Les anciennes fêtes du plein de l'été - Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000

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Les Fêtes chrétiennes et la respiration de la Terre

Les anciennes fêtes du plein de l'été et du coeur de l'hiver et leur relation avec les Mystères dans la conscience de rêve, imaginative, de l'humanité du passé.
L'été : rondes, poésie associée à la musique. Le chant des oiseaux.
L'hiver : énigmes à résoudre, travail de modelage, formes animales, expérience de la forme humaine.

Quatrième conférence

Dornach, 7 avril 1923

Ces derniers temps, j’ai dû à plusieurs reprises attirer votre attention sur le rapport qui unit le cours de l’année à l’être intérieur de l’homme ; pendant les jours de Pâques, j’ai indiqué le rapport existant entre le déroule­ment de l’année et la célébration des fêtes par les humains.

Aujourd’hui, je voudrais remonter en des temps très anciens et, en relation avec les Mystères, ajouter un complément à ce thème ; peut-être sera-t-il possible ainsi d’approfondir tel ou tel aspect des exposés précédents.Les solennités réparties sur le cours de l’année consti­tuaient vraiment pour les hommes d’un lointain passé une partie de leur vie.

Nous savons qu’en ce temps-là la conscience humaine s’exerçait tout autrement qu’aux époques ultérieures. On aimerait dire qu'elle était d’un caractère apparenté au rêve.

Et de ce caractère de rêve procédaient les connaissances acquises par la conscience de l’homme, par son âme, qui prirent ensuite la forme des mythes, qui devinrent la mythologie. Grâce à cette conscience de rêve, douée, peut-on dire aussi, d’une clair­voyance instinctive, le regard de l’homme descendait plus profondément dans les réalités spirituelles présentes autour de lui.

Du fait précisément que les hommes pre­naient ainsi intensément part non seulement aux activités perceptibles de la nature, comme c’est le cas aujourd’hui, mais encore aux faits d’ordre spirituel, ils étaient plus que nous adonnés aux phénomènes qui jalonnent le cours de l’année, à la manière différente dont la nature est à l’œuvre au printemps et en automne. J’ai déjà tout der­nièrement attiré votre attention là-dessus.

Aujourd’hui, je vais vous apporter quelques indica­tions d’une autre nature ; elles concernent le fait que la fête du plein de l’été, qui devint plus tard notre fête de la Saint Jean, et la fête célébrée au cœur de l’hiver, notre actuelle fête de Noël, étaient célébrées en relation avec l’enseignement des anciens Mystères.

Mais ici, il doit nous être bien clair que l’humanité de ces anciennes époques de la Terre n’en était pas encore arrivée comme nous à la pleine conscience du Moi. Dans une conscience de rêve, il n’y a pas de pleine conscience du Moi ; en l’ab­sence de cette conscience, les hommes ne perçoivent pas non plus ce dont l’humanité actuelle est si fière. Les hommes de ce temps ne percevaient pas ce qui vivait dans la nature morte, dans la nature minérale.

Gardons bien présent à l’esprit que la conscience de ces hommes ne se déroulait pas en pensées abstraites ; elle vivait dans les images - c’était en effet une conscience de rêve. Par là, les humains participaient beaucoup plus intensément que nous à la vie des plantes, à l’être des plantes au moment de la croissance printanière. Ils ressen­taient, pourrait-on dire, le flétrissement des feuilles, leur chute à l’automne, tous les phénomènes de mort dans le monde végétal ; ils ressentaient profondément aussi les modifications dans le monde animal tout au long de l’an­née, et ils avaient un autre sentiment de tout leur entou­rage lorsque l’air était traversé du vol des papillons et du bourdonnement des abeilles.

Ils sentaient en quelque sorte leur vie d’êtres humains à l’unisson de celle de la faune et de la flore. Quant au minéral, au monde inanimé autour d’eux, non seulement ils ne lui portaient aucun intérêt, mais ils n’en avaient pas une véritable conscience. Tel était l’un des aspects de cet ancien état de conscience.L’autre aspect, c’est que l’humanité d’alors n’éprouvait pas non plus d’intérêt pour la forme humaine en général.

