L'enfant victime d'inceste

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L'enfant victime d'inceste

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié dans Psychologie · 15 Octobre 2023
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L'enfant victime d'inceste

Caractéristiques de l'impact de l'abus sexuel sur l'enfant

La blessure

L'expérience sexuelle abusive endommage ou « effracte » l'enfant, tant au niveau de son corps physique, qu'au niveau de son corps psychique. La production d'une blessure objective, le constat de lésions, la notion de douleur pendant l'acte, la sensation d'une intrusion physique ne peuvent être dissociés des fantasmes qui s'organisent autour d'une blessure symbolique.

L'enfant pense que quelque chose l'a « effracté » et que son corps est abîmé. Ses pensées sont imprégnées d'angoisses, d'autant plus qu'il craint avoir subi des dommages importants et irréversibles. Ses craintes, parfois fondées, engendrent des fantasmes d'autodestruction, de dénégation de soi ou de morcellement, lesquels s'associent à l'activité abusive et à la sexualité en général.

Le rapport entre blessure réelle et blessure imaginaire est fréquent. La blessure laisse une cicatrice. Le principe d'une cicatrice est d'être la trace laissée par la blessure qui représente et signifie symboliquement l'acte abusif. La blessure est symbolisée et donne l'impression à la victime d'une avarie au lieu de son corps. L'enfant éprouve le sentiment désagréable d'avoir perdu quelque chose, d'avoir subi des transformations et d'avoir été endommagé.

Le regard des autres (réactions, attitudes et discours) confirme parfois les sentiments de la victime sur elle-même ; l'impression d'être sale, dégoûtante, différente. Confrontée précocement à la sexualité adulte, au savoir sexuel adulte, la victime se sent observée, jugée, comme un mauvais objet sur lequel on projette une image négative. L'hostilité ou l'étonnement, la pitié, le rejet, la peur, l'effondrement des autres interfèrent avec les sentiments de la victime et induisent la confusion ou la perplexité. La blessure réelle se transforme en blessure symbolique qui déforme la réalité.

L'effet des préjugés est pervers. Alors que le monde adulte perçoit l'enfant comme immature et le savoir sexuel comme un signe de maturité, dès lors qu'un enfant est confronté au savoir sexuel par le biais d'une expérience abusive, il devient en quelque sorte détenteur d'une connaissance nouvelle et perd son statut d'enfant. Les adultes fantasment l'enfant comme détenteur de connaissances sexuelles dès lors qu'il a rencontré la sexualité qu'un adulte lui a imposée. On lui attribue un savoir alors que ni son âge réel, ni sa maturité sont compatibles avec ce supposé savoir sexuel. L'enfant est l'objet des fantasmes adultes qui déforment sa perception de lui-même, en tant que sujet. Cette perception déformée est en soi destructrice pour l'enfant et risque de saboter sa vie de relation.

L'enfant victime d'abus risque de s'identifier à cette caricature de bien avarié que lui renvoient les fantasmes et les propos de certains adultes.

Que la blessure soit réelle ou imaginaire, l'enfant est atteint dans son identité narcissique. Cette faille narcissique peut avoir un effet d'implosion sur la personnalité de l'enfant abusé.

Si la blessure objective, caractérisée par des lésions diverses, est cicatrisable, la blessure subjective ou interprétative, celle laissée par les fantasmes, l'opinion sociale et les regards déformés de l'entourage, peut soit rester béante, soit se refermer ; à condition d'expliquer à l'enfant qu'il n'est pas endommagé, qu'il n'est pas une chose avariée et qu'il est réparable.

Les sentiments de culpabilté

L'enfant peut se sentir à la fois victime et coupable.

La culpabilité est un sentiment légitime chez un enfant abusé qui se sent visé teint sur le plan de l'intime, du social, qu'au niveau du processus de divulgation. Le passage de l'intime au social ne se fait pas sans risque, ni sans difficultés, d'autant que le sexuel est intimement lié au secret et à l'interdit. Bien qu'injustes et injustifiés, parfois involontaires, les blâmes dont on l'accable renforcent ses sentiments de culpabilité.

