De mauvaises réactions aux frustrations pendant l'enfance provoquent plus tard des troubles psychiques. Étant petit enfant, le sujet ne parvenait pas à surmonter ses frustrations. Il ne relativisait pas sa souffrance, il ne trouvait pas de compensations, il ne dépassait pas un vécu de carence.
I ♦ Ratés
L'appareil à s'illusionner (imaginaire) puis à se désillusionner au bénéfice de la prise en compte des réalités (symbolique) dysfonctionne gravement. Il n'y a pas de confiance dans le psychisme.
♦ Causes
• Le psychisme n'illusionnait pas assez (pas de « bon sein »).
• Le psychisme mal réglé faisait mal (« mauvais sein agresseur »).
• Le psychisme trompait trop bien trop longtemps (fascination béate par la fiction, autoérotisme, narcissisme complaisant).
• Le psychisme a mal négocié sa confrontation au réel (ses impossibilités sont niées).
• Le psychisme a mal négocié sa confrontation au symbolique (ses règles sont niées, la « castration symbolique » ne produit pas d'effet).
• Le psychisme ne tolère ni obstacle, ni contrainte, ni partage, ni échange.
• Le psychisme fatigue et déçoit : attendre, penser, inventer… dépense de l'énergie, oblige à exprimer, à se représenter des choses.
II ♦ Clinique
• Intolérance aux frustrations : violentes colères, agitation, conduites d'entêtement obstiné, conduites d'évitement des frustrations.
• Manque de patience, émotivité, irritabilité : le malade est « réactif », « sensitif », « impatient » ; les effusions affectives le dominent ; il ne « contient pas » ses sentiments agressifs ; incapacité à « se raisonner », à relativiser son échec, à espérer une compensation alternative à sa frustration.
• Faiblesse d'imagination, blocage obstiné, sensation d'impasse : mise en état de dépendance passive ; le malade « se mure » dans son idée fixe d'obtenir satisfaction (« point barre ! »).
• Pauvreté inventive : rêveries stériles fixées sur l'objet envié, projets liés à l'objet convoité mais sans lendemain ; programme sclérosé sur l'objectif frustré. • Sentiment d'abandon : le malade se sent lâché, n'établit pas de relation de confiance ; solitude.
• Égotisme, égocentrisme, repli sur soi : narcissisme et relations capricieuses isolent le malade, rejeté pour son irritabilité et son « mauvais caractère », voire sa « prétention » aux yeux d'autrui.
• Envie, jalousie : priorité aux satisfactions de soi immédiates et illimitées ; les objets détenus par autrui (paraissant le combler) sont systématiquement convoités ; ne pas les obtenir suscite un immense sentiment de profonde injustice ; passages à l'acte (violence, vol) pour se les approprier;
• Pas de relativité, pas de projection dans la durée : convoitise immédiate, le malade ne sait pas différer, repousser, espérer, échanger, relativiser sa situation et attendre l'amélioration autrement.
• Conduites impulsives, désordonnées, stupeur : la pauvreté symbolique condamne à la réaction instantanée, « réflexe » sans mesure, sans régulation, sans programme, sans suivi.
• Manque d'organisation, de lucidité, d'expression tactique : langage fruste et pas de projection, le malade « ne domine pas » la situation, « il est dominé » par ses sens.
• Séquelles dans l'utilisation des fonctions mentales (handicap intellectuel) et des fonctions affectives (fixations infantiles, perversité) : le malade ne peut pas « prendre de recul », il « colle à la situation de frustration »; il n'est pas « raisonnable » (peu sensible à la raison).
III ♦ Évolution
• Les réactions « caractérielles » du sujet aux frustrations entraînent des contre-réactions de son entourage (intolérance, surprotection, tolérance résignée, rejet).
• Des délires à deux ou à plusieurs sont les dérives pathologiques de systèmes tentant de s'équilibrer entre eux (système avec l'entourage plus ou moins perturbé).
• La vie systémique avec l'entourage influence grandement l'évolution et le pronostic : en positif, s'il y a aide à la reconstruction mentale ; en négatif, en crispant les situations et multipliant les rigidités de part et d'autre.
• Les carences d'appareil mental bénéficient des psychothérapies (affectives et cognitives) soit en suivi individuel, soit (mieux) en psychothérapie familiale.