Il est aujourd’hui bien difficile de se représenter quel était le sentiment de l’être humain à cet égard ; il reste qu’en général ces hommes n’avaient pas d’intérêt marqué pour la forme humaine telle qu’elle se dessine dans l’espace.

En revanche, ils nourrissaient un puissant intérêt pour tout ce qui relève de la race. Et plus on remonte dans les anciennes civilisations, moins la forme humaine présente d’intérêt pour la conscience de ces hommes, plus grand par contre est leur intérêt pour la couleur de la peau, pour le tempérament propre à la race. C’est cela que ces hommes regardent.

D’un côté ils n’ont pas d’intérêt pour ce qui est mort, pour le minéral, de l’autre pas d’intérêt pour la forme humaine. Ils avaient de l’intérêt, je le répète, pour les éléments raciaux, pas pour l’être humain en général, ni non plus pour la forme visible de l’homme.Cette situation, les grands maîtres des Mystères la pre­naient comme un fait.

Ce qu’ils en pensaient, je vais vous le faire comprendre à l’aide d’un schéma. Ils se disaient : Les hommes ont une conscience de rêve ; grâce à elle, ils saisissent avec acuité la vie des plantes dans leur entourage.

Par leurs images de rêve, ces hommes participaient en effet à la vie de la plante, mais cette conscience ne leur permettait pas d’aller jusqu’à comprendre le minéral. Si bien que les maîtres des Mystères se disaient :

D’un côté la conscience humaine accède jusqu’au végétal, qu'elle vit comme en rêve, mais pas jus­qu’au minéral ; celui-ci reste en dehors de la conscience. Et de l’autre côté, l’homme sent en lui ce qui l’attache encore à l’animalité, l’élément racial, animal. Par contre, reste en dehors de la conscience de l’homme ce qui, par la station verticale, par la forme de son être dans l’espace, fait véritablement de lui un homme.

Ce qui est proprement humain est donc en dehors du champ de ce qui intéressait ces hommes des temps anciens. Nous pouvons donc caractériser cette conscience en l’imaginant enfermée à l’intérieur de cet espace (en hachures sur le schéma), tandis que le minéral et l’humain proprement dit étaient en dehors du domaine connu de ceux qui n’appartenaient pas aux écoles de Mystères.Mais ce que je viens de dire n’était vrai que pour la généralité des hommes. Par ses propres forces, par ce qu’il vivait dans son être, l’homme n’était pas capable de péné­trer, au-delà de cet espace, jusqu’au minéral d’un côté, jusqu’à l’humain de l’autre.

Mais il existait, issues des Mystères, des institutions qui au cours de l’année appor­taient aux hommes, au moins jusqu’à un certain point, quelque chose comme la conscience du Moi d’une part, et d’autre part l’idée du minéral en général.

Aussi étrange que cela paraisse aujourd’hui, c’est un fait que les prêtres des Mystères avaient institué des fêtes, dont les rites parti­culiers qu’on y célébrait, avaient pour effet que les hommes s’élevaient au-dessus du végétal jusqu’au miné­ral, et que par là, à une certaine saison de l’année, le Moi s’allumait en eux.

C’était comme si le Moi avait jeté le faisceau de sa lumière dans cette conscience de rêve. Vous savez que dans les rêves de l’homme d’aujourd’hui, le Moi personnel, qu’alors on perçoit, constitue parfois encore un élément du rêve.

Et c’est ainsi qu'a la fête de la Saint Jean, grâce aux rites organisés pour ceux des hommes qui voulaient y prendre part, c’est ainsi qu’en eux entrait au fort de l’été la lumière de la conscience du Moi.

Et à ce moment, les hommes pou­vaient au moins percevoir le minéral suffisamment pour qu’à l’aide de cette perception ils acquièrent une manière de conscience du Moi ; mais il faut dire que le Moi leur appa­raissait là comme quelque chose qui de l’extérieur entrait dans leurs rêves.