Les sentiments de culpabilité chez l'enfant se situent à différents niveaux :

La culpabilité sexuelle se manifeste au moment des faits. Pendant qu'il subit des attouchements sexuels, l'enfant éprouve des sentiments de honte, de gêne ou d'embarras qui engendrent une culpabilité liée à la spécificité sexuelle de l'abus. Son intimité et sa pudeur sont éprouvées par l'intrusion sexuelle et l'enfant se sent coupable ou responsable, au minimum co-responsable, d'avoir été l'acteur d'une activité sexuelle avec un adulte ; et, dans ses faits, gestes et pensées, d'y avoir pris part. C'est surtout lorsque l'enfant perçoit le caractère interdit du tabou qui entoure ce genre de relations sexuelles, que le trouble de la culpabilité s'empare de lui. Selon ses représentations sociales, il comprend l'importance de l'interdit qui plane sur les relations sexuelles entre enfants et adultes.

L'enfant est encore perçu comme séducteur, incitateur, inducteur, voire provocateur, acteur consentant ou initiateur de l'activité sexuelle. Cette image est souvent exploitée par l'abuseur qui fait parfois porter la responsabilité à l'enfant. L'enfant est influencé par cette image que l'abuseur a de lui et se sent responsable du comportement sexuel de l'adulte qui se serait laissé séduire ou provoquer.

Hormis le fait de supporter une faute et de devoir garder secret ce qu'il subit, l'enfant se sent aussi coupable d'avoir ressenti du plaisir ou d'éprouver des sentiments affectueux à l'égard de son abuseur.

La culpabilité vient perturber l'ensemble des sentiments personnels de l'enfant en les rendant confus, ambivalents, contradictoires, illogiques, incompréhensibles, …

La culpabilité réactionnelle est intimement liée à la trahison du secret. Ce secret une fois levé, la révélation des faits engendre d'énormes sentiments de culpabilité ou de responsabilité coupable. Le secret est censé unir l'enfant à son abuseur. Le contrat une fois brisé ou cassé entraîne une rupture dont l'enfant se sent responsable. Il peut penser qu'il a trahi une relation de confiance, d'autant plus si son abuseur reporte sur lui de l'hostilité et des reproches.

Le secret est parfois divulgué accidentellement et l'enfant ne s'en ressent pas toujours coupable.

La culpabilité résiduelle s'attache plus à des mécanismes de responsabilisation. L'enfant se sent responsable des suites de la divulgation, des bouleversements et des crises au sein de sa famille, dans son entourage ou au niveau de l'abuseur.

Plus l'enfant est directement impliqué dans le processus de divulgation, plus il en porte la responsabilité et plus les conséquences de cette révélation entraînent de la culpabilité. L'enfant croit devoir assumer l'ensemble de la responsabilité face à cette situation et ses conséquences. Il pense que tout est de sa faute et qu'il aurait mieux fait de ne pas parler ; jusque dans l'après-coup de la révélation, la culpabilité le poursuit et exacerbe ses sentiments.

La peur

Les peurs objectives sont associées au terrorisme sexuel, au degré de violence psychologique ou physique, au réalisme de l'abus, aux dommages physiques éventuels et au niveau de sécurité personnelle. La peur ressentie pendant les faits est souvent liée aux pressions ou menaces verbales subies par l'enfant.

Les peurs subjectives sont activées par les fantasmes à un niveau plus inconscient et se manifestent à travers des bouffées d'angoisse, des idées obsédantes ou persécutrices, des troubles du sommeil, des rêves perturbés ou des cauchemars.

La peur qui poursuit l'enfant est souvent liée à la crainte de représailles physiques, de vengeance, d'abandon ou de perte ; la crainte que l'abus recommence, ou d'être à nouveau victimisé par un adulte ; la crainte des retombées, des conséquences pour la famille et pour soi-même ; la crainte de perdre la confiance des personnes de son entourage.

L'identification des peurs de l'enfant à travers l'expression de ses sentiments permet d'évaluer l'impact de la situation abusive. Ces peurs peuvent resurgir après coup lorsque l'enfant est confronté à d'autres expériences de la vie de relation ; et plus tard, à l'adolescence au moment des premiers émois amoureux ou des premiers contacts sexuels ou tentatives de relations sexuelles.

La terreur

L'enfant a peur de parler ; parler, c'est trahir un adulte, c'est aussi courir le risque de ne pas être entendu, compris ou cru. D'autant que les adultes qui l'entourent ne sont pas toujours prêts ou aptes à l'écouter ; l'enfant prisonnier de sa terreur et du silence s'identifie aussi aux peurs des adultes ; en particulier, il perçoit la peur du côté du parent non-abuseur.

