L’expérience première de l'Homme : l'existence du temps

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L’expérience première de l'Homme : l'existence du temps

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Astrologie · 25 Juillet 2022
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L’expérience première de l'Homme : l'existence du temps

Extrait du livre : "Pour une conscience planétaire" - Dane Rudhyar

La vision philosophique du monde qui est au cœur même de ce livre est holiste ; c’est-à-dire qu'elle naît de la conscience que l'existence est un processus qui agit universellement dans des ensembles en mouvement et en activité constante.

La physique moderne nous révèle que le moindre morceau de matière apparemment solide et inerte est en réalité un monde de molécules, d'atomes, de particules en orbite, se mouvant à des vitesses surprenantes.

L'astronomie entrevoit l'exis­tence de milliards d'étoiles et de galaxies se mouvant en orbite, se mouvant elles aussi à des vitesses énor­mes. Mais qu'il s’agisse d’atomes, de molécules, d’êtres vivants, de planètes ou de galaxies, on a toujours affaire à des ensembles existentiels qui possèdent cha­cun une structure complexe et se comportent comme des entités actives.

Ces ensembles constituent des champs, qui rayonnent ou libèrent des énergies diver­ses. Ils sont mutuellement en relation, et interagis­sent.

Tous ces ensembles, dans la mesure où ils nous sont perceptibles, ont un commencement et une fin.

Ils constituent également des champs limités d’activité. Les énergies qui les composent sont intégrées par une sorte de « force de cohésion » ou énergie holiste ; ils opèrent dans le temps et dans l'espace, ou en d'autres termes ils ont une existence finie, ainsi qu'une « forme » spatiale propre.

Ils ont également un cycle d'existence — que ce cycle dure un millionième de nos secondes, ou des milliards de nos années. On peut classer ces ensembles en macrocosmes ou en microcosmes — c'est-à-dire en champs d'activités interconnectées grands ou petits, galaxies d'un côté, atomes de l'autre.

Le fait que l'existence nous soit intelligible sous forme d'ensembles d'activités interconnectées limitées dams le temps et dans l'espace ne signifie pourtant pas que, au sens le plus général, l'Existence ait un com­mencement et une fin.

Il n'est aucune raison de croire que l'univers soit un phénomène unique, ayant com­mencé à un moment donné et devant se terminer une fois atteint quelque état définitif.

On peut, par contre, et c'est mon cas personnellement, postuler une infinité de cycles existentiels et une potentialité infinie de champs spatiaux qui posent des limites aux ensembles existentiels.

Mais si les cycles temporels et les champs spatiaux sont finis par nature, on se sent poussé par un souci métaphysique et peut-être psychologique à imaginer "au-delà" de ces cycles et de ces champs un état ou une condition qui transcende l'existence.

Les philosophes évoquent souvent cette condition en l’ap­pelant « non-existence » parce que les images et les concepts existentiels qui pourraient la décrire font défaut ; on peut pourtant imaginer comme inhérente à cet état la capacité de « produire » des champs spa­tiaux et des cycles temporels servant à tout jamais à définir de nouveaux ensembles universels.

Le Brahman de l'Inde évoque à la fois l'état d'exis­tence et l'état de non-existence. Il comporte non seule­ment la potentialité, mais aussi la réalisation, au tra­vers de processus cycliques opérant à l'intérieur de champs cosmiques finis, d'une variété infinie de modes et de formes d'existence ; je m'efforcerai dans les cha­pitres qui suivent de tracer en termes plus contempo­rains une représentation proche de la « réalité » suprême.

Quoi qu'il en soit, ce livre n'a pas pour objet d'expo­ser dans le détail une métaphysique rigoureusement construite.

Mon intention se borne à présenter les seuls aspects ou éléments d'une vision intégrante du monde, indispensable pour fournir un fondement intelligible et suffisant à une compréhension créatrice, tournée vers l'avenir, des problèmes fondamentaux qui se posent aujourd'hui à l'humanité.

On ne peut convenablement aborder ces problèmes si l'on se contente d'extrapoler les tendances techno­logiques actuelles vers l'avenir. Leur solution ne peut survenir qu'avec un changement fondamental de la conscience humaine. Pour ce faire, il faut disposer d'un cadre de référence où inscrire l'activité planétaire nou­velle du genre humain, c'est-à-dire d'une philosophie holiste. Faute de quoi, la société mondiale de demain risque fort de trahir, en s'édifiant, les idéaux les plus nobles de l'homme.

Que l’on ne se méprenne pas sur les termes philoso­phiques, existence ou holisme. Je ne les utilise pas dans l'esprit intellectualiste qui l'emporte aujourd'hui dans la plupart des cercles pensants d'Amérique. J'ai déjà précisé que la philosophie est une recherche sur le caractère fondamental et les conséquences de l'exis­tence humaine. Quant au mot « existence », je l'utilise ici sans me sentir lié à aucune des écoles de pensées ni aux passions qu'évoque ou que suscite l'Existentialisme.

En fait l'existence n'est autre qu'un état de transformation et d'ajustement dynamique constants dans lequel les activités de divers types sont intercon­nectées et intégrées de manière plus ou moins perma­nente à l'intérieur d'un champ structuré par une cer­taine force de cohésion qui agit entre des limites plus ou moins précises, dans l'espace et dans le temps. Cette force structurante opère à plusieurs niveaux, et en diverses manières. Son action est holiste (du grec olos, qui signifie « entier »). Sans elle les ensembles exis­tentiels ne seraient pas, seul "serait" un chaos indé­finissable de mouvements aléatoires.

L’expérience humaine établit un fait essentiel : si l'état d'existence met en œuvre des changements et des ajustements constants en fonction du milieu quel qu’il soit, il révèle en même temps des manifestations irré­cusables d’ordre.

La perception du changement et le fait de se rendre compte de ce changement même est étroitement imprégné de facteurs structurants évo­quant irrépressiblement une intention et un ordre d'ensemble sont les deux données essentielles de l'exis­tence humaine.

L'homme, lorsqu’il cherche à com­prendre la nature fondamentale de l'existence et à orienter sa conscience vers la possibilité d’accroître son bien-être, doit tenir compte de ces deux aspects indis­sociables de l’existence : le changement et l’ordre.

Tout change, et les événements se succèdent dans un ordre parfois déroutant qui peut évoquer le pur hasard et l'absurdité ; on peut aussi découvrir que sous le jeu superficiel d’événements imprévisibles et de transfor­mations internes un principe d'ordre — une énergie holiste, structurante — est à l'œuvre.

À mesure que son aptitude à percevoir ce principe d'ordre sous ses manifestations diverses se développe, l'homme acquiert la capacité de faire usage des connaissances ainsi obte­nues et de les transmettre de génération en génération de manière à maîtriser l'environnement de l’espèce et à s'assurer une existence plus sûre et plus enrichis­sante.

Ce que nous affirmons ici n'est pas le fruit de la seule spéculation intellectuelle ; il ne s’agit pas non plus d'une quelconque interprétation des doctrines religieuses de l'Orient ou de l’Occident. Il ne s’agit de rien de plus que des conclusions simples et directes que l’on peut tirer des faits élémentaires de l’expérience humaine.