En vue d’obtenir cet effet, les participants aux plus anciennes fêtes de l’été, celles du solstice d’été - elles devinrent ultérieurement notre fête de la Saint Jean -, les participants étaient amenés à mettre en œuvre un élément musical et poétique fait surtout de rondes ordonnées selon un rythme strict et accompagnées de chants. Des tableaux vivants et des représentations théâtrales étaient assortis de récitatifs musicaux d’un genre particulier, qu’accompa­gnaient des instruments primitifs.

Ces fêtes baignaient dans la poésie associée à la musique. C’était comme si l’homme épandait dans le cosmos, par le chant, la musique et la danse, ce qu’il avait dans sa conscience de rêve.Ce qui en ce temps-là fut réalisé dans les arts du chant et de la musique, sous la direction de ceux qui tenaient eux-mêmes ces indications des Mystères, pour ces immenses fêtes populaires largement répandues, l’homme moderne ne peut pas en avoir la compréhension immé­diate.

Car il y a un abîme entre ce qui plus tard devint musique et poésie, et cette poésie musicale originelle, élé­mentaire, qui se déployait au fort de l’été sous la direction des Mystères. Tout visait à ce que les participants, tandis qu’ils dansaient leurs rondes accompagnées de chants et de représentations d’une poésie toute primitive, entrent dans un état de l’âme grâce auquel se produisait précisé­ment ce que je viens d’appeler la lumière du Moi entrant dans la sphère de l’âme humaine.

Mais si, interrogeant parmi ces hommes d’autrefois ceux qui avaient les indications, on leur avait demandé comment l’on fait au juste pour trouver la forme de ces chants, de ces danses, grâce auxquels peut naître ce que j’ai décrit - ils auraient donné une réponse au plus haut point paradoxale pour un moderne. Ils auraient dit par exemple : Eh bien, beaucoup de choses viennent de la tradition, beaucoup de choses sont déjà là, c’est l’œuvre de nos aïeux !

Mais il y eut dans le passé des temps où ils auraient dit : Nous pouvons encore apprendre cela aujourd’hui sans nous en remettre en rien à une tradition, pour peu que nous élaborions ce qui se révèle à nous. Aujourd’hui aussi nous pouvons encore apprendre à nous servir de ces instruments primitifs, à régler des rondes, à maîtriser la voix quand on chante. - Et voici maintenant la réponse paradoxale que ces hommes d’autrefois auraient donnée.

Ils auraient dit : On apprend cela des oiseaux chanteurs. - C’est qu’en effet ils avaient une com­préhension profonde de ce que signifie le chant des oiseaux.L’humanité a depuis fort longtemps oublié pourquoi les oiseaux chantent. À l’époque où l’intellect règne en souverain, à l’époque où l’intellectualisme s’instaura, l’art du chant et l’art poétique ne se perdirent certes pas, mais on oublia qu’il existe une relation entre le chant et l’uni­vers tout entier.

Et même celui qui s’enthousiasme de l’art musical et place cet art au-dessus de toutes les platitudes de la vie humaine, dira, inspiré par l’intellectualisme de notre époque :

« Je chante tel l’oiseau des bois
Que le feuillage abrite.
Le chant que module ma voix
Paie assez mon mérite ».

Oui, ainsi s’exprime l’homme d’une certaine époque. Mais l’oiseau lui-même ne dirait jamais cela. Jamais il ne dirait : « Le chant que module ma voix paie assez mon mérite », pas plus que n’auraient dit cela les disciples des anciens Mystères.

Car lorsqu’à un certain moment de l’année l’alouette et le rossignol chantent, ce que leur gosier modèle s’élance non pas à travers l’air, mais à tra­vers l’élément éthérique jusque dans le cosmos, vibre dans le cosmos jusqu’à une certaine limite ; puis ces vibrations reviennent sur terre, le monde animal alors les reçoit, sauf que maintenant elles se sont unies à l’essence du spirituel divin présent dans le cosmos.