Cette peur est celle qui oblige l'enfant à se soumettre inconditionnellement à la volonté de l'abuseur, à répondre au moindre de ses désirs, à obéir à l'injonction sexuelle. Cette peur amène progressivement l'enfant à s'oublier lui-même, à adopter un faux-self de sécurité, tout en s'identifiant massivement à son agresseur.

L'agresseur vit aussi dans la crainte d'être surpris ou dénoncé et communique ses peurs à l'enfant dont il abuse. Ce cercle vicieux du terrorisme sexuel s'installe et paralyse l'enfant dans ses tentatives de parole.

L'angoisse

L'angoisse ou l'anxiété peut se névrotiser sous des formes de phobies diverses : la peur du noir, de l'inconnu, de la solitude, l'agoraphobie, l'évitement de certaines personnes, le mutisme sélectif, la fuite,...

Les sentiments d'anxiété, présents avant le dévoilement, sont exacerbés au moment de la révélation, point culminant de l'angoisse qui vient torturer l'enfant. Celui-ci veut trahir le secret qui le lie sexuellement à un adulte, lequel exerce souvent un plein pouvoir et lui fait subir des pressions de tout ordre. Cette pression-tension devient intolérable et se manifeste sous forme d'angoisse réactionnelle. Les angoisses de l'enfant se manifestent aussi devant un avenir incertain, la perspective de conséquences dramatiques et irréversibles pour la famille, pour l'abuseur et pour lui-même. L'angoisse confronte l'enfant à ses propres ambivalences et hésitations. L'angoisse oscille entre le désir de mettre un terme à ce qu'il endure, courir le risque de ne pas être entendu ou être cru, la peur de perdre un être aimé, d'être rejeté ou abandonné, la terreur de voir exécuter les menaces de vengeance, de mort ou de suicide promulguées par l'abuseur et la possibilité de résister ou de s'adapter malgré tout.

Les cauchemars

La peur de s'endormir, de perdre la vigilance et d'être agressé pendant le sommeil, de se retrouver sans moyen de protection et le réveil nocturne angoissant sont souvent des signes d'activités cauchemardesques. La fixité et l'obnubilation du cauchemar est un facteur important d'angoisse. De fréquence variable, il n'est pas toujours lié à l'insomnie.

Les thèmes des cauchemars sont souvent liés à l'impuissance de l'enfant, à la contrainte subie, à la solitude devant la menace, au scénario de l'abus lui-même. Des monstres qui attaquent et étouffent, être enfermé vivant dans un cercueil, des bruits terrifiants ou menaçants, … les cauchemars se reproduisent, comme s'il était impossible d'y faire face. L'enfant se soumet au cauchemar qui répète un scénario dont il voudrait se débarrasser. Jusque dans ses rêves, l'abus sexuel vient le surprendre et convertir son sommeil en mésaventure.

La dépression

La dépression chez l'enfant est le signe d'une souffrance aiguë.

• Après la divulgation, l'enfant peut apparaître triste, apathique, préoccupé ou replié sur lui-même ; les signes de dépression sont alors réactionnels.

• Pendant les faits, les signes dépressifs sont parfois masqués et se manifestent à travers des plaintes diverses, de la fatigue, des somatisations, des pertes d'appétit,...

Des signes plus visibles peuvent apparaître mettant en évidence une dépression marquée : l'automutilation, l'anorexie-boulimie, l'idéation ou la tendance suicidaire, la tentative de suicide,...

Le manque d'estime de soi

Le climat abusif et le contexte de la divulgation entachés de culpabilité, de responsabilité coupable et de bouleversements divers sapent le moral de l'enfant et son estime de lui-même. Il ressent à sa manière une impression d'être méprisé pour s'être laissé bafouer. Il s'identifie alors à l'image d'une faible victime naïve ou stupide.

Une combinaison de sentiments entretient ce manque d'estime de soi : l'impression d'avoir été mutilé, d'être différent des autres enfants de son âge, d'être inférieur, de manquer de confiance, d'être impuissant,... ces sentiments d'auto-dépréciation entraînent des problèmes d'identification aux autres et de sociabilité ; l'autre est vécu comme différent ou hostile.

