L'apocalypse de Saint Jean I - Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000

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L'apocalypse de Saint Jean I

LA SCIENCE DE L’ESPRIT, L’ÉVANGILE ET L’AVENIR DE L’HUMANITÉ

Rudolf Steiner - Conférence publique
Nuremberg, le 17 juin 1908

Nuremberg pourra célébrer l’automne prochain un beau centenaire, car c’est à l’automne de 1808 qu’elle a accueilli dans ses murs un des plus grands esprits d’Allemagne ; un de ceux dont certes on ne parle pas beaucoup aujourd’hui, dont les œuvres sont encore moins bien comprises, mais qui, lorsqu’il sera compris un jour, sera d’une grande importance pour la vie de l’esprit humain.

Il est certes difficile à comprendre, et c’est pour­quoi il s’écoulera bien quelque temps avant que les hommes ne le comprennent. C’est à l’automne de 1 808 que Hegel est devenu directeur du Lycée royal de Nuremberg.

Hegel a émis une affirmation que nous pouvons peut-être, aujourd’hui justement, prendre pour point de départ de nos considérations. Il a dit que la pensée humaine la plus profonde est liée à l’incarnation du Christ, à sa per­sonne historique, extérieure ; et que ce qui fait la grandeur de la religion chrétienne, c’est que, si profonde qu’elle soit, elle peut être comprise facilement par la conscience exté­rieure, et qu’en même temps elle l’incite à une étude plus approfondie.

Elle est accessible à n’importe quel niveau de culture, et en même temps répond aux exigences les plus hautes. - Telles sont les paroles de Hegel, le philosophe allemand.

Que la religion chrétienne, le message de l’Évangile, soit compréhensible à chacun, quel que soit son niveau de conscience, nous l’avons appris depuis près de deux millé­naires.

Qu’il fasse appel aux pensées les plus profondes, à un approfondissement majeur des enseignements de la sagesse humaine, ce sera l’une des tâches du courant spiri­tuel anthroposophique, de la science de l’esprit, de le montrer, lorsque celle-ci aura été saisie dans sa significa­tion la plus juste, dans ses impulsions les plus intimes, et qu’elle sera devenue le maître de la vie humaine.

Ce serait mal comprendre l’étude d’aujourd’hui que de croire que l’anthroposophie, la science de l’esprit, est sous quelque rapport une nouvelle religion, et qu’elle veut mettre une nouvelle confession religieuse à la place d’une ancienne.

Pour éviter tout malentendu, on aimerait même dire : si un jour la science de l’esprit est comprise comme il faut, on verra clairement que, tout en étant le soutien le plus ferme, le plus sûr, de la vie religieuse, elle n’est pas elle-même une religion, et que par conséquent elle ne peut en aucun cas s’opposer à une religion.

Mais par ailleurs, elle peut être l’instrument, le moyen par lequel expliquer et rendre compréhensibles les sages enseignements, les vérités les plus profondes et les secrets les plus graves et les plus riches de vie des religions.

C’est s’éloigner peut-être un peu trop que de prendre, pour décrire le rapport entre l’anthroposophie et les docu­ments de telle ou telle religion - et aujourd’hui nous aurons affaire aux documents chrétiens -, que de prendre la comparaison suivante : entre l’anthroposophie et les textes sacrés, le rapport est le même qu’entre les vérités mathématiques et les documents qui, au cours de l’histoire, sont apparus sous la forme de livres ou de manuels.

Nous avons un livre très ancien qu’en fait seul étudie de près celui qui est familiarisé avec l’histoire des mathématiques : c’est la géométrie d’Euclide.

Elle contient pour la première fois, sous une forme propre à l’enseignement, ce que les enfants apprennent déjà à l’école aujourd’hui.

Mais combien peu de ces enfants ont conscience que tout ce qu’ils appren­nent sur les droites parallèles, sur le triangle, sur les angles, etc., se trouve dans cet ancien livre, et fut là, pour la première fois, donné à l’humanité !

À bon droit, on éveille en l’enfant la conscience que l’on peut par soi-même comprendre ces choses, que si l’esprit humain met ses forces en action et les applique aux formes dans l’es­pace, il est capable de comprendre ces formes sans tenir aucun compte de cet ancien livre.

Mais celui qui n’a peut-être pas connu celui-ci et a assimilé l’enseignement des mathématiques et de la géométrie, s’il en prend connais­sance un jour, saura le comprendre et apprécier à sa juste valeur ce qu’a donné à l’humanité l’homme qui, le pre­mier, a proposé ce livre à son esprit.

On aimerait caractériser de semblable façon le rapport de la science de l’esprit avec les documents religieux. Ses sources sont telles qu’elle ne doit être limitée à aucun document, à aucune tradition, quand son impulsion est bien comprise.

La connaissance courante du monde sen­sible nous procure le savoir dont dispose l’humanité par le libre usage des forces humaines ; de même, les forces et les facultés spirituelles, suprasensibles, endormies dans l’âme, nous fournissent la connaissance du monde suprasensible, invisible, qui sous-tend le monde sensible tout entier.

De même que l’homme, lorsqu’il se sert de ses organes sen­soriels, est capable de percevoir ce qui lui apparaît exté­rieurement, et qu’il est capable de relier, de rattacher entre elles ses perceptions grâce à son intelligence, de même, lorsqu’il se sert des méthodes que lui transmet la science de l’esprit, il est capable de voir au-delà du décor de la réalité sensible, là où résident les causes spirituelles, où s’activent et travaillent les êtres que l’œil sensible ne voit pas, que l’oreille sensible n’entend pas, mais bien l’oreille suprasensible.

La source, la source indépendante et libre du savoir spirituel, c’est donc le libre usage des forces humaines, même si, chez une grande partie de l’hu­manité d’aujourd’hui, ces forces suprasensibles som­meillent encore ; et de même, c’est le libre usage des forces orientées vers le monde sensible qui est à la source du savoir extérieur.

