Situation d'urgence : l'agitation

Bonjour
Title
Aller au contenu

Situation d'urgence : l'agitation

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Psychiatrie · 25 Juillet 2022
Tags: Situationd'urgence:l'agitation
Situation d'urgence

Agitation

Agitation et délire aigu constituent deux syndromes indépendants.

Ces syndromes peuvent se rencontrer dans de nombreux troubles ou maladies.

Une cause non psychiatrique doit être systématiquement recherchée.

En cas d’agitation, l’étiologie est différente en fonction du terrain : s’il s’agit d’un sujet âgé ou jeune, d’un sujet ayant ou non des antécédents psychiatriques.

En cas de délire aigu, lorsqu’une étiologie non psychiatrique a été éliminée, il faut rechercher les symptômes psychiatriques associés.

En cas d’étiologie non psychiatrique, la prise en charge thérapeutique en urgence est celle de la pathologie sous-jacente.

La consommation ponctuelle ou chronique de substances psychoactives doit toujours être recherchée.

En cas de trouble psychiatrique, la prise en charge en urgence repose sur la sédation et l’anxiolyse.

Il faut systématiquement rechercher et évaluer le risque suicidaire ou d’hétéroagressivité.

Agitation et délire aigu constituent deux syndromes différents qui peuvent se rencontrer dans de nombreux troubles et qui ne sont pas systématiquement associés. La démarche diagnostique et thérapeutique dépen­dra de la présence d’un seul ou des deux syndromes. Une cause non psychiatrique doit être systématique­ment envisagée.

Dans le cadre de l’état d’agitation, la demande de soin n’émane généralement pas du sujet mais de son entourage, qui fait souvent appel à des services d’urgence. Cette demande peut aussi émaner des forces de l’ordre intervenues à domicile ou sur la voie publique. L’agitation, qui représente 10 à 15 % des consul­tations psychiatriques aux urgences, est une situation complexe car le praticien doit apaiser le patient tout en réalisant un diagnostic étiologique.

Diagnostiquer un état d'agitation

Définition et sémiologie de l’état d’agitation

Un état d’agitation se définit selon le DSM-5 comme « une activité motrice excessive associée à un état de tension intérieure. L’activité est en général improductive et stéréotypée. Elle se traduit par des comporte­ments tels que la marche de long en large, l’impossibilité de tenir en place, des frottements des mains, le fait de tirailler ses vêtements, l’incapacité de rester assis. Il s’agit donc d’un état de tension et d’hyperac­tivité improductive physique et psychique.

L’agitation doit être distinguée de l’hyperactivité, dans laquelle la motricité est orientée vers un but.

Interrogatoire

L’interrogatoire du patient ou de son entourage doit permettre de recueillir deux types d’informations qui orienteront la prise en charge : les circonstances de survenue de l’état d’agitation et les antécédents du patient.

Circonstances de survenue

La date de début de l’état d’agitation doit être recherchée, ainsi que ses modalités d’apparition : brutale ou progressive, permanente ou intermittente, l’existence éventuelle d’un facteur déclenchant (voyage, événe­ment de vie, etc.) ou d’une prise de substance psychoactive.

Antécédents

Les antécédents, psychiatriques et non psychiatriques, doivent être détaillés, l’état d’agitation pouvant entrer dans le cadre de la décompensation aiguë d’une pathologie sous-jacente.

Examen clinique

Signes de gravité

La priorité est la recherche de signes et symptômes de gravité mettant en jeu le pronostic vital :

un syndrome confusionnel : perturbation de la conscience accompagnée de modifications cognitives, altération de la mémoire, désorientation temporo-spatiale, perturbation du langage, perturbation des perceptions.

La perturbation s’installe en un temps court avec une évolution fluctuante tout au long de la journée. L’histoire de la maladie, l’examen physique, et les examens complémentaires mettent en évidence l’étiologie de la confusion : conséquence physiologique directe d’une pathologie non psychiatrique, de l’intoxica­tion par une substance psychoactive ou d’un sevrage, de l’utilisation d’un médicament, ou d’une combinai­son de ces différents facteurs.

autres signes de gravité :

- des signes de déshydratation sévère, troubles hydro-électrolytiques ;
- des signes de sepsis, choc cardiovasculaire, détresse respiratoire aiguë.