Nos thèses découlent d’une observation exis­tentielle ou phénoménologique directe de ce que cha­que nouveau-né ressent dès sa naissance, c’est-à-dire dès qu'il a quitté l'enveloppe protectrice de la matrice et que sa conscience de l’existence commence à se déve­lopper et à prendre une forme particulière.

Il est néces­saire aujourd'hui de suivre cette démarche directe, strictement existentielle, car nous nous trouvons à un moment crucial de l'évolution de l'homme, et sommes au défi de revenir sur notre compréhension du monde pour repenser, soigneusement et avec toute notre créa­tivité, tout ce que nous avons tenu pour acquis au cours de l’ère chrétienne, qui touche aujourd'hui à sa fin.

Il nous faut donc repartir de zéro, interroger les tout premiers instants de chacun des cycles existentiels, et nous efforcer de saisir ce qu'il y a de plus élémentaire dans l'expérience humaine. Bref, il faut regarder l'exis­tence avec le regard du nouveau-né.


Deux expériences : le changement et la périodicité

Lorsqu'il commence à prendre conscience de l’exis­tence, le nouveau-né humain reçoit passivement une séquence continue d'impacts qu'il ressent à travers ses sens, et qu’il subit comme des pressions venant modi­fier la perception qu'il peut avoir de ses processus organiques intérieurs et de ses besoins : sensations et émotions viennent et passent ; rien ne semble pareil à rien.

Chocs, sensations, sentiments de douleur et de bien-être s'enchaînent. L'ébauche de conscience percep­tive est diffuse dans un système nerveux et un cerveau qui se contentent d'enregistrer et de réagir selon des réflexes primordiaux. Il existe une sensitivité comme dans tous les organismes vivants, y compris probable­ment les formes les plus rudimentaires d'existence.

Mais ce que l'on appelle conscience au sens propre­ment humain — ce que Teilhard de Chardin appelle la « conscience réflexive » — n’apparaîtra que peu à peu, même si c'est avec une rapidité étonnante compte tenu de la complexité du processus. Dans cette acception du mot « conscience », chacun des cycles d'existence individuelle commence dans un état d'inconscience au moins relative.

Il est néanmoins évident que chacun des cycles distincts d'existence est lié au passé, que ce soit de manière individuelle au sens « karmique » ou par l'hérédité. Les cycles passés ont doté le nouvel « existant » de certaines tendances, qui opèrent comme des facteurs structurants innés dans le nouvel organisme.

Le fait premier de l'existence est la présence d'un champ organique d'activités. L'organisme en tant qu'ensemble réagit aux sensations et aux besoins inter­nes des diverses fonctions ; mais au départ, ces réac­tions ne sont pas renvoyées à une structure relative­ment permanente ou centre de conscience.

Le nouveau-né ne s'appréhende pas lui-même comme ayant une existence distincte du monde environnant. Il ne dis­tingue pas le dedans du dehors. Son système nerveux ne fait qu'enregistrer les événements qui se succèdent comme une série d'états, de mouvements et de réac­tions organiques.

Si chaque nouveau-né réagit de ma­nière différente, c'est tout simplement parce que cha­que organisme humain est différent de tous les autres, tant par sa substance que par la structure de son champ.

Puis vient un moment où quelque chose dans l'or­ganisme s'aperçoit que certains chocs, certaines impres­sions ou certains sentiments qui le font vibrer et réa­gir, il les a déjà ressentis.

Les réactions qui succèdent à ces sentiments-sensations, il les reconnaît pour les avoir déjà exprimés. Cette conscience du « déjà res­senti » et du « déjà réagi ainsi » est probablement vague au début ; mais elle se précise rapidement. Très bientôt semble-t-il, le système nerveux de l'organisme débutant enregistre le fait de la répétition.

Le sentiment de répétition est le fondement même de la conscience organique. Il transforme peu à peu la conscience passive d'une séquence constamment modi­fiée de sensations et de sentiments qui se suivent les uns les autres sans rapport remarquable en la cons­cience de schémas reconnaissables.

Certaines séquen­ces d'actions et de réactions prennent une existence distincte, une forme reconnaissable, et un sens carac­térisé au niveau des besoins organiques.

À mesure que les séquences jour-nuit, lumière-obscurité, faim-satiété, humidité désagréable-confort sec sont perçues dans leur répétabilité — à mesure que le cerveau de l'enfant enregistre que l'expression d'une tension douloureuse sous forme de cris est régulièrement suivie de gestes et de bruits de réconfort de la part de la mère, un sen­timent primitif d'ordre apparaît dans le chaos originel de la suite jusque-là incohérente d'événements.

Si la répétition est assurée, la prévision devient pos­sible. La conscience la plus primitive de la répétition des événements quotidiens se change peu à peu en attente précise de ce que l'on a su prévoir.

La prévisi­bilité et l'ordre que l'on constate comme étant le pro­pre de la nature constituent donc le deuxième élément qui s'impose à l'expérience humaine. Il y a changement constant ; mais il y a aussi ordre, régularité, pério­dicité et rythme de l'existence.

Ces deux éléments de l'expérience existentielle sont fondamentaux. Tout ce qui est humain s'appuie sur ces deux piliers ; le prin­cipal problème pour l'individu, comme pour la société, consiste à déterminer les valeurs respectives de ces deux éléments de l'expérience.

L'une des principales préoccupations de la société des hommes, qu'elle soit antique ou moderne, consiste à élargir, par un effort collectif incessant, le champ dans lequel les faits existentiels se présentent à l'esprit sous forme d'éléments ordonnés et prévisibles d'expé­rience, et ce faisant à réduire autant que possible le domaine dans lequel le hasard, l'imprévu, l'irrationnel et le traumatique surviennent.

Cet effort collectif est à la base de tout ce que nous appelons culture, reli­gion, science, civilisation. Là où le sens de l'ordre est satisfait, là où le principe de prévisibilité prend la forme cohérente et sûre de loi naturelle et de formule esthétique ou scientifique, règne la sécurité.

Ce senti­ment de sécurité est aussi nécessaire dans la sphère psychologique que dans la vie physique et sociale de l'homme. Celui-ci éprouve le besoin central d'avoir le sentiment d'agir dans un milieu qui lui offre des preu­ves aussi constantes que possible d'un ordre fonda­mental et fiable.

Il a aussi besoin de se sentir sûr de ses propres réactions et de ses réponses aux change­ments intérieurs qui peu à peu le transforment, le déve­loppent ou le vieillissent. Le sens du moi, comme nous le verrons bientôt, est une manifestation du sentiment de cet ordre intérieur qui régit les réactions et les conflits de l'existence individuelle.

Pris dans un sens idéal et universel, ce sentiment d’ordre n’est autre que ce que l’on appelle la Raison. Mais chacun peut aussi avoir « ses raisons », c’est-à-dire son ordre intellectuel et psychique propre.

Lors­que cet ordre intérieur est menacé apparaît le senti­ment d’insécurité. L’insécurité peut devenir une sorte de cancer qui transforme les forces vitales de l’orga­nisme en énergie destructrice ; elle peut aussi donner lieu à des fantaisies et des illusions qui tentent d’éta­blir un ordre fictif que l’on substitue au désordre d’un psychisme dévié ou frustré par les situations, les événe­ments imprévisibles ou les réactions inconscientes, inattendues et traumatiques.