Lorsque d’une façon quelconque on est entré en possession de connaissances qui atteignent la réa­lité au-delà du monde des sens, l’invisible au-delà du visible, on peut, armé de ce savoir suprasensible, comme on l’est du savoir sur les objets et les événements exté­rieurs, et comme le géomètre se reporte à l’ouvrage d’Euclide, se reporter aux traditions, aux livres, aux docu­ments qui l’ont communiqué aux hommes au cours de l’histoire.

On peut alors le contrôler d’un point de vue analogue à celui du géomètre actuel qui contrôle la géo­métrie d’Euclide. On peut alors apprécier et reconnaître la vraie valeur des anciens documents. Et pour celui qui suit cette voie, qui réellement, armé des connaissances sur le monde suprasensible, aborde les documents de la révéla­tion chrétienne, ils ne perdent vraiment rien de leur prix.

Bien au contraire, ils brillent à ses yeux d’un éclat plus vif qu’à ceux de l’âme qui ne fait que croire. Ils montrent qu’ils contiennent des richesses plus profondes que ne le pressentait l’homme autrefois, avant d’avoir acquis la connaissance anthroposophique.

Mais il nous reste encore à voir clairement le sens d’une question si nous voulons adopter l’attitude juste vis-à-vis du rapport de l’anthroposophie avec les documents reli­gieux.

Demandons-nous donc : Qui comprend le mieux la géométrie d’Euclide, celui qui peut traduire littéralement le texte du livre et qui, sans avoir d’abord pénétré l’esprit de cette géométrie, veut en transmettre le contenu, ou celui qui, ayant d’abord compris la géométrie, sait la retrouver dans l’ouvrage ?

Imaginons un simple philo­logue devant le livre, et qui ne comprendrait rien à la géo­métrie : que d’erreurs il commettrait s’il voulait en dévoiler l’esprit !

C’est ce qu’ont fait pour les documents religieux un grand nombre de gens, même de ceux qui étaient appe­lés à en approfondir le sens véritable. Ils ont abordé ces textes dans l’ignorance de toute autre source possible de connaissance à propos du suprasensible.

Cela nous vaut aujourd’hui des commentaires très scrupuleux, des expli­cations rassemblant toutes les connaissances historiques, sur l’origine des documents par exemple, mais qui sont de même valeur que celles que donnerait de la géométrie d’Euclide quelqu’un qui ne serait pas géomètre.

La connaissance en matière de religion - nous ne vou­lons pas l’oublier - est quelque chose que l’on ne peut acquérir qu’à l’aide de notions acquises par la voie de la science de l’esprit, bien que celle-ci ne soit qu’un levier de la vie religieuse, et non une religion elle-même.

Ce qui caractérise le mieux la religion, c’est le contenu du cœur humain, de la sensibilité humaine, de cette somme de sen­sations et de sentiments par lesquels l’homme élève le meilleur de son âme réceptive vers les forces et les entités suprasensibles.

Le caractère de la religion d’un être humain dépend du feu de ce contenu de son âme, de la force de ces sensations, de la nature de ces sentiments, de même que la manière dont un homme aborde un tableau dépend de la chaleur qui bat dans sa poitrine et de son sens de la beauté.

Le contenu de la vie religieuse, c’est certes ce que nous appelons le monde spirituel, suprasensible. Mais pas plus que la sensibilité esthétique, artistique, n’est-ce que nous appelons l’appréhension spirituelle des lois internes de 1’art - bien qu’elle en stimule la compréhension -, cette sagesse, cette science qui conduit dans les mondes spiri­tuels n’est la même chose que la religion.

Elle donnera au sentiment religieux plus de gravité, plus de grandeur, plus de dignité et plus de richesse, mais elle ne veut pas être elle-même une religion pour qui la comprend bien, quoi­qu’elle puisse conduire vers la religion.

Si maintenant, de ce point de vue de la science de l’es­prit, nous voulons comprendre la force et l’importance, le sens et l’esprit de la révélation religieuse chrétienne, il nous faut pénétrer très loin dans la vie spirituelle. Il nous faut du regard remonter à un passé infiniment lointain, en d’autres termes nous reporter même à l’époque qui a pré­cédé la religion dans l’humanité, et chercher à voir com­ment elle est née.

Y a-t-il eu sur terre un temps qui précéda la religion ? Oui, il y eut autrefois sur terre une époque où la religion n’existait pas ; la science de l’esprit, elle aussi, doit le confirmer, bien que dans un tout autre sens que la sagesse matérialiste. Que signifie pour l’humanité la reli­gion ? Elle fut et sera encore longtemps pour les hommes ce que le mot exprime déjà. Car le mot religion signifie : union de l’homme avec le divin, avec le monde spirituel.

Et dans l’essentiel, les époques religieuses sont celles où l’homme aspirait à cette union avec le divin, soit en pui­sant à un savoir ou à un certain sentiment, soit parce qu’il sentait que sa volonté ne peut être forte que lorsque la force divine l’imprègne. Les temps où l’homme, pour ainsi dire, pressentait en lui-même plutôt qu’il ne possédait un savoir extérieur, dans lesquels il pressentait plutôt qu’il ne contemplait le monde suprasensible ou le sentait présent autour de lui, voilà les époques religieuses de notre Terre.

Et auparavant, il y en eut d’autres où il n’avait pas besoin de ce lien, et n’avait pas cette soif de l’union avec le monde suprasensible, spirituel, parce qu’il le connaissait aussi bien que l’homme d’à présent connaît le monde des objets sensibles. A-t-il besoin aujourd’hui d’être persuadé que les pierres, les arbres, les animaux existent ?

A-t-il besoin de quelque document, d’un enseignement qui lui confirme ou lui fasse pressentir qu’il y a des pierres, des plantes, des végétaux ?

