Le langage de l'inconscient

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Le langage de l'inconscient

Pascal Patry praticien en psychothérapie, thérapeute et astropsychologue à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Astropsychologie · Mardi 02 Août 2022
Tags: Lelangagedel'inconscient
Le langage de l'inconscient

Introduction

Ne sais-tu pas que le ciel et les éléments étaient unis auparavant, et qu’un artifice divin les sépara afin qu’ils puissent t’engen­drer ainsi que toutes choses ? Si tu le sais rien ne peut t’échapper.
Une telle séparation préside donc à tout avènement.

Tu n’obtiendras jamais des autres l’Unicité que tu recherches
à moins de t’être uni­fié toi-même au préalable…

Gerhard Dorn

Tout enfant sait que les princes et les princesses vivent heureux à jamais. En dépit des envoûtements, des belles-mères iniques, des ogres, des géants et des nains malveillants, l'amour triomphe, le mauvais sort est conjuré et le couple heureux disparaît dans les brumes de l'imagination, main dans la main, sans que l'ombre d'un avocat ou d'un huissier ne vienne obscurcir un avenir idyllique.

Comme on le dit à l’enfant, « en grandissant » le regard que nous jetons « sur la vie telle qu'elle est » nous apprend tout autre chose. Les princes et les prin­cesses, le Père Noël, le lièvre de Pâques, les compagnons imaginaires et autres reliques de la vie onirique de l'enfance n'appartiennent pas au monde des adultes. Nous apprenons très tôt dans la vie que nul n’est heureux à jamais. Que nos relations soient satisfaisan­tes ou non dépend de nous, elles sont en effet affaire de responsabilité, d'engagement, de discipline, d'obli­gation, de compromis, de communication - des ter­mes qu'on utilise si souvent que leur signification devrait être des plus claires. Mais d’une certaine ma­nière, dans la vie réelle, ces termes revêtent une ambi­guïté de plus en plus marquée quand nous compre­nons que cet autre, cet étranger qui se tient face à nous, qu'il s’agisse de l'époux ou de l'épouse, du fils ou de l'amant, de l’ami ou du professeur, de l'associé ou de l'ennemi, demeure un étranger.

Les relations constituent un aspect fondamental de la vie. Elles sont archétypes, ce qui signifie qu’elles représentent une expérience qui imprègne la struc­ture fondamentale de la psyché humaine mais aussi de l'univers dans son intégralité. En dernière analyse, tout repose sur les relations humaines, car nous ne prendrions conscience d'aucun aspect de la vie si nous ne l'appréhendions en ce qu’il se différencie des autres. Nous reconnaissons le jour parce que la nuit existe, et c'est la relation qui les unit, qui les définit et les identifie. Et si on se penche un tant soit peu sur cette idée, il devient de plus en plus évident que nous autres êtres humains, nous concevons en tant qu'individus en nous comparant à ce que nous ne sommes pas.

Pour un certain nombre de raisons, certaines évi­dentes et d'autres beaucoup plus subtiles, on accorde une plus grande importance à l'expérience relation­nelle aujourd'hui qu'à d'autres périodes de notre his­toire. Les relations humaines ont toujours été une facette essentielle de la vie, mais nous ne les avons pas toujours nommées ainsi, pas plus que nous ne leur avons attribué d'autre propos que : le soulage­ment de la solitude, la satisfaction du désir, la per­pétuation de l'espèce, la protection de l'individu et de la société, l'expérience de l'amour (un terme des plus ambigus, comme tout adulte le sait), et l'accrois­sement du patrimoine. Autant de raisons suffisamment valables pour que nous fassions l'effort ô combien gratifiant mais ô combien douloureux de vivre avec nos semblables. Grâce aux travaux réalisés dans le domaine de la psychologie au cours des soixante-quinze dernières années, nous avons pu constater que les relations entre les hommes n'étaient pas seulement un moyen de parvenir à l'une ou l'autre forme de satis­faction personnelle. Elles sont également nécessaires à la croissance personnelle et à la compréhension de soi. Un homme ignore à quoi il ressemble tant qu'il ne s'est pas regardé dans un miroir, et cette vérité pre­mière s'applique à la réalité physique comme à la réalité de la psyché.

D'innombrables écrits relevant de l'ésotérisme et de la psychologie nous apprennent que l'homme est sur le point d'entrer dans une ère nouvelle. Le mot alle­mand Zeitgeist décrit parfaitement ce concept, bien qu'il ne se prête pas volontiers à la traduction. Sans entrer dans les détails, nous poumons dire qu'il dési­gne l’esprit-du-temps, un vent nouveau qui souffle sur une ère et annonce des modifications tout aussi radi­cales que spectaculaires de la conscience de l'homme. Rien n'interdit d'avancer que les grands changements qui se produisirent à l'époque de la Renaissance, au niveau de la religion, de la science, des arts et de tous les autres domaines du comportement humain, étaient des manifestations d'un Zeitgeist. Quelque chose de nouveau naquit qui permit à l'homme de discerner une réalité de nature différente, ou pour être plus précis, de discerner une partie plus grande de la réa­lité que celle qu'il avait perçue auparavant. Les chan­gements de conscience qui ne vinrent à l'aube de l'ère chrétienne peuvent également être considérés comme des manifestations d'un Zeitgeist, car c’est une cons­tante, au commencement d’un nouvel âge, les anciens dieux meurent et de nouveaux naissent. Il semble que nous vivions à ce moment de notre histoire un autre Zeitgeist, bien que ses signes avant-coureurs ne soient compréhensibles qu’à ceux qui ont étudié le langage des symboles.

Il est possible que cette mutation dans la conscience - que l'astrologie a nommée symboliquement l'ère du Verseau - ait principalement pour but l'approfondis­sement de la connaissance intérieure - laquelle com­pléterait la connaissance externe qui nous est déjà fami­lière. Il semble que notre esprit-du-temps présent soit intimement lié à la compréhension de soi et à une quête de la signification. Il est vrai qu'on peut attri­buer cette quête aux changements économiques et politiques qui engendrent de manière inévitable, ten­sion, stress et remise en question de soi. Il n'en demeure pas moins qu'il est aussi possible de considé­rer ces deux tendances concourantes - l'agitation socio-économique et ce qu'il est permis de qualifier simplement de quête spirituelle - comme des événe­ments synchrones. C'est-à-dire que l'une ne doit pas être la cause de l'autre, mais que toutes deux peuvent être symptomatiques d'un profond changement inté­rieur intervenant dans la psyché collective de l'hom­me.