Ce besoin d’ordre peut aussi devenir tyrannique. C’est lui qui donne à l’intellect et aux formes rigides de pen­sées rationnelles un pouvoir qui peut détruire la capaci­té à sentir directement et à faire spontanément, libre­ment, l’expérience du flux vivifiant des événements, des sentiments et des relations qui sont la substance pre­mière de l’expérience humaine.

Le besoin exagéré d’or­dre extérieur que satisfont la culture et la tradition col­lectives, et d’un ordre intérieur qui se manifeste par des exclusions, des refus et des peurs dans le moi devenu rigide et fier de ses propres structures peut user, détruire ou faire obstruction aux relations inter­personnelles susceptibles de transformer l’ordre éta­bli. L’existence figée dans un ordre traditionnel qui ne laisse place à aucune possibilité de changement radi­cal devient une parodie, car l'existence est fondamen­talement mouvement, flux, spontanéité et créativité.

Avant tout, l'existence est relation. Rien ni personne qui existe n'est né isolément. On naît dans un vaste champ d’activité qui demande la participation du nouveau venu.

La conscience se forme par l'exercice de la capacité à entrer en relation avec autrui — et en particulier avec des compagnons dont les rythmes indi­viduels peuvent s'unir au sien propre, et ainsi en ren­forcer, en élargir et en affiner la cadence.

Seules les relations peuvent effectivement transformer le schéma de l'existence individuelle. Or entrer en relation ne consiste pas seulement à réagir à quelque chose ou à quelqu'un qui vous touche ; c'est véritablement, pour l'individu authentiquement conscient, aller au-devant d'autrui, le rencontrer.

La conscience s'affirme et s'en­richit par la grâce mystérieuse qui émane des « ren­contres » totales et spontanées. Ce genre de rencontre devient extrêmement difficile, voire impossible, lors­que ceux qui se rencontrent ont appris, par condition­nement, à se fier uniquement à une forme étroite et rigide d'ordre, imposée par la société qui est la leur.

L'être humain a donc besoin de ressentir profondé­ment en lui-même un état d'ordre et de sécurité qui lui permet de faire face, consciemment et animé par une force positive, au déroulement incessant des événe­ments et à ses diverses rencontres avec d'autres êtres vivants.

Faute de ce sentiment profond et de cette con­naissance de l'ordre que les événements révèlent à l'es­prit qui les considère objectivement, l'individu s'expose à la confusion, au traumatisme et à l'affolement.

D'au­tre part, si ce sens de l'ordre et de la structure gou­verne son existence de manière trop rigide et exerce un contrôle jaloux sur ses attitudes devant tout ce qu'il rencontre dans son domaine d'activité, le champ de son expérience se rétrécit inévitablement ; il perd son dynamisme et s'ankylose dans le formalisme et l'égocentrisme stériles. Semblable situation conduit facilement à une attitude ambivalente envers tout ce qui provient du désir d'ordre dans toutes les sphères d’existence, et notamment dans les activités sociales ou culturelles. Ainsi l'un des principaux problèmes aux­quels doivent faire face l'homme et la société consiste à fixer le degré d'ordre et la structuration optimale des comportements pour le développement harmonieux de l'être humain.

En outre, c'est non pas la « quan­tité », mais la « qualité » de l'ordre et de la sécurité qui doit primer ; il faut donc juger si l'ordre est véri­tablement constructif et fécond dans sa nature pro­fonde.

Hélas, l'idée d'ordre et de sécurité a été maniée par des centaines de philosophes et de théologiens de ma­nière telle que, aussi idéalistes qu'aient été les auteurs, il en résulte une appréciation inexacte des réalités existentielles.

Elle a donné lieu à des interprétations qui ont souvent détruit ou perverti le sentiment pro­fond de l'intégrité de l'existence. Bien trop souvent les guides officiels de la société et du culte ont vu dans la dynamique du changement et dans le principe d'or­dre structurel des contraires absolus et irréconcilia­bles. Non contents de cela, ils ont fait de l'ordre un principe extérieur à l'existence, et qui la précède mê­me ; avec les résultats tragiques, tant sociaux que psy­chologiques, que l'on sait.

Assurément, l'homme fait l'expérience de l'existence sous deux aspects ; mais le principe de changement perpétuel et le principe d'ordre cosmique ne sont pas opposés l'un à l'autre. Ils s'interpénètrent en tout lieu et à chaque instant.

L'ordre est inhérent aux change­ments existentiels. Il faut se garder de se représenter, comme beaucoup de penseurs religieux l'ont fait, un monde d'ordre (rationnel) absolument distinct du monde de l'existence qui se trouve dans un état de changement perpétuel (un monde de passions et de souffrances). L’existence est une. Elle est rythme et mélodie ensemble pour qui est capable de l'accepter dans sa totalité.

Le rythme définit le type d'ordre du mouvement existentiel ; la mélodie est la substance du flux des événements, des sentiments et des images inté­rieures. Ce flux se meut dans un état perpétuel d’im­provisation, et pourtant il développe les thèmes fonda­mentaux qui encadrent l'apparition de possibilités exis­tentielles sans pour autant brimer la nature et la qua­lité des relations se tissant entre toutes les formes qui naissent dans l'abondant et merveilleux « fleuve de la vie ».

L'ordre n'est pas superposé à l'existence par quelque puissance extérieure ; c'est le rythme même du processus de l'existence. Ce rythme, principe cosmi­que, est ce que nous appelons le temps.


Le temps existentiel

D'un point de vue existentiel ou phénoménologique, le temps n'est autre que l'idée abstraite correspondant à la constatation du changement perpétuel. Le change­ment se caractérise par des modifications successives du contenu de l'expérience et du sentiment de l'exis­tence.

Tout être humain — et de manière probable­ment beaucoup plus imprécise, tout ensemble organisé d'activités — a une « perception du temps », pour la simple raison que ses perceptions organiques et les impressions qui l'assaillent changent constamment.

Ce changement peut être ressenti comme plus ou moins rapide, et parfois peut sembler cesser lorsque l’atten­tion de l'organisme (et plus tard du Moi conscient) s'attache un instant à ce qui se produit au moment même ; néanmoins le fait essentiel de l'expérience humaine reste l'impression d'une suite continue de sentiments-sensations se fondant les uns dans les autres.

L'existence est un continuum de modifications du con­tenu du « champ d'existence » ; et la notion première de temps apparaît avec la découverte de ce fait.

Cette découverte est d'abord purement passive. La conscience naissante des primitifs et des jeunes enfants flotte, pourrait-on dire, au fil du courant de l'exis­tence.

La vie passe, comme les rives ; mais à ce stade de la conscience, l’homme ne se sent pas distinct du mouvement. Il s'identifie à lui. Il y réagit en tant qu'or­gane ou en tant qu'organisme, mais si l'on peut dire de façon passive.

L'expérience première du changement n'est pas le sentiment d'une succession d'« événe­ments » distincts et identifiables, mais bien l'impres­sion d'un flux continu. L'existence s'écoule non seule­ment autour du nouveau-né, mais aussi à travers lui.