Non, car il les voit, il les contemple autour de lui, et c’est pourquoi il n’a pas besoin d’une « religion » des choses sensibles. Imaginons un homme qui vivrait dans de tout autres mondes, armé de tout autres organes des sens, de toutes autres facultés de connaissance, qui ne verrait ni les pierres, ni les plantes, ni les animaux parce qu’ils seraient invisibles pour lui, un homme qui serait informé de l’existence des pierres, des plantes, des animaux par des documents ou par quelque autre moyen : que serait pour lui ce qui est pour vous réa­lité visuelle, expérience, savoir immédiat ?

Ce serait pour cet homme sa religion. Si quelque part un livre lui disait : il y a des pierres, des plantes, des animaux, ce serait pour lui sa religion, car il ne l’aurait jamais vu.

Il y a eu pour l’homme un temps où il a vécu au milieu des entités et des réalités spirituelles sur lesquelles le ren­seignent aujourd’hui les religions et les doctrines sacrées.

Le mot d’évolution rend aujourd’hui dans de nom­breux domaines de la conception du monde un son magique, et pourtant il n’est appliqué par les savants qu’aux faits matériels, extérieurs.

Pour celui qui regarde le monde à la lumière de la science de l’esprit, tout, tout est en évolution, et avant tout la conscience humaine.

L’état de conscience dans lequel vous vivez, grâce auquel, lorsque vous vous éveillez le matin, vous voyez et comprenez le monde sensible grâce à vos organes sensoriels, cet état de conscience s’est développé à partir d’un autre.

Dans le langage de la science de l’esprit, nous l’appelons la claire conscience de veille, et elle s’est développée à partir d’un autre, d’un très ancien état de conscience que nous appelons conscience imaginative obscure.

Nous remon­tons certes ici à des états évolutifs anciens de l’humanité, dont une anthropologie extérieure ne dit rien, pour la rai­son qu’elle n’utilise que les sens et les méthodes ration­nelles.

Elle croit que, dans un passé très reculé, l’homme aurait passé par des états qui en fait seraient semblables à ceux des animaux actuels.

Dans des conférences antérieures, il a été indiqué com­ment nous avons à nous représenter selon la science de l’esprit le rapport de l’homme avec les animaux.

L’être humain n’a jamais été comparable à l’animal actuel. Il ne descend pas d’êtres semblables aux animaux d’aujour­d’hui. Les formes d’évolution par lesquelles il a passé se révéleraient, si nous voulions les décrire, très dissem­blables.

Les animaux d’aujourd’hui sont comme des êtres restés à des stades antérieurs d’évolution, qu’ils ont laissés se figer.

L’homme a dépassé ses stades antérieurs, les ani­maux, eux, ont régressé. Nous voyons donc dans le monde des animaux des frères attardés des hommes, mais qui ne sont plus revêtus de ces formes antérieures.

Ces formes d’évolution anciennes ont existé à une époque où régnaient sur terre d’autres conditions de vie, dans les­quelles les éléments n’étaient pas distincts les uns des autres comme aujourd’hui, où l’homme n’était pas doté d’un corps comme aujourd’hui, et était pourtant un homme.

Il a pu attendre, au sens figuré du mot, le moment de son évolution où il pourrait descendre dans la chair, le moment où cette matérialité charnelle serait telle qu’il pourrait y développer la force actuelle de l’esprit. Les animaux n’ont pas pu attendre, ils se sont figés à un stade antérieur ; ils se sont chargés de chair plus tôt qu’il n’eût fallu.

C’est pourquoi ils ont dû rester en arrière. Nous pouvons ainsi nous représenter que l’être humain a vécu dans d’autres conditions et dans d’autres formes de conscience qu’aujourd’hui. En les observant à travers les millénaires, nous les trouverions toujours différentes.

Ce que nous appelons aujourd’hui pensée logique, intellect et entendement ne s’est développé que plus tard dans l’hu­manité. Des forces humaines qui aujourd’hui déclinent déjà étaient beaucoup plus puissantes, par exemple la mémoire, qui était dans le passé infiniment plus dévelop­pée qu’aujourd’hui. Le développement d’une civilisation de l’entendement a fait notablement régresser la mémoire.

Celui qui porte aujourd’hui sur le monde le regard d’un sens pratique quelque peu développé peut reconnaître aujourd’hui encore que ce qui est affirmé conformément à la science de l’esprit n’est pas sans fondement. On pourrait dire : Si cela est vrai, les hommes actuels qui, par quelque hasard, sont arriérés, devraient faire apparaître que leur mémoire précisément est moins retardée. Ils devraient aussi révéler que lorsqu’on s’efforce de développer l’intellectualité d’êtres artificiellement retardés, leur mémoire en souffre.

On a pu observer dans cette ville un cas caracté­ristique de cette nature.

Le professeur Daumer, dont on ne saurait assez esti­mer la valeur, a bien observé ce cas sur la personne d’un être qui fut pour beaucoup une énigme, et qui, arrivé un jour à Nuremberg de façon mystérieuse, est mort à Ansbach de façon non moins mystérieuse ; le même être dont un écrivain dit, pour esquisser ce que sa vie a de mystérieux, que lorsqu’on l’enterra, c’était un jour où d’un côté du ciel, à l’horizon, le soleil se couchait, et où de l’autre, à l’opposé, la lune se levait. Vous le savez, je parle de Kaspar Hauser.

Si vous laissez de côté toutes les contro­verses que ce cas a engendrées, si vous ne tenez compte que de ce qui s’est avéré en toutes circonstances, vous sau­rez que cet enfant trouvé qui, parce qu’on ne savait pas d’où il venait, fut nommé l’enfant de l’Europe, ne savait ni lire ni écrire lorsqu’on le trouva.

À l’âge de vingt ans, il ne disposait d’aucun acquis dû à l’intellect, mais, chose curieuse, il avait une mémoire prodigieuse.

Lorsqu’on commença à l’instruire, lorsque la logique pénétra dans son âme, sa mémoire faiblit.