D'aucuns prétendront que des questions aussi essen­tielles que la modification de la conscience de l'hom­me et l'entrée dans une ère nouvelle n’ont pas grand rapport avec les bouleversements et les problèmes très subjectifs qui poussent tant de personnes à recher­cher des conseils pour résoudre leurs difficultés rela­tionnelles. Il peut paraître déplacé de parler de Zeitgeist quand une femme abandonne son mari ou quand une autre est aux prises avec des sentiments d'inadap­tation sexuelle qui handicapent sa relation conjugale. Pourtant cette idée se justifie. On nous répète souvent que le nombre des divorces est en hausse, que les va­leurs consacrées par le temps et les critères moraux sur lesquels nos relations se sont fondées pendant des siè­cles s’écroulent et perdent toute signification aux yeux des générations montantes, que le comportement sexuel actuel verse dans des déviations jamais attein­tes lors de la décadence de l'Empire romain. Nos cri­tères d évaluation des relations ont subi une mutation ainsi que les manières dont nous résolvons nos pro­blèmes. Il fut un temps où nous souffrions en silence. Aujourd'hui, nous constatons une augmentation indé­niable du nombre d'ouvrages, ainsi que d'articles dans les revues et les quotidiens, qui traitent des difficultés à vivre avec autrui. Nous enregistrons également une augmentation certaines des demandes de conseils con­jugaux, d'ateliers et de groupes favorisant l'épanouis­sement personnel, ainsi que de thérapies et d'analyses individuelles - toutes ces techniques tentent notam­ment de traiter avec plus ou moins de succès les besoins, les désirs, les conflits, les peurs et les aspira­tions relationnels de l'individu. Est-il utile de préciser que des phénomènes tels que le Mouvement de Libé­ration de la Femme et le Mouvement de Libération des Homosexuels s'efforcent l’un comme l’autre de faire face à leur façon à certains aspects des problèmes relationnels. Même la controverse suscitée par l'édu­cation sexuelle à l'école relève du domaine des rela­tions humaines, tout comme la question de l'avortement.

Cette réévaluation des relations entre les individus est, dans une large mesure, partie d'une quête de valeurs plus significatives et d’une compréhension plus grande de la psyché au même titre que la surprenante recrudescence d’intérêt pour les anciennes études ésotériques telles que l’astrologie, l’alchimie et autres bizarreries apparentes. Ce sont des aspects différents d'une même quête, et plus vite nous le comprendrons, plus large sera la perspective que nous aurons du contexte plus vaste sous-jacent à nos problèmes per­sonnels.

La science, qui a longtemps eu le dernier mot quant à la réalité, se surprend elle-même en abordant le domaine de ce qu’on a coutume de nommer les études des arcanes. Effarés, nous entendons des personnes instruites et respectables nous dire que les plantes réagissent à l’émotion humaine et apprécient la musi­que ; qu'il semble vraiment que le soleil, la lune et les planètes émettent des énergies qui affectent la vie humaine ; que l'esprit de l'homme est capable d'ex­ploits tels que la télépathie, la télékinésie et la clair­voyance dans le cadre d'expériences contrôlées en laboratoire ; et que Dieu pourrait en fait être vivant et bien portant, caché au cœur de la matière. À ce stade, ce n'est pas seulement l’étroitesse d'esprit dog­matique mais aussi la peur qui fait que les êtres s'ac­crochent aux anciens concepts de réalité et de raison, parce que la science elle-même évolue au seuil d'un univers qui présente une étrange ressemblance avec le monde magique et mystérieux des contes de fées. Pour l'homme convaincu de se tenir sur la terre ferme, il est difficile d'admettre que le sol a commencé à chan­ger, à se dissoudre, et à se restructurer différemment. Dans ce nouveau paysage dans lequel nous sommes tous précipités, que nous le voulions ou non, nous avons désespérément besoin de cartes. Les points de repère nous font défaut, car nous apprenons à une vitesse alarmante que notre connaissance de la nature de l'homme est vraiment insignifiante.

Sous son nom actuel la psychologie est une science toute nouvelle, et à maints égards elle est primitive et inexpérimentée. Pourtant la psychologie est l'une des rares cartes fiables dont nous disposions, même si nous ne l'établissons qu'au fur et à mesure de l'explo­ration. La psychologie dans son sens le plus profond existe cependant depuis très longtemps sous d’autres appellations, la plus ancienne étant peut-être astrolo­gie. Selon toute vraisemblance, cette idée surprendra plus les psychologues que quiconque ; le mot psycho­logie est issu de deux mots grecs - psyché, qui signi­fie âme, et logos, qui signifie sagesse - et l'étude de l'âme humaine appartenait au domaine de l'astrologie bien avant que de devenir une discipline à part entière.
Il semble que dans certains cercles ces deux scien­ces, la plus ancienne et la plus récente, forment un mariage des plus curieux. L'astrologie connaît à l'heure actuelle une renaissance, bien que sa valeur réelle ne réside pas dans la conception populaire et erronée de la prédiction magique de l'avenir mais qu'elle concerne son accession au statut beaucoup plus utile d’outil d'immense pouvoir pour l'exploration de la psyché humaine.

La psychologie et l'astrologie utilisent des langages et des méthodes de recherche et d'application diffé­rents, pourtant leur sujet d'investigation est le même, et d'un point de vue potentiel, elles font très bon mé­nage. Le fruit d'une telle union n'est pas encore tout à fait reconnu, mais tel est le sujet de ce livre. Et, si nous considérons l'idée voulant que les relations soient, entre autres choses, une voie vers la découverte de soi au plan individuel, il est probable que l'antique sagesse de l'astrologie, alliée aux visions modernes de la psychologie des profondeurs, ait quelque chose à nous apprendre quant aux manières selon lesquelles nous communiquons avec autrui.