Comme au départ le temps ne se distingue pas de l’expérience du changement, on peut dire que la notion la plus primitive du temps se confond avec l'expérience d'un « passage » continu.

Dans cette expérience, on peut parfaitement se passer d'une perception différen­ciée de « moments » successifs, la différenciation inter­venant au deuxième stade du développement de la per­ception du temps.

Celui-ci commence à poindre dans la conscience naissante lorsque l'organisme infantile tente de s'accrocher à une sensation particulièrement agréable et s'efforce de la conserver ; ou bien lors­qu'il a été tellement secoué par une sensation pénible que la conscience conserve un sentiment durable de l'événement.

Mais d'une manière ou d'une autre, l'émo­tion agréable ou désagréable prend un relief particu­lier et se distingue du reste, et le sentiment du temps commence à se cristalliser autour du souvenir. L'« évé­nement » marquant a eu heu, a-t-on le sentiment, à un « moment » particulier.

Le moment présent, c’est maintenant ; on notera la parenté avec le verbe maintenir — faire durer et con­server en l'état. La notion du maintenant (en ce mo­ment, le tout de suite viendra plus tard) provient du fait que le nourrisson cherche à faire durer, ou si c'est impossible, à se souvenir de ce qui s'est produit à un moment donné.

Lorsqu'il fournit ce genre d'effort, la passivité du bébé devant l'existence et le temps com­mence à se transformer ; il cesse de s'identifier (incons­ciemment) au processus même de la vie organique et du changement continu de son état existentiel.

Il a donc créé une « tension vers » l'événement qui lui a procuré une sensation particulière ou un état de bien-être organique — état gratifiant ou ayant éveillé un sentiment instinctif du danger. Il a donc commencé à apprendre à concentrer et à fixer son attention.

Le phénomène psychologique de l'attention est en fait le fondement même de ce qui, existentiellement parlant, devient ensuite l'aspect propre à l'individu de la conscience.

Lorsque l'organisme humain fixe son attention sur une phase particulière du « passage » continu du flot de sensations et de sentiments, ce qui passait est tout à coup bel et bien passé.

De plus, quand la conscience naissante se rend compte que certaines sensations-émotions ne sont pas nouvelles et que l'or­ganisme a réagi de la même manière à une expérience répétée, la catégorie d'expérience concernée prend un caractère spécifique, c'est-à-dire qu'elle se met à appar­tenir au « passé ».

Inévitablement, l'expérience de la répétition et de l'accumulation des événements dans le passé conduit à l'apparition du sentiment symétrique de l'« avenir », fondé sur l'attente du retour d'un chan­gement agréable ou désagréable de l'état organique.

Ce qui s'est « déjà » produit plusieurs fois peut se pro­duire « encore ». On attend donc le nouvel événement dans le « futur ». Ce n'est que lorsque l'attention cesse de s’identifier au « passage » et se dirige tour à tour vers le passé ou l'avenir que l’identification du « mo­ment présent » — le maintenant — commence à se produire dans la conscience déjà quelque peu objecti­vée du très jeune enfant.

Le développement de la notion de temps et la trans­formation du sentiment du « passage » en conscience de la séquence passé-présent-futur ne sont pas toujours bien compris.

C’est pourtant là un point essentiel si on veut se faire une idée juste des nombreuses théories qui ont été avancées sur la nature du temps, et notam­ment sur l'accentuation du « présent immédiat » — avec l'appel à « vivre dans le présent », et la notion de « Présent éternel ».

À mon avis, la confusion pro­vient pour l'essentiel d'une incapacité à comprendre la véritable nature du sentiment le plus élémentaire du temps — c’est-à-dire un sentiment de passage.

Vivre dans une conscience du passage, d’un transit qui ne distingue pas entre passé, présent et futur, ne signifie pas vivre « dans le présent ». Le très jeune enfant ne vit pas dans le présent. Sa conscience flotte au fil d’une mouvance, ballottée entre des sensations changeantes du panorama qui défile et une succession intérieure d'états organiques.

Ce n’est qu’à mesure que la conscience du Moi et le développement de la pensée religieuse et intellectuelle figent l'expérience première de l’existence et du temps en catégories bien définies — passé, présent, futur — que la notion de temps peut s'objectiver de manière stricte et se définir en catégo­ries nettes puis se mesurer par des moyens collectifs comme les cloches de l'église médiévale, et ensuite seu­lement individuellement, avec l'horloge du salon ou le bracelet-montre.

Rapidement, toutes sortes de problè­mes vont se poser en fonction de ce que l’on appelle le temps : « arriver à temps », « ne pas avoir le temps », « le temps, c’est de l'argent », « être de son temps », et autres expressions ou lieux communs du même ordre.

La notion subtile du Présent est issue du refus de se soucier du passé et bâtir inconsciemment des projets pour l'avenir. Se sentant borné par le temps, et effrayé par ce qui semble être en ce qui concerne le corps et la vie personnelle la fin du temps, l’homme commence à rêver d’un état d’existence dans lequel le temps n’im­pose plus ses limites à son activité — c’est-à-dire à un état d'immortalité.

Les philosophes traduisent ce rêve en un concept d'intemporalité de l’Être pourvu d'une conscience qui transcende tout changement existentiel. Pour une telle conscience, toute forme d’existence s’in­tègre ou s'harmonise en un éternel Présent.

Or envisager un éternel Présent oblige à postuler une condition absolument statique de l’Être au-delà de tout changement. Ce postulat d’un état transcendant d’Être omniconscient et statique s'oppose à l’état dyna­mique, en mouvance constante, de l'existence universelle qui croise ses fils sur la trame du temps ; pour­tant ces deux états sont considérés par la plupart des penseurs religieux comme s'excluant l'un l'autre ; ils se réconcilient dans la « Réalité ».

On dit aussi que l'homme, lorsqu'il atteint un état idéal de perfection, peut faire l'expérience consciente de cet état intempo­rel transcendant tout en continuant de fonctionner, en tant qu'organisme physique, dans une situation existen­tielle de changements incessants et en restant soumis aux rythmes inéluctables du temps.

Mais il est un aspect du temps qui n'a pas été reconnu, probablement parce qu'il n'a pas été compris de la grande majorité des penseurs du monde occi­dental. Il s'agit d'une conception cyclique du temps, laquelle, si elle avait été acceptée par la société chré­tienne européenne, aurait rendu impossible l'appari­tion d’un des traits les plus indésirables, voire tragi­ques, de notre civilisation occidentale.

Le concept de cycles universels était de toute évidence familier en Inde ou en Chine. Les premiers chefs de la chrétienté ont nié, notamment lors du Concile de Constantinople, la validité de ce concept qui permet pourtant d'édi­fier une vision intégrale du monde.

Ce refus, lié à une volonté pressante de présenter le Christ comme le « seul et unique » Fils de Dieu et de considérer la vie et la personnalité humaines comme la « seule et uni­que » manifestation existentielle d'une Âme transcen­dante créée par Dieu, a entraîné des effets extraordinai­rement profonds et durables, qui atteignent aujour­d'hui un degré critique.