Cette modification de l’état de conscience fut encore liée à autre chose : à l’origine, il était d’une sincérité innée presque inconcevable, et c’est précisément sur ce point de la sincérité qu’il s’égara de plus en plus. Plus il prenait goût à l’intellectualité, et plus la sincérité faiblissait.

Nous pourrions étudier bien des choses en approfon­dissant cette âme artificiellement retardée. Et celui qui s’appuie sur la science de l’esprit ne considère nullement comme mal fondée la tradition populaire en laquelle nos érudits n’ont pas foi, et selon laquelle Kaspar Hauser, encore ignorant de tout, ignorant du fait qu’il existait des êtres faits tout autrement, exerçait une étrange influence sur les bêtes furieuses amenées devant lui. Celles-ci se sou­mettaient à lui avec la plus grande douceur.

De lui, quelque chose émanait qui avait pour effet d’apaiser l’ani­mal furieux prêt à se jeter sur un autre.

Comme je le disais, et parce qu’un pareil cas se présente que la science de l’es­prit permet de comprendre, nous pourrions pénétrer dans la nature de cette personnalité si énigmatique, et vous auriez alors devant vous un cas qui vous montrerait que tout ce qui paraît inexplicable dans la vie ordinaire trouve, grâce à la science de l’esprit, son explication dans des faits d’ordre spirituel.

Certes, de tels faits ne sont pas accessibles à la spéculation philosophique, mais uniquement à l’ob­servation spirituelle ; mais ils sont compréhensibles pour la pensée logique et sans œillères.

Tout cela ne devait être dit que pour vous montrer comment vous pouvez accéder à cette idée que l’actuel état de conscience s’est développé à partir d’un autre, très ancien, dans lequel l’homme ne se trouvait pas en contact direct avec les objets perçus par les sens, comme nous aujourd’hui, mais avait en revanche un lien avec les faits et les êtres spirituels.

Il ne voyait pas la forme physique de l’autre, qui d’ailleurs, à cette époque, n’existait pas comme elle est aujourd’hui.

Lorsqu’un être s’approchait de lui, quelque chose comme une image de rêve s’élevait dans son âme. La forme et la coloration de cette image lui mon­traient si cet être avait pour lui de la sympathie ou de l’an­tipathie.

Une telle conscience percevait les faits spirituels, et par là le monde de l’esprit. Tout comme il vit mainte­nant avec des êtres de chair et d’os, l’homme vivait en ces temps, lorsqu’il dirigeait son regard sur lui-même et se voyait lui-même âme et esprit, parmi des êtres spirituels. Ils étaient présents pour lui. Il était esprit parmi les esprits. Bien qu’il n’ait été doté que d’une sorte de conscience de rêve, les images qui s’élevaient en lui avaient un lien vivant avec son environnement.

C’était le passé durant lequel l’homme vivait encore dans un monde spirituel dont il est descendu plus tard, afin de se créer un vêtement de chair perceptible aux sens, adapté à la conscience qui lui convient aujourd’hui. Les animaux existaient déjà physi­quement, alors que l’homme percevait encore les régions spirituelles.

Il vivait à ce moment parmi des êtres spiri­tuels, et pas plus que vous n’avez besoin de preuves pour être convaincus de l’existence de la pierre, des plantes et des animaux, l’homme de ces origines n’avait besoin d’un témoignage quelconque pour être convaincu de l’existence des êtres spirituels.

Il vivait parmi les esprits et les dieux, et c’est pourquoi il n’avait pas besoin d’une religion. C’étaient alors les temps préreligieux.

Puis l’homme est descendu, sa forme précédente de conscience s’est métamorphosée en l’actuelle. Il ne voit plus planer dans l’espace des couleurs et des formes ; pour lui, les couleurs recouvrent la surface des objets.

Dans la mesure où il apprit à orienter ses sens vers le monde exté­rieur, celui-ci s’étendit comme un voile - la grande mâyâ - devant le monde spirituel, et il fallut qu’à travers ce voile l’homme reçoive le message de ce monde spirituel. La reli­gion était devenue nécessaire.

Mais il existe aussi un stade entre l’époque qui précède la conscience religieuse et celle de la conscience religieuse proprement dite, un stade intermédiaire.

C’est de là que datent les mythologies, les légendes, les traditions popu­laires parlant des mondes spirituels. C’est une érudition superficielle ignorante des véritables faits spirituels que celle qui prétend que les personnages de la mythologie allemande ou nordique, de la mythologie grecque, que tous les textes parlant des dieux et des actes divins sont des inventions de l’imagination populaire.

Ce ne sont pas des inventions. Le peuple ne prend pas quelques nuages qui passent pour de petits moutons. Qu’il le fasse, c’est une fable de nos érudits actuels, pleins d’une vive imagination dans ce domaine.

La vérité est tout autre. Les anciennes mythologies, les anciennes légendes, sont les derniers ves­tiges, les derniers souvenirs laissés par la conscience prére­ligieuse.

La tradition a conservé ce que les hommes voyaient eux-mêmes. Ces hommes qui décrivent Wotan, Thor, Zeus, etc., l’ont fait parce qu’en eux subsistait un souvenir de ce qu’ils avaient vécu autrefois.

Des bribes, des fragments arrachés à ce que l’on avait vécu, voilà ce que sont les mythologies.

Cet état de conscience intermédiaire se manifestait encore autrement ; à l’époque où les hommes étaient déjà intelligents, disons même très intelligents, il y en a tou­jours eu qui, au moins dans des états exceptionnels - appe­lez-les extase ou folie, comme vous voulez -, étaient capables de voir les mondes spirituels, de percevoir encore ce qu’avaient perçu autrefois la majorité des êtres humains. Ceux-là rapportaient avoir encore vu eux-mêmes quelque chose du monde spirituel.

Ces récits s’ajoutaient aux sou­venirs et ainsi naissait une foi vivante. Ainsi se fit une tran­sition vers l’état religieux proprement dit.

