep­tiques avec maintien des attitudes imposées, peuvent s'associer à cet état stuporeux réalisant la « catatonie mélancolique » qui est une pseudocatatonie où le phénomène de la « roue dentée » lors de la mobilisation du coude, signant le trouble extrapyra­midal, est remplacé par le signe du « tuyau de plomb » ou « de la flexibilité cireuse » de la catatonie mélancolique.

Le pronostic vital est en jeu, la déshydratation est rapide. Le raptus suicidaire reste possible. Les soins somatiques et psychia­triques sont urgents.

Dépression mixte

Elle entre dans le cadre de la bipolarité et associe des troubles hypomaniaques, ou maniaques, et des symptômes dépressifs.

Plus souvent, existe un état d'agitation, qui peut être, dans certains cas, confondu avec un état dissociatif.

Dépression confuse

La confusion mentale domine le tableau clinique, marquée par une altération cognitive avec baisse de l'attention, de la concentration, de la mémoire et du jugement.

La conscience est fluctuante, témoignant de l'obnubilation intellectuelle cons­tante avec désorientation temporospatiale. La perplexité anxieuse est habituelle.
L'onirisme est inconstant.

La forme plus fréquente chez le sujet âgé s'observe chez le sujet jeune et pose de difficiles problèmes diagnostiques lors d'un premier épisode. La confusion est à considérer comme d'origine organique, jusqu'à preuve du contraire. Lorsque les examens complémentaires sont négatifs, le succès d'un traite­ment antidépresseur étaye le diagnostic d'un état dépressif.

L'existence d'éventuelles récurrences s'exprimant sur un même mode clinique oriente alors d'emblée le diagnostic, ce qui ne dispense pas d'effectuer les examens complémentaires sim­ples pour éliminer une éventuelle cause organique comorbide qui peut toujours survenir.

Dépression saisonnière

La possibilité de récurrence dépressive, en fonction des saisons, est connue depuis l'Antiquité. En 1984, Rosenthal propose d'isoler le trouble affectif saisonnier [44].

Il touche essentiellement les femmes (86 %) à l'âge moyen (35 ans) avec début du trouble vers 26 ans.

L'épisode dépressif commence en octobre, novembre, et dure 2 à 4 mois, quand la luminosité saisonnière est minimale. Il survient sans événement stressant particulier, sans pathologie de la personnalité.

La dépression saisonnière est caractérisée par une sémiologie particulière :

• hyperphagie compulsive (66 %) avec « fringale sucrée » et prise de poids (2 à 5 kg) ;

• hypersomnie (97 %) : 9 à 10 heures de sommeil par jour sans effet récupérateur ou 2 heures de plus que la durée habituelle du sommeil ;

• le ralentissement est tangible, perçu par la patiente comme un engourdissement, une « hibernation », avec repli sur soi et manque d'initiative qui peuvent avoir des répercussions professionnelles.

La tristesse est modérée, marquée par une culpabilité liée à l'anhédonie et à l'hypoesthésie affective.

Plus fréquente est la dysphorie avec une discrète irritabilité. La variabilité et l'atypicité des symptômes ne facilitent pas le diagnostic. Les explora­tions sont fréquentes en médecine générale, notamment quand on suspecte des anomalies thyroïdiennes [45].

Une vulnérabilité aux situations de stress et une certaine labilité émotionnelle, lors du syndrome prémenstruel, sont retrouvées par Praschak [46].

Le diagnostic de dépression saisonnière exige deux épisodes dépressifs majeurs au cours des 2 dernières années. Toutefois l'autonomie de cette dépression reste discutée : sur une durée de 5 à 8 ans, 40 % des patients ont des récidives saisonnières, 40 % ont des récidives aléatoires et leur symptomatologie se rappro­che d'une dépression classique ; 20 % ne présentent pas de récidive [47].

La survenue de la dépression ne semble pas liée à une différence de durée d'exposition à la lumière par rapport à un groupe témoin mais à une sensibilité anormale au synchroni­seur représenté par la lumière, ce qui explique l'ampleur particulière des variations de la sécrétion de la mélatonine entre hiver et été.

Le traitement par la lumière, qui réduit la sécrétion de la mélatonine, s'inspire des bénéfices reconnus par les patients, lors de voyages vers l'équateur où la luminosité est plus importante que dans les pays tempérés pendant l'hiver [48].

La photothérapie proposée doit être administrée deux fois par semaine pendant 3 à 4 mois, autant que dure l'évolution spontanée de l'épisode, l'arrêt prématuré entraînant une rechute.

L'entité dépression saisonnière hivernale reste discutée. Rosenthal en fait un trouble affectif saisonnier (SAD) [49] qui formerait un sous-groupe des maladies maniacodépressives caractérisé par les spécificités de la sémiologie, les données épidémiologiques, la réponse thérapeutique à la photothérapie.

Cependant, d'autres arguments plaident en faveur d'un trouble saisonnier dysphorique hivernal (TSDH) qui serait autonome et qui se différencierait des troubles de l'humeur essentiellement sur la réponse à la photothérapie, les troubles chronobiologiques différents de ceux de l'épisode dépressif majeur, l'existence de liens avec le syndrome prémenstruel.

Le débat reste ouvert. La dépression saisonnière hivernale est­elle un trouble de l'humeur ou un trouble chronobiologique [50] ?

En outre, il existerait une dépression estivale dont la sémio­logie serait classique (insomnie, anorexie, amaigrissement) à rémission hivernale, chez des sujets dont l'humeur serait influencée de façon négative par la chaleur [51].

Dépression atypique

La terminologie « dépression atypique » est utilisée en France pour qualifier des états dépressifs suspectés d'évoluer vers une schizophrénie et en constituant un mode d'entrée. Il est important de souligner que cette dénomination discutable est une position d'attente et qu'elle n'engage pas l'avenir : un état dépressif sévère peut s'accompagner de signes dissociatifs ou de symptômes d'allure déficitaire sans qu'ils aient une valeur pronostique.

La dénomination atypique est différente chez les auteurs nord-américains (APA-DSM III, 1980) [52]. Elle qualifie des dépressions dites atypiques par leur sémiologie paradoxale, faites essentiellement d'une prise de poids, d'un appétit accru, d'une libido exacerbée et d'une hypersomnie.

Ces signes évoluent dans la journée vers une aggravation vespérale. Un autre usage moins fréquent de la terminologie « dépression atypique » regroupe des dépressions agitées, anxieuses, d'allure névrotique, qui étaient préférentiellement sensibles aux inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) [53].

Toutefois, les dépressions dites atypiques forment un ensemble hétérogène à forte charge anxieuse. Depuis 1987 et dans l'édition actuelle du DSM IV-TR (APA, 2000), le terme atypique est remplacé par une catégorie provisoire, le « trouble non spécifié », lorsque les manifestations ne répondent pas à un épisode dépressif majeur ni aux critères d'un trouble dysthymique.