Le temps holiste et le temps dimensionnel

Lorsque l'on parle de cycle à la plupart des intellec­tuels occidentaux, on découvre rapidement que ce ter­me évoque pour eux l'étude empirique de phénomènes naturels ou sociaux — par exemple, l'aspect cyclique de la multiplication de certaines espèces animales, l'as­pect cyclique de la productivité en économie, le cycle de hausse et de baisse de la Bourse — ou bien il ne peut s'agir que de la notion nietzschéenne de « L'éter­nel retour ». La notion de cycle que je propose ici est tout à fait différente, et se rapporte à ce que j'appelle la notion « cyclo-cosmique » de l’existence, laquelle peut s'appliquer à tout ensemble existentiel d'activités.

Le postulat d'une telle vision holiste du monde est le suivant : l'existence se manifeste à tous les niveaux dans des ensembles, c'est-à-dire de champs organisés d'activités interdépendantes animées par des énergies de divers types.

Ces champs possèdent des limites plus ou moins clairement marquées dans l'espace. Ils com­mencent par une libération limitée d'énergie et par un échantillonnage définissable (quelle que soit sa com­plexité) de potentialités.

Ce potentiel se réalise avec plus ou moins de succès pendant la durée de fonction­nement effectif de ces champs ; cette activité prend fin après avoir produit des résultats spécifiques, les uns positifs, les autres négatifs. Cela revient à dire que les ensembles existentiels ont une existence de durée limitée, pendant laquelle est à l'œuvre le processus de réalisation ou de manifestation du potentiel libéré au commencement de l'existence de l'ensemble envisagé.

Ce processus se compose d'une série de phases — série qui possède une structure définie. Le processus se comporte dans le temps comme un ensemble, et constitue donc un ensemble temporel, c'est-à-dire un cycle ; il s'agit en outre à l'intérieur des limites d'un champ spatial.

Ce que je nomme cycle est donc un ensemble temporel ; ce que je nomme champ est un ensemble spatial. Tout ensemble existentiel doit donc s'envisager comme cyclo-cosme, petit ou grand par rap­port à la grosseur de l'homme ou à sa place dans l'échelle de taille et de durée de notre univers.

Macrocosme et microcosme, galaxie ou atome, on a toujours affaire à des ensembles existentiels qui se caractérisent fondamentalement par leur qualité d'ensemble, c’est-à-dire étendue, durée et structure, ou forme.

Le temps et l'espace, ainsi définis, sont les facteurs fondamentaux de l'existence ; on peut les considérer à ce titre comme des principes universels.

Le temps ren­voie au fait qu'une impulsion créatrice donnée intro­duit dans l'existence un quantum précis d'énergie nécessaire pour réaliser un groupe donné de potentia­lités ; et que par nature le processus existentiel de réalisation de ces potentialités doit se terminer lorsque l'énergie est épuisée.

Mais cet aspect temporel entraîne aussi le fait que pendant toute la durée de l'existence de l’ensemble agit une force structurelle qui possède une inertie, c'est-à-dire qui garantit que le processus s'exerce et se déroule en tant qu'ensemble, une phase après l'autre, en direction d’une fin-oméga inhérente au commencement-alpha ; cela malgré l'action d'un fac­teur opposé qui tend à altérer la pureté structurelle du processus.

Cet autre facteur, c'est l'espace. Alors que le temps est par nature un principe unitaire qui règle dans ses grands traits le processus d’existence qui a commencé dans l'« unité » sous forme d'une impulsion créatrice originelle unique, l'espace représente premièrement le principe de relation.

II fait qu’aucun ensemble existen­tiel n'existe isolément, mais entretient une relation constante avec d'autres ensembles ; cette relation crée le mouvement et l'étendue dans l'espace. Non seule­ment les énergies des champs spatiaux sont intercon­nectées, leurs combinaisons génèrent un excédent d'énergie que le champ ne peut absorber ni contenir, et qui donc, en principe au moins, rayonne vers un milieu ambiant où se pressent d'autres ensembles.

Chaque ensemble est relié, directement ou indirecte­ment, à tous les autres ensembles du « voisinage » ; ce voisinage n'est pas uniquement spatial, il est aussi temporel, et abrite les ensembles du passé plus ou moins récent et de l'avenir plus ou moins lointain, l'espace et le temps étant reliés mais non point au sens où la physique moderne parle d’un espace-temps. Leur relation s'apparente à celle du Yin et du Yang dans le symbole chinois du Taï-Chi.

Le temps, conçu de manière holiste comme principe universel, est un élément objectif de l'existence. C'est un facteur cyclique, non pas au sens où une série d'évé­nements temporels peuvent se répéter sériellement dans une suite d'ensembles — ensembles galactiques ou per­sonnes individuelles — mais au sens où le processus d'existence passe par une série de phases, série qui définit la structure temporelle du processus de déve­loppement de l'ensemble entre son commencement et sa fin. Le temps définit non pas les événements exis­tentiels eux-mêmes mais la structure du processus dont ces événements constituent le contenu.

Il représente, en termes religieux, la Volonté du Créateur — volonté que l'on peut se représenter utilement comme une force d'inertie, c'est-à-dire de résistance aux événe­ments susceptibles de modifier dans sa nature fonda­mentale le cours du processus existentiel, même si le détail existentiel en reste inchangé, et d'altérer ses résultats finals, l'aboutissement du potentiel de la semence.

On retrouve ici le contraste entre l'expérience du changement et l’expérience de l'ordre, ou de la struc­ture. L'expérience du changement est toujours fondée sur le facteur relationnel.

Lorsque le jeune enfant res­sent une douleur parce qu'il a faim, la sensation orga­nique de faim qu'il éprouve est liée à un changement métabolique et chimique de la relation entre les diver­ses cellules et organes de son corps ; s'il tombe de son berceau et se cogne la tête, il y a changement de la relation spatiale entre son corps et les objets environ­nants.

Le temps par contre est lié au processus inté­rieur de développement de la conscience d'être un ensemble existentiel, un organisme, et plus tard une personne, un individu. Ce processus a son rythme pro­pre — une cadence particulière de développement — et ce pourrait être une erreur que de l'accélérer en admi­nistrant précocement à l'enfant une dose trop massive de relations extérieures qui donnent lieu à des problè­mes avec lesquels l’organisme, en tant qu'ensemble, n’est pas prêt à se mesurer avec succès.

Le temps est aussi le rythme selon lequel se déploie le milieu planétaire tout entier, dans lequel est immer­gé l’homme comme l’embryon dans le ventre de la mère.

Sous cet angle, le temps apparaît comme la succession des jours et des nuits, des saisons, dans une alternance dont la cadence marque la mesure naturelle de la croissance de l'homme, puis de sa désintégration. Le temps s'exprime aussi dans la force structurante qu’exerce avec ses énergies le système solaire sur notre planète, la Terre, et en particulier sur la biosphère dans laquelle l'homme vit, se déplace, et fait l'expérience d’être.

Tout ensemble fait partie d'un ensemble plus grand, et contient des ensembles plus petits sur les activités desquels il exerce un contrôle structurel et rythmique.

Cette notion est essentielle dans la philosophie holis­te de l'existence que nous exposons ici. Elle exprime une donnée indiscutable de l'expérience humaine — et non pas une théorie. Le corps humain est un ensemble qui contient des milliards de cellules lesquelles, à leur tour, contiennent des myriades d'atomes dans lesquels des particules subatomiques ou des ondes d’énergie tourbillonnent à des vitesses fantastiques. En même temps l'organisme humain est contenu dans le champ planétaire de la Terre, au sein duquel, comme nous le verrons plus loin, l'humanité en tant qu'ensemble exerce une fonction quasi organique précise.