Le manque d'assurance et la perte d'amour-propre confinent la victime dans ses impressions ; l'enfant se sent indigne, dévalorisé, incapable d'entretenir des rapports de qualité ou d'égalité avec les autres enfants.
La victime désignée comme telle éprouve toute une série de sentiments négatifs qui disqualifient sa propre personne : l'enfant se sent sale, moche, affreux, vilain, gros,... objet, chose, à la disposition du plaisir ou du sadisme des autres, …

Cette passivité, voire ce masochisme social ou sexuel peut engendrer des êtres inconsistants, qui ne connaissent avec autrui que des rapports charnels. La sexualité physique correspond à de l'acting-out ; elle est vécue sur un mode dysphorique, pathétique et désaffectisé, ou parfois vénal.

La faible estime de soi se prolonge ou s'auto-entretient par le sentiment d'être victime et une attitude de « victimisation ». L'enfant dans un premier temps s'identifie au rôle de victime ainsi désignée ou choisie par son abuseur. Dans un second temps, elle devient victime des autres, de l'entourage, surtout de sa famille qui la considère comme différente, la désignant comme son bouc-émissaire. Après un dévoilement, il n'est pas rare de voir un enfant décharger sa colère et son hostilité sur sa mère qui ne l'a pas protégée, ne l'a pas crue et n'a assumé ni son rôle de mère ni celui de partenaire responsable. Le sentiment d'être victime se confirme parfois par l'attitude des autres adultes qui représentent la communauté. Le placement de l'enfant victime, même avec l'intention d'assurer sa protection, renforce souvent ce sentiment et augmente ses ressentiments envers sa famille, son abuseur et parfois même, le monde entier.

Cette attitude de victimisation est décrite dans la littérature comme une tendance du sujet à se retrouver plus souvent que les autres dans des situations qui se rapprochent de ce qu'il a vécu. Après la divulgation le sujet est alors plus vulnérable et plus susceptible d'être confronté à des situations de violence, d'exploitation, de fuite, de fugue, d'agression, de viol,...

Les problèmes de sociabilité

Comme nous l'avons déjà précisé, la marginalisation se rencontre surtout chez les adolescent(e)s.

Les sentiments de différence semblent s'accroître avec l'âge. L'enfant est de plus en plus convaincu d'avoir subi quelque chose que les autres n'ont pas vécu ; il est aussi poursuivi par l'idée que ce qu'il a subi se voit, ou même se lit sur son visage. Le regard des autres devient alors menaçant ou inquisiteur. L'angoisse d'être ainsi regardé induit des conduites asociales ou agressives, des phobies sociales, des troubles relationnels importants, des idées paranoïdes,...

Refoulés ou non, les sentiments de colère, d'hostilité et de haine provoquent un bouillonnement intérieur qui perturbe le champ d'entendement de l'enfant. La violence de ses sentiments à l'égard de son abuseur est d'importance variable et dépend non seulement du degré de pression, de menace ou de coercition, mais également de la qualité relationnelle entre la victime et son agresseur.

Cette rage intérieure peut exploser et se manifester, par déplacement ou projection, sur d'autres personnes : la mère, un ami, un camarade d'école ou un intervenant.

La difficulté d'exprimer ses émotions et la tendance au refoulement névrotique engendre d'autres symptômes intrapsychiques ou relationnels, des fantasmes embarrassants et des réactions agressives, voire violentes contre lui-même ou autrui.

La crainte de ne pas pouvoir gérer la situation ou de ne pas pouvoir maîtriser de telles émotions est envahissante. L'envie de vengeance radicale, le désir de castration, d'émasculation ou de meurtre répond souvent à des degrés différents à la violence sexuelle subie ou perçue par l'enfant.

Cette furie refoulée peut être destructrice si elle n'est pas exprimée de manière saine, extériorisée sur un mode symbolique dans un cadre adéquat.

L'incapacité de faire confiance

Pendant les faits d'abus, l'enfant estime l'adulte comme une personne de confiance. Cependant, son système de croyance est souvent mis à rude épreuve au moment de la révélation de l'abus. Ses valeurs s'effondrent dès lors qu'il comprend qu'un adulte a été capable d'abuser de lui. L'abus sexuel est souvent un abus de pouvoir doublé d'un abus de confiance. Le champ d'appréhension de l'enfant est bouleversé et ses concepts brouillés. Le sexuel, le pouvoir et la confiance se confondent, parce que l'adulte en qui l'enfant avait confiance a perdu toute crédibilité à ses yeux.