Cependant, si les critères d'épisodes dépressifs majeurs sont satisfaits, l'atypicité de la sémiologie est considérée comme une partie intégrante de la variabilité sémiologique de la dépression typique, ce qui facilite leur reconnaissance comme troubles de l'humeur.

Formes trompeuses

Dépression masquée

Lorsque les troubles somatiques qui participent à la sémiolo­gie de la dépression sont prévalents et occultent les signes psychiques dépressifs discrets, la dépression est dite masquée.

La dépression masquée est décrite à l'origine par Kielholz en 1973 [54], comme un trouble récurrent, ni réactionnel, ni réactif à l'environnement, dont le caractère périodique facilite son rattachement à une pathologie de l'humeur.

Cette approche s'inspire de la reconnaissance ancienne d'une forme mélancolique monosymptomatique algique décrite par Montassut qui s'exprime par des douleurs corporelles notam­ment des céphalées, des rachialgies, des douleurs abdominales à type de torsion, de brûlures, accompagnées d'asthénie modé­rée à différencier de la personnalité dépressive.

D'autres formes monosymptomatiques sont décrites, notamment anorexiques ou dyssomniques, évocatrices d'un trouble de l'humeur par son insomnie précoce, tôt le matin, et par la survenue d'épisodes d'hypomanie signant la bipolarité.

Actuellement, le diagnostic de dépression masquée a ten­dance à s'appliquer aux troubles de l'humeur sans référence à la cyclicité, ce qui pose de délicats problèmes des limites de cette forme et de sa pertinence eu égard aux difficultés diagnos­tiques avec les troubles anxieux somatoformes qui recouvrent en partie les troubles de conversion de la névrose hystérique dont les symptômes ont été démembrés par le DSM IV en troubles psychiques dissociatifs et troubles physiques « somato- formes », mais des difficultés diagnostiques existent avec les troubles dits fonctionnels qui apparaissent dans un contexte de conflits relationnels et d'anxiété réactionnelle.

Lors des plaintes somatiques, la dépression hypocondriaque est évoquée lorsque la plainte douloureuse est focalisée sur un organe et exprimée avec une certaine agressivité voire une revendication.

Elle envahit le vécu du patient entraînant les difficultés relationnelles au sein de sa famille qui est elle-même submergée par des doléances répétées. Les douleurs relatées avec intensité et luxuriance terminologique sont handicapantes et entraînent une perturbation, voire une interruption de l'activité professionnelle.

Équivalents dépressifs

L'apparition récente d'un changement de comportement en rupture avec le comportement habituel du sujet évoque, entre autres possibilités, un trouble dépressif dont les éléments psychiques sont discrets et en retrait.

Peuvent survenir :

• des troubles des conduites, notamment à risque, en particu­lier alcoolisation chez l'adulte et prise répétée et rapprochée de cannabis chez l'adolescent ;

• des comportements dangereux en automobile avec non-respect des règles de priorité, excès de vitesse, mais aussi en milieu professionnel, non-respect des règles de sécurité. Dans cette perspective, un certain nombre d'accidents de la circulation, ou en milieu professionnel, ont une dimension suicidaire.

Dépression pseudodémentielle

Elle est plus fréquente chez le sujet âgé mais peut survenir également chez le sujet jeune et pose de délicats problèmes diagnostiques avec un début de démence. Les troubles cognitifs sont prévalents avec un affaiblissement de l'attention, de la mémoire et du jugement et des difficultés d'orientation temporospatiale.

Lorsque les examens éliminent une étiologie organi­que, l'installation relativement rapide en quelques jours évoque un état dépressif. Le succès d'un traitement antidépresseur dit d'épreuve étaye cette hypothèse [55].

Dépression pseudonévrotique

Certaines dépressions peuvent prendre l'aspect d'un trouble obsessionnel compulsif centré sur la crainte obsédante des microbes, des virus, notamment la hantise d'une contamination par le sida lors de l'utilisation de toilettes publiques, de promiscuité dans les transports en commun.

Crainte qui engendre des comportements d'évitement, des rituels de lavage et des demandes de vérification biologique insistantes par la pratique d'examens complémentaires souvent sophistiqués. Cette symptomatologie qui en impose pour un trouble obses­sionnel compulsif a la particularité d'être d'installation récente, ce qui évoque le diagnostic de pathologie thymique.

Une autre forme de pathologie à dimension obsessionnelle est représentée par les dysmorphophobies ou mieux les dysmor- phesthésies thymiques [56]. La dysmorphesthésie est un trouble du sentiment esthétique de l'image de soi, touchant le plus souvent le visage, dont l'expression a une dimension fréquemment obsessionnelle ou prenant l'allure d'une phobie sociale.

Autrui est perçu alors comme ayant un jugement négatif pouvant aller jusqu'à la raillerie, voire la malveillance. Le patient jeune demande avec insistance un geste esthétique chirurgical, alléguant une difformité, une asymétrie faciale ou une insuffi­sance ou au contraire une exagération du nez, des pommettes, du menton. Chez le sujet plus âgé, souvent une femme, est demandé un lifting.

Le chirurgien doit être alerté par ces cas suspects lorsque les malades affirment qu'une restauration esthétique changera radicalement le regard d'autrui. Si cette symptomatologie est d'installation récente, accompagnée d'éléments dépressifs souvent discrets, elle évoque une patholo­gie thymique qui, traitée, entraîne une disparition de la quête d'un geste chirurgical « réparateur ».

Dans certaines dépressions, la symptomatologie phobique, phobie sociale, agoraphobie, peut dominer le tableau clinique.

Mélancolie souriante

C'est une forme trompeuse redoutable par son potentiel suicidaire élevé. Le patient, sans trouble dépressif tangible, affiche un sourire plaqué avec une composante mécanique et s'exprime par des expressions banales « ça va à peu près bien » « je sais trop bien comment ça va ».

Devant ces phrases ellipti­ques, il faut rechercher des signes dépressifs non verbalisés, une fatigue, une insomnie persistante qui manquent rarement. L'étrangeté des attitudes et des paroles implique de s'informer de l'existence d'un changement récent du comportement auprès de la famille qui est le plus souvent inquiète et le signale d'emblée.

Dépression en fonction de l'âge

Dépression de l'enfant

Les critères de l'épisode dépressif majeur, élaborés en 1980 (DSM III) et confirmés (DSM IV-TR, 2003), retiennent deux adapta­tions : l'humeur dépressive peut être remplacée chez l'enfant et d'adolescent par une irritabilité et il peut y avoir une absence d'augmentation de poids au lieu d'une perte.

Les classifications internationales identifient que les dépressions les plus sévères, chez l'enfant, ont des symptômes tels que plaintes somatiques, retrait social, apathie, agitation, mésestime de soi, voire hallucinations.

Le trouble dysthymique dont l'évolution est supérieure ou égale à 2 ans est retrouvé. Il est constitué de symptômes prévalents en particulier irritabilité, colère, hyperphagie, sentiment d'être mal-aimé, au détriment de l'anhédonie et du retrait social. Le retentissement scolaire et relationnel familial est sévère.