À son tour, la Terre est un ensemble d’activités organisées et interdépendantes à l'intérieur du plus grand ensemble que constitue le système solaire, qui n'est qu'un parmi les milliards de champs stellaires d'organisation de la galaxie.

Peut-on continuer l'inventaire des métagalaxies et des univers finis ? N'y a-t-il pas de limites à la relation entre petits ensembles et ensembles plus grands ?

Nous ne débattrons pas ici de cette question métaphysique et nous contenterons d'observer qu'il ne semble pas y avoir de bonne raison de poser une limite quelque part, à une taille donnée de l'ensemble ; le fait que la taille du corps humain semble se trouver exactement à mi-chemin entre l'unité existentielle la plus petite et la plus grande que nous connaissions paraît indiquer que notre représentation de l'échelle des tailles des ensem­bles existentiels est strictement anthropocentrique.

Quoi qu'il en soit, le fait demeure que nous participons à l'activité d'ensembles plus grands que nous, de même que des ensembles plus petits participent aux activités de l'organisme humain dans sa totalité — participa­tion qui se manifeste familièrement par le bien-être ou la maladie.


Le temps scientifique : la mesure du mouvement et du déplacement

La philosophie bergsonienne (voir l’Évolution créatri­ce) distingue nettement ce que le philosophe a appelé la durée et le temps tel qu’il intervient dans les équa­tions de la physique moderne ou de la science en géné­ral.

La « durée » se rapporte au continuum d'événe­ments traversés et ressentis par les organismes vivants et par la conscience qui les caractérise.

Ce continuum a une direction définie et un mouvement irréversible. Le concept bergsonien de durée est donc très proche de l'expérience que fait du temps l'ensemble existentiel qui constate un « passage », avant donc que le concept de moments séparés — ou pourrait-on dire d'unités de temps — ne domine dans la conscience intellectualisée de l'être humain.

Dès que l'on envisage des unités de temps et des moments possédant des propriétés distinctes identifia­bles par la mémoire, le facteur de discontinuité fait irruption dans la conscience ; or la discontinuité per­met de mesurer. On constate qu’un certain nombre d'unités de temps se succèdent entre le commencement et la fin d'un processus existentiel.

Le processus acquiert donc une longueur mesurable — une lon­gueur temporelle — et le « temps dimensionnel » se substitue à la « durée » bergsonienne — tout au moins dans des cas particuliers dont le nombre va sans cesse croissant.

Quelles sont les conséquences du concept de mesu­re ? Avant tout une transformation de la perception première et subjective (relevant de l'organisme) du changement en une notion objective d’objets en mou­vement.

Le concept de mouvement fait intervenir le temps — un temps fondé sur la succession d'états iden­tifiables dont le centre de conscience est suffisamment détaché pour pouvoir les observer et en mesurer les déplacements et la vitesse.

Tout ce qui se prête à l'ob­servation objective et à la mesure est « dimensionnel ». Les objets ont des dimensions spatiales — longueur, largeur, hauteur. Lorsqu'on les voit bouger, leurs mou­vements possèdent également une dimension d'un type particulier, qui est le temps dimensionnel. La science contemporaine en fait une quatrième dimension.

Le temps scientifique est le facteur fondamental de toutes les opérations se rapportant à la mesure du déplacement des objets dans l'espace. Comme toute mesure exige l'existence d'un mesureur, on est obligé de conclure que les résultats fournis par toute mesure, quelle qu'elle soit, sont liés au sujet qui effectue la mesure.

Donc les valeurs qui relèvent du domaine du temps dimensionnel n’ont d'existence que si on les envisage en fonction d'un cadre de référence, c’est-à-dire en relation avec l'observateur, qui est un mesu­reur potentiel. C'est sur cela que se fonde la théorie de la relativité du mouvement formulée par Einstein, et c'est pour cette raison que toute mesure scientifique exige que l'on définisse un espace-temps de référence.

A l'origine, il semblait évident que dans le temps dimensionnel tout mouvement puisse s'effectuer « en arrière » comme « en avant * dans la dimension temporelle ; en d'autres termes, passé et futur semblent interchangeables, comme la droite et la gauche, l'est et l'ouest, le haut et le bas. C'est ainsi que les « voya­ges dans le temps » ont prospéré dans l'imagination des auteurs de science-fiction.

Mais des observations et des expériences récentes prêtent à penser que le mouvement dans le temps dimensionnel n'est pas réversible, et que les processus biologiques au moins, sinon d'autres, se déroulent dans une direction impérative, et ne peuvent être inversés.

La représentation qui découle de l'idée d'un temps purement dimensionnel est assurément maladroite et trompeuse, outre qu'elle contredit l'expérience intime et le bon sens de l'homme. Le continuum espace-temps à quatre dimensions n'est pas, et ne saurait être un « continuum » authentique, car la continuité échappe à la mesure.

On ne peut mesurer que le discontinu, et l'acte de mesurer, que ce soit avec un mètre ou avec un chronomètre, est une opération intellectuelle. Or l'homme et la conscience humaine débordent largement l'intellect, ses catégories exclusives et son tour irrévo­cablement quantitatif d'arpenteur.

Il ne s'agit pourtant pas de minimiser le rôle extrê­mement important que joue l'intellect (et l'ego qui lui est étroitement associé) à un certain stade de l'évolu­tion de la conscience. L'acte de mesurer est indispen­sable étant donné les contingences pratiques de la société moderne et les exigences du développement et de l'accomplissement de la conscience du moi.

Mais le moi n'est pas l'homme tout entier, nous y revien­drons en détail dans les chapitres suivants, et la pensée intellectuelle n'est qu'une des formes particu­lières que prend la conscience à un stade particulier de l'évolution humaine. Nous nous trouvons aujourd'hui devant la possibilité — que dis-je, la nécessité — de permettre à un nouveau type de pensée de se dévelop­per en nous ; et il faut pour cela découvrir un cadre de référence nouveau à notre capacité à effectuer des mesures objectives. Ce cadre de référence, qui n'est pas précisément nouveau mais qu'il s'agit d'apprendre à concevoir de façon relativement neuve, c’est le cycle — l'éon — et la notion véritable d'« éternité » à laquelle accède l’homme lorsqu'il parvient à un certain stade de l’évolution de la conscience.


Éternité et intemporalité

L’un des événements les plus regrettables dans l'his­toire de la pensée humaine pourrait bien avoir été la fausse interprétation qu’ont faite les premiers penseurs chrétiens de la notion que nous exprimons aujour­d’hui par le terme éternité. La signification du terme s’est immanquablement altérée devant l'insistance des Pères de l'Église à affirmer le caractère essentielle­ment unique de l'incarnation de Dieu en Jésus, l'hom­me Christ.

Cet événement ayant été doté d'un carac­tère absolu, et la personne humaine en tant qu'indi­vidu s’étant également vu attribuer ce caractère uni­que et absolu, la perception pré-chrétienne de l'exis­tence comme processus cyclique devenait inacceptable.