Un thème natal, établi dans les règles de l'art, est une carte symbolique de la psyché humaine indivi­duelle. Cette carte est semblable à une graine en ce qu'elle indique les potentiels dont disposent l'individu et les périodes de la vie auxquelles ces potentiels sont susceptibles de se concrétiser. Bien que l'imagerie de l'astrologie se différencie de la terminologie plus pré­cise de la psychologie, il est possible d'établir un paral­lèle entre le thème natal et les modèles que nous ont offerts des hommes géniaux et inspirés dans le champ de la psychologie, tels que C.G. Jung et Roberto Assagioli. Mais les modèles ne sont que des modèles, ils ne correspondent pas à une réalité et n'y prétendent d'ailleurs pas. Un modèle est en fait une suggestion, une proposition, un objectif à travers lequel, si nous regardons attentivement, nous saisirons ce que les mots et les concepts sont impuissants à formuler et à exprimer. Le cœur de tout être humain est un mystère, et l'essence de l'attirance et de la répulsion entre des individus est tout aussi mystérieuse, quels que soient les efforts entrepris pour les conceptualiser. Mais nantis de cartes utiles, nous commençons tout au moins à pénétrer leurs mystères, même si nous ne parvenons pas à les saisir par l'intellect.

Aucune tentative ne sera entreprise dans le cadre de cet ouvrage pour prouver ou réfuter la validité de l'astrologie. Il existe déjà une littérature abondante et excellente sur le marché qui traite des preuves factuel­les en la matière, et le lecteur intéressé trouvera une bibliographie complète à la fin de cet ouvrage. Cha­que individu doit se forger une opinion personnelle de l'astrologie ; mais il est impossible d'y parvenir sans connaître le sujet et sans disposer d'une expé­rience autre que les conceptions et les idées fausses propres à l'astrologie populaire. Nous devrions être convaincus aujourd'hui de leur fiabilité. Songez qu'il n'y a pas si longtemps nous pensions que la terre était plate et soutenue dans le ciel par une tortue géante.

Si ce livre ne constitue pas une tentative de justifi­cation de l'astrologie, ce n'est pas non plus un manuel pratique visant à vous apprendre à dresser votre propre horoscope - d'une part, parce que cette entre­prise exigerait à elle seule un volume et d'autre part, parce que de tels ouvrages ne font pas défaut. Les informations astrologiques présentées ici sont en con­séquence interprétatives plutôt que pratiques. Afin d'en tirer tous les avantages, le lecteur devra établir ou faire établir dans les règles de l'art un horoscope pour lui-même et pour les personnes avec lesquelles il vit.

Il existe différentes façons de regarder la réalité, valable ponctuellement pour certaines personnes et non pour d'autres. Il est tout à fait possible que nul ne l'appréhende dans sa globalité, parce que nous ne voyons qu'en fonction de la perspective de notre pro­pre coloration psychologique. La réalité est donc sub­jective même pour le plus « ouvert » et le plus « déta­ché » d'entre nous. Nous avons appris récemment que même les particules subatomiques pouvaient modifier leur comportement en fonction de l'observateur, et ce champ de la matière inorganique, qui jadis était sûr, n'est plus de nos jours le dernier bastion de la « réa­lité objective ». Et la reconnaissance de notre partia­lité marque peut-être le début de la sagesse.

Le temps est venu de dépoussiérer nos anciens livres d'enfants, puisque le travail de Jung nous a montré que les contes de fées, comme les rêves, ne sont pas ce qu'ils semblent être. Les mythes et les contes véhi­culent une sagesse qui ne s'adresse pas à notre intel­lect. C'est pourquoi nous nous trouvons confrontés à la réalité de la psyché inconsciente et du monde des symboles. Si le conte nous dit que le prince et la princesse vécurent heureux à jamais, cette assertion renferme une signification, car comme tout enfant le sait, les contes de fées n'appartiennent pas au mon­de quotidien et ne s'en réclament pas. Ils appartien­nent au monde de l'inconscient et ils sont symboliques. Si le conte nous dit que le prince, pour conquérir la princesse, doit affronter le dragon, tuer la méchante sorcière, anéantir le pouvoir de la belle-mère inique avec l'aide de son animal fidèle, cela revêt également une signification, et nous pouvons apprendre beaucoup au sujet des voies qui s'offrent à nous si nous considé­rons avec un regard différent la quête du prince. Les mythes et les contes de fées constituent une autre carte de notre étrange contrée. En décrivant les vicis­situdes et les luttes du héros qui cherche sa bien-aimée, ils reflètent un voyage intérieur que chacun de nous doit accomplir afin d'atteindre à la plénitude. Rien n’interdit d'avancer que seule une reconnaissance de notre propre plénitude nous permettra de recon­naître l'étranger, l'autre. Peut-être est-ce le prix à payer pour entretenir des relations authentiques ?

Peut-être devrions-nous rapetisser plutôt que grandir, afin de considérer la prétendue réalité avec les yeux d’un enfant et de constater que la vérité existe dans le monde de la psyché indépendamment des corréla­tions matérielles. Le fait de « regarder la vie telle qu’elle est » correspond peut-être à une attitude pleine d'arrogance et dénuée de sagesse, puisqu’aucun d’en­tre nous ne sait vraiment ce qu'est la vie ; nous n'en connaissons que les apparences. Notre vie n’a d'autre signification que celle que nous lui accordons. Nous sommes tous apparemment seuls, mais reste à savoir s'il doit en être ainsi ou si la solitude signifie ce que nous pensons qu’elle signifie.

La plupart d'entre nous ont besoin de courage pour expérimenter de nouveaux outils, et pour le faire sans préjugés. Jung eut le courage, en tant que médecin et chercheur, d’étudier l'astrologie et de l'utiliser pour son exploration de la psyché. Si, grâce à son travail, nous possédons une meilleure compréhension de nous-mêmes, nous devrions avoir le courage d’adopter la même démarche - surtout si elle nous aide à mener une vie plus profonde et à établir des relations plus significatives. La quête du prince renferme maintes surprises, et la plus importante consiste à comprendre que nous sommes à la fois le prince, le dragon, la belle-mère, l'animal fidèle, la bien-aimée, ainsi que la quête et le narrateur.


