La nature de la réalité : psyché, cosmos et conscience

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La nature de la réalité : psyché, cosmos et conscience

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Psychothérapie · 15 Juillet 2022
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La nature de la réalité : psyché cosmos et conscience
Par Stanislav Grof - Psychiatre, fondateur et chef de file de la psychologie transpersonnelle ; créateur avec sa femme Christiana de la Respiration Holotropique, lauréat du prix Vision 91 de la Fondation de Dagmar et Vaclav Havel [1]

Jusqu’à présent, nous avons exposé les révisions nécessaires relatives à la théorie et à la pratique de la psychiatrie, de la psychologie et de la psychothérapie.

Toutefois, le travail avec les états holotropiques [2] comporte des défis d’un caractère bien plus fondamental.

Un grand nombre d’expériences et d’observations advenant au cours de ce travail sont si extraordinaires qu’elles ne peuvent être comprises par une approche moniste et matérialiste de la réalité.

Leur impact conceptuel est tel qu’il ébranle les hypothèses métaphysiques les plus élémentaires de la science occidentale, en particulier celles qui touchent à la nature de la conscience et à sa relation à la matière.

À la lumière de ces nouvelles découvertes, la conscience — au lieu d’être un épiphénomène de la matière — apparaît comme un partenaire à égalité, voire supérieur à celle-ci.

L’enjeu d’une importance cruciale pour ce nouveau cadre conceptuel et pour la psychologie transpersonnelle en général, est sans aucun doute celui de la nature ontologique des expériences spirituelles.

Peuvent-elles être interprétées et rejetées comme des fantasmagories insensées produites par quelque processus patholo­gique affectant le cerveau, que la science doit encore découvrir et identifier ?

Ou bien reflètent-elles objectivement des dimensions existantes de la réalité, qui ne sont pas accessibles dans un état de conscience ordinaire ?

L’étude précise et systématique des expé­riences transpersonnelles montre qu’elles sont ontologiquement réelles et contiennent des informations sur des dimensions de l’exis­tence importantes, dissimulées en temps normal, qui peuvent être validées par consensus (Grof 1998, 2000, 2006).

L’étude des états holotropiques confirme l’intuition de C.G.Jung selon laquelle les expériences venant des niveaux plus profonds de la psyché (dans ma propre terminologie les expériences « périnatales » et « transpersonnelles ») ont une qualité particulière qu’il a appelée (à la suite de Rudolph Otto) numinosité (Jung 1964). Article lié : Numineux

Le terme numineux est relativement neutre et préférable pour cette raison à d’autres termes similaires comme religieux, mystique, magique, saint ou sacré, qui ont souvent été utilisés dans des contextes problématiques et induisent facilement en erreur.

La signification du terme numinosité découle de l’appréhension directe d’un domaine appartenant à un ordre supérieur de réalité, un ordre sacré, radicalement différent du monde matériel. Article lié : Contemplation

Les recherches actuelles sur la conscience ont réuni beaucoup de preuves attestant que ces expériences font partie inté­grante de la psyché et sont ontologiquement réelles.

Pour prévenir le malentendu et la confusion qui ont par le passé compromis de tels débats, il est essentiel de poser une distinction claire entre la spiritualité et la religion.

La spiritualité est fondée sur des expériences directes d’aspects et de dimensions non-ordinaires de la réalité.

Son expression ne requiert pas d’endroit spécifique ni de personne officiellement désignée pour servir d’intermédiaire avec le divin.

Les mystiques n’ont pas besoin d’églises ou de temples.

Leur corps et la nature constituent le cadre dans lequel ils expéri­mentent la dimension sacrée de la réalité, y compris leur propre divinité. Et pour les soutenir, au lieu de prêtres qui officient, les mystiques ont plutôt besoin d’un groupe de fidèles également enga­gés dans une quête de spiritualité ou de la guidance d’un maître plus avancé qu’eux-mêmes dans leur voyage intérieur. Article lié : Une conversation

La spiritualité implique une relation d’un genre particulier entre l’individu et le cosmos et est par essence une affaire personnelle et privée.