Signes non psychiatriques associés

Un examen physique est indispensable afin de rechercher des signes non psychiatriques associés, en priorité :

des signes orientant vers un diagnostic neurologique (épilepsie, hématome sous-dural, hémorragie ménin­gée, processus tumoral intracrânien, accident vasculaire cérébral ou ischémique transitoire, etc.), à savoir myosis, mydriase, symptômes méningés, signes de localisation neurologique, morsure de langue, etc. ;

des signes orientant vers un diagnostic endocrinien ou métabolique (hypoglycémie, troubles hydro-électrolytiques, dysthyroïdie, hyperparathyroïdie, hypercorticisme, maladie d’Addison, etc.) à savoir signes de déshydratation, tachycardie, globe urinaire, etc. ;

des signes orientant vers une origine infectieuse (méningite, encéphalite, septicémie, pneumopathies), à savoir hyperthermie, symptômes méningés, dyspnée, cyanose, sueurs profuses, etc.

Symptômes psychiatriques associés

symptomatologie thymique (symptomatologie dépressive, maniaque)
symptomatologie psychotique (idées délirantes, hallucinations) ;
symptomatologie anxieuse.

Examens complémentaires

Un bilan biologique minimal est systématique et doit permettre d’éliminer les étiologies mettant en jeu le pronostic vital :

un bilan biologique avec glycémie et ionogramme, calcémie, hémogramme, CRP, hémostase (en cas de nécessité d’un traitement par injection intramusculaire) ;

un ECG (en cas de nécessité d’administration d’un traitement antipsychotique à visée sédative).
Les autres examens sont à déterminer en fonction de l’anamnèse et de l’examen clinique complet. Il faut discuter :

alcoolémie, recherche de toxiques urinaires ;

bilan hépatique, fonction rénale ;

TSH ;

ponction lombaire, imagerie cérébrale, EEG ;

ECBU, goutte épaisse, radiographie pulmonaire.

Déterminer l'étiologie de l'état d'agitation

Il est impératif de rechercher prioritairement les étiologies les plus fréquentes et/ou les plus graves en fonction du contexte clinique. Trois situations fréquentes peuvent ainsi être distinguées :

l’état d’agitation survient de manière aiguë chez une personne âgée ;

l’état d’agitation survient de manière aiguë chez un sujet jeune, sans antécédents connus ;

l’état d’agitation survient de manière aiguë chez un sujet ayant des antécédents psychiatriques.

Toutefois, dans ces trois situations, la priorité est d’éliminer une cause non psychiatrique.

Chez une personne âgée

Qu’il existe ou non des antécédents de troubles psychiatriques connus, la priorité est d’éliminer une cause non psychiatrique, notamment :

une iatrogénie médicamenteuse :

- les benzodiazépines (syndrome confusionnel à l’instauration ou au sevrage après arrêt brutal) ;
- les antidépresseurs (confusion, syndrome sérotoninergique, virage maniaque ou hypomaniaque) ;
- d’autres médicaments parmi lesquels (sans être exhaustifs) : les corticoïdes, les agonistes dopaminergiques, les anticholinergiques, les opiacés, ou, plus rarement, les antipaludéens, l’isoniazide, l’interféron ;

un trouble hydro-électrolytique (dysnatrémie, hypercalcémie), une pathologie endocrinienne (hyper-thyroïdie) ou métabolique (hypoglycémie) ;

une pathologie neurologique ou neurochirurgicale : accident vasculaire cérébral, hématome sous-dural ou extra-dural, crise convulsive, méningo-encéphalite, tumeur, démence ;

D’autres étiologies :

- la douleur ;
- une infection (urinaire, pulmonaire, etc.) ;
- un globe vésical ou un fécalome ;
- une intoxication alcoolique aiguë ou un sevrage alcoolique (delirium tremens) ;
- une intoxication au monoxyde de carbone ;
- une pathologie cardiovasculaire : embolie pulmonaire, infarctus du myocarde.