Le langage de l'inconscient

Le monde et la pensée ne sont qu’écume ; de menaçantes images cosmiques ;
le sang préside à leur essor ; leurs feux embrasent les pensées ;
et ces images sont - des mythes.

Andrei Bely

Tout ce qui passe est élevé au rang de l'ex­pression ;
tout ce qui advient est élevé au rang de la signification.
Tout est symbole ou parabole.

Paul Claudel

Pour la plupart d'entre nous, persuadés que nous sommes d'être des individus dotés de la pensée, nous aimons à prétendre que nous nous connaissons bien. Il en est ainsi, selon toute vraisemblance, parce que nous nous référons au fait que nous sommes aptes à dresser la liste de nos qualités et de nos défauts, à recenser nos « bons » et nos « mauvais » côtés, et à inventorier nos goûts, nos dégoûts et nos objectifs. Or même une conception aussi limitée n'est pas à la portée de tout un chacun ; il semble que d'aucuns tra­versent la vie avec pour tout sentiment d'identité un nom qu'ils n'ont pas choisi, un corps sur la création duquel ils n'ont exercé aucun contrôle, et une situation qui, en règle générale, résulte de la nécessité maté­rielle, du conditionnement social et du hasard.

Pourtant un phénomène très curieux intervient mê­me si nous considérons un individu qui possède une perspicacité suffisante pour se « connaître » lui-même en termes de comportement. Demandez-lui de se décri­re et, s'il fait montre d'honnêteté tant à votre égard qu'au sien - ce qui est assez exceptionnel - il se peut qu'il vous fournisse une description exhaustive de sa personnalité. Mais demandez à son épouse de le décrire, et vous penserez qu'il y a erreur sur la personne. Des traits de caractère apparaissent que l’homme lui-même semble ignorer totalement, des objectifs lui sont attribués qui comptent au nombre de ses valeurs les moins importantes, et des qualités lui sont reconnues qui se situent aux antipodes de celles qui, selon lui, forment sa propre identité. Vous commencerez à vous demander qui se berce d'illu­sions. Demandez leur avis à ses enfants, et vous obtien­drez une image totalement différente des précédentes. Quant à ses collègues et à ses connaissances, ils ne feront pas exception à la règle et vous feront le por­trait d'un autre homme. Nous pouvons tous tenter cette investigation simple, et ce faisant nous constate­rons que l'individu le plus observateur, le plus introspectif ne voit que ce qu'il choisit de voir à travers l'objectif de sa propre psyché ; il est inévitable que nous nous connaissions moins bien que nous ne le pensions du fait que les conceptions de la réalité, les nôtres comme celles d'autrui, reposent toujours sur une perspective tronquée.

Nous devons admettre que ce qui nous est le plus proche est ce que nous connaissons le moins, bien que les apparences attestent le contraire.

Quel que soit le jugement qu'on porte sur les théo­ries freudiennes de l'inconscient, il est hors de ques­tion de nier que la psyché de l'homme abrite autre chose que ce qui est accessible à notre conscience limi­tée. Que nous soyons réellement motivés par des besoins biologiques ainsi que Freud le suggère, ou par la volonté du pouvoir ainsi qu'Adler l'avance, ou encore par des besoins de plénitude ainsi que Jung le pré­tend, un point est acquis : nous ne sommes en général pas conscients de nos motivations les plus profondes, et, étant donné l'étendue de notre cécité, nous som­mes rarement en mesure d'avoir conscience de celles d'autrui.

Les concepts du conscient et de l'inconscient sont des termes difficiles à expliquer puisqu'ils concernent des énergies vivantes qui, à l'inverse des organes du corps physique, ne se prêtent pas à la classification. La psyché de l'homme renferme néanmoins une multi­tude d'éléments cachés qui ne s'expriment en général qu’à travers des canaux que nous avons tendance le plus souvent à refouler ou à négliger. La plupart des gens ne comprennent pas leurs rêves, et ils ne font souvent aucun effort pour s'en souvenir à moins qu'ils ne les considèrent comme dépourvus de signification ; on pense que les fantasmes sont infantiles sauf s'ils sont érotiques, auquel cas ils engendrent la culpabilité ; on appréhende les débordements émotionnels avec gêne, et on s'en excuse en invoquant des problèmes de santé ou des difficultés professionnelles.

En matière de relations, le mécanisme le plus impor­tant que nous possédions pour l'exploration de la psy­ché est celui de la projection. Nous utilisons souvent ce terme en rapport avec le cinéma, et sa signification dans ce contexte nous aidera à comprendre son sens psychologique. Quand nous voyons une image projetée sur un écran, nous la regardons et y réagissons, et nous n'examinons pas le film ou la pellicule à l'intérieur du projecteur qui est pourtant la source réelle de l'ima­ge ; nous ne regardons pas non plus la lumière éma­nant de l'appareil grâce à laquelle il nous est possi­ble de voir l'image. Quand une personne projette l'une ou l'autre qualité inconsciente qu'elle possède au plus profond d'elle-même sur autrui elle réagit à la pro­jection comme si cette dernière appartenait à ce tiers ; elle ne songe pas à explorer sa propre psyché pour en découvrir l'origine. Elle la traitera comme si elle existait en dehors d'elle, et l'impact que la projection exercera sur elle déclenchera en général une charge émotionnelle élevée parce qu’en réalité c'est à son pro­pre moi inconscient qu'elle est confrontée.

Ce mécanisme très simple œuvre dès que nous éprouvons une réaction émotionnelle très vive ou irra­tionnelle, positive ou négative, à l'égard d'un tiers. L'introspection est un travail de tous les instants si nous voulons reconnaître et incorporer ces qualités inconscientes et donc être en mesure de percevoir les contours indistincts de l'identité de l'autre. Et il est certain que nous ne nous en rapprochons pas, mais qu’au contraire, nous nous en éloignons dès que nous nouons ou rompons des relations en fonction de réac­tions se fondant sur nos propres projections.

