La véritable écoute est amour

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La véritable écoute est amour

Pascal Patry praticien en psychothérapie, thérapeute et astropsychologue à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Psychothérapie · Dimanche 31 Jul 2022
Tags: Lavéritableécouteestamour
La véritable écoute est amour

Une véritable écoute, dans le silence intérieur débar­rassé de la mémoire du passé et des cogitations sur l’avenir, nous fait vivre l’instant fulgurant de la rencontre. Vivre l’instant de la rencontre n’est pas le résultat d’une volonté, mais le fruit lentement mûri d’une ouverture immédiate sur l’infini de l’Autre.

C’est au présent que l’homme peut vivre sa mesure d’éternité. Le silence, en hébreu “Demamah”, désigne également la voix divine. La possibilité d’écoute silencieuse d’autrui naît de notre silence intérieur.

Il y a des silences vides et pesants, mais le silence religieux, celui qui relie chante en nous après une parole véritable.

Le vrai silence n’est ni indifférence ni fascination, il est présence hors de tout savoir et de toute compréhension, car vouloir comprendre l’autre, c’est chercher à l’enfermer dans un déjà connu.

« La compréhension, écrit Jung, est un pouvoir terri­fiant, parfois même un assassinat de l’âme… La véritable compréhension semble être une compré­hension qui ne comprend pas, mais qui vit et œuvre » [1].

Le vrai silence désencombre notre psychisme des déductions théoriques et des projections qui en découlent. Le danger qui guette l’analyste et l’analysant, c’est le bavardage, l’accumulation de mots morts jetés dans la fosse commune d’une pseudo-rencontre.

L’analyste doit avoir trouvé son silence intérieur pour pouvoir en présence de son patient, se taire quand il le faudra.

« Il faut se taire, écrit Bernanos. Il faut se taire aussi longtemps que le silence me sera permis… Je sais bien que la compassion d’autrui soulage un moment, je ne la méprise point. Mais elle ne désaltère pas, elle s’écoule dans l’âme comme à travers un crible. Et quand notre souffrance a passé de pitié en pitié, ainsi que de branche en branche, il me semble que nous ne pouvons plus la respecter ni l’aimer » [2].

Écouter en silence, c’est Aimer. Aimer, c’est oser s’ouvrir sur l’infini de l’Autre, c’est accepter, au-delà de la peur, l’aventure la plus difficile et la plus extraordinaire.

Aimer, c’est peut-être renoncer à nier l’inconscient et assumer sa peur afin qu’elle ne nous paralyse plus dans le cercle répétitif des automatismes de notre intellect.

Celui qui dans sa rencontre avec autrui a peur ne peut pas aimer parce qu’il n’ose pas l’écouter. Nos analysants ne sont-ils pas des êtres souffrants de ne pas pouvoir aimer ?

Peut-être manquent-ils de confiance en eux et de force pour s’ouvrir à leur inconscient. Il n’est pas rare d’entendre, en début d’analyse, des déclarations telles que « Je ne rêve pas » ou « Je ne peux pas associer » qui sont autant de précautions prises pour éviter de tourner le regard vers l’infini de l’inconscient.

Le symptôme que présente le patient est un mot d’amour qui ne peut pas se dire. Narcisse, lorsqu’il s’abîme dans le miroir du “Même”, ne meurt pas de trop s’aimer ; bien au contraire, il meurt de ne pas pouvoir aimer.

Aimer, c’est accepter la dimension de l’autre dans son altérité radicale, c’est renoncer à la toute-puissance du Moi. Narcisse ne sait pas écouter, car il est dans le registre du “Même”, il n’entend de l’autre que son propre discours en écho, et ne voit pas l’autre, mais son visage dans le miroir de l’eau. Il est prisonnier et ne peut se désaliéner ; alors il meurt.

Lorsque l’homme est pris dans l’imaginaire de la “Grande Mère”, il refuse la souffrance de la séparation et confond son image idéalisée avec l’Autre, et il meurt à sa dimension humaine, à sa dimension divine.

« Seul mérite d’exister celui qui peut souffrir » écrit Feuerbach qui poursuit : « Seul l’être douloureux est un être divin. Un être sans affection est un être sans être » [3].

Écouter avec amour, c’est accepter nos limites. Nous ne savons rien de l'Amour, pas plus que de Dieu qui est indéfinissable ; mais ce que nous pouvons constater c’est qu’il nous fait naître.

Le symptôme névrotique, c’est le cri de la naissance refusé, c’est le déni de la séparation, c’est le refus des limites humaines, limites marquées par la souf­france du sacrifice d’une toute-puissance illusoire du Moi.

« Le Moi doué d’une vie personnelle » écrit Lévinas « le Moi athée dont l’athéïsme est sans manque et ne s’intègre à aucun destin, se dépasse dans le Désir qui lui vient de la présence de l'Autre.

Le Désir est désir dans un être déjà heureux : le désir est le malheur de l’heureux, un besoin luxueux » [4].

L’Écoute marque l’ouverture dans l’immanence du “Même” par où passe la transcendance.

L’écoute de l’Autre ne cherche pas la satisfaction d’une complétude ; elle est désir d’un lien à l’infini qui est le religieux en l’homme.

Celui qui refuse ses limites ne peut ni écouter ni aimer autrui, car pour lui il n’y a pas d’Autre ; il plonge alors dans la fascination du “Même” et, comme Narcisse, il meurt de ne pouvoir aimer.

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Source : Ballade pour un jeune thérapeute - Paul Montangérant - Ancien Président de la société de psychanalyse et de psychothérapie de Genève.

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Notes :

[1] - JUNG. "Lettre à Hans Schmidt ". Letters - Routledge et Kegan, vol. 1, p. 31.
[2] - G. BERNANOS. « Le Journal d’un Curé de Campagne » p. 319. Pion.
[3] - MARX. « Manuscrits de 1844 » p. 138. Éditions Sociales.
[4] - Emmanuel LÉVINAS. "Totalité et Infini" p. 34. Ed. Martinus Nijhoff.





1
commentaire

Aurélia
Dimanche 31 Jul 2022
Remarquable!
Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

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