Un trouble psychiatrique ne pourra être évoqué qu’après un bilan clinique et paraclinique complet. En effet, l’état d’agitation est très rarement le syndrome inaugural d’un trouble psychiatrique chez une personne âgée. Lorsqu’une étiologie psychiatrique est retenue, les troubles concernés sont :

un épisode dépressif caractérisé avec agitation anxieuse, associé ou non à des symptômes psychotiques ;

un épisode maniaque, hypomaniaque ou mixte dans le cadre d’un trouble bipolaire à début tardif ou induit par des médicaments (antidépresseurs, corticoïdes) ;

une attaque de panique isolée ou dans le cadre d’un trouble panique ;

un trouble délirant persistant (p. ex. : de jalousie ou de persécution).

Chez un adulte jeune

Une pathologie non psychiatrique doit être éliminée. On recherchera de manière prioritaire une étiologie liée à l’intoxication par une substance psychoactive (ou sevrage), iatrogène, infectieuse.

une intoxication aiguë à des substances psychoactives : alcool, cannabis et autres hallucinogènes (LSD), psychostimulants (cocaïne, amphétamine, ecstasy) ;

un sevrage de substance psychoactive, notamment alcool, héroïne, autres morphiniques ;

une iatrogénie médicamenteuse : les antidépresseurs et corticoïdes sont les plus fréquemment en cause. Il faut également connaître les effets paradoxaux des benzodiazépines, plus fréquents chez l’adulte jeune, avec un état d’agitation parfois incoercible. Les antipaludéens (notamment méfloquine) peuvent être impliqués, dans un contexte de voyage récent ;

une pathologie métabolique (hypoglycémie) ou endocrinienne (hyperthyroïdie) ;

une pathologie infectieuse : méningo-encéphalite herpétique, neuropaludisme ;

une pathologie neurologique non infectieuse : crise convulsive, accident vasculaire cérébral hémorra­gique, pathologies neuro-inflammatoires (neurolupus, SEP, etc.) ;

une intoxication au monoxyde de carbone ;

une embolie pulmonaire, etc.

Une fois ces diagnostics éliminés, on peut envisager un diagnostic de trouble psychiatrique. L’agitation est totalement aspécifique, et tous les troubles psychiatriques peuvent entraîner un état d’agitation.En l’absence d’antécédents connus, les diagnostics étiologiques les plus fréquents sont :

une attaque de panique isolée ou dans le cadre d’un trouble panique ;

un épisode maniaque, hypomaniaque ou mixte ;

un épisode dépressif caractérisé avec agitation anxieuse, associé ou non à des caractéristiques psychotiques ;

un trouble psychotique bref ;

un trouble psychotique chronique débutant (trouble schizophréniforme, schizophrénie, trouble schizo-affectif, trouble délirant) ;

* enfin, une crise clastique dans le cadre d’un trouble de la personnalité pourrait être évoquée (surtout pour les personnalités borderline, antisociale ou histrionique), mais il s’agit d’un diagnostic d’élimination. Un diagnostic de trouble de la personnalité est en effet impossible à poser dans un contexte d’urgence.

Chez un sujet ayant des antécédents psychiatriques

La même démarche étiologique doit être gardée chez ces sujets. Une pathologie non psychiatrique doit être éliminée en priorité ainsi qu’une cause iatrogène :

un virage maniaque, hypomaniaque ou mixte suite à l’initiation d’un antidépresseur ;

un syndrome sérotoninergique ;

un effet paradoxal des benzodiazépines ;

des effets secondaires des antipsychotiques (dyskinésie aiguë ou akathisie) ;

un syndrome confusionnel induit par les psychotropes à action anticholinergique (antidépresseurs tricycliques, antipsychotiques à visée sédative type lévomépromazine ou cyamémazine, correcteurs des effets secondaires extrapyramidaux des antipsychotiques, etc.).

Prise en charge d'un état d'agitation

L’hospitalisation en psychiatrie

La prise en charge d’un état d’agitation est généralement réalisée aux urgences (ou au minimum, après les différentes évaluations cliniques et paracliniques décrites ci-dessus). L’hospitalisation en psychiatrie sera indiquée en cas de trouble psychiatrique sous-jacent nécessitant des soins. Elle sera réalisée en urgence, de préférence en soins libres ou en soins sans consentement si les conditions sont réunies.