Et comment fut préparé le stade religieux proprement dit dans l’humanité ? Grâce aux moyens et aux voies trou­vés par l’homme pour développer son être intérieur de façon telle qu’il put à nouveau voir et contempler les mondes dont il est issu, et qu’il avait perçus autrefois dans un état de conscience nébuleux.

Nous abordons ici un chapitre qui, aux yeux de bien des hommes modernes, ne contient que bien peu de données vraisemblables, le cha­pitre des « initiés ».

Qu’étaient donc les initiés ? C’étaient des hommes qui développaient par certaines méthodes leur âme et leur esprit de façon telle qu’ils pouvaient à nouveau pénétrer dans le monde spirituel. L’initiation, cela existe ! En toute âme sommeillent des forces et des facultés suprasensibles.

Il vient, ou tout au moins il peut venir pour tout homme, le grand moment, le moment solennel où ces forces s’éveillent. Ce moment, nous pou­vons l’évoquer intérieurement en nous représentant ce que fut par ailleurs l’évolution de l’humanité. En employant les mots de Goethe, nous pouvons dire : Notre regard porte vers un passé lointain dans lequel l’homme physique ne possédait pas d’œil physique ni d’oreille physique comme aujourd’hui. Nous nous reportons en arrière à ces temps dans lesquels, aux endroits où se trouvent aujour­d’hui ces organes, il y avait des organes « indifférents » qui ne pouvaient ni voir ni entendre.

Pour l’homme physique, un temps vint où ces organes aveugles se développèrent et devinrent des points lumineux, où ils se perfectionnèrent peu à peu, jusqu’à ce que la lumière devienne pour eux une réalité. Il vint de même un moment où l’oreille de l’homme fut assez développée pour que le monde jus­qu’alors muet se manifeste par des sons et des harmonies.

De même que le soleil, grâce à ses forces, a travaillé à modeler ses yeux dans son organisme, l’homme aujour­d’hui peut vivre selon son esprit, de sorte que les organes de son âme et de son esprit, aujourd’hui indifférents, se développent de façon analogue.

L’instant peut survenir, il est déjà survenu pour beaucoup, où leur âme et leur esprit se transforment comme un jour s’est transformée leur organisation physique.

De nouveaux yeux et de nouvelles oreilles apparaissent à travers lesquels, issus de l’environ­nement spirituellement obscur et muet, brille la lumière et résonnent les sonorités. Un développement est possible qui conduit aussi à s’adapter à la vie dans les mondes spi­rituels.

C’est cela, l’initiation. Et dans les écoles des Mystères, les méthodes conduisant à cette initiation sont mises à la portée des humains tout comme le sont, dans le monde extérieur, les méthodes appliquées, disons, dans les laboratoires de chimie ou de recherche biologique.

La différence entre celles de la science extérieure et celles de l’initiation, c’est seulement le fait que la première doit mettre au point des instruments et des appareils annexes. Mais pour celui qui veut devenir un initié, il n’y a qu’un unique instrument qu’il lui faut développer, c’est lui-même, avec toutes ses forces.

De même que dans le fer peut être latente une force magnétique, dans l’âme humaine sommeille, latente, la force de pénétrer dans le monde spirituel de la lumière et des sons.

C’est ainsi que vint le temps où la vision normale ne perçut plus que le monde physique-sensible, et où les guides de l’humanité étaient de ces initiés dont le regard pouvait pénétrer dans les mondes spirituels, et qui pouvaient communiquer et expliquer les réalités du monde spirituel dans lequel l’homme avait vécu autrefois.

Où conduit le premier degré de l’initiation ? Comment se présente-t-il à l’âme humaine ? Ne croyez pas que cette évolution ne comporte que spéculation phi­losophique, que concepts subtilement élaborés et raffine­ments intellectuels.

Les notions que l’homme possède sur le monde sensible extérieur se transforment en celui qui accède au monde spirituel. Désormais, il ne comprend plus à l’aide de concepts aux contours fixes, mais grâce à des images, à des Imaginations. Car il grandit en s’adap­tant au processus spirituel qui a engendré la Création.

Seuls les objets du monde sensible sont déterminés, ont les contours rigides que nous leur connaissons. Au sein de la Création universelle, vous ne trouvez pas d’animal aux formes figées.

Vous avez comme fondement quelque chose comme une image dont peuvent naître les différentes formes extérieures, une réalité vivante, un organisme. Il faut s’en tenir rigoureusement à la parole de Goethe : « Tout ce qui passe n’est que symbole. »

C’est par des images que l’initié apprend tout d’abord à connaître et à comprendre, qu’il apprend à s’élever dans le monde spiri­tuel. Il faut alors que sa conscience devienne plus mobile que celle qui nous sert à comprendre le monde sensible qui nous environne.

C’est pourquoi l’on nomme ce stade du développement la conscience imaginative. Il conduit l’homme à nouveau dans le monde spirituel, mais non par une voie nébuleuse.

Cette conscience sacrée est limpide et claire comme l’est la conscience de jour elle-même.

L’homme s’en trouve enrichi en ajoutant à la conscience de veille celle du monde spirituel. Il vit donc, au premier stade de l’initiation, dans la conscience imaginative.

Et ce qu’apprenaient dans les mondes spirituels ceux qui étaient ainsi initiés, il en a été fait communication à l’humanité dans les traditions et les documents, tout comme il a été fait communication à celle-ci, par Euclide, de la science ordinaire de la géométrie.

Nous savons ce que contiennent ces documents, nous le reconnaissons lorsque nous remontons à leur source, c’est-à-dire à la vision des initiés.

Ainsi en fut-il au sein de l’humanité jusqu’à l’appari­tion de la plus haute entité qui ait jamais cheminé sur la Terre, du Christ Jésus. Un élément nouveau intervint alors dans l’évolution.

Si nous voulons que nous soit bien clair ce en quoi consiste l’essentiel de cet élément nouveau dont le Christ Jésus fit don à l’humanité, il nous faut considérer que dans tous les centres d’initia­tion préchrétiens, l’initiation nécessitait pour l’homme un isolement complet du reste de l’évolution humaine, et un travail accompli sur son âme dans les lieux les plus secrets.