Plus l'abuseur est un proche de l'enfant, plus l'enfant devient incapable de reporter des sentiments de confiance en l'adulte. Il peut percevoir en chaque adulte un abuseur potentiel, tout en confondant les notions d'affection, d'amour, de séduction, de sexualité, de pouvoir et d'abus. L'enfant est déçu, se sent trahi et considère qu'on ne l'estime pas. Il projette ainsi ses propres sentiments négatifs sur la personne de l'adulte.

De plus, l'abus sexuel en tant que prise de pouvoir sur le corps de l'enfant renforce chez lui l'idée que les relations enfants-adultes doivent passer par le sexuel. Abusé dans sa confiance et trompé dans ses croyances, l'enfant ne croit plus en l'adulte et vit le discours adulte comme autant de promesses brisées et de désillusions.

Après la divulgation des faits, il arrive que l'enfant subisse des pressions ou suscite le rejet des autres, de son entourage, de ses proches. Aliéné à une pareille situation, l'enfant risque de décompenser gravement.

La confusion des rôles

Les frontières normales qui régulent les relations sociales, les rôles au sein des relations parents-enfants et adultes-enfants n'ont pas été respectées.

L'expérience sexuelle abusive vient en porte à faux avec les règles fondamentales qui organisent avec équité les relations humaines. L'abus sexuel brouille les frontières générationnelles.

L'enfant qui se retrouve partenaire sexuel à part entière d'un adulte, qui est censé occuper un autre rôle et statut, y perd non seulement sa place d'enfant, mais son identité parentale de fils de ou de fille de, de frère de ou de sœur de, de beau-fils de ou de belle-fille de,... L'enfant est dérouté de sa propre voie générationnelle et ses frontières inter- et transgénérationnelles sont noyées dans le brouillard de la dynamique abusive.

De sa place d'enfant, la vision des limites, du pouvoir, de la légitimité, de l'affection, de l'amour parental, de la sécurité et du bien-être devient floue. Cette confusion rend caduques sa filiation et son identité infantile.

On est toujours l'enfant de quelqu'un, enfant naturel ou autre, c’est-à-dire l'enfant d'une personne qui est investi d'autorité parentale et d'amour. Mais lorsque ce quelqu'un bafoue une des règles les plus élémentaires de la parenté, celle qui interdit toute relation sexuelle entre enfants et parents, l'enfant est empêché d'évoluer dans sa propre génération et d'y trouver ses propres repères identificatoires.

La pseudo-maturité

L'enfant est amené à participer passivement ou activement à une relation sexuelle avec un adulte. C'est de manière prématurée ou précoce qu'il est ainsi confronté à une sexualité dont il ne connaît ni les tenants, ni les aboutissants. Son stade actuel de développement, tant sur le plan psycho­sexuel, physique, relationnel qu'intrapsychique, ne lui permet pas d'appréhender toutes les variables de la situation abusive ; ni même d'être capable de gérer ce qui est en train de se produire ou de se jouer au niveau de son corps et dans son esprit. Son enveloppe intime et son intériorité sont mises à l'épreuve au moyen d'une activité sexuelle qui s'installe, le plus souvent, à son insu.

L'enfant est alors amené à jouer un rôle qui n'est pas le sien à travers une comédie où la sexualité entre un enfant et un adulte est autorisée. L'enfant joue une scène privée intra-familiale (interdite par les règles sociales) qui consiste à faire comme l'adulte, à faire ce que l'adulte lui dit de faire, à subir ce que l'adulte lui impose, à se soumettre à ses caresses intrusives et invasives. L'enfant joue le jeu que lui propose l'adulte.

Ce jeu sexuel, pris comme tel par l'enfant, se transforme progressivement en un jeu érotique et charnel entre deux partenaires dont l'un est un enfant qui joue à l'adulte et l'autre un adulte qui joue sexuellement avec un enfant ; c'est-à-dire un enfant pseudo-adulte, adultifié, sexualisé ou parentifié et un adulte plus ou moins immature ou infantilisé. Cette inversion ou confusion des rôles et cette disparité relationnelle induisent des conduites pseudo­matures chez l'enfant abusé.

L'enfant pseudo-mature ne se comporte pas comme un enfant de son âge. Il assume des responsabilités sexuelles, parfois domestiques, qui arrangent les protagonistes familiaux et maintiennent en équilibre (précaire) le système familial. Certaines filles qui désinvestissent le monde extérieur (l'école) jouent un rôle d'épouse auprès de leur père qu'elles doivent materner ou consoler. Un fossé s'établit entre l'enfant abusé et sa fratrie et parfois même, entre l'enfant abusé et son parent non-abuseur dont il occupe la place. L'enfant abusé est en quelque sorte sexuellement privilégié par rapport aux autres enfants de la fratrie ou / et au parent non-abuseur. Investi par l'abuseur, l'enfant abusé est souvent isolé, voire rejeté par ses frères et sœurs et son parent non-abuseur. Il est perçu comme inadéquat dans son rôle d'enfant dont il perd pratiquement le statut.