Ainsi, en réalité, le rossignol et l’alouette dirigent leur voix dans le cosmos, et ce qu’ils lancent ainsi dans l’espace leur revient à l’état de force éthérique pour les moments où ils ne chantent pas - mais leur revient tra­versé par les flots du monde divin. L’alouette lance sa voix dans l’univers et le spirituel divin, qui à part à la nais­sance des formes du règne animal, reflue sur les ondes des chants d’oiseaux qui reviennent sur terre.

Lorsque donc on adopte non pas le langage de l’intel­lectualisme, mais celui d’une conscience réelle qui embrasse l’univers, on ne peut pas dire :

« Je chante tel l’oiseau des bois
Que le feuillage abrite.
Le chant que module ma voix
Paie assez mon mérite. »

Il faudrait dire : Je chante tel l’oiseau des bois que le feuillage abrite. Le chant que module ma voix gagne les lointains du monde et revient, bénédiction pour la terre, fécondant la vie terrestre avec les impulsions du spirituel divin ; ces impulsions continuent alors à agir dans le monde des oiseaux, et si elles peuvent agir ainsi, c’est uni­quement parce qu’elles trouvent leur chemin sur les ondes du chant qui va vers elles.

Les animaux ne sont pas tous des rossignols et des alouettes ; il va de soi qu’ils ne lancent pas tous un chant dans les airs ; mais quelque chose d’analogue, même si ce n’est pas aussi beau, part de tout le monde animal et entre dans le cosmos.

On comprenait cela dans les temps anciens, et c’est pourquoi les disciples des écoles de Mystères étaient conduits à apprendre certains chants, certaines danses qu’ils pouvaient ensuite exécuter à la Saint Jean, s’il m’est permis d’utiliser ici l’expression moderne. Ils envoyaient cela dans le cosmos, naturelle­ment pas sous une forme animale, mais humanisée, comme un développement de ce que les animaux envoient dans l’espace cosmique.

Ces fêtes comportaient encore autre chose ; un autre élément s’ajoutait à la danse, à la musique, au chant : on s’attachait ensuite à écouter. Il y avait d’abord les fêtes avec leur activité, puis il était indiqué aux participants d’écouter ce qui revenait vers eux.

Avec leurs danses, leurs chants et tous les exercices poétiques qu’ils avaient exécu­tés, ils avaient adressé au spirituel divin du cosmos leurs grandes interrogations. Tout cela était en quelque sorte monté dans les lointains du cosmos comme l’eau de la Terre monte vers les hauteurs pour former les nuages et redescendre avec la pluie.

Ainsi, les effets de ce qui s’ac­complissait dans ces fêtes célébrées par des hommes s’éle­vaient dans les hauteurs et redescendaient, non sous forme de pluie bien sûr, mais comme la manifestation aux hommes de la puissance du Moi.

Et les hommes possé­daient un sens très subtil de la métamorphose très parti­culière qui s’accomplit, au moment de la fête de la Saint Jean précisément, dans l’air et dans la chaleur qui entourent le globe.

L’homme d’aujourd’hui, celui de l’époque intellectua­liste, passe naturellement là-dessus. Il a autre chose à faire que ses lointains ancêtres. En été, comme en d’autres sai­sons, il faut qu’il aille prendre le five o’clock tea ou le café, ou qu’il aille au théâtre, etc. C’est qu’il a d’autres choses à faire, et qui ne dépendent pas de la saison. Et toutes ces occupations lui font oublier la discrète méta­morphose qui s’accomplit dans l’enveloppe atmosphé­rique de la Terre.

Ces hommes de l’ancien temps sentaient que l’air et la chaleur changent vers la Saint Jean, au fort de l’été, qu’ils prennent quelque chose de la nature de la plante. Représentez-vous quel sentiment ils avaient là : le senti­ment subtil de tout ce qui se passe dans le monde végétal. Supposons que nous ayons ici la Terre et que de cette Terre sortent partout les plantes ; les hommes avaient le sens subtil de tout ce qui se développe avec la croissance, de ce qui vit dans la plante.

