Le sommeil et la mort - Pascal Patry praticien en psychothérapie, thérapeute et astropsychologue à Strasbourg 67000

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Le sommeil et la mort

On ne peut comprendre ce qu’est la conscience de veille sans observer l’état où se trouve l’être humain pendant son sommeil et l’on ne peut aborder le problème de la vie sans considérer la mort.

Celui qui n’a aucun sentiment de ce que signifie la connais­sance supra-sensorielle mettra peut-être en doute la manière dont celle-ci procède à l’étude du sommeil et de la mort.

On peut admettre le bien-fondé de ce doute et comprendre qu’on puisse dire : l’homme est fait pour la vie active et ce qu’il réalise repose sur l’action.

L’intérêt pour des états tels que le sommeil et la mort proviendrait soi-disant d’un penchant à d’oiseuses rêveries et ne pourrait mener qu’à des inventions fantaisistes.

Rejeter ce genre d’« inventions » serait ainsi l’indice d’une âme saine et s’y complaire aurait quelque chose de morbide, propre aux per­sonnes auxquelles manquent la force et la joie de vivre et qui sont incapables d’une « véritable activité ».

On aurait tort de considérer ce jugement comme faux a priori, car il contient un certain fond de vérité ; c’est un quart de vérité qu’il faut compléter par les trois autres quarts. Et l’on ne fait que rendre méfiants ceux qui voient bien ce quart de vérité, mais n’ont aucune idée des trois autres ; on ne doit pas s’opposer à eux là où ils ont raison.

Il faut en effet reconnaître que l’étude de ce qui se cache derrière le sommeil et la mort devient morbide lors­qu’elle aboutit à un affaiblissement, un éloignement de la vie vraie.

Il faut également admettre qu’une grande partie de ce qui, de tout temps, s’est appelé « science occulte » et qu’on répand aujourd’hui encore sous ce nom porte la marque d’une aversion malsaine à l’égard de la vie ; mais ce n’est nullement là l’effet de la véritable connaissance supra-sensorielle.

Voici plutôt la vérité : pas plus que l’homme ne peut rester toujours éveillé, il ne peut saisir, dans toute leur étendue, les véritables conditions de l’existence si la connaissance du suprasensible lui fait défaut.

Car la vie se poursuit pendant le som­meil et les forces qui permettent le travail et la création à l’état de veille sont réparées, ranimées par ce que leur apporte ce som­meil. Il en est de même pour ce que l’homme peut observer du monde manifesté.

L’univers est plus vaste que le champ de ces observations. Et ce dont il a connaissance dans le monde visible doit être complété et fécondé par ce qu’il peut apprendre au sujet des mondes invisibles. Un être humain qui ne tirerait pas sans cesse du sommeil la réparation de ses forces épuisées verrait sa vie s’anéantir peu à peu ; de même est stérile toute conception de l’univers qui n’est pas fécondée par la connaissance de ce qui est caché dans cet univers.

Il en est de même pour la mort. Les êtres vivants meurent pour que de la vie nouvelle puisse apparaître. La connaissance supra-sensorielle répand une vive lumière sur la belle phrase de Goethe : « La nature a inventé la mort afin d’avoir beaucoup plus de vie. »

Il ne pourrait y avoir aucune vie, au sens ordinaire du mot, sans la mort. De même, on ne peut avoir une vraie connais­sance du monde visible sans se faire une idée de l’invisible. Toute connaissance du visible doit plonger sans cesse dans l’invisible pour pouvoir se développer. Bien comprise, la connaissance de l’invisible ne nuit jamais à la vie, mais la renforce et l’assainit, alors que, laissée à elle-même, celle-ci s’affaiblit et dépérit.

Lorsque l’homme s’endort, le rapport change entre les divers éléments qui le constituent. Ce qui repose dans son lit, ce sont ses corps physique et éthérique mais ni son corps astral, ni son Moi.

C’est parce que le corps éthérique reste uni au corps phy­sique pendant le sommeil qu’il y a persistance des fonctions vitales dans le corps physique, car dès le moment où celui-ci serait abandonné à lui-même, il ne pourrait que se décomposer.

Mais ce qui disparaît pendant le sommeil, c’est tout ce qui est repré­sentation, souffrance et joie, satisfaction et souci, ainsi que la faculté d’extérioriser une volonté consciente et d’autres mani­festations de l’existence, c’est-à-dire tout ce dont le corps astral est le siège.

Pour tout jugement objectif, il ne saurait être question, pen­dant le sommeil, d’un anéantissement du corps astral avec tout son monde de volitions, de représentations, d’émotions diverses.

Ce corps se trouve simplement dans un autre état. Pour que le Moi humain et le corps astral soient non seulement le siège de tout ce qui vient d’être énuméré, mais qu’ils en aient aussi cons­cience, il est nécessaire que le corps astral soit uni aux corps physique et éthérique. Il l’est à l’état de veille ; il ne l’est plus pendant le sommeil.

Il s’est alors retiré de ces corps pour passer dans une sorte d’existence différente de celle qui lui est propre pendant son union avec le physique et l’éthérique.

Or la connaissance supra-sensorielle a entre autres pour objet d’étudier cette autre forme d’existence du corps astral.

Pour l’observation appliquée au monde extérieur, ce corps astral dispa­raît pendant le sommeil ; par la vision supra-sensorielle, on peut le suivre dans sa nouvelle existence jusqu’au moment du réveil où il reprend possession des corps physique et éthérique.

Comme dans tous les cas où il s’agit de connaître les phénomènes cachés de l’univers, l’observation supra-sensorielle est indispensable pour découvrir ce qu’est réellement l’état de sommeil ; mais lorsqu’ensuite ce qu’elle a pu découvrir est exposé, il suffit d’une pensée vraiment non-prévenue pour le comprendre, car les réalités du monde caché se manifestent dans le monde visible par leurs effets.

Et si l’on s’aperçoit que les données de la connaissance supérieure rendent compréhensibles les phénomènes extérieurs, cette sorte de confirmation par la vie est bien la preuve que ces données sont exactes.

Celui qui renonce à employer les moyens qui seront indiqués dans la suite comme permettant de pratiquer l’observation supra-sensorielle peut faire l’expérience suivante : ayant tout d’abord assimilé les données résultant de cette observation, il peut les rapprocher ensuite de ce qu’il sait par ailleurs.

Il découvrira alors que la vie lui devient ainsi claire et compréhensible et cette certi­tude s’imposera d’autant plus à lui qu’il observera l’existence d’une façon plus précise, plus approfondie.

Bien que, pendant le sommeil, le corps astral ne connaisse ni représentations ni aucun sentiment de plaisir ou de souffrance, il ne reste pas inactif. Il lui incombe au contraire d’exercer une intense activité à laquelle il doit revenir, selon un certain rythme, après avoir été quelque temps en contact avec les corps physique et éthérique.

Tel le balancier d’une pendule qui après avoir oscillé vers la droite repart vers la gauche grâce à l’élan ainsi acquis, le corps astral et le Moi réunis doivent - après avoir agi quelque temps dans les corps physique et éthérique et par suite des effets de leur action - exercer leur activité indépendamment de ces corps dans un monde psychospirituel.

Dans la vie ordinaire, cette indépendance du corps astral et du Moi s’accompagne d’incons­cience ; cet état d’inconscience est à l’opposé de l’état de cons­cience de veille, qui résulte de leur union avec les corps physique et éthérique, de la même façon que le mouvement du balancier vers la droite est à l’opposé de celui qui va vers la gauche.

La nécessité d’entrer dans cet état d’inconscience se traduit, pour l'âme et l’esprit, par la sensation de fatigue.

Mais cette fatigue signifie que le corps astral et le Moi doivent se préparer, pendant le sommeil, à refouler, en revenant à l’état de veille, ce qui s’est produit entre-temps dans les corps physique et éthérique par une activité purement organique et inconsciente.

Cette activité for­matrice inconsciente est en opposition avec ce qui se passe chez l’être humain pendant et parce qu’il est conscient.

Des opposi­tions de ce genre alternent selon un certain rythme.

Le corps physique ne peut conserver la forme et l’aspect qu’il a chez l’être humain que grâce au corps éthérique. Mais celui-ci ne peut agir dans ce sens que si, de son côté, il reçoit du corps astral les forces nécessaires.

Il est le constructeur, l’architecte du corps physique ; il ne peut cependant exercer son activité for­matrice que s’il reçoit des indications, une impulsion venant du corps astral.

C’est chez celui-ci que se trouvent les modèles d’après lesquels le corps éthérique donne sa forme au corps physique. Or, pendant la veille, le corps astral ne contient pas ces modèles ou jusqu’à un certain point seulement, car l’âme met à la place ses propres images.

Quand l’homme dirige ses sens vers ce qui l’en­toure, ce qu’il perçoit éveille en lui des représentations, des images du monde ambiant.

Ces images troublent celles qui poussent le corps éthérique à maintenir la vie du corps physique. Si, par son activité personnelle, l’homme pouvait fournir à son corps astral les images propres à donner une juste impulsion à son corps éthérique, alors seulement cette perturbation ne se produirait pas. Mais elle joue précisément un rôle important dans l’existence de l’être humain.

Elle se manifeste en ceci que pendant la veille, les modèles nécessaires au corps éthérique n’agissent pas avec toute leur force. À l’état de veille, le corps astral exerce son activité à l’intérieur du corps physique ; pendant le sommeil, c’est de l’exté­rieur qu’il agit sur ce corps.

Pour se nourrir, l’organisme physique a besoin du monde exté­rieur qui est de même nature que lui ; le corps astral est dans une situation analogue. Tout corps humain séparé du monde envi­ronnant ne pourrait que périr.

Il ne peut exister que grâce à tout son entourage physique et il faut en réalité que la Terre entière soit exactement telle qu’elle est pour que des corps humains puis­sent y vivre. À vrai dire, le corps physique n’est qu’une petite partie de la Terre et, par extension, de tout l’univers physique. Il est à cet égard dans la même situation qu’un doigt de la main par rapport au corps tout entier. Qu’on sépare le doigt de la main et il cesse d’exister ; il pourrit.

C’est aussi ce qui se passerait pour le corps humain si on l’éloignait du corps de la Terre dont il fait partie et des conditions de vie que celle-ci lui assure.

Qu’on l’élève suffisamment au-dessus du sol et il meurt comme meurt le doigt qu’on a séparé de la main. Si ce fait paraît moins évident pour le corps physique tout entier que lorsqu’il s’agit du doigt et de la main, c’est parce que ce doigt ne peut pas se déplacer dans le corps comme l’être humain sur la Terre, de sorte que le lien en question saute aux yeux moins facilement.

Tout comme le corps physique fait partie du monde physique, le corps astral fait partie de son propre univers, mais il en est séparé pendant l’état de veille. On peut se représenter la chose à l’aide d’une comparaison. Qu’on imagine un récipient plein d’eau. Au sein de cette masse liquide, une goutte ne s’en distingue pas. Mais on peut en tirer une au moyen d’une petite éponge.

C’est à peu près ce qui se passe pour le corps astral au moment du réveil. Pendant le sommeil, il est dans un monde de même nature que lui. Il y ajoute pour ainsi dire quelque chose. Au moment du réveil, il est réabsorbé par les corps physique et éthérique qu’il imprègne alors.

Ces corps contiennent les organes par les­quels le corps astral perçoit le monde extérieur, mais, pour par­venir à cette perception, il lui faut se séparer de son propre monde.

Il ne peut en conserver que les modèles dont il a besoin pour le corps éthérique. De même que les aliments du corps phy­sique lui viennent de son propre monde, des images viennent au corps astral du monde qui l’entoure pendant le sommeil. Lors­qu’il est en dehors des corps physique et éthérique, il vit en réa­lité dans l’univers dont est issu l’être humain tout entier ; c’est là que se trouve la source des images d’après lesquelles cet être reçoit sa forme.

Il est intégré à cet univers d’une façon harmo­nieuse.

Pendant la veille, il sort de cette harmonie cosmique afin de percevoir ce qui l’entoure. Pendant le sommeil, son corps astral y retourne, puis lorsqu’il en sort au réveil, il apporte aux autres corps assez de force pour pouvoir se passer quelque temps de cette harmonie. Pendant le sommeil, le corps astral retourne donc dans son pays d’origine d’où il rapporte au réveil des forces nou­velles dans la vie.

Cet apport du corps astral se manifeste exté­rieurement par le réconfort qui résulte d’un sommeil normal. Il ressort des enseignements de la science spirituelle que cette par­tie du corps astral est plus étendue que ce qui constitue, à pro­prement parler, l’entourage du corps physique.
En tant qu’être physique, l’homme fait partie de la Terre ; par son corps astral, il appartient à des mondes comprenant d’autres astres que notre Terre, des mondes dans lesquels il retourne pendant le sommeil.

Il devrait être superflu de signaler ici un malentendu qui se produit facilement à propos de ces faits, mais ce n’est pas inu­tile à notre époque de représentations grossièrement matéria­listes.

Ceux qui en sont imprégnés diront naturellement, au sujet du sommeil par exemple, que seule est scientifique une étude portant sur ce qui le conditionne physiquement et, bien que les savants ne soient pas tous d’accord sur ces causes physiques, il n’en est pas moins exact que le sommeil s’accompagne de cer­tains phénomènes physiologiques.

Mais pourquoi ne pas recon­naître que la connaissance supra-sensorielle n’est nullement en contradiction avec cette affirmation ? Elle s’accorde avec tout ce que disent ces savants, tout comme on reconnaît que pour qu’une maison existe matériellement, il faut placer des briques les unes sur les autres et que lorsque cette maison est achevée, sa cons­truction et sa forme s’expliquent par des lois purement méca­niques.

Mais il a pourtant fallu, pour que cette maison soit bâtie, qu’un architecte en ait conçu l’idée et cette idée, on ne la découvre pas en étudiant uniquement les lois de la physique.

De même que, derrière ces lois qui font comprendre comment est cons­truite la maison, il y a la pensée de celui qui l’a conçue, il y a, derrière ce qu’enseigne très justement la physique, tout ce dont parle la connaissance supra-sensorielle.

Certes, cette comparai­son est souvent employée pour prouver qu’il y a un arrière-plan spirituel à l’univers et on peut la trouver banale. Mais en ces matières, il ne s’agit pas seulement de se familiariser avec cer­taines notions ; il faut savoir juger du poids qu’elles ont en tant que preuves.

Et l’on peut en être empêché, simplement parce que des conceptions opposées ont un pouvoir trop grand sur la faculté de jugement.

** *Le rêve est un état intermédiaire entre le sommeil et la veille. L’observation ordinaire ne voit dans les expériences du rêve qu’un monde d’images confuses se chassant l’une l’autre ou se succé­dant sans ordre apparent.

Ce monde d’images obéit pourtant à certaines règles, à certaines lois. L’homme qui rêve est libéré des lois de la conscience de veille qui l’enchaînent à la perception sen­sorielle et déterminent son jugement.

Il y a cependant dans le rêve quelque chose des lois mystérieuses, si séduisantes, si atti­rantes pour la pensée humaine, qui font qu’on aime toujours comparer au rêve le jeu admirable de l’imagination sur lequel se fonde tout sentiment artistique. Il suffit de se rappeler quel­ques rêves caractéristiques pour avoir confirmation de ce fait.

Quelqu’un rêve par exemple qu’il repousse un chien qui se pré­cipitait sur lui. Il se réveille et s’aperçoit que, sans en avoir cons­cience, il a rejeté sa couverture qui couvrait une partie de son corps d’une façon inhabituelle et lui semblait donc pesante.

Qu’a fait le rêve de ce phénomène perceptible aux sens ? Ce que ceux-ci percevraient dans l’état de veille reste totalement inconscient pendant le sommeil, mais le rêve retient un fait essentiel, c’est-à-dire que le dormeur veut écarter quelque chose de lui et il tisse tout un processus symbolique autour de ce fait.

Les images ainsi produites sont des échos de la vie de veille et la façon dont elles en sont tirées est tout à fait arbitraire.
Car on a l’impression que, les circonstances étant les mêmes, le rêve en question pourrait en faire naître des images très différentes ; mais toutes signifie­raient, d'une manière symbolique, que le dormeur veut repousser quelque chose.

Le rêve crée des symboles ; c’est un symboliste.

Les sensations internes peuvent aussi se transformer en rêves symboliques.

Quelqu’un rêve par exemple qu’un feu pétille à côté de lui ; il en voit les flammes.

Il se réveille et sent qu’il est trop couvert, qu’il a trop chaud. La sensation d’une chaleur excessive s’est exprimée symboliquement par une image.
Des expériences très dramatiques peuvent se dérouler sous forme de rêves.

Quel­qu’un rêve par exemple qu’il est