En comparaison, la religion organisée est une activité de groupe institutionnalisée qui se déroule dans un lieu spécifiquement dédié à cet effet, un temple ou une église, avec une hiérarchie d’offi­ciels nommés, ayant ou non une expérience personnelle des réalités spirituelles.

Dès qu’une religion est organisée, elle perd souvent en totalité la connexion avec sa source spirituelle et devient une insti­tution séculière qui exploite les besoins spirituels humains sans les satisfaire.

Les religions organisées tendent à créer un système hiérarchique focalisé sur la conquête du pouvoir, du contrôle, de l’influence politique, de l’argent, des possessions, et d’autres préoccupations séculières.

Dans ces conditions, la hiérarchie religieuse se fait un devoir de condamner et de décourager les expériences spirituelles directes de ses membres car ces dernières favorisent l’esprit d’indé­pendance et ne peuvent être effectivement contrôlées.

Quand c’est le cas, la vie spirituelle authentique se poursuit seulement dans les branches mystiques, les ordres monastiques, et les sectes extatiques de ces religions.

Alors que le fondamentalisme et les dogmes religieux sont clairement incompatibles avec une vision scientifique du monde, qu’elle soit cartésienne-newtonienne, ou bien fondée sur le nou­veau paradigme, il n’y a aucune raison qui justifie qu’on n’étudie pas sérieusement la nature et les implications des expériences transpersonnelles.

Comme Ken Wilber l’a souligné dans son livre, A Sociable God (Wilber 1983), un conflit entre une science hon­nête et une religion authentique est tout bonnement impossible.

Si un tel conflit semble surgir, cela signifie très probablement que nous avons affaire à une « science de pacotille » et à « une religion de pacotille », où chaque partie a un sérieux problème de compré­hension de la position de l’autre, et représente sans doute elle-même une version faussée ou frauduleuse de sa propre discipline.

La psychologie transpersonnelle, à ses débuts, dans les années soixante, était naturellement et culturellement sensible aux traditions spiri­tuelles et aux rituels des cultures anciennes ou primitives et les abor­dait avec le respect qu’ils méritent, au vu des résultats des recherches actuelles sur la conscience.

Elle prenait aussi en compte en les intégrant une grande série « de phénomènes anomaux. »

Il s’agissait d’observations qui remettaient en cause le paradigme dominant et dont la science académique a été par conséquent incapable de rendre compte.

Toutefois, bien que globale et justifiée dans tous ses aspects, la nouvelle approche représentait une rupture tellement radicale avec la pensée académique traditionnelle en cours dans les cercles professionnels qu’elle ne put être conciliée ni avec la psychologie ou la psychiatrie traditionnelle, ni avec le paradigme cartésien-newtonien de la science occidentale.

En conséquence, la psychologie transpersonnelle était très vulnérable aux accusations d’être « irrationnelle », « non-scientifique », et même « excentrique », particulièrement lorsqu’elles venaient de scientifiques qui n’étaient pas conscients du vaste corpus d’observa­tions et de données sur lequel le nouveau mouvement était fondé.

Ces critiques ignoraient aussi le fait que beaucoup de pionniers de ce mouvement révolutionnaire disposaient de références académiques impressionnantes. Ils conçurent et adoptèrent la vision transperson­nelle de la psyché humaine, non parce qu’ils étaient ignorants des pré­supposés fondamentaux de la science traditionnelle, mais parce qu’ils trouvaient l’ancien cadre conceptuel vraiment inadéquat et incapable de rendre compte de leurs expériences et de leurs observations.

Cette situation changea de manière drastique pendant les trois premières décennies d’existence de la psychologie transpersonnelle.