La projection psychique est un fait des plus courants en psychologie… Nous lui attribuons sim­plement un autre nom et, en règle générale, nous nions en être coupables. Nous découvrons tout ce que notre inconscient renferme chez autrui, que nous traitons en conséquence.

Pourquoi attribuons-nous aux autres nos propres particularités ? Cette attitude est compréhensible si nous considérons des « défauts ». Si je n'apprécie pas un trait particulier de mon caractère, si en fait je souffre trop pour reconnaître sa présence inconsciente, cette partie négligée de mon être me tourmentera dans son désir de s’exprimer et fera en sorte de me confron­ter de l'extérieur. Il est plus difficile de comprendre pourquoi nous désavouons des qualités positives. Pour ce faire, il est nécessaire que nous connaissions la structure et les lois de la psyché - en gardant tou­jours à l’esprit que tout ce que la psychologie peut nous apprendre au sujet de la psyché n'est jamais que le produit de celle-ci, ce qui interdit une « objectivité totale ». Mais revenons à notre sujet.

L'ego est le centre du champ de la conscience quo­tidienne, rationnelle ; très grossièrement, c'est ce que je sais - ou ce que je pense savoir - être moi.

La conscience représente surtout ce que nous savons, et ce que nous savons que nous savons.

Pour la plupart d'entre nous, l'ego est tout ce que nous connaissons de nous-mêmes, et en conséquence le monde dans son ensemble nous apparaît sous l'éclai­rage dispensé par celui-ci. Nous supposons que qui­conque a une vision différente est un esprit borné, un menteur éhonté ou un être anormal ou insensé.

L'ego semble se développer selon des directions particulières dès la naissance. Si nous étions unique­ment le produit brut de notre hérédité, de notre con­ditionnement et de notre environnement, des enfants nés dans les mêmes circonstances seraient en tous points semblables sur le plan psychologique - ce qui bien sûr n'est pas le cas.

La prédisposition individuelle intervient dès l’enfance : elle est innée, et non acquise au cours de la vie.

L’astrologie suggère que le tempérament de l'indi­vidu est inhérent à la naissance, et la maîtrise de l'as­trologie peut nous aider à percevoir la nature de cette graine qui deviendra l'ego adulte. Elle ne nous renseigne pas seulement sur le moi que nous connais­sons, mais encore sur celui que nous ne connaissons pas. Le symbolisme du thème natal reflète également la tendance naturelle de l'homme à vivre et à évaluer la vie par l'intermédiaire de l'ego, car l'horoscope est un mandala ayant pour centre la terre plutôt que le soleil. En d'autres termes, il indique la manière selon laquelle la conscience individuelle appréhende la vie et non sa réalité.

Lorsque nous devenons adultes de nombreuses qua­lités de notre nature ne sont pas encore intégrées à l’ego en développement bien quelles nous appartien­nent en propre. Elles doivent être autorisées à s’expri­mer, même si elles choquent nos parents, contredisent les doctrines religieuses, violent les conventions socia­les ou, encore et surtout, si elles entrent en conflit avec ce que l'ego privilégie le plus. Certaines de ces qualités refoulées peuvent être « négatives » en ce qu'elles sont destructives ; d’autres peuvent être « posi­tives » et beaucoup plus gratifiantes, aux niveaux individuel et social, que l'ego le laisserait supposer. Un individu peut en fait privilégier la médiocrité - sans en avoir conscience - et étouffer ce faisant les pous­ses de ce qui est en lui unique et créateur ; ou son image de soi peut être des plus modestes, et les qua­lités les plus marquantes de sa personnalité sont alors reléguées à un niveau inconscient. Toutes ces caracté­ristiques seront projetées sur un objet qui conviendra.

L'objet d'une projection ne se limite pas aux indi­vidus. Il peut concerner une organisation, une nation, une idéologie ou un type racial qui devient le centre de la projection de notre côté sombre non reconnu. Un homme qui s'oppose avec violence et déraison au capitalisme fait peut-être une projection aussi forte qu'un autre dont la réaction au communisme est tout aussi excessive. Ce qui distingue la projection n'est pas le point de vue, mais l'intensité, la violence de la réac­tion. Le témoin d'une discussion opposant deux per­sonnes les écoutera avec étonnement s'accuser mutuel­lement des mêmes méfaits. Pour un observateur, cette attitude est tout à la fois puérile et tragique, ainsi que la plupart des conseillers conjugaux en attesteront. Il n'en va pas de même pour celui qui se trouve sous l'emprise de son propre mécanisme de projection et dont l'inconscient est en éveil, car il est absolument convaincu de son bon droit. Il est désagréable d'envisa­ger la possibilité, douloureuse mais omniprésente, de s'être fourvoyé ; cela signifie en effet qu'on se berce de longue date d’illusions quant à soi-même. Vivre sans ces illusions exige du courage et un sens moral qui n’ont aucun point commun avec l'habituelle con­ception sociale de la moralité manichéenne. Il n'est pas surprenant que nous fassions des projections, car c’est le seul moyen dont nous disposions pour conti­nuer à accuser les autres de notre douleur au lieu de reconnaître que la psyché contient tant les ténèbres que la lumière et que notre réalité est celle que nous nous sommes créée. La projection et la découverte qui en découle renferment pourtant un moyen des plus précieux de nous renseigner sur ce qui se cache en nous, et sur ce que nous ne voyons pas chez les autres.

Il est habituel de concentrer sur un écran une pro­jection qui présente une légère ressemblance avec l’image projetée, bien qu'il soit assez courant de con­fondre ressemblance et identité. Il importe donc que l'« heureux élu » affiche certaines dispositions pour que la projection soit efficace. Qui plus est, nous pra­tiquons une certaine sélectivité dans nos relations. Là encore, ainsi que nous le verrons, l’astrologie nous renseigne sur le contenu de nos projections, sur le type d'individus que nous sommes susceptibles d'honorer ou d'insulter en les lui attribuant. Mais en dépit de leur ressemblance, l'écran et l'image ne sont jamais identiques, et la projection est presque toujours une exagération grossière d'une caractéristique qui, sans notre intervention pourrait s'intégrer de manière har­monieuse à la nature d'autrui ou à la nôtre.