Au printemps, on sentait ce qui se passe dans la nature, sentiment qui s’est conservé tout au plus dans la langue. Vous trouvez dans le Faust de Goethe l’expression : « Cela verdoie ». Qui donc aujour­d’hui remarque ce verdoiement, ce verdissement qui sort de terre au printemps, dont le souffle et les ondes traver­sent les airs ? Qui donc remarque ce verdoiement et cette floraison ! Oui, je veux bien, les hommes voient cela aujourd’hui.

Ils ont plaisir à voir le rouge, le jaune des fleurs ; mais ils ne remarquent pas qu’à la saison des fleurs, et davantage encore à la saison des fruits, l’air devient tout autre. Cette participation à la vie du monde végétal, le temps de l’intellectualisme ne la connaît plus.

Mais elle existait chez les hommes d’autrefois. C’est pour­quoi leur sensibilité était réceptive lorsqu’à la saison d’été le verdoiement, la floraison, la fructification leur venaient non pas de la Terre, mais de l’environnement, de l’air, lorsque l’air et la chaleur rayonnaient de haut en bas (hachures) quelque chose de la nature de la plante.

Et cet air et cette chaleur qui devenaient végétal transportaient la conscience dans la sphère d’où le Moi descendait alors comme la réponse à ce qu’on envoyait dans le cosmos avec la musique et la poésie.

Ces fêtes avaient donc un contenu humain d’une mer­veilleuse profondeur. C’était une question adressée au cos­mos spirituel divin. On recevait la réponse parce que, de même que l’on ressent le verdoiement, la fructification, la floraison terrestre, de même on sentait descendre de l’air, qui autrement n’est que minéral, quelque chose de la nature de la plante. Par là, dans le rêve qu’était alors l’existence, dans cette ancienne conscience de rêve, entrait le rêve du Moi.

Et une fois la fête de la Saint Jean passée, lorsque juillet et août revenaient, les hommes avaient alors ce sentiment : Nous avons un Moi ; mais ce Moi reste dans le ciel, il est là-haut, il ne nous parle qu’au temps de la Saint Jean. Nous voyons que nous sommes reliés au ciel. Il a pris notre Moi sous sa protection. Il nous le montre lorsqu’il ouvre toute grande la fenêtre sur le ciel ; au temps de la Saint Jean, il nous le montre ! Mais il faut que nous le lui demandions.

Nous devons demander en accomplissant les rites du temps de la Saint Jean, en pre­nant alors notre place dans ces cérémonies musicales et poétiques d’une incroyable douceur et intimité.

Ainsi déjà ces fêtes anciennes établissaient une communica­tion, une liaison entre le monde terrestre et le monde céleste. Vous le sentez, mes chers amis : cette fête tout entière baignait dans la musique, dans la poésie musicale ; soudain, au fort de l’été et pour quelques jours mais c’était bien préparé par les Mystères -, la poésie était partout présente dans les modestes établissements des hommes primitifs.

Toute la vie sociale baignait dans cet élément poétique et musical. Les hommes croyaient qu’ils avaient besoin de cela comme du pain quotidien pour vivre le cours de l’année, et qu’en entrant dans cette atmosphère de danse, de musique et de poésie ils établis­saient une communication avec les puissances spirituelles divines.

De cette fête il subsista ce qu’on devait voir plus tard : lorsqu’un poète composait, il disait par exemple : « Chante-moi, ô Muse, la colère d’Achille, fils de Pélée », parce qu’on se souvenait encore que jadis on avait posé au divin la grande question et que le divin répondrait à la question des hommes.