Selon la tradition chrétienne, il n'existe qu'un Dieu, qu'un univers, qu’une histoire, qu’un Dieu fait homme et qu’une unique ascension ardue de l'homme de son état de péché vers la gloire de la félicité céleste — pour les mystiques, de l’union avec Dieu ; ou bien une chute totalement négative dans un enfer absolu, sans retour possible.

Les écoles gnostiques des premiers siècles de l’ère chrétienne ont tenté de réinterpréter le concept de la cyclicité de toute existence en termes plus ou moins chrétiens ; elles évoquaient constam­ment l’Eon, c'est-à-dire l’état divin d’unité des cycles cosmiques d’existence, état dans lequel la totalité inté­grante du cycle se condense, si l’on peut dire, en une conscience divine — un Être cosmique.

Mais les vues des gnostiques furent condamnées, et leurs commu­nautés disparurent ou furent détruites, même si cer­taines de leurs traditions et de leurs croyances devaient subsister dans les divers mouvements hérétiques qui se sont manifestés pendant l'ère chrétienne, et réappa­raître sous diverses formes depuis cent ans.

Pour la pensée officielle des cultures européennes et américaines, l'éternité s'oppose au temps, et appa­raît comme un état « intemporel ».

L'idée d'un « éter­nel présent » a inspiré les rêves, les aspirations et les arguments philosophiques de bien des personnes incli­nant vers le mysticisme, surtout depuis quelques années. Le sens que l'on donne au terme « éternité » dénote bien sûr une aspiration parfaitement légitime de l'homme à transcender son assujettissement à des circonstances précises qu'il ressent souvent comme insupportables ; mais cette interprétation est négative, comme les concepts qui pullulent aujourd'hui dans l'esprit d'une foule d'individus tournés vers l'avenir et agités par la rébellion intérieure.

Ces concepts nais­sent d'événements qui ne sont pas ce qu'ils semblent être, et fonctionnent de manière radicalement diffé­rente du comportement habituel de notre environne­ment connu, physique ou intellectuel ; on comprend bien qu'ils éveillent dès lors des réactions affectives tout à fait extraordinaires.

La majorité des personnes qui se trouvent confron­tées à ces événements « paranormaux » ou à ces expé­riences intérieures subjectives se sentent très mal à l'aise.

Leur réaction exprime la peur, ou bien un senti­ment exacerbé de supériorité, qui leur fait évacuer purement et simplement ce qui ne trouve pas sa place dans leur cadre de référence ordinaire et quotidien ou dans leurs catégories intellectuelles.

Il est pourtant en l'homme une aspiration fondamentale et irrépressible à être davantage qu'il n'est ou ne sait être. Il a le senti­ment profond de son infériorité devant les puissantes énergies de la biosphère et du cosmos. Ce sentiment le pousse, et bien souvent le contraint à croire en la réalité d’un état et d'un Être transcendant qui pos­sède pour caractères essentiels tous les pouvoirs et toutes les qualités que l'homme semble incapable de manifester.

Parce que la conscience de l'homme opère dans un domaine de grandeurs finies et se sent en permanence frustrée dans ses aspirations et dans sa volonté d'accomplissement et de maîtrise par cette « condition humaine » que les existentialistes ont dépeint comme un état fondamentalement sombre, tra­gique, désespéré et absurde, la conscience humaine cherche pathétiquement à croire en une « Réalité » qui ne soit pas l'une quelconque de ces choses que l'hom­me ne possède pas, méprise ou craint.

Ainsi, parce que notre être conscient déborde de problèmes et doit bien souvent affronter des situations intérieurs, des impulsions à extérioriser, des hu­meurs et des envies qui semblent étrangères à la conscience et au désir dans leur normalité, la notion d'"Inconscient" est apparue et a acquis une préémi­nence extrême ; et, parce que la vie moderne ne sem­ble jamais nous « laisser le temps » de réaliser ce que nous souhaiterions, l'idée d'une Réalité (ou d'un état de conscience) « intemporelle » en est venue à fasciner les pensées. Dieu, ou la Réalité, se voit accorder tous les attributs dont l'homme est privé, mais qu'il vou­drait tant posséder.

On se détourne aujourd’hui masivement des croyan­ces traditionnelles du passé euro-américain, et les recherches se tournent vers ce qui n'est pas ce que nos ancêtres croyaient être la réalité, la vérité, la sagesse, comme si sévissait une épidémie.

Mais les grands mys­tiques, les visionnaires, les maîtres à penser « inspi­rés » de toutes les époques de l'histoire ont toujours été fascinés par cette recherche ; ils « éprouvaient » des expériences tellement inhabituelles et surnormales — on parle aujourd'hui d'expériences « sommitales » de façon quelque peu banalisée — qu'ils étaient inca­pables d'en formuler la teneur et donc de la commu­niquer par des mots à autrui. Les poètes utilisaient des symboles pour suggérer la nature de ces expérien­ces ; mais lorsque les symboles manquaient, il fallait bien reconnaître tout simplement que ce dont ils avaient fait l'expérience n'était en rien semblable à ce que l'on connaissait habituellement, ou que l'on pouvait connaître par le canal normal des sens ou dans un état normal de conscience.

C'est la raison pour laquelle les traités de mystique et de métaphysique débordent de locutions négatives — et semblent exprimer une négation souvent totale et absolue de tous les faits existentiels : non-existence, intemporalité, aspatialité, Vide, etc.

Au quatrième chapitre de l’Évolution créatrice, Bergson fait une étude fascinante de l'idée de néant. Il s'efforce d'exprimer au moyen d'arguments logi­ques le fait qu'il est impossible de concevoir réelle­ment le « néant ».

La négation de toute existence indi­que en fait que la pensée, ne parvenant pas à nommer toutes les formes possibles d'existence qu'elle soup­çonne, cache sa défaite sous un terme générique pra­tique. Le terme « non-existence » ne signifie donc pas qu'il semble exprimer — c'est-à-dire la négation abso­lue de l'existence sous toutes les formes ou dans tous les états possibles. Il signifie tout simplement qu'il est un état de réalité qui transcende toute idée humaine imaginable d'ordre et de réalité.

Les grands philosophes hindous — Sri Aurobindo par exemple, dont l'œuvre et l'influence spirituelle sont reconnues dans le monde entier — savaient bien que Brahman ne signifie pas la non-existence, mais plutôt un état inconcevable qui englobe non-existence et exis­tence, au même titre que le Yin et le Yang sont les deux pôles du Tao, qui les comprend et les dépasse.

De même certains de nos esprits philosophiques les plus libres, et parmi eux beaucoup de grands scientifiques, commencent à se rendre compte que l'ordre et le hasard (le nécessaire et l'aléatoire) sont les deux aspects du fait totalisant qu'est l'existence ; de même la négentropie et l'entropie.

Cela signifie donc que le temps et l'intemporalité ne sont pas davantage des contraires que dans le boud­dhisme philosophique le samsara et le nirvana ne sont des opposés absolus.

L'intemporel n'est pas un état dans lequel le temps n'existe pas, c'est un état où l'on fait l'expérience d'un temps d'un autre ordre. Le nir­vana n'est pas réellement la négation de l'existence et du changement, c'est un état dans lequel existence et changement ont un caractère et une signification dif­férents. Étant dans le samsara, on peut faire l'expé­rience du nirvana. Il ne s’agit que de deux aspects de l'existence.