Certains aspects désagréables de la projection im­prègnent les relations. Si une personne est la cible perpétuelle des qualités inconscientes d'une autre, et si elle manque de connaissance de soi pour percevoir le processus elle finira par ressembler à la projection. Nous connaissons tous des situations apparemment inexplicables dans lesquelles, par exemple, une femme aura le don de collectionner les expériences douloureu­ses. Il se peut que ses partenaires la battent, même si aucun d'eux ne s'est jamais comporté ainsi aupara­vant ; et nous hochons la tête en faisant quelque com­mentaire sur son triste sort, sans jamais reconnaître la connivence dont elle a fait montre. Par nos projec­tions, nous avons l'art de tirer d'autrui des qualités qui, sans notre intervention, seraient demeurées à l'état de latence et n’auraient jamais germé. Nul n'est autorisé à affirmer que sa propre psyché ne contient pas en puissance les mêmes tendances au bien et au mal. Nul ne peut juger de la qualité des graines. Mais par la dilution et la lumière que nos projections apportent aux autres, nous suscitons mutuellement ces réactions d'une manière qui évoque quelquefois la possession démoniaque.

L'homme qui pense que les femmes sont avides, manipulatrices et destructrices, parce qu'il porte en lui inconsciemment ces qualités, est susceptible de dissimuler cette tendance derrière une attitude cons­ciente qui au contraire attestera son attirance pour le sexe opposé ; il risque toutefois de découvrir avec horreur que les femmes avec lesquelles il entretient une relation tentent en fin de compte de le dévorer, de le manipuler et de le détruire. Peut-être en arrivera-t-il à la conclusion que toutes les femmes sont pareil­les, alors que, selon toute vraisemblance, c'est lui qui a éveillé ces qualités chez des femmes qui, en d'autres circonstances, ne les auraient jamais présentées. Au sein d'une autre relation, la même femme pourrait avoir une attitude toute différente ; et puisque l'en­semble de la gent masculine ne se rallie pas derrière l'étendard de la misogynie, nous ne courons aucun risque à afficher une certaine réserve quant à l'opinion de ce pauvre hère.

Mais qui blâmer dans ce cas ? Sommes-nous en droit de prétendre que quelqu'un est responsable de l'in­conscient ? N'est-il pas plus réaliste et plus charitable d'admettre que nous ne pouvons pas contrôler ce dont nous sommes ignorants ? Même les tribunaux concé­deront qu'un crime commis dans un état de démence relève d'un traitement psychiatrique plutôt que de l’emprisonnement ? Qu'en est-il alors de nos projec­tions inconscientes d'hostilité, de colère, de stupidité, de destructivité, de possessivité, de jalousie, de mes­quinerie, de petitesse, de brutalité et des myriades d'autres aspects de notre face cachée que nous pen­sons constamment retrouver chez les personnes qui, d'après nous, nous ont déçus ?

Bien qu'en dernière analyse nous ne soyons pas responsables de l'inconscient - l'ego n'est que la manifestation contemporaine de la matrice de l'in­conscient - nous sommes tenus de tenter de l'étudier autant que faire se peut, compte tenu des limitations de notre conscience. Peut-être est-ce un défi qui est partie intégrante de notre Zeitgeist ? Après tant de milliers d'années d'histoire, nous ne sommes plus des enfants et nous devons accepter les responsabilités de l'adultisme psychologique. L'une d'elles consiste à apprivoiser nos projections.

Nous ne savons pas grand-chose de l'inconscient, ce qui n'est pas surprenant puisque, après tout, il est inconscient. Nous savons que cet océan infini, duquel émerge le phare minuscule de notre conscience, sem­ble fonctionner en accord avec des schèmes énergéti­ques et des principes différents ; il possède un mode de communication et un langage différents, et il con­vient de l'explorer en fonction de ces différences. Si un Anglais séjourne en Allemagne, il ne doit pas s'at­tendre à être compris s'il s'obstine à ne parler qu'an­glais. Et ceci s'applique également à la relation exis­tant entre l'ego et l'inconscient. L'ego adopte malheu­reusement trop souvent la même attitude que notre voyageur et il s'étonne qu'on exige de lui qu'il se sou­mette à de tels compromis. Mais nous devons en premier lieu apprendre le langage de l'inconscient si nous cherchons à nous étudier et à concrétiser notre vérita­ble potentiel. Mais ce langage est des plus étrangers, si étranger que nous rions nerveusement ou tremblons de peur lorsque nous voyons son visage dans les rêves, les fantasmes, les débordements affectifs et dans tous les domaines de l'existence où la magie et l'étrange imprègnent nos perceptions et voilent les contours de ce que nous prenions pour une réalité bien définie.

Nous croyons que nous sommes les maîtres de notre demeure parce que nous aimons nous flat­ter. En réalité, nous sommes extrêmement dépen­dants du fonctionnement correct de la psyché inconsciente, et nous devons espérer qu'elle ne nous abuse pas.

Une des hypothèses les plus importantes que Jung pose à propos de l'inconscient est qu’il com­plète la conscience. La psyché est un système auto-régulateur qui préserve son équilibre à l'ins­tar du corps. Tout processus trop développé appel­le de manière immédiate et inévitable une activité compensatoire.