De même que ces fêtes du temps de la Saint Jean étaient préparées avec soin pour poser au cosmos la grande question, afin qu’à ce moment de l’année le cos­mos apporte à l’homme la garantie qu’il possède un Moi, mais que le ciel l’a pris sous sa protection, de même, et de la même façon, on préparait la fête du solstice d’hiver, celle du cœur de l’hiver, notre actuelle fête de Noël. Mais de même qu’au temps de la Saint Jean tout baignait dans l’élément poétique et musical, dans l’élément de la danse, au cœur de l’hiver la préparation de la fête avait pour fin de faire savoir aux hommes qu’ils devaient faire silence et adopter l’attitude contemplative.

Et puis en ces temps anciens, dont l’histoire extérieure ne relate rien, que l’on ne peut connaître que par la science de l’esprit, on recou­rait aux images, aux images plastiques dont on pouvait disposer, le sommet ici étant atteint dans les fêtes dont je viens de parler. En cette saison, l’humanité d’alors, qui en quelque sorte sortait d’elle-même pour s’unir au Moi dans les cieux, ne s’occupait pas de ce qu’en ce temps-là on apprenait. La fête mise à part, les humains étaient occupés à se procurer dans la nature leur subsistance.

Le temps d’apprendre, c’étaient les mois d’hiver ; et ici, le point culminant, l’expression solennelle étaient atteints au moment du solstice d’hiver, au cœur de l’hiver, au temps de Noël.On commençait à préparer les hommes, ici encore sous la direction des disciples des Mystères, en vue de diverses activités d’ordre spirituel qui ne pouvaient s’exé­cuter durant l’été. Il est difficile, parce que la différence avec ce qui se fait aujourd’hui est naturellement très grande, de dénommer dans notre langue ce qui se faisait là, de nos mois de septembre, octobre, jusqu’à Noël.

On invitait les gens à ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui résoudre des énigmes, répondre à des questions proposées sous une forme voilée ; il s’agissait de découvrir un sens à ce qui était proposé en signes. Disons que les disciples des Mystères proposaient à leurs élèves une image symbolique ; il s’agissait pour eux de l’interpréter. Ou bien ils leur proposaient à résoudre ce que nous appelle­rions une énigme.

Ou encore c’était une formule magique. Ils devaient trouver le lien de cette formule avec un phénomène naturel et ainsi la déchiffrer. On se prépa­rait notamment avec soin à une autre activité, qui a pris chez les divers peuples les formes les plus diverses et que l’on retrouve plus tard dans les pays nordiques par exemple : cela consistait à jeter au hasard des bâtonnets représentant les runes ; ils s’agençaient alors en figures qu’il s’agissait de déchiffrer.

On s’adonnait à ces occupa­tions jusqu’au cœur de l’hiver, et en particulier à celles - tout cela était encore primitif - qui conduisaient à une certaine forme primitive d’art plastique.Ce qu’il y avait de particulier dans ces anciennes formes de conscience - aussi paradoxal que cela puisse sembler à un homme d’aujourd’hui -, c’était ceci : lorsqu’arrivait octobre se manifestait dans les membres des êtres humains quelque chose qui tendait à s’activer.

En été, on était bien obligé d’adapter les mouvements des membres à ce qu’exigeait le travail des champs ; il fallait mettre la main à la charrue, se livrer à tel ou tel travail. Il fallait s’adapter au monde extérieur. Une fois la moisson faite et le temps venu où les membres se reposent, le besoin s’éveillait de s’activer et les membres ressentaient l’intense désir de modeler. On éprouvait une satisfaction particulière à tout ce qui est travail de modelage.

De même qu’au temps de la Saint Jean s’éveillait soudain le besoin intense de danser, de faire de la musique, de même s’éveillait vers le temps de Noël le besoin intense de modeler, de créer des formes avec toutes les substances malléables dont on disposait, y compris ce qu’offrait la nature. On avait entre autres le sens délié de la manière dont l’eau commençait à se congeler.

On donnait à l’eau certaines impulsions bien déterminées, on la poussait avec la main dans telle ou telle direction. La glace qui se for­mait prenait une configuration particulière ; la main dans l’eau, on exécutait des formes tandis que la main se raidis­sait de froid - si bien que lorsque l’eau se congelait sous les vaguelettes que l’on soulevait, elle prenait les formes artistiques les plus étranges, qui bien entendu se liqué­fiaient ensuite.