Suite aux nouveaux concepts et aux découvertes révolutionnaires dans différentes disciplines scientifiques, la philosophie moniste et matérialiste de la science traditionnelle occidentale, ses présupposés métaphysiques élémentaires et sa doctrine cartésienne-newtonienne, ont été de plus en plus sérieusement mis en doute.

Comme beau­coup d’autres théoriciens de la recherche en transpersonnel, j’ai suivi ces développements avec un vif intérêt et les ai décrits dans la première partie de mon livre Beyond the Brain, tentant ainsi de combler le fossé entre les découvertes issues de mes propres recherches et la perspective scientifiques dominantes (Grof 1985).

À l’origine de toutes ces informations excitantes, il y eut la prise de conscience des implications philosophiques profondes de la phy­sique quantique, qui ont changé pour toujours notre compréhension de la réalité physique.

La convergence étonnante entre la concep­tion du monde issue de la physique moderne et celle des philosophies spirituelles orientales, déjà ébauchée dans le travail d’Albert Einstein (1949), de Werner Heisenberg (1971 ), d’Erwin Schroedinger (1967) entre autres, trouva sa pleine expression dans le livre événe­ment de Fritjof Capra, The Tao of Physics (Capra 1975 — Le Tao de la Physique, Sand, 2004, pour la traduction française).

Dans les années qui ont suivi, les travaux de Fred Alan Worlf (1981), Nick Herbert (1979), Amit Goswami (1995) et bien d’autres, sont venus complé­ter et préciser la vision pionnière de Capra.

Dans cette optique, la contribution de David Bohm, ancien collaborateur d’Albert Einstein et auteur de monographies prestigieuses sur la théorie de la relativité et la physique quantique, a été particulièrement intéres­sante.

Son concept de l’ordre explicite et implicite ainsi que sa théorie de l’holomouvement exposant l’importance de la pensée holographique dans la science acquirent une grande popularité dans le domaine transpersonnel (Bohm 1980), tout comme que le modèle holographique du cerveau de Karl Pribam (Pribam 1971).

La même chose vaut aussi pour la théorie de la résonance morphique et des champs morphogénétiques du biologiste Rupert Sheldrake qui démontre l’importance des champs non-physiques pour la compréhension des formes, de la génétique et de l’hérédité, de l’ordre, de la signification et du processus d’apprentissage.

D’exci­tantes contributions complémentaires ont été faites : la brillante synthèse de Gregory Bateson des théories de la cybernétique, de l’information et des systèmes, de la logique, de la philosophie et d’autres disciplines (Bateson 1979), les études d’Ilya Prigogine sur les structures dissipatives et l’ordre résultant du chaos (Prigogine 1980, Prigogine et Stengers 1984), la théorie du chaos elle-même (Glieck), le principe anthropique en astrophysique (Barrow etTipler 1986) et bien d’autres.

Même à ce stade récent de développement du nouveau paradigme, cette vision inédite de la réalité a bien plus de cohérence qu’une mosaïque de pierres disparates.

Au moins deux tentatives intellec­tuelles majeures d’intégration de la psychologie transpersonnelle dans une compréhension globale méritent d’être ici mentionnées.

Nous devons la première de ces entreprises novatrices à Ken Wilber. Dans une série d’ouvrages inaugurée par Spectrum of Consciousness (Wilber 1977), Wilber est parvenu à une synthèse très créative de données issues d’un large éventail de disciplines, depuis la psycho­logie, l’anthropologie, la sociologie, la mythologie et l’étude compa­rée des religions, jusqu’à la cosmologie, la physique quantique, la biologie, la théorie de l’évolution et la théorie des systèmes, en passant par la linguistique, la philosophie et l’histoire.

L’ampleur impression­nante des travaux de Wilber avec leur caractère englobant associé à une grande rigueur intellectuelle a contribué à en faire une théorie de la psychologie transpersonnelle largement acceptée et très influ­ente.