C'est de manière prématurée que l'enfant rencontre la sexualité par le biais d'un abus sexuel induit par un adulte qui, bien souvent, n'assume pas sa propre sexualité avec son partenaire ou un autre adulte. L'enfant devient son objet sexuel de substitution qui vient remplacer celui qui défaille, se refuse ou ne veut pas occuper cette place. La sexualisation précoce d'un enfant peut l'amener à adopter des conduites sexuelles inappropriées à son âge ou à son degré de maturité développementale. Par identification à l'abuseur, l'enfant peut rejouer une scène qu'il a vécue ; mais il peut également faire passer des messages ou des appels par le biais d'une conduite sexuelle. L'abus sexuel dans sa dynamique est un comportement qui peut induire chez l'enfant une ou plusieurs réponses d'ordre sexuel.

Le facteur de sexualisation traumatique de Finkelhor (1985) explique en partie l'impact d'un abus sexuel chez l'enfant dont le comportement et le développement psycho-sexuel sont influencés par l'expérience abusive. Cependant, il n'existe pas de réponses uniques ou univoques dans le comportement sexuel d'un enfant abusé ; les conduites sont très diverses, hétérogènes et varient d'un contexte à l'autre.

Il faut savoir aussi qu'une inhibition ou une régression dans une conduite sexuelle peut être un indicateur du traumatisme sexuel. Certains enfants abusés ne présentent aucuns troubles de la conduite sexuelle. Mais dans certains cas, après la divulgation des faits, alors que l'enfant est sous bonne protection et qu'il se conduit de manière normale, suite à un stress émotionnel, un souvenir, une parole,... le trauma peut refaire surface et s'exprimer au moyen d'un trouble de la conduite sexuelle.

Une anomalie, une bizarrerie ou une aberration dans le comportement sexuel peut apparaître à n'importe quel âge, sans être directement associé à un abus sexuel. Un trouble du comportement sexuel peut être constaté tant chez l'enfant abusé que chez l'enfant non-abusé.

L'enfant abusé peut montrer plusieurs styles de comportements contrastés en rapport à son expérience prématurée de stimulation sexuelle. Ces conduites correspondent soit à la répétition ou à la réactualisation de l'abus sexuel, soit à la recherche de stimulation sexuelle :

• demande de stimulation sexuelle ; demande aux autres de s'engager dans un acte sexuel avec lui ;

• provocations sexuelles et recherche active de contacts sexuels ; des conduites inadaptées ou exagérées de voyeurisme et d'exhibitionnisme, pouvant aller jusqu'à l'exploration ou l'agression sexuelle d'un autre enfant ; l'enfant recherche des contacts sexuels avec d'autres enfants, parfois de manière violente ou menaçante ; il tente ainsi d'élaborer le trauma qu'il a subi en essayant de le rejouer avec et sur les autres enfants ;

• érotisation du contact social ; l'enfant enlace ou embrasse un adulte qu'il ne connaît pas bien ; il se colle aux gens, se frotte ou se tient très près des personnes ; dérange ou indispose les autres par un étalage public de son affection ; touche ou approche les zones génitales des autres personnes ;

• comportement de séduction ou tentative de séduction ; masturbation excessive, avec la main ou un objet, à la maison ou à l'extérieur et parfois en public ;

• se touche les parties génitales en public ;

• introduction d'objets dans le vagin ou l'anus ; ou tentative d'introduction ;

• imite des comportements sexuels avec des poupées ou des peluches ;

• touche les parties génitales d'un animal ;

• imite l'acte de la relation sexuelle, soit en gestes, soit en sons ;

• fait des bruits à connotation sexuelle, souffle, respiration forte, soupir, gémissements, imite l'orgasme ou la jouissance sexuelle ;

• utilise des mots qui décrivent des actes sexuels ; parle d'actes sexuels ; fait des dessins à caractère sexuel ou dessine des personnages avec des attributs sexuels.

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Source : L'enfant victime d'inceste - Yves-Hiram L. Haesevoets - De Boeck Université.











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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

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