La vulnérabilité et la dimension thymique de ces troubles du comportement sont éclairées par l'évolution psychoaffective de l'enfant dans une perspective dynamique en tenant compte des interactions avec le milieu.
La bipolarité serait sous-estimée avant la puberté, en faveur des troubles du comportement. Chez l'adulte bipolaire, des troubles de l'enfance sont retrouvés dans 80 % des cas [57].

Dépression de l'adolescent

Les manifestations dépressives de l'adolescent posent la question de leur statut. Est-ce un trouble sévère ou un mouve­ment dépressif inhérent au développement normal de l'adoles­cence et sans conséquence.

Actuellement, la dépression de l'adolescent est considérée comme un trouble sévère avec retentissement négatif sur la scolarité, les relations familiales ou amicales, associé à un risque accru de toxicomanie, de tentative de suicide et de récurrence dépressive.

Des enquêtes épidémiologiques auprès d'adultes déprimés ont révélé que bon nombre d'entre eux signalent l'apparition de leur premier épisode dépressif au cours de l'adolescence. Du point de vue clinique, la dépression chez l'adolescent se rapproche de l'épisode dépressif majeur de l'adulte.

Cette symptomatologie peut être toutefois remplacée par des troubles du comportement en particulier une irritabilité (DSM III, 1980) (DSM IV-TR, 2000). Chez l'adulte la prévalence ponctuelle est de 5 % en population générale. Elle apparaît plus élevée chez l'adolescent bien que variable selon les études (1,2 % à 9 %) et les critères retenus [57]. Outre l'épisode dépressif majeur, caractérisé, il est important, devant un changement du compor­tement, des difficultés scolaires et relationnelles, d'évoquer une possibilité de troubles de l'humeur.

Cependant, des difficultés demeurent. S'il existe une ressem­blance syndromique entre épisode dépressif majeur de l'adulte et de l'adolescent, il faut remarquer que chez l'adolescent, la dépression est le plus souvent atypique, c'est-à-dire avec hyperphagie et hypersomnie pouvant atteindre 64 % des cas, contre 15 % chez l'adulte.

Il existe en outre une comorbidité anxieuse élevée dans plus de 50 % des cas chez l'adolescent, ainsi que des troubles de la personnalité fréquents, variables, selon les études [58].

Ces faits évoquent l'existence de caractéristiques cliniques spécifiques de la dépression de l'adolescent dont les études rigoureuses, récentes, sont encore incomplètes pour répondre à cette question.

Ces particularités cliniques pourraient expliquer la faible réponse aux tricycliques et aux sérotoninergiques puisque tant la forme clinique atypique que l'anxiété impor­tante et les troubles de la personnalité sont des facteurs défavorables à la réponse médicamenteuse.

Chez l'adolescent, l'indication psychothérapeutique et médicamenteuse, si nécessaire, mérite d'être mûrement réfléchie par un spécialiste qui tient compte du cas singulier de chaque adolescent et de sa psychopathologie éclairée par les relations familiales et environnementales.

Dépression du sujet âgé

Les études des troubles dépressifs en population générale, chez le sujet âgé ayant plus de 65 ans, ont précisé que la prévalence de l'épisode dépressif majeur est de l'ordre de 2 % et donc que cette pathologie est 2 à 3 fois moins fréquente que chez l'adulte jeune [59]. Cependant, il existe des syndromes dépressifs ou des dépressions mineures, souvent méconnues qui créent des handicaps sociaux aussi importants que ceux d'un épisode dépressif majeur.

Ces épisodes dépressifs de l'âgé sont évalués par des instruments spécifiques telle l'échelle Comprehensive Assessment And Referral Evaluation (CARE) et sa version abrégée, validée par B. Gurland [60]. L'utilisation de cet instrument retrouve environ 13 % d'états dépressifs chez le sujet âgé dans la population générale de New York et Londres [61], pourcentage que confirme l'étude EURO-DEP dans les différents pays européens avec cependant des variations selon les pays [62].

Les études en soins primaires [63, 64] regroupant des patients à la morbidité accrue, souffrant de maladies somatiques ou qui consultent un généraliste pour troubles psychiques, situent la prévalence ponctuelle des états dépressifs chez le sujet âgé, en médecine générale, à environ 24 % dont 10 % d'épisodes dépressifs majeurs.

Outre l'épisode dépressif majeur, caractérisé, des formes dépressives sont plus fréquemment rencontrées :

• la dépression masquée, hypocondriaque ;

• la dépression anxieuse ;

• la dépression pseudodémentielle, caractérisée par un affaiblis­sement intellectuel transitoire dont l'apparition récente fait évoquer une pathologie thymique. Le succès d'un traitement médicamenteux d'épreuve étaye en partie cette hypothèse ;

• la dépression délirante dont la forme la plus fréquente est le délire de préjudice centré sur des héritages convoités, des vols d'argent ou d'objets perpétrés par la famille, des proches ou par des voisins malveillants. Ce délire à dimension paranoïa­que peut s'accompagner de phénomènes hallucinatoires, émaillés de quérulence et de revendications volontiers injurieuses, et parfois de variations de la vigilance avec confusion transitoire ;

• la dépression hostile, caractérisée par des troubles caractériels avec irritabilité et harcèlement de l'entourage pour obtenir des aides immédiates. Elle est souvent inaugurée par une anxiété soit de type agoraphobique avec incapacité de sortir seul, soit l'apparition d'une phobie subite à l'idée de rester seul ou, lorsque le sujet âgé est seul, l'apparition brutale d'un trouble d'allure panique dont le cortège de troubles somatiques alarme le patient et la famille.

Dépressions de la périnatalité

Dépression prénatale

Le diagnostic de dépression est souvent difficile lors de la grossesse, ce qui explique les écarts importants des différentes études qui sont en outre effectuées à des moments différents de la gestation. Elles permettent cependant d'évaluer la prévalence de la dépression prénatale à environ 10 %.

La valeur pronostique prédictive de la dépression de la grossesse dans la survenue d'une dépression du post-partum est appréciée de façon variable. Elle va de l'absence de lien de continuité à l'existence de ce lien dans 25 % à 50 %.

Les études rétrospectives notent que chez les 10 % des femmes qui souffrent de dépression du post-partum, 40 % souffraient de manifestations dépressives pendant la grossesse [65].

La prise en charge de la dépression de la grossesse, avec un abord psychologique et médicamenteux si nécessaire après le 3e mois, peut permettre d'éviter l'apparition de certaines dépres­sions du post-partum.

Post-partum blues

Il s'agit d'une dysphorie transitoire qui apparaît chez 50 % des accouchées entre le 3e et le 5e jour et disparaît en quelques jours avec restitutio ad integrum.

Parmi les manifestations très variées, deux signes principaux sont toujours présents :

• l'hyperesthésie affective (pleurs, irritabilité… ) ;

• la dysphorie avec variabilité de l'humeur et passage rapide de la dépressivité à l'exaltation.