Et surtout, il nous faut voir clairement que, dans la conscience de l’homme, il subsistait encore, lorsqu’il s’élevait à nouveau vers le monde spirituel, un reste de l’ancienne conscience imaginative, de la simple conscience de rêve. Il fallait que l’homme fuie ce monde des sens pour pouvoir pénétrer dans le monde spirituel.

Cela n’est plus nécessaire aujourd’hui, et c’est ce qu’a provoqué l’apparition du Christ Jésus sur la Terre. Du fait que le principe du Christ est entré dans l’humanité, l’être central, le point central du monde spirituel a été une fois présent dans un être humain sur cette Terre, ce même être qu’aspiraient à retrouver tous ceux qui culti­vaient une vie religieuse, qui ont contemplé dans les centres d’initiation, qui ont quitté la voie du monde sensible pour pénétrer dans le monde spirituel.

L’être dont il a été annoncé que l’homme voit en lui son entité la plus haute, a pris place dans l’histoire avec le Christ Jésus. Et celui qui comprend quelque chose de l’authen­tique science de l’esprit sait que tout enseignement reli­gieux donné avant l’apparition du Christ est une Annonce du Christ Jésus.

Lorsque les anciens initiés voulaient parler de l’être le plus sublime qui leur était accessible dans le monde spiri­tuel, et en qui ils pouvaient contempler la source originelle de toutes choses, ils ont parlé du Christ Jésus sous les noms les plus différents. Il nous suffit de nous remémorer un seul exemple, celui de l’Ancien Testament, qui est aussi une Annonce.

Nous nous souvenons que Moïse, alors qu’il devait conduire son peuple, reçut cette mission : Dis à ton peuple que ce que tu dois faire, le Seigneur, ton Dieu, te l’a indiqué. - Moïse dit alors : Comment les gens me croiront-ils, comment pourrai-je les convaincre ? Que dois-je leur dire s’ils me demandent : Qui t’a envoyé ? - Et il lui est mandé : Dis que c’est le « Je suis » qui t’a envoyé.

Lisez et comparez, aussi exactement que vous le pouvez, avec le texte original. Vous verrez de quoi il s’agit là. Le « Je suis », qu’est-ce que cela veut dire ? « Je suis », c’est le nom de l’entité divine, du principe-Christ de l’homme, de l’entité dont il ressent en lui une goutte, une étincelle quand il peut dire « je suis ».

La pierre ne peut pas dire « je suis », la plante ne peut pas, l’animal ne peut pas dire « je suis ». L’homme est le couronnement de la Création parce qu’il peut se dire à lui-même « je suis », qu’il peut prononcer un mot qui n’a de sens que pour celui qui le dit. Par ce mot « je », vous ne pouvez nommer que vous-même.

Aucun autre ne peut vous nommer en disant « je ». L’âme s’adresse ici à elle-même dans ce mot auquel n’accède qu’un être qui ne parvient à l’âme par aucun sens extérieur, par aucune voie extérieure. Ici, le Dieu parle.

C’est pourquoi le nom « Je suis » a été donné à la divinité qui remplit l’univers. « Dis que le “Je suis” t’a dit cela ! » - voilà ce que Moïse devait répondre à son peuple.

Ce n’est que lentement que les hommes apprennent à comprendre complètement le sens profond de ce « Je suis ». Les humains ne se sont pas tout de suite ressentis comme des individualités.

Vous pouvez encore le voir dans l’Ancien Testament : à cette époque les humains ne se res­sentaient pas encore comme des individus. Les membres des tribus germaniques aussi, même dans les premiers temps du christianisme, ne se ressentaient pas comme tels.

Pensez aux Chérusques, aux Teutons, etc., aux tribus ger­maniques qui vivaient dans le pays qui est aujourd’hui l’Allemagne. Le Chérusque avait plutôt le sentiment d’être une partie du moi de la tribu.

L’individu n’aurait pas pro­noncé avec autant de fermeté qu’aujourd’hui : « je suis ». Il se sentait enclos dans un organisme composé de tous ceux qui étaient du même sang que lui.

Chez les hommes de l’Ancien Testament, ce lien du sang englobait un très large cercle. L’individu se sentait porté par tout le peuple qui était pour lui gouverné par un moi. Il savait ce que signifiait « moi et le Père Abraham sommes un », car il remontait à travers les générations jus­qu’à Abraham.

Il se savait protégé, lorsqu’il voulait dépas­ser son moi individuel, en le Père Abraham, par tout le sang, porteur extérieur du moi du peuple, du moi collec­tif, et qui coulait à travers les générations.

Si maintenant nous comparons avec les mots chargés pour tout adepte de l’Ancien Testament d’une si haute signification ce que le Christ Jésus a apporté, nous proje­tons comme la lumière d’un éclair sur tout le progrès qui fut accompli par l’évolution du christianisme. « Avant qu’Abraham fût7, était le « Je suis ». »

Que signifie : avant Abraham était le « Je suis » ? - Telles sont en effet la tra­duction et l’interprétation justes de ce passage de la Bible. Il signifie : Remontez le cours des générations, vous trou­verez en vous-même, dans votre propre individualité, quelque chose de plus durable encore que ce qui coule à travers toutes les générations liées par le sang.

Avant vos ancêtres, il y avait le « Je suis », cette entité qui pénètre en tout être humain, dont toute âme humaine peut faire en elle-même l’expérience directe. Non pas moi et le Père Abraham, non pas moi et un père temporel, mais moi et le Père spirituel qui n’est lié à rien d’éphémère, nous sommes un. « Moi et le Père sommes un. » En tout indi­vidu il y a le Père. Le principe divin vit en lui, quelque chose qui était, qui est, qui sera.