L'expérience « intemporelle » survient dans une cons­cience qui débouche hors du temps existentiel, et qui retournera dans le siècle. L'expérience « éclaire » l'exis­tence humaine conditionnée par le temps de la même façon que, pour employer un symbole, le levain éclaire la substance du pain.

Les trous du pain ne sont pas du pain ; ils sont néanmoins dans le pain, et contribuent à la nature et à la qualité du pain. C'est en ce sens que Jésus comparait ses disciples et dans un sens plus large de Royaume des Cieux, au levain.

C'est en ce sens que tous les véritables mystiques sont des « trous » dans le pain qu'est l'humanité. L'expérience mystique est en état de « fermentation » ; c'est dans ce même esprit que les soufis ont célébré le vin et l'ivresse qu'il procure dans des poèmes admirables, et que le Livre de la Genèse évoque les « vignes » de Noé, lesquelles dans la symbolique mystique représentent les écoles d'initiation au Mystère — les mystères se rapportant à l'état édénique primordial de l'humanité, l'Age d'Or où l'Homme et Dieu ne faisaient qu'un.

L'état et le sentiment d'unité spontanée et enfantine symbolisent les débuts de l'existence. Dans cet état pri­mordial, la totalité de l'organisme qui ressent s’identi­fie au flux continu de l'existence.

Le temps apparaît comme « passage ». L'existence, dans l'état que nous appelons la « vie », s'écoule dans et au travers de ce qui existe. Il n'y a pas de séparation. L'écoulement n'est pas segmenté en unités de temps, donc en moments ; mais il n'y a pas non plus ce que l’on appelle couram­ment, du moins dans le monde occidental, conscience.

Emporté sur le fleuve de la vie, le nouveau-né n’a pas conscience qu'il y a lui-même et le fleuve. Il se contente d’être — harmonique palpitante dans la grande mélo­die de l'existence humaine.

Mais le nouveau-né grandit ; sa pensée de plus en plus adulte, modelée par la culture et le milieu dans lesquels il se trouve, apprend à établir des distinctions qu'il exprime comme sa relation à d'autres entités vivantes, voire à des objets, et à se rendre compte qu'il a besoin de structures d'ordre pour maîtriser le jeu des relations interpersonnelles ou sociales.

Il se trouve conditionné par ce principe d'ordre, et donc par cette structure que nous appelons le temps ; il ne tarde pas à avoir l'impression de « ne pas avoir le temps ». Il pourra donc rêver d'une existence intemporelle. Si par contre il a été conditionné par sa culture et par la phi­losophie de la vie qu’il a adoptée à ne pas s’abandon­ner à cette « échappatoire » — échapper au temps pour se réfugier dans l'intemporel — il peut au contraire s'efforcer vigoureusement de remplir et d'accomplir le temps.

L'idée de l'accomplissement du temps signifie et exige qu'on le conçoive comme un phénomène cycli­que — que l'on comprenne le temps et l’existence humaine dans une perspective holiste : cela signifie comprendre que le temps existentiel commence et finit, comme tous les autres phénomènes de l'exis­tence qui ont un commencement et une fin — qu'il s'agisse de la vie ou de l'activité d'un atome, d'un hom­me ou d'une galaxie.

Cela signifie que la nature même du temps est cyclique. Comme nous l'avons déjà vu, il existe des ensembles temporels (cycles) au même titre que des champs spatiaux au sein desquels des mil­liers d’énergies interagissent dans des limites précises. Toute existence est un cyclocosme ; et le but de l'exis­tence de chaque cyclocosme est d'accomplir le temps à l'état oméga, de même que l'espace doit être rempli et accompli par le développement plein, sain et (idéale­ment) « sacré » de toutes les relations et forces inté­rieures susceptibles d'agir dans le champ d’existence de l'individu.

Dans cet état d'accomplissement, la conscience de l'homme appréhende le temps mais d'une façon nou­velle, comme l’éternité au sens véritable du mot. La conscience existentielle atteint à l'état de conscience éonique ; ce qui ne signifie pas l'inconscience mais au contraire un état de conscience capable d'embrasser dans son ensemble le cycle tout entier de l'existence de l'individu dont il émane. Dans cet état de conscience éonique, le « je » conscient s'est libéré des pressions contraignantes du milieu immédiat, de la famille, de la racine et de la culture qui ont façonné le moi.

En quelque sorte l'homme se trouve alors identifié au flux cyclique de l'existence ; mais cette identifica­tion n'est plus inconsciente. Il ne s'agit d'ailleurs pas vraiment d'une identification ; c’est plutôt un état de résonance, d'accomplissement dans une réponse vibra­toire totale et parfaitement conformée à la tonalité fon­damentale qui porte l'organisme individuel tout entier — le champ individuel d'existence — de sa naissance à sa mort, de l'alpha à Iomega du cycle existentiel.

C'est donc cela que de vivre dans un état d'éternité — non pas s'échapper dans l'intemporel, mais s'accom­plir dans la totalité du cycle de l'Être, dans l'Eon. Ce n'est pas se contenter de vivre d'instant en instant, toutes portes ouvertes aux influences changeantes et en se tenant disponible pour des relations toujours renouvelées, mais plutôt vivre chaque instant cons­ciemment, avec ouverture, comme une phase particu­lière du processus de l'existence, en étant aussi impré­gné que possible de la fonction, de la signification et de la finalité de la phase que l'on traverse dans l’économie du cycle tout entier.

Cette façon de vivre exige une transformation fonda­mentale du cadre de référence existentiel, et une appro­che radicalement différente du temps et de l'existence.

La conscience individuelle doit s'ancrer dans la totalité du cycle existentiel dont on participe ou que l'on res­sent en tant qu'ensemble continu. Cela représente un grand élargissement de la conscience ; mais cet élar­gissement est celui d’une conscience structurée alors que « l’expansion de conscience » que beaucoup recherchent aujourd'hui ressemble plutôt à une perte de soi-même dans une expérience subjective, extatique et informe d'unité avec tout.

Il ne fait nul doute que ce genre de sentiment soit merveilleux à éprouver, mais c'est une expérience dont il faut inévitablement revenir pour rentrer dans un monde quotidien de dif­férenciation, de catégories et de conflits.

Ce retour, par ses modalités et sa qualité, laisse souvent beaucoup à désirer ; tandis que la personne qui grandit, simplement et sans spectacle, pour entrer de plain-pied dans sa propre « éternité » n'a pas besoin de revenir puisqu’elle n’est pas partie. Elle est tou­jours présente. Elle a les pieds sur la terre de l’expé­rience quotidienne, tandis que sa tête embrasse et accepte, avec la sérénité du Sage, la totalité de son existence, de l’alpha à l’omega ; sa volonté est accordée au rythme constant et fondamental du Soi intérieur.

Nous examinerons maintenant en quoi consiste le Soi, cette force fondamentale qui sous-tend le champ tout entier de l'existence, et quelle est sa relation avec le moi.

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Source : Dane Rudhyar - Vers une conscience planétaire.


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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
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