En d'autres termes, tout ce qui n'est pas maîtrisé ou exprimé dans la vie de l’ego participe de l'incons­cient, sous une forme embryonnaire et rudimentaire. L'une des caractéristiques de l'ego conscient de l'hom­me est qu'il se spécialise et se diversifie ; l'inconscient est en revanche un océan fluide, mouvant, indifféren­cié qui va et vient tout autour de l’enveloppe de l'ego, en érodant certaines parties et en en créant de nou­velles, de la même manière que les flots entament un promontoire rocheux. La psyché en tant que tout ren­ferme toutes les possibilités ; l'ego lui ne s’occupe que d’une possibilité à la fois puisque sa fonction consiste à ordonner, à structurer et à concrétiser un fragment particulier des expériences illimitées de la vie. Il n'est pas étonnant que dans les mythes et les contes, ce monde de l'inconscient soit souvent symbolisé par l'océan, et le voyage du héros dans les profondeurs correspond au voyage de l'ego dans les profondeurs de la psyché. L'inconscient est un monde sous-marin, peuplé de créatures étranges et magiques ; et les pou­mons de l'homme n'acceptant que l'air, une immersion totale est bien sûr synonyme de mort psychologique. Une mort que nous nommons démence.

À la lumière de ce qui précède, nous commençons à comprendre pourquoi l'homme, qui a grandi dans une forme bancale, dont l'ego n'a connu que l'étroitesse d esprit et a nié toutes les autres expressions possi­bles, est le plus susceptible de procéder à des projec­tions intenses sur les autres et le plus obsédé par les défauts apparents de ses semblables.

Le principal mode d'expression de l'inconscient est le symbole. Notre vie regorge de symboles, lesquels émanent de notre propre vie intérieure, de celle d'au­trui et du monde qui nous entoure, mais nous oublions souvent leurs significations et leurs pouvoirs. Un sym­bole n'est pas un signe ; il ne supporte aucune substi­tution. Les divers signes qui balisent une route, par exemple, ont des significations spécifiques : interdic­tion de tourner à droite, interdiction de stationner ou attention travaux. Mais un symbole suggère ou infère un aspect de la vie dont l'interprétation est inépuisa­ble et qui se soustrait en définitive à tous les efforts de l'intellect visant à l'appréhender ou à le limiter. On ne peut sonder les profondeurs de ses multiples signi­fications, pas plus qu'on ne peut les classer en termes intellectuels parce qu'elles renferment fréquemment des antithèses que l'ego conscient est incapable de per­cevoir de manière simultanée. En outre, les significa­tions d'un symbole ne sont pas liées par la logique mais par l'association, et les associations peuvent essaimer dans une multitude de directions contradic­toires. Il est hors de question que nous puissions être conscients de toutes les associations dans le même temps. Il nous est également interdit de suivre l'itiné­raire qu'emprunte cette multitude d'associations comme nous le faisons dans le cas d'un raisonnement logique.

Un symbole est semblable à une pierre jetée dans la mare de la psyché. Nous sommes en quelque sorte au milieu de la mare, et n'avons pas d'yeux dans le dos.

Un symbole suscite en nous une réaction incons­ciente parce qu’il fait appel à des associations qui ne sont pas soumises à la logique, et qu'il les fond en un tout significatif. Prenons pour exemple le drapeau d'un pays. Pour un patriote, ce drapeau symbolise tout ce que ce pays évoque en lui ; toutes les valeurs affec­tives et religieuses qu'il représente, la liberté ou son manque de liberté, son foyer, ses racines, son héritage, ses possibilités d’avenir et maintes autres associations qu'il ne pourra jamais totalement expliquer s'empa­rent de lui en un instant avec une charge émotion­nelle élevée quand il s'y trouve confronté. Cet exemple simple mais insuffisant nous montre le pouvoir du symbole. En d’autres circonstances, un drapeau susci­tera la haine, la violence, la passion, l'amour, le sacri­fice, l'autodestruction ou l'héroïsme, et induira chez un individu - ou chez une nation - une réaction émotionnelle qui échappe au contrôle conscient. Le symbole svastika, utilisé avec une intelligence froide et en toute connaissance de cause, aida à précipiter le monde dans le chaos il y a un peu plus de quarante ans ; et il possède aujourd'hui encore la faculté d'en­gendrer de puissantes réactions affectives et une foule d’associations énergiques, quand on le voit s'étaler sur les murs du métro ou sur ceux d’un immeuble. Au même titre, des symboles religieux conventionnels pos­sèdent cet immense pouvoir. La croix d'argent des Chrétiens, l'étoile de David des Juifs ont une signifi­cation que les mots sont impuissants à exprimer encore qu’elles donnent un aperçu de ce qui pour de nom­breuses personnes constitue les mystères les plus saints et les plus élevés, symbolisés par une forme géométri­que simple.

Le drapeau, le svastika, l'étoile de David et la croix sont des symboles que nous identifions promptement en tant que tels. Mais il existe des symboles que nous ne reconnaissons pas avec la même facilité, parce que ce sont les expressions des schèmes énergétiques sous-jacents qui façonnent la vie elle-même. Jung nomma archétypes ces lignes d'énergie essentielles, et bien qu'un archétype n'ait pas de forme, il s’impose à notre conscience par le truchement de maints symboles de nature si vaste que l'ego conscient en est frappé de terreur. À l’instar de l'humanité, la nature fonctionne en accord avec des schèmes archétypes, tout en les incarnant. Dans le cycle des saisons, par exemple - avec le renouveau du printemps, la maturité et la fécondité de l'été, la désintégration progressive et la révolte de l'automne, la stérilité et la secrète germi­nation souterraine de l'hiver - nous voyons le cycle de notre propre vie : naissance, maturité, vieillesse, mort et renaissance. Le cycle du soleil dans le ciel, se levant à l'est, culminant au zénith, se couchant à l'ouest, et disparaissant la nuit pour réapparaître le lendemain, représentait pour les anciens le visage de Dieu parce que le voyage solaire reflétait à leurs yeux l'intégralité de la vie. Contrairement à nos ancêtres, nous n'adorons plus le soleil, mais nous réagissons encore inconsciemment au symbole. La croissance d une plante, depuis la germination jusqu'à la florai­son, symbolise encore ce processus de vie - comme le font les cycles de la lune, des planètes et des cons­tellations. Nous commençons à comprendre pourquoi les anciens voyaient dans l'astrologie un moyen de pénétrer les œuvres de l'univers. En adoptant un point de vue symbolique, on constate en effet que toute expérience dont l'homme est capable correspond à l’un des cycles naturels se déroulant dans le ciel. Le langage littéraire regorge de correspondances sembla­bles, ainsi que celui des mythes et des contes. Nous les employons même dans notre discours quotidien quand nous parlons du flux et du reflux, de l'aube et du cou­chant de la vie, du désir et de l'amour.