L'évolution du post-partum blues mérite une vigilance particulière. En effet, son aggravation est un indice de risque de survenue d'une psychose puerpérale. L'hyperesthésie affective s'accroît avec irritabilité majeure, anxiété et retrait relationnel. La dysphorie s'intensifie ; les manifestations de dépression évoluent vers des phénomènes dépressifs où les troubles d'exaltation se renforcent, voire coexistent dans un syndrome mixte qui évoque le risque majeur de survenue de psychose puerpérale dont la fréquence est maximale le 6e jour, et la prévalence de 2 pour 1 000 accouchements.

En revanche, le post-partum blues n'est pas prédictif de la survenue d'une dépression postnatale [62].

Dépression de post-partum précoce typique

La prévalence de l'épisode dépressif majeur du post-partum, en population générale, est de 3,2 %. Il survient dans le premier mois du post-partum, souvent vers la 3e semaine. Il entraîne une souffrance de la mère d'autant plus importante qu'elle explique son état par un sentiment très dévalorisant d'incapa­cité à être mère.

Cet état retentit de façon importante sur la relation mère-enfant. Lorsqu'elle s'accompagne d'idées déliran­tes, elle pose le problème des limites avec la psychose puerpé­rale dans sa forme mélancolique [66].

Cette dépression est favorisée par l'existence d'états dépressifs antérieurs, personnels ou familiaux.

La prise en charge adaptée permet, dans la forme typique, une évolution comparable aux dépressions de l'adulte jeune.

Dépression du post-partum, retardée atypique ou dépression maternelle postnatale

Elle touche environ 10 % des accouchées et survient entre les 2e et 12e mois du post-partum. La sémiologie atypique décrite par Pitt en 1968 [67] réalise le plus souvent une dysphorie avec une importante charge anxieuse et des troubles relationnels marqués par l'irritabilité, un découragement et des pleurs, une réduction des intérêts, une anhédonie relative et l'émergence de comportement phobique et obsessionnel, telles les phobies d'impulsion à l'égard de l'enfant.

L'asthénie est importante, la lassitude est une doléance habituelle, sans ralentissement mais parfois existe une subagita­tion discrète. Habituellement, les idées suicidaires sont absentes.

Les symptômes ne régressent pas le soir mais au contraire s'aggravent. Les troubles du sommeil touchent l'endormisse­ment sans réveil précoce.

Bien que les différents symptômes de la dépression postnatale soient modérés, ils altèrent la relation de la mère avec son entourage et surtout avec son bébé. Cette dépression qui perturbe l'instauration et la qualité de la relation mère-bébé est délétère pour l'évolution normale de l'enfant. La mère a de grandes difficultés à exprimer ce qu'elle ressent, d'autant que, culpabilisée par ses insuffisances, elle se considère comme une mauvaise mère dans un contexte où l'entourage ne conçoit et ne parle que joie de la maternité.

Ce sont souvent les manifestations de souffrance du bébé qui attirent l'attention et font évoquer une dépression maternelle. Les difficultés d'alimentation, notamment régurgitation, vomissements, anorexie, prise de poids insuffisante, les pleurs du bébé qui est inconsolable, les troubles du sommeil et les perturbations du comportement inquiètent la mère qui consulte de façon répétée en médecine générale ou en pédiatrie, parfois en urgence, comportement qui évoque le diagnostic de difficul­tés relationnelles, voire de dépression maternelle.

La dépression postnatale maternelle récidive dans 30 % des cas lors d'une grossesse suivante et hors grossesse, le risque dépressif serait d'environ 50 %, rejoignant le risque habituel, après un premier épisode dépressif. Bien que le diagnostic soit délicat, il est important de reconnaître la dépression postnatale maternelle qui, même modérée, doit être prise en charge avec la même exigence qu'une dépression caractérisée. L'objectif est de soulager la souffrance maternelle et d'aider à la relation mère-bébé dont dépend en grande partie l'avenir de l'enfant [65].

Psychose puerpérale

La psychose puerpérale touche deux femmes pour 1 000 accouchées.

Deux facteurs de risque doivent être soulignés : l'aggravation et la prolongation du post-partum blues et les antécédents personnels familiaux de dépression et plus encore de bipolarité [68].

Dans la forme typique, la psychose puerpérale, considérée le plus souvent comme une pathologie thymique, débute habituel­lement à la fin de la première semaine ou lors de la 2e semaine du post-partum. Elle réalise une psychose aiguë à forte partici­pation thymique avec éléments confusionnels fréquents [66].

De survenue apparemment brutale, souvent après la sortie de la maternité, l'intensité est d'emblée maximale.
La thématique délirante, monomorphe, est centrée sur l'enfant, maléfique, difforme, atteint d'une maladie grave qui a pu être échangé ou au contraire, l'enfant est exceptionnel, robuste, chargé d'une mission salvatrice de l'humanité.

Les mécanismes délirants sont polymorphes, essentiellement hallucinatoires, mais aussi interprétatifs, imaginatifs ou intuitifs.

L'humeur congruente aux idées délirantes est, selon la thématique, triste ou expansive.

Les éléments confusionnels sont fréquents.

L'extrême variabilité clinique permet de voir parfois une patiente qui présente une agitation confusodélirante, hallucina­toire, dont la thématique triste exprime un délire de substitu­tion d'enfant. Ce comportement peut être remplacé par une stupeur avec réticence inébranlable et charge anxieuse massive.

Puis, rapidement, peut survenir une nouvelle agitation alors que les éléments confusionnels décroissent et que l'humeur exaltée augmente, avec thématique mégalomaniaque alimentant des idées messianiques centrées sur l'avenir radieux de l'enfant. Sont ainsi réalisés des tableaux rapidement variables de type confuso-mélancolique ou confuso-maniaque et souvent mixtes, mais aussi parfois confuso-oniroïdes avec moments brefs de levée des éléments confusionnels.

L'évolution à court terme est favorable, cependant la résistance habituelle aux psychotropes fait évoquer l'indication d'une sismothérapie qui réduit la symptomatologie en 2 à 3 semaines.

Les rechutes précoces brèves sont fréquentes et accessibles au traitement.

Le danger majeur réside en un geste agressif envers l'enfant, voire un infanticide et un geste suicidaire. Le lien mère-enfant et mère-conjoint doit être maintenu autant que le permet la pathologie maternelle.

Évolution à long terme

Dans 50 % des cas, lors d'une premier épisode de psychose puerpérale chez une patiente sans antécédents personnels et familiaux, l'évolution aboutit à une maladie cyclique avec un risque de 35 % de récurrence puerpérale et un risque de 60 % de rechute hors puerpéralité.

Dans 40 % des cas, lors d'un premier épisode de psychose puerpérale, l'évolution est favora­ble avec cependant un risque de récidive de l'ordre de 30 % lors d'une grossesse. Dix pour cent des cas évoluent vers une psychose dissociative et plus fréquemment vers une schizoph­rénie dysthymique en particulier chez une femme jeune.