De tout cela, notre époque de l’intellectualisme n’a rien conservé si ce n’est, tout au plus, l’usage de fondre du plomb la nuit de la Saint Sylvestre.

On verse encore du plomb fondu dans l’eau ; il prend alors des formes qu’il faut deviner. Mais c’est le dernier vestige abstrait des occupations merveilleuses au cours desquelles l’homme manifestait sa force dans le règne de la nature, comme je l’ai décrit : mettant la main dans l’eau sur le point de se congeler, on avait la main qui se raidissait et l’on essayait alors de former dans l’eau des vagues, l’eau répondant alors avec les formes les plus merveilleuses.C’est ainsi que l’homme savait comment interroger la Terre.

Au fort de l’été, par la musique, par la poésie, il adressait ses questions aux cieux et les cieux lui répon­daient en envoyant dans sa conscience de rêve le senti­ment du Moi.

Au cœur de l’hiver, il ne s’adressait pas, pour ce qu’il voulait savoir, aux cieux - il s’adressait à l’élé­ment terrestre et il essayait pour voir quelles formes revêti­rait cet élément. Ce faisant, il remarquait que tes formes ainsi obtenues se comportaient, d’une certaine manière, comme celles qui modelaient le corps des scarabées et des papillons. C’est cela qu’il voyait. Des formes qu’il tirait de l’action de la nature terrestre résultait pour lui cette idée que les diverses formes animales sont constituées à partir de l’élément terrestre. Au temps de Noël, l’être humain comprenait les formes animales.

Et tandis qu’il travaillait, qu’il faisait effort avec ses membres, que même il sautait dans l’eau, y faisait certains mouvements avec les jambes, puis sautait hors de l’eau et essayait comment l’eau répondait, l’eau en train de se congeler, le monde exté­rieur lui faisait voir quelle forme avait l’être humain qu’il était. Mais cela, c’était à la Noël seulement, pas à d’autres moments ; autrement il n’était sensible qu’à ce qui relève de l’animal, de la race.

À Noël, il faisait l’expérience de la forme humaine.Ainsi donc, de même qu’en ces temps lointains des Mystères les cieux procuraient à l’homme la conscience du Moi, la Terre lui procurait le sentiment de la forme humaine. Au moment de Noël, l’homme apprenait à connaître la Terre dans sa force formatrice, dans sa vertu créatrice d’images plastiques, et à la Saint Jean, au fort de l’été, il apprenait à distinguer comment les harmonies des sphères introduisaient le Moi dans la conscience de rêve de l’homme.

Ainsi, à l’occasion de fêtes particulières, les anciens Mystères élargissaient la conscience de l’homme.

D’une part son environnement terrestre grandissait et montait jusque dans le ciel, afin qu’il puisse savoir com­ment les cieux gardent son Moi sous leur protection, comment son Moi repose dans les cieux. Et au temps de Noël les maîtres des Mystères, par la voie de la création plastique, faisaient répondre la Terre à la question des hommes, afin que l’homme peu à peu prenne intérêt à la forme humaine, à la confluence de toutes les formes ani­males dans la forme humaine.

Au solstice d’été, il appre­nait à se connaître intérieurement en fonction de son Moi ; au cœur de l’hiver, il apprenait à se ressentir exté­rieurement par rapport à sa forme d’être humain. Et ainsi, l’homme ne pouvait pas avoir le sentiment de ce qu’il était uniquement du fait qu’il était homme, il fallait qu’il participe au cours de l’année, que les cieux lui ouvrent leurs fenêtres pour qu’il arrive à la conscience du Moi ; il fallait, pour qu’il arrive à la conscience de la forme humaine, que la Terre en quelque sorte déploie ses mystères devant lui.