Il importe plus de méditer et de percevoir ces éléments que de les analyser, car les symboles naturels de la vie nous parlent de notre globalité et des liens qui nous unissent les uns aux autres et au flux de la vie elle-même ; mais ils sont indiscernables pour ceux qui les appréhendent avec leur seul intellect. Nous pourrions étendre ce raisonnement et suggérer que nous-mêmes, êtres humains, sommes des symboles, car l'univers entier est énergie, et il existe des schèmes d’énergie fondamentaux, sous-jacents, informes quoique possédant des qualités précises, qui s'incarnent dans l'homme.

Freud consacra un temps considérable à tenter de démontrer que le contenu des rêves symbolisait soit les organes sexuels masculins soit les organes sexuels féminins. Il ne lui vint jamais à l'idée qu'il ait pu aborder la question sous un mauvais angle, et que les organes masculins et féminins fussent eux-mêmes des symboles des mystérieuses énergies archétypes que les Chinois nomment le Yin et le Yang. Ainsi que Jung l’aurait dit, même le pénis est un symbole phallique. Les qualités que nous associons à la masculinité - la franchise, la volonté, la clarté, l'ouverture, la force - se reflètent dans le corps de l'homme, et les qualités que nous associons à la féminité - la subtilité, la réserve, la délicatesse, la gentillesse et la douceur - se réfléchissent également dans le corps de la femme. L'œuvre de Jung montre que nous sommes bien fondés de penser que l'archétype, l'énergie fondamentale elle-même, existe avant la forme qui lui permettra de se manifester. On, ainsi que la Bible l'exprime, au com­mencement était le Verbe.

En nous regardant les uns les autres, nous recon­naissons sur nos visages les symboles de traits de caractère intrinsèques. Nous formulons cela de ma­nière instinctuelle en parlant d'un menton effacé, de mâchoire volontaire, d'un front intellectuel, d'un nez de prédateur, d'un regard pénétrant, de mains d'ar­tiste. Nous exprimons ainsi la perception inconsciente voulant que le corps lui-même puisse être un symbole de l'individu, et nous voyons dans la forme physique l'essence cristallisée et concrétisée de notre interlocu­teur. Il s'agit d'un principe qui mérite notre attention, parce qu'il nous renseigne sur ce que recouvrent en fait les notions d'attirance et de répulsion sexuelles.
Un monde très différent s'offre à nous si nous suppo­sons que la réalité manifeste elle-même est un sym­bole. Toutes les doctrines religieuses se fondent sur cette prémisse ; et la pensée ésotérique, la tradition de la sagesse secrète séculaire, est issue de ce mira­cle du symbole que la Table d'Émeraude cristallisa dans l'expression « Tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. » Jung orienta ses travaux dans la même direction ; mais en tant que scientifique, il fut contraint de fonder ses idées sur l'observation empiri­que plutôt que sur l’intuition - ou à tout le moins, d'étayer sa vision de faits vérifiables.

La psyché relève d’un principe spirituel qui est tout aussi inaccessible à notre compréhension que l'est la matière.

Les mêmes schèmes archétypes les sous-tendent.

Nous commençons maintenant à saisir la significa­tion réelle de l'inconscient. Freud pensait qu'il s'agis­sait d'une poubelle dans laquelle l'homme déversait les détritus refoulés qu'il avait accumulés. Il pensait que son contenu se composait presque exclusivement de désirs non reconnus que l'ego conscient et la société dans laquelle il vivait jugeaient inacceptables. Il ne fait aucun doute que l'inconscient de chaque homme recèle des « immondices » - dans une mesure direc­tement proportionnelle à la « propreté » de l'ego cons­cient. L'inconscient renferme également et simultané­ment des trésors. Précisons en outre que le terme immondice est relatif. Si les détritus ne sont pas les bienvenus sur la table familiale, le jardinier, lui, sait que sans compost les fruits de son travail seraient médiocres. L'inconscient s'étend au-dessous et au-dessus de nous, tel le dépositaire d'une immense éner­gie créative, une matrice de laquelle tout jaillit ; et il ne s’arrête pas au niveau individuel, mais plonge dans un vaste océan collectif au-delà des limites humaines qui s'étend jusqu'à l'inconnu. Ce que la psychologie moderne nomme l'inconscient correspond peut-être à ce que les anciens appelaient dieux ou Dieu. Il n'est pas étonnant à la réflexion que la science et la reli­gion, après s'être combattues pendant tant de siècles, constatent aujourd'hui qu'elles tournent de plus en plus leurs regards dans la même direction, à savoir vers le mystère de la vie - bien qu'elles recourent pour ce faire à des moyens différents.

De cette excursion sur le territoire où psychologie et religion se rejoignent, revenons aux problèmes prati­ques que posent les relations. Nous comprenons à pré­sent que la majeure partie des éléments composant une relation sont inconscients, du fait que les motivations de l'homme demeurent en règle générale inconscientes. Pourquoi un homme est-il attiré par un certain type de femme, de quelle manière établit-il sa relation, comment cette dernière évolue-t-elle, et pourquoi ren­contre-t-il les problèmes particuliers qu'il doit affron­ter ? Toutes ces questions ne sont plus aussi mysté­rieuses dès lors que nous comprenons que ce que nous nommons attirance et répulsion concerne en fait l'at­tirance et la répulsion à l’égard de qualités incons­cientes de l'homme lui-même. Rare est celui qui est en mesure d'affirmer qu'aucun élément de projection n'intervient dans ses relations, car il en existe proba­blement un grand nombre dans l'inconscient qui n'ac­céderont jamais à la conscience et que nous projette­rons éternellement. Il se peut même que nous proje­tions Dieu. Qui donc est la bien-aimée, et où la ren­contrer ? À l’intérieur ou à l'extérieur ? Ou dans l'un comme dans l'autre ?

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Source : Liz Green - Le guide astrologique des relations humaines.



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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
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