Dépression de deuil périnatal

La dépression de deuil périnatal comprend la dépression de deuil prénatal et la dépression de deuil néonatal [69].
Le deuil périnatal correspond à la suspension d'une grossesse reconnue comme une perte d'enfantement.

Ce deuil concerne les avortements spontanés (15 % des grossesses et des procréa­tions médicalement assistées) et les avortements volontaires (15 %) ainsi que les avortements pour raison médicale (1 %).

Le deuil néonatal (0,74 % des grossesses) touche environ 5 000 naissances par an en France.

Le deuil évolue en trois phases : la phase de choc ou de détresse, la phase dépressive durant laquelle s'effectue le travail de deuil et la phase d'adaptation caractérisée par la possibilité d'un nouvel investissement en particulier un projet d'enfant.

Cette situation douloureuse engendre un état dépressif et mobilise une charge massive d'émotion et de réaction psycho­logique complexe qui nécessite un soutien psychologique spécifique et souvent un traitement médicamenteux.

Dépression et cultures

Les dépressions s'expriment par des symptômes fondamen­taux universels : humeur triste, anhédonie, désintérêt et perte de l'initiative, ralentissement psychomoteur, anorexie, insomnie. Cependant, certains de ces symptômes sont influencés par la culture. La dévalorisation, la culpabilité, l'autoaccusation d'allure mélancolique, les idées et les actes suicidaires sont fréquents dans la pathologie dépressive occidentale et moins fréquents dans les cultures chinoises ou japonaises, rares dans les cultures dites traditionnelles, sans support écrit [70].

Ces disparités sémiologiques tiennent essentiellement à la représentation culturelle de la maladie. Si la représentation est liée à l'atteinte corporelle par des esprits maléfiques, par un envoûtement, la dimension persécutrice est prévalente au détriment de la culpabilité, de l'autoaccusation, du châtiment mélancolique, tels qu'on les trouve dans la culture occiden­tale [71, 72].

L'important est de reconnaître la pathologie thymique en fonction de la connaissance de la culture du patient afin d'aménager un traitement adéquat.

Tristesse normale et pathologique

La tristesse pathologique se distingue d'une tristesse normale, survenue après un chagrin, par sa durée, au minimum supé­rieure à 15 jours, par sa ténacité, le sujet ne peut s'en départir, par son envahissement qui infiltre la totalité du vécu du patient dont le pessimisme touche le passé, le présent et l'avenir et s'adresse à lui-même et au monde. Enfin, les autres symptômes dépressifs principaux, anhédonie, désintérêt, idées suicidaires, étayent la dimension pathologique de la tristesse.

Certes, il existe des variations dans l'intensité et la présence de symptômes qui engendrent des difficultés diagnostiques. Les critères d'épisodes dépressifs majeurs établis par l'Association américaine de psychiatrie, repris dans les DSM, tentent de clarifier et de faciliter le diagnostic.

Ils représentent les symptô­mes les plus consensuels retenus par les cliniciens experts. La recherche de critères pour des dépressions mineures complique le problème et se heurte à la critique d'une médicalisation excessive des réactions affectives jugées normales par certains posant le problème habituel de la limite entre normal et pathologique.

Le deuil est un exemple de l'expression variable de la tris­tesse. Il correspond à un processus psychologique caractérisé par une tristesse normale dont l'intensité et la durée excessive aboutissent à une tristesse pathologique en fonction des circonstances, notamment de l'imprévisibilité et la brutalité du décès, de l'âge du défunt, du lien avec la personne défunte.

L'évolution du deuil se fait en trois phases : phase de choc ou de détresse, phase dépressive, phase d'adaptation qui témoigne, vers le 6e-8e mois, du renouveau des intérêts habituels et de l'élaboration de projets.

La phase dépressive marquée par une tristesse normale est caractérisée par la possibilité d'un travail de deuil. Elle peut évoluer vers un épisode dépressif majeur en fonction du contexte, avec apparition d'une tristesse pathologique qui suspend le travail habituel de deuil.

La sévérité, l'existence d'idées suicidaires, la durée supérieure à 12 mois, entrent dans le cadre des deuils compliqués, voire des deuils pathologiques lorsque survient une mélancolie délirante où l'endeuillé s'auto-accuse du décès en alléguant son comportement irresponsable, délétère, pernicieux qu'il aurait infligé au défunt [73, 74].

Freud, en comparant le deuil et la mélancolie, au sens de dépression réactionnelle actuelle, précisait que son travail « n'aura pas une validité universelle » et ajoutait que si, dans la mélancolie, le Moi est vide, dans le deuil, c'est le monde qui s'est appauvri, marquant ainsi une certaine différence entre réaction de deuil et mélancolie [75].

Si les endeuillés ont une souffrance, une affliction commu­nes, les réactions de deuil normal ou pathologique sont varia­bles en fonction du contexte et chaque endeuillé est singulier.

Dépression et comorbidité

La comorbidité comme modèle de classement privilégié entraîne une segmentation excessive de la pathologie et une augmentation des catégories diagnostiques dont la pertinence clinique est discutable. Pour éviter cet écueil, le groupe de travail sur les classifications de l'OMS, qui prépare la future CIM 11, dont la parution est prévue en 2011, tient compte davan­tage de l'aspect dimensionnel des symptômes et d'éventuels déterminants génétiques, psychopathologiques, environnemen­taux, pour caractériser les entités cliniques.

Dépression et personnalité

La personnalité qui est caractérisée par une certaine stabilité confère au sujet son Moi singulier, son identité. Elle englobe le tempérament et le caractère. Le tempérament correspond à la dimension biologique avec ses composants génétiques qui conditionnent en partie les émotions et les comportements.

Le caractère correspond au registre dynamique, adaptatif de la personnalité, acquis lors du développement qui module émo­tion et comportement. Le comportement, au sens général, apparaît comme l'expression tangible, visible, de la personnalité.

Notion de lien entre dépression et personnalité

Si Kraepelin a décrit le tempérament dépressif, Schneider a précisé la personnalité psychopathique dépressive, et Montassut insisté sur la dépression constitutionnelle, c'est Tellenbach [76] qui a étudié la fragilité dépressive, cette façon singulière d'être au monde, au sens phénoménologique, qui caractérise le typus melancolicus où dominent psychorigidité, scrupule, attache­ment à l'ordre, investissement professionnel. Ces descriptions impliquent un lien d'indépendance entre personnalité et troubles dépressifs, caractérisé par des facteurs de prédisposition.

Le lien de dépendance est marqué par une coexistence fortuite entre trouble de la personnalité et dépression. Enfin, il peut exister une unicité d'un processus psychopathologique ; certains troubles de la personnalité seraient alors l'expression d'un état subdépressif soulevant la question ancienne de la place de la névrose dépressive, de la personnalité dépressive [77], réactualisée par la description de la dysthymie [78], comme nous l'avons précisé dans le chapitre qui est consacré à cette forme clinique de dépression.