Après avoir, au long de presque deux millénaires, com­mencé seulement en réalité à ressentir la force de cette impulsion cosmique, les hommes reconnaîtront pleine­ment, dans les temps futurs, ce que signifie pour l’huma­nité le « saut » qui s’est produit dans l’évolution, dans la mission de la Terre.

Ce qu’on ne pouvait reconnaître qu’en dépassant l’existence individuelle, en saisissant l’esprit de tout un peuple, c’était ce que cherchaient à atteindre les initiés d’autrefois.

Lorsque dans le monde ordinaire quelqu’un entendait cela, il disait : le Je est quelque chose d’éphémère qui com­mence avec la naissance et finit avec la mort. Mais s’il était initié aux secrets des Mystères, il voyait en ce que l’autre ressentait la même chose que ce qui coule à travers le sang des générations, ce qui est un être véritable ; il y voyait l’es­prit de sa tribu.

Il pouvait contempler ce qui n’est acces­sible que dans le royaume de l’esprit, mais non dans la réalité extérieure. Il pouvait contempler un dieu qui pas­sait à travers le sang des générations.

Se trouver face à face avec ce dieu, cela n’était possible que dans les Mystères.

Ceux qui le comprenaient pleinement, les disciples intimes qui entouraient le Christ Jésus, avaient conscience qu’un être de nature spirituelle, divine, se tenait devant eux, vivant dans une personnalité humaine charnelle.

Ils sentirent qu’en le Christ Jésus était présent le premier être humain individuel portant en lui un esprit comme autre­fois seules des masses collectives d’hommes le ressentaient en elles, et comme il ne pouvait être sinon contemplé que dans le monde spirituel par les initiés. Il était le « premier- né » parmi les hommes.

Plus l’être humain s’individualise, plus il peut devenir porteur d’amour. Là où le sang enchaîne les hommes les uns aux autres, ils aiment ce que ces liens du sang les pous­sent à aimer.

Lorsque l’individualité est accordée à un être, lorsque cet être couve et nourrit l’étincelle divine qui est en lui, les impulsions de l’amour, les ondes de l’amour peu­vent aller d’un homme à un autre dans la liberté du cœur. Une impulsion nouvelle est ainsi venue enrichir l’ancien lien d’amour qui dépendait de la consanguinité.

Peu à peu, celui-ci se transforme en un lien d’amour fraternel qui, pas­sant d’âme à âme, finira par englober l’humanité tout entière dans un commun amour. Mais c’est le Christ Jésus qui est la force, la force vivante par laquelle, dans l’histoire manifestée aux yeux extérieurs, l’humanité est devenue une communauté de frères.

Et les hommes comprendront qu’ils doivent voir dans ce lien de l’amour fraternel le christia­nisme accompli, le christianisme spiritualisé.

On dit facilement aujourd’hui : la théosophie doit rechercher le noyau de vérité commun à toutes les reli­gions 8, car toutes les religions ont le même contenu.

Ceux qui parlent ainsi, qui ne comparent les religions que pour y chercher ce qu’elles ont de semblable dans l’abstrait, ne comprennent rien au principe de l’évolution.

Ce n’est pas en vain que le monde évolue. Il est vrai que chaque reli­gion contient la vérité, mais en évoluant de forme en forme, elle se développe vers des formes supérieures. Vous pouvez certes, si vous voulez approfondir suffisamment vos recherches, trouver aussi dans les autres religions les enseignements du christianisme.

Car il n’a pas apporté de nouvelles doctrines. Mais l’essentiel dans le christianisme, ce n’est pas la doctrine. Prenez les fondateurs de religions préchrétiennes.

Ce qui importe chez eux, c’est ce qu’ils ont enseigné. Imaginez qu’ils soient restés inconnus, et qu’ait subsisté ce qu’ils ont enseigné. Ç’aurait été suffisant pour l’humanité. Tandis que, pour le Christ Jésus, ce qui importe, c’est qu’il ait existé, c’est qu’il ait vécu sur cette Terre dans un corps physique.

Ce n’est pas la foi en son enseignement, mais la foi en sa personnalité qui est l’élé­ment décisif, c’est que l’on ait vu en lui le premier-né parmi ceux qui peuvent mourir, et à qui on demande : Dans la situation dans laquelle je me trouve, ressentirais-tu, toi aussi, les choses comme je les ressens ? Penserais-tu aussi comme je pense maintenant, voudrais-tu aussi comme je veux ? - L’important, c’est que sa personnalité soit le grand modèle vis-à-vis duquel ce qui importe, ce n’est pas d’écouter ses enseignements, mais de le regarder lui-même, de voir comment il a agi.

C’est pourquoi les disciples intimes du Christ Jésus disent tout autre chose que les élèves et les disciples des autres fondateurs de reli­gions, qui disent : Le maître a enseigné ceci, il a enseigné cela. - Mais les disciples du Christ, eux, disent9 : Nous ne vous parlons pas de mythes subtilement élaborés ni de pré­ceptes ; nous vous disons ce que nos yeux ont vu, ce que nos oreilles ont entendu.

Nous avons entendu la voix, nos mains ont effleuré la source de la Vie, afin d’être en com­munion avec vous. - Et le Christ Jésus lui-même dit : Vous serez mes témoins à Jérusalem, en Judée, jusqu’à la fin du monde10. - Ces paroles expriment quelque chose de très important : Vous serez mes témoins jusqu’à la fin du monde - c’est-à-dire : il y aura de tout temps des hommes qui, comme ceux de Judée et de Galilée, pourront dire par un savoir instinctif qui était le Christ au sens de l’Évangile.

Au sens de l’Évangile, qu’est-ce que cela signifie ? Rien d’autre, sinon qu’il était dès le commencement le principe qui vivait en toute création. Il le dit : Si vous ne croyez pas en moi11, croyez au moins en Moïse ; si vous croyez en Moïse, vous croyez en moi, car Moïse a parlé de moi. - Nous l’avons déjà vu, Moïse a parlé de lui en disant : Le « Je suis » me l’a dit. - Mais alors ce « Je suis » n’était jusque-là perceptible qu’en esprit. Que le Christ soit apparu visible dans le monde, homme parmi les hommes, c’est ce qui fait toute la différence entre l’Évangile du Christ et la révéla­tion divine par d’autres religions.

Car dans celles-ci, la connaissance spirituelle était tout entière orientée vers ce qui était alors hors du monde. Désormais, avec le Christ Jésus, était apparu dans le monde quelque chose qui devait être compris sous la forme même d’une manifestation sen­sible. Que ressentirent les premiers disciples comme étant l’idéal de leur sagesse ? Non plus seulement de com­prendre comment les esprits vivent au pays des esprits, mais comment le principe le plus élevé a pu être présent sur terre dans la personnalité historique du Christ Jésus.

Il est beaucoup plus facile de nier la nature divine de cette personnalité que de la ressentir ainsi. C’est en cela que se distingue de ce qu’on appelle le christianisme inté­rieur, le christianisme ésotérique, une certaine doctrine des débuts du christianisme : la Gnose.

La Gnose admet­tait bien la divinité du Christ, mais elle n’avait jamais pu s’élever jusqu’à reconnaître que le Verbe s’est fait chair et est demeuré parmi nous, comme le souligne l’auteur de l’Évangile selon Jean, qui dit : Il ne faut pas considérer le Christ Jésus comme quelque chose qui n’est discernable que dans l’invisible, mais comme le Verbe qui est devenu chair et a habité parmi nous.

Vous devez savoir qu’avec cette personnalité humaine, une force est apparue qui agira jusque dans le plus lointain avenir en tissant autour de la Terre la force d’un amour spirituel réel, qui agit et vit en tout ce qui anime l’avenir. - Et si l’homme se confie à cette force, il pénètre dans le monde spirituel d’où il est descendu ; il s’élèvera de nouveau jusqu’au plan où accède déjà aujour­d’hui le regard de l’initié. Il se dépouillera de tout ce qui est lié aux sens en pénétrant dans le monde spirituel.

De même que le disciple qu’on initiait dans le passé pou­vait jeter un regard rétrospectif sur la vie spirituelle des temps passés, ceux que l’on initie au sens christique du terme acquièrent, en participant aux impulsions du Christ Jésus, la faculté de voir ce que deviendra notre monde ter­restre si les hommes agissent dans l’esprit de ces impulsions. Comme on peut jeter un regard rétrospectif sur les états pas­sés, on peut, à partir de l’apparition du Christ sur la Terre, voir dans l’avenir le plus lointain.

On peut dire : La conscience se transformera encore, telle sera la position de l’homme entre le monde spirituel et le monde sensible. Alors que l’ancienne initiation orientait vers le passé, vers une sagesse antique, l’initiation chrétienne conduit à dévoi­ler l’avenir au néophyte. Ce qui est nécessaire, c’est que l’homme ne soit pas seulement initié pour ce qui relève de sa sagesse, de sa sensibilité, mais qu’il le soit pour sa volonté.

Car c’est ainsi qu’il sait ce qu’il doit faire, les buts qu’il doit se fixer pour l’avenir.

L’homme ordinaire, l’homme de la vie sensible, se fixe un but pour l’après-midi, pour le soir, pour le lendemain matin.

L’homme spirituel est capable, guidé par les principes spirituels, de se fixer des buts lointains qui stimulent sa volonté et vivifient ses forces.

Fixer ainsi des buts à l’humanité, c’est concevoir le christianisme dans son ésotérisme au sens véritable, au sens le plus élevé, dans l’es­prit du principe christique des origines.

C’est ainsi que l’a compris celui qui a formulé le grand principe de l’initiation de la volonté, qui a écrit l’Apocalypse.

On comprend mal l’Apocalypse si l’on ne voit pas qu’elle apporte l’impulsion qui va vers l’avenir, vers l’activité, vers l’action.

Tout ce que nous avons fait passer aujourd’hui devant notre regard doit être compris dans l’esprit de la science anthroposophique. Je n’ai pu aujourd’hui qu’en donner une esquisse.

Lorsque, avec l’aide de cette science, on com­prend ce qui se cache derrière le sensible, on porte un regard compréhensif sur ce qui a été annoncé dans les Évangiles et dans l’Apocalypse.

Et plus l’on progresse en pénétrant dans les mondes suprasensibles, en les approfon­dissant, plus l’on perçoit la profondeur des documents chrétiens. Ils brillent d’un éclat plus haut, leur contenu apparaît plus vrai et plus profond lorsqu’on les aborde d’un regard spirituel affiné tel que peut le développer l’anthroposophie. Il est vrai que l’âme la plus simple peut pressen­tir les vérités que recèle le christianisme.

Mais la conscience ne se contentera pas toujours de cette prescience, elle se développera et voudra savoir et connaître. Mais même lors­qu’elle s’élèvera vers les plus hautes connaissances, de pro­fonds mystères subsisteront pour elle dans le christianisme accessible à l’âme la plus simple comme à l’intellect le plus développé. L’initié le vit en images. C’est pourquoi la conscience naïve peut pressentir les vérités qu’il enferme ; mais l’homme exigera la connaissance, et non plus la foi.

Il pourra trouver dans le christianisme un contenu pleine­ment satisfaisant quand la science de l’esprit lui donnera l’explication des Évangiles. C’est pourquoi la science de l’esprit prendra la place même des philosophies anciennes les plus évoluées. Elle portera témoignage de la belle parole de Hegel citée au début : La pensée la plus profonde est liée à la personne du Christ, historique et extérieure ; toute sorte de conscience - et là réside la grandeur du christia­nisme - peut comprendre les aspects extérieurs de ce chris­tianisme.

En même temps, il fait appel à la sagesse la plus pénétrante. Le christianisme parle à tout degré de culture, mais il peut répondre aux exigences les plus hautes.

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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

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