La seconde tentative pionnière d’intégration de la psychologie transpersonnelle dans une nouvelle vision globale du monde a été faite par Ervin Laszlo, un philosophe d’origine hongroise, théoricien des systèmes, scientifique interdisciplinaire, qui vit actuellement en Italie.

Cet individu aux multiples facettes, aux talents et centres d’intérêt nombreux et variés, n’est pas sans rappeler les grandes figures de la Renaissance. Enfant prodige, il devint à l’adolescence un pianiste de renommée internationale.

Quelques années plus tard, il se tourna vers la science et la philosophie, amorçant une tentative de compréhension de la nature humaine et de la nature de la réalité qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Wilber définit ce que devait être une théorie globale, et Laszlo en créa une (Laszlo 1993, 2004, Lazlo et Abrahama 2004).

Tout au long d’une série de livres, dans un véritable tour de force intellectuel, Lazslo a exploré un large éventail de disciplines, dont l’astrophysique, la physique quantique, la biologie et la psychologie.

Il a mis en évidence nombre de phénomènes, d’observations para­doxales et de défis paradigmatiques, pour lesquelles les disciplines en question ne trouvent pas d’explication.

Partant des avancées en sciences dures et en mathématiques, Laszlo a proposé aux paradoxes actuels de la science occidentale une solution qui transcende les limites des disciplines individuelles.

Il y est parvenu en formulant son « hypothèse de connectivité », dont la pierre angulaire est l’exis­tence de ce qu’il appelle le « champ-psi » (Laszlo 1993, Laszlo 2004, Laszlo et Abraham 2004).

Laszlo le décrit comme un champ subquantique*, qui contient un enregistrement holographique de tous les événements ayant eu lieu dans le monde phénoménal [3].

Dans sa théorie globale, Laszlo inclut assez explicitement la psychologie transpersonnelle et les philosophies spirituelles, comme en témoigne son livre récent : *Science and the Akashic Field : An Intégral Theory of Everything (Laszlo 2004 — Science et Champ Akashique, tome II, Ariane, 2005 pour la traduction française).

Il a été très excitant de constater que tous les développements révolutionnaires de la science, inconciliables avec le cartésianisme newtonien du dix-septième siècle et le matérialisme moniste, ont été compatibles avec la psychologie transpersonnelle.

Conséquence de ces avancées conceptuelles dans de nombreuses disciplines, la probabilité que la psychologie transpersonnelle soit dans le futur acceptée dans les cercles académiques et fasse partie intégrante d’une conception du monde radicalement nouvelle n’a cessé d’aug­menter.

Tandis que les progrès scientifiques continuent d’éroder la vision matérialiste et obsolète du monde élaborée au dix-septième siècle, nous pouvons discerner, en train d’émerger, les grandes lignes d’une nouvelle compréhension de nous-mêmes, de la nature, et du monde dans lequel nous vivons.

Ce nouveau paradigme devrait réconcilier la science avec la spiritualité fondée sur l’expérience, de nature non-confessionnelle, universelle, et intégrale, et permettre une synthèse de la science moderne et des anciennes sagesses.

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Source : Extrait de la préface du Manuel de psychothérapie transpersonnelle de Bernadette Blin et Brigitte Chavas. Préface écrite par Stanislav Grof, psychiatre.

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[1] - La Fondation Dagmar et Vaclav Havel (Prague) décerne chaque année le prestigieux prix Vision 97 à une personnalité dont les travaux ont élargi de façon marquante l’horizon de l’humanité.

[2]  - "Les états holotropiques" sont synonymes du "Soi" chez Carl Gustav Jung ou "d'illumination" chez Rudolf Steiner. Article lié : Illuminisme

[3]  - Lire également la Chronique de l'Akasha de Rudolf Steiner en complément du livre "Science and the Akashic Field : An Intégral Theory of Everything", (Laszlo 2004 — Science et Champ Akashique, tome II, Ariane, 2005 pour la traduction française

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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
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