Lien dans les études récentes

Dans une autre perspective sont effectuées les études récentes, à partir du diagnostic de dépression unipolaire ou chez les bipolaires et de troubles de la personnalité définie par ces classifications internationales : elles tentent de caractériser le lien entre ces deux catégories [79].

Trouble unipolaire

L'approche catégorielle de la personnalité concerne les études rétrospectives, dont la méthodologie est discutée, effectuées après l'épisode dépressif aigu. Les résultats sont disparates : pour les dépressions unipolaires, les plus fréquentes, seules sont retrouvées de façon significative, lors de la prévalence vie entière, les personnalités borderline (35 à 60 %), histrioniques (60 à 80 %) qui prédisposeraient à des épisodes dépressifs majeurs. Un trouble de la personnalité retrouvé chez les patients ayant au moins présenté un épisode dépressif majeur est élevé, de l'ordre de 50 %.

L'abord dimensionnel s'intéresse aux traits de la personnalité. La dimension lors d'études prospectives qui paraît la plus prédisposante à l'état dépressif est le nervosisme constitué par l'instabilité émotionnelle, l'anxiété, l'irritabilité et la nervosité, dimension retrouvée aussi chez les jumeaux monozygotes. Le nervosisme reste toutefois une dimension peu spécifique favorisant la survenue d'une dépression puisqu'il est retrouvé comme facteur de vulnérabilité dans différents troubles men­taux. Après un épisode dépressif, l'augmentation de la dépen­dance interpersonnelle semble une dimension davantage spécifique de la dépression.

Pour le trouble dysthymique, les quelques travaux avec les mêmes méthodes rejoignent les résultats des dépressions unipolaires.

Trouble bipolaire

La fréquence des troubles de la personnalité atteint 50 % avec une prévalence pour la personnalité borderline.
La dimension la plus fréquente retrouvée en dehors des états dépressifs chez les bipolaires par rapport aux déprimés unipo­laires est l'extraversion dont la note est plus élevée alors qu'elle est plus faible pour le nervosisme. Cependant les patients bipolaires, comparés à des sujets témoins « sains », ne se distinguent ni par l'extraversion, ni par le nervosisme [80].

Particularités cliniques

Les patients atteints de trouble de la personnalité, comparés à des patients sans trouble de la personnalité, souffrant de dépression plus sévère, ont un risque de passage à l'acte plus élevé et une réponse aux thérapeutiques antidépressives de moins bonne qualité. Ces éléments péjorent le pronostic.

Les résultats des études sur la relation entre trouble de la personnalité et dépression sont peu spécifiques et invitent à des recherches complémentaires notamment génétiques et biologi­ques. Elles devraient concourir à revoir le problème de la personnalité dépressive qui a été récemment repensée dans le sens d'une autonomie et peut-être d'une vulnérabilité dépressive ouvrant la perspective d'un retour à la notion de spectre dépressif (cf. chapitre dysthymie).

Dépression et troubles anxieux

La majorité des déprimés souffrent ou ont souffert d'un trouble anxieux. Dans l'étude ECA, 43 à 50 % des déprimés souffrent d'un trouble anxieux et 25 % des anxieux présentent des troubles dépressifs [8].
La comorbidité dépressive avec un ou plusieurs troubles anxieux aggrave la pathologie dépressive, diminue la réponse aux antidépresseurs, diminue la qualité de vie, augmente les difficultés sociales et accroît le potentiel suicidaire.

Dépression et anxiété généralisée

Si, classiquement, l'anxieux est tourné vers l'avenir dans la crainte d'une menace, d'une catastrophe et si le déprimé est tourné vers un passé et un présent péjoré tandis que l'avenir est sombre, voire sans issue, anxiété et dépression ne sont pas toujours dans un tel rapport d'opposition.

En effet, plusieurs des symptômes sont comorbides à la pathologie dépressive et à l'anxiété, comme le précise l'échelle Ferreri Anxiety Rating Diagram (FARD) [81]. Si le ralentissement psychomoteur, le désintérêt et l'anhédonie et les idées suicidai­res sont du registre de la pathologie dépressive, l'humeur dépressive, l'asthénie, la perte d'appétit, les troubles du som­meil, le pessimisme, les troubles de la concentration, l'évitement social, sont des symptômes partagés tant par la pathologie anxieuse que par la pathologie dépressive.

Toutefois, l'humeur dépressive, l'asthénie, les troubles du sommeil, notamment le réveil précoce, la perte d'appétit, le pessimisme, les difficultés de concentration et l'évitement social sont beaucoup plus intenses dans la pathologie dépressive.
La comorbidité de la dépression et de l'anxiété généralisée varie selon les études de 5 à 17 %.

Le trouble anxieux généralisé et le trouble dépressif se fondent parfois si étroitement qu'il est impossible de trancher entre ces deux pathologies. Ces aspects plaident pour un modèle mixte et pour le maintien du trouble anxiodépressif, entité qui reste controversée.

Elle est isolée dans la CIM 10 sous la dénomination de trouble anxieux et dépressif mixte. Elle fait partie des catégories cliniques à « l'essai » du DSM IV-TR qui doivent être validées par des études en cours.

La comorbidité de la dépression et des autres troubles anxieux est variable selon les études. Elle serait de l'ordre de 13 % pour la phobie sociale, de 20 % pour l'attaque de panique.

Dépression et stress

Humeur dépressive et troubles de l'adaptation

Le trouble de l'adaptation est caractérisé, dans le DSM IV-TR, par l'apparition d'une réaction inadaptée, dépressive, ne satisfaisant pas aux critères d'épisode dépressif majeur ; il survient dans les 3 mois suivant un ou des facteurs de stress psychosociaux. La prévalence ponctuelle du trouble de l'adap­tation avec humeur dépressive est de l'ordre de 8 % en consul­tation de médecine générale.

Le diagnostic est retenu sur l'existence, soit d'une symptomatologie dépressive exagérée par rapport à la réaction « normale » habituellement attendue à la suite de la situation de stress, soit d'un handicap, une altération manifeste sociale, scolaire ou professionnelle. La durée est variable en fonction des difficultés d'adaptation du sujet et de la persistance de la situation de stress. Elle est de l'ordre de quelques jours à 2-3 mois caractérisant le trouble de l'adapta­tion aigu. Au-delà de 6 mois, on considère que le trouble devient chronique.

Dépression et état de stress post-traumatique

Il existe une similitude épidémiologique entre épisode dépressif majeur caractérisé et état de stress post-traumatique ou post traumatic stress disorder (PTSD). Le sex-ratio qui touche deux femmes pour un homme et la prévalence ponctuelle en popula­tion générale de l'ordre de 5 % sont équivalents dans les deux troubles. En outre, les manifestations dépressives sont impliquées de façon constante dans la constitution d'un état post-traumatique. Ces manifestations sont variables dans le temps [82, 83].

Lors de l'apparition d'un PTSD, le diagnostic et le handicap social sont fonction de l'intensité du syndrome de répétition et des comportements d'évitement qui sont aggravés par les manifestations dépressives. Lorsque les PTSD évoluent de façon durable ou se chronicisent, ce sont alors les manifestations anxieuses et surtout les manifestations dépressives qui condi­tionnent le handicap social.

Elles réalisent le plus souvent un tableau de trouble dysthymique qui, bien que d'intensité modérée, est grandement invalidant. Cette évolution vers la chronicité est émaillée d'épisodes dépressifs caractérisés, le plus souvent liés à des difficultés environnementales.

La dépression chronique installée peut être elle-même émaillée d'épisodes dépressifs majeurs. Dans une perspective évolutive, il faut insister sur le fait que l'intensité initiale des manifestations dépressives, lors de l'installation du PTSD, comme leur préva­lence, lors d'un PTSD chronique, sont un facteur de gravité pronostique et constituent un risque de voir apparaître une dépression chronique.

Dépression et troubles des conduites alimentaires

Une symptomatologie proche de l'anorexie mentale chez l'adolescente ou la femme jeune avec perte d'appétit, aménor­rhée, amaigrissement ou une hyperexcitabilité plus qu'une hyperactivité et l'absence de déni de la maigreur font évoquer le diagnostic de dépression et instaurer alors une prise en charge le plus souvent de pronostic favorable.

La boulimie peut s'intégrer dans un état dépressif atypique avec l'hypersomnie, entrée ou non dans le cadre d'une dépres­sion saisonnière. Elle peut être isolée et apparaître comme le symptôme prévalent d'un état dépressif à forte composante anxieuse. Le diagnostic peut être étayé par des antécédents familiaux de dépression ou l'absence de freination au test à la dexaméthasone qui n'a de valeur que positive.

Dépression et schizophrénies

La comorbidité suppose l'existence de deux troubles distincts pouvant cependant avoir des influences réciproques. La relation existante entre dépression et schizophrénie est complexe : la fréquence élevée de cette « comorbidité » évoque, dans de nombreux cas, des perturbations communes aux deux trou­bles [84, 85].

Trouble schizoaffectif

Ces perturbations communes sont retrouvées dans le trouble schizoaffectif ou trouble dysthymique dont la place est toujours discutée : trouble de l'humeur, trouble schizophrénique ou pathologie autonome. La symptomatologie est, suivant le cas, proche de l'un ou l'autre des deux troubles ; en fonction de la sémiologie des patients, de l'avis des observateurs et des classifications internationales utilisées : le DSM IV a une conception large de la schizophrénie tandis que la CIM 10 a une conception plus ample de la maladie maniacodépressive.

Dépression postpsychotique précoce

Elle apparaît au décours d'une réactivation délirante traitée par les neuroleptiques ou qui s'estompe spontanément. Les opinions sont partagées entre une dépression existante, « dépression révélée », et qui se démasque lors de la réduction de la symptomatologie productive ou une dépression « postpsy­chotique » qui apparaît liée directement à la disparition de l'activité délirante. Il s'agit alors d'une dépression « post psychotique » qui serait proche d'une dépression de deuil.

Dépression postpsychotique tardive

La dépression survient au décours et à distance, au-delà de
12 mois, de la disparition de l'activité délirante schizophrénique, comme le précise la CIM 10.
Il est difficile de trancher entre des symptômes dépressifs inhérents à la maladie schizophrénique ou d'opter pour une réaction psychologique engendrée par la prise de conscience par le patient du caractère invalidant de sa pathologie, notamment de l'apragmatisme. La CIM 10 ne tranche pas entre ces deux positions.

Dépressions intercurrentes

Cette terminologie insiste sur le fait qu'il peut exister des récurrences dépressives lors d'une symptomatologie schizophrénique persistante.

L'état dépressif, chez le schizophrène, a une sémiologie habituelle associée à des symptômes de discordance. La diffi­culté est de différencier la symptomatologie dépressive et la symptomatologie négative qui peut prendre une allure pseudo­dépressive. Le retrait, l'apragmatisme, l'athymormie, l'émoussement affectif, voire l'akinésie neuroleptique, chez le schizophrène, sont à distinguer de la perte de plaisir, du désintérêt, du ralentissement psychomoteur de l'état dépressif, mais il est des cas où cette distinction reste délicate.

Les états dépressifs, dont la prévalence vie entière chez les schizophrènes est de l'ordre de 25 %, augmentent le risque suicidaire, notamment lorsque existe une perte d'espoir impor­tante. Ce risque est aggravé par l'abus d'alcool, la prise de toxiques, l'isolement et l'absence de traitement. Le risque de passage à l'acte suicidaire, chez le patient souffrant de schi­zophrénie, est multiplié par 30 par rapport à la population générale.

Dépression et maladie organique

Les états dépressifs sont fréquents et touchent 20 % des patients atteints de maladies somatiques sévères, invalidantes. La dépression peut être révélatrice de la maladie ou survenir au cours d'une affection somatique connue et traitée [86].

La sémiologie a quelques particularités qui attirent l'attention sur une éventuelle maladie somatique :

• l'absence de facteur déclenchant ;

• l'absence d'antécédents dépressifs personnels et familiaux ;

• l'absence habituelle de trouble de la personnalité, de mani­festations névrotiques ;

• une symptomatologie évocatrice d'une atteinte organique : des éléments confusionnels avec discrète obtusion de la conscience, une désorientation temporospatiale, une per­plexité anxieuse. Le ralentissement cognitif et physique, avec asthénie nette, sans symptômes dépressifs psychiques tangi­bles. La présence de signes neurologiques est remarquée : céphalées, crise comitiale, tremblements, akinésie, mais aussi des troubles d'allure endocrinienne telles l'hypothermie, la prise de poids.

Si toutes les maladies somatiques sévères peuvent entraîner une symptomatologie dépressive, certaines sont réputées dépressogènes.

Affections neurologiques

La maladie de Parkinson peut être révélée par un syndrome dépressif dont les symptômes sont proches : ralentissement psychomoteur, bradypsychie, akathisie.

La maladie de Huntington, souvent précédée longtemps à l'avance par une fatigabilité, un désintérêt, une irritabilité.

La sclérose latérale amyotrophique où la dépression précède souvent les signes organiques.
Certaines tumeurs cérébrales, notamment frontales, caractéri­sées par l'indifférence, l'adynamie, les tumeurs temporales, pourvoyeuses de crises d'épilepsie et les tumeurs hypophysaires marquées par une anorexie, un amaigrissement, un rétrécisse­ment du champ visuel. Ces troubles cérébraux soulignent l'intérêt de pratiquer un électroencéphalogramme et un scanner cérébral lors d'un premier épisode dépressif et lors de l'appari­tion de symptômes nouveaux, a fortiori s'ils orientent vers une organicité.

Affections endocriniennes

La plus fréquente est l'hypothyroïdie qui devrait être recher­chée devant le moindre signe d'appel, notamment une bradycardie, une frilosité, une épilation de la queue des sourcils, et une augmentation pondérale. Elle devrait également être recherchée devant toute dépression résistante aux antidépres­seurs.

• L'hyperthyroïdie peut donner le change avec une dépression anxieuse.

• La maladie d'Addison (hypocortisolémie) est caractérisée par une asthénie intense, psychique et physique, avec aboulie.

• La maladie de Cushing (hypercortisolémie) où le ralentisse­ment est associé avec des crises d'agitation.

• Le diabète où l'asthénie est fréquente.

Affections cancéreuses

Si toutes les affections cancéreuses sont susceptibles d'engen­drer un syndrome dépressif, le cancer du pancréas expose à des plaintes somatiques avec asthénie et anxiété, qui peuvent apparaître plusieurs mois, voire 2 à 3 ans avant l'apparition des symptômes.

Médicaments dépressogènes

Les plus fréquents, outre les neuroleptiques et les psychosti­mulants lors du sevrage, sont la L-dopa, les corticoïdes, mais ils peuvent être stimulants, certains antihypertenseurs, notamment la réserpine, l'alphaméthyldopa, les bêtabloquants les antican­céreux, les immunosuppresseurs.

Dépression et alcoolisme

La dépression est fréquente au cours de l'alcoolisme avec des chiffres de prévalence de l'ordre de 50 % vie entière, variables en fonction des différentes méthodes utilisées [87, 88].

Dépression dite « primaire »

Nous en avons décrit les différentes formes cliniques. Elle précède et induit les abus d'alcool ; elle diffère de la dépression secondaire, qui a ses propres caractéristiques et qui apparaît au cours de l'évolution de l'alcoolisme.

Dépression secondaire

Elle s'installe progressivement, réalisant le plus souvent un tableau de trouble dysthymique, marqué par une dysphorie avec labilité de l'humeur, irritabilité, difficultés relationnelles, qui apparaissent et s'aggravent. Les troubles de l'attention, de la concentration, du jugement, augmentent les difficultés profes­sionnelles.

Le diagnostic est délicat, le patient met souvent en avant les éléments dépressifs et minimise ou méconnaît les abus d'alcool. L'aménagement thérapeutique implique que le patient prenne conscience de ses abus alcooliques.

La majorité des dépressions secondaires, soit les deux tiers, s'estompent sans traitement antidépresseur après le sevrage.

La dépression constitue un moment privilégié chez l'alcooli­que pour la prise de conscience des excès ou de la dépendance à l'alcool.

Dépression de sevrage

Dans les semaines qui suivent le sevrage peut apparaître une tendance dépressive qui, le plus souvent, par une prise en charge psychologique rapprochée en consultation disparaît spontanément. Plus rarement peut survenir un état dépressif caractérisé qu'il faut traiter précocement en associant un antidépresseur. En effet, la dépression constitue un facteur de risque de rechute, d'autant qu'il existe chez ces patients fragiles d'autres facteurs défavorables telles des difficultés socioprofes­sionnelles ou familiales.

Évaluation psychométrique

L'hétéroévaluation de l'intensité dépressive est effectuée par un observateur et l'autoévaluation est faite par le patient à l'aide d'échelles spécifiques.

Elles permettent le suivi évolutif symptomatique par un score chiffré [89, 90].

Échelles d'hétéroévaluation

Échelle de dépression de Hamilton (HDRS) (1960) [20]

Il existe trois versions, 17, 23 et 26 items. Elle est bien corrélée au jugement clinique, à l'exception des formes sévères. Elle est saturée en items anxieux. Son emploi est délicat en pratique médicale courante compte tenu de l'absence de définitions graduées de chaque item. Le score total permet de distinguer (note inférieure à 7) l'absence de symptômes dépres­sifs ou une régression complète.

De 8 à 15 : dépression mineure, régression partielle. Au-delà de 15 : dépression sévère.

Échelle d'évaluation de Montgomery et Asberg (MADRS) (1979) [21]

Elle est constituée de 10 items et a été élaborée pour être sensible au changement. Elle étudie de façon succincte le ralentissement. Les items sont gradués de 0 à 6.

Diagramme de Rufin et Ferreri (HARD) (1984) [ 5]

Il est constitué de 12 items répartis en quatre pôles compre­nant trois items. Cette répartition factorielle est confirmée par les études statistiques [91]. Les scores des pôles H (humeur), A (angoisse), R (ralentissement), D (danger) :

• visualisent différentes formes de dépression ;

• permettent le calcul d'un indice suicidaire ;

• décrivent le profil pharmacologique de l'antidépresseur prescrit.

Dépression moyenne : score 18 à 34 ; dépression forte : 35 à 49 ; dépression sévère : 50 à 72.

Échelles de ralentissement dépressif de Widlocher et Jouvent (ERD) [19]

Échelle dimensionnelle, elle est construite pour explorer les différents aspects du ralentissement psychomoteur à partir de 15 items, cotés de 0 à 4, et un item hors échelle.

Instruments d'autoévaluation

Échelle de Beck et al. (Beck Depression Inventory [BDI]) [92,93]

La version originale comprend 21 items (1962).

Il existe une version abrégée de 13 items, la plus employée, développée à partir de 1972.

Chaque item est représenté par quatre ou cinq affirmations que le patient choisit en fonction de son état. Des seuils sont proposés : absence d'état dépressif : 0 à 4 ; dépression légère : 4 à 7 ; dépression marquée : 8 à 15 ; dépression sévère : 16 et plus.

Échelle d'autoappréciation de la dépression de Zung (SDS) [94]

Elle comprend 20 items écrits à la première personne avec quatre réponses possibles.

Hospital Anxiety and Depressive Scale (HAD) (Zigmond et Snaith) (1983) [95]

L'HAD a été conçue pour diagnostiquer des troubles de l'humeur chez les patients hospitalisés pour des affections somatiques. Elle est constituée de deux sous-échelles de sept items, chacun pour l'évaluation des symptômes dépressifs et anxieux selon quatre degrés de sévérité.

Le diagnostic état anxieux et dépressif est douteux entre 8 et 10 et certain à partir de 11.

Questionnaire de Pichot (QDA) [96]

Il existe deux versions, à 52 et 13 items. Les réponses sont binaires, vrai ou faux. Chaque réponse vraie compte un point. À partir de la note 7, l'existence d'une symptomatologie dépressive est probable.

Conclusion

La sémiologie dépressive, qui s'exprime le plus souvent par des symptômes fondamentaux, réalise cependant différentes formes cliniques qui varient notamment en fonction de l'évo­lution, de l'âge et de la culture.

L'intégration de l'épisode dépressif dans un trouble unipolaire ou bipolaire détermine la thérapeutique préventive.

Les récidives restent cependant fréquentes, augmentant le risque suicidaire, tandis que le passage à la chronicité touche 20 % des patients. La dépression qui se situe au troisième rang des maladies invalidantes consti­tue, tant par son retentissement individuel que par son inci­dence médicoéconomique, un problème de santé publique.

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Source : Ferreri F., Agbokou C., Nuss P., Peretti C.-S. Clinique des états dépressifs. EMC (Elsevier SAS, Paris), Psychiatrie, 37-110-A-10, 2006.





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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
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