C’est que l’homme était profondé­ment, intimement uni au cours de l’année ; il l’était au point qu’il devait se dire : Je ne sais ce que je suis en tant qu’être humain que si, au lieu de me laisser vivre au jour le jour, je me laisse en été soulever jusqu’aux cieux et qu’en hiver je descends dans les mystères de la Terre.

Cela vous montre qu’il y eut un temps où les périodes de fête avec leurs rites furent conçues comme faisant par­tie de la vie de l’homme.

Ce dernier ne se ressentait pas seulement comme un être terrestre, mais comme apparte­nant à l’univers entier, comme un citoyen de cet univers. Même, il se ressentait si peu comme un être terrestre qu’il fallait le rendre attentif à sa nature d’être terrestre par le moyen de fêtes qui ne pouvaient être célébrées qu’à une saison déterminée ; aux autres saisons, uni comme il l’était au cours de l’année, il n’aurait pas pu participer intérieu­rement à ces fêtes.

Tout ce qu’on pouvait apprendre et vivre au moyen des fêtes était lié à une saison déterminée.Maintenant qu’à l’ère de l’intellectualisme l’homme a conquis sa liberté, il ne peut plus s’unir à la vie du cosmos de la même manière qu’aux époques primitives. Mais il peut, même avec sa constitution actuelle, y parvenir s’il entre à nouveau en contact avec l’esprit.

Avec la conscience du Moi, que l’humanité possède maintenant depuis longtemps, quelque chose est entré en l’homme qui autrefois ne pouvait être acquis qu’en été, lorsque s’ouvraient les fenêtres célestes.

Mais c’est aussi pourquoi il faut que l’homme s’approprie justement, par sa compré­hension du cosmos, quelque chose qui est au-delà du Moi.C’est pour l’homme d’aujourd’hui chose naturelle que de parler de la forme humaine comme d’une réalité géné­rale.

Chez celui qui est entré dans l’ère de l’intellectua­lisme, le sentiment de l’animalité, de la race, s’est atténué. Mais de même qu’autrefois ce sentiment s’est emparé de l’homme comme une force, comme une impulsion qui ne pouvait venir que de la Terre, il faut qu’aujourd’hui, com­prenant ce qu’est la Terre - cela ne saurait se faire par la géologie et la minéralogie, mais uniquement sur le mode spirituel -, il faut qu’aujourd’hui l’homme dépasse les limites de la forme humaine.

Quand on prend la forme humaine, on peut dire que dans des temps très anciens l’être humain s’est ressenti à l’intérieur de cette forme de telle sorte qu’il avait le seul sentiment de l’élément extérieur, racial, qui réside dans le sang ; son sentiment n’allait pas jusqu’à son enveloppe extérieure, jusqu’à sa peau, il ne prêtait pas attention à ses limites. Aujourd’hui, il a atteint l’état où il est attentif à cette limite.

Il l’éprouve comme ce qu’il y a dans sa forme de proprement humain (en bleu). Mais il faut maintenant qu’il franchisse cette limite, qu’il apprenne à connaître le monde éthérique et astral qui est en dehors de lui. Il peut le faire par l’approfondis­sement offert par la science de l’esprit.

Ainsi nous voyons que la conscience actuelle a été achetée au prix d’un grand affaiblissement de la commu­nion de la conscience avec le cosmos ; mais maintenant que l’homme fait l’expérience de sa liberté et du monde de ses pensées, il faut qu’il sorte de lui-même et que le cosmos lui devienne une réalité.

C’est ce que veut l’anthroposophie lorsqu’elle parle d’un renouvellement des fêtes et même de la création de fêtes nouvelles, telle la fête de la Michaël, en automne, dont je vous parlais récemment. Il faut à nouveau retrouver une compréhen­sion en profondeur de ce qu’à cet égard le cours de l’an­née peut représenter pour l’être humain. Ce déroulement de l’année pourra alors être une chose de nature plus haute encore que pour les hommes d’autrefois.

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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

5, impasse du mai
67000 Strasbourg

Mobile : 06 29 54 50 29

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