La prévention du risque suicidaire et l’évaluation de la dangerosité pour autrui doivent être systématiques.

Traitements pharmacologiques

Le patient devrait être impliqué autant que possible dans le choix de son traitement et de sa voie d’admi­nistration. Le principal objectif du traitement pharmacologique de l’agitation est d’apaiser rapidement le patient sans le sédater de façon trop importante.

Les classes médicamenteuses concernées dans la prise en charge de l’agitation correspondent aux benzodiazépines et aux antipsychotiques.

Dans le cadre d’une agitation d’étiologie non psychiatrique, le traitement médicamenteux est étiologique et curatif. Si un traitement anxiolytique ou sédatif symptomatique est nécessaire du fait de l’intensité de l’agitation ou de l’anxiété, les benzodiazépines à demi-vie courte (p. ex. : oxazépam per os) seront privilé­giées.

Les antipsychotiques (p. ex. : cyamémazine, loxapine) doivent être réservés aux agitations sévères car ils peuvent aggraver les troubles de la vigilance, et ne devraient pas être administrés sans ECG préa­lable (risque de troubles de rythme en cas de QT long). Les traitements per os doivent être privilégiés aux traitements intramusculaires. Les doses de traitements anxiolytiques doivent être le plus faible possible, en particulier chez la personne âgée.

Il faut privilégier la monothérapie, évaluer l’effet du premier traitement prescrit, et éviter l’escalade des doses avec des effets cumulatifs différés sur la vigilance.

Une surveillance rapprochée (tolérance sur les fonctions vitales, efficacité sur l’état d’agitation) est indispensable.
Lors d’une agitation dont l’étiologie ne peut être déterminée, les mêmes principes pharmacologiques seront appliqués.

Lorsqu’un trouble psychiatrique est à l’origine de l’état d’agitation, les mêmes règles générales s’ap­pliquent. Le traitement médicamenteux en urgence est exclusivement symptomatique, à visée sédative et/ou anxiolytique.

La mise en place d’un traitement adapté au trouble (thymorégulateur, antidépresseur, antipsychotique à visée antidélirante ou antimaniaque) doit se faire de manière différée, afin de permettre une évaluation sémiologique correcte à distance de la situation d’urgence, et après un bilan pré-thérapeutique.

Traitements non pharmacologiques

L’état d’agitation pose toujours le problème du passage à l’acte, auto ou hétéroagressif.

Un contact verbal instaurant un climat de confiance et facilitant une alliance thérapeutique, ainsi qu’un comportement empathique peuvent prévenir un passage à l’acte.

La prise en charge relationnelle est une obligation médicale puisqu’elle désamorce dans un nombre impor­tant de cas d’état d’agitation, mais aussi médico-légale puisque l’utilisation d’une contention physique ou chimique ne peut se justifier qu’après échec de la prise en charge relationnelle. Des techniques de déses­calade de l’agressivité sont utilisées.

Des règles générales sont aussi à appliquer :

environnement le plus calme possible, chambre éclairée ;

prévention du risque d’auto et hétéro agression, y compris involontaire (enlever tous les objets dange­reux, fermer les fenêtres, etc.) ;

les mesures de contention mécanique ou physique constituent des pratiques de dernier recours. La contention mécanique (utilisation de tous moyens, méthodes, matériels ou vêtements empêchant ou limitant les capacités de mobilisation volontaire de tout ou partie du corps) peut aggraver un syndrome confusionnel associé à l’agitation ou créer un véritable traumatisme psychologique. Elle ne doit donc être envisagée que lorsque des mesures alternatives différenciées moins restrictives, ont été inefficaces ou inappropriées. Lorsqu’elle est indispensable du fait d’un danger important et imminent pour le patient ou autrui, sa durée doit être limitée le temps d’obtenir une sédation médicamenteuse efficace qui doit être systématiquement prescrite. La contention nécessite une information claire et répétée sur ses objectifs ainsi qu’une surveillance régulière des constantes et de la vigilance ainsi qu’une évaluation médicale régulière.

---
Source : ECN de psychiatrie (Épreuves classantes nationales)







0
commentaires

Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

5, impasse du mai
67000 Strasbourg

Mobile : 06 29 54 50 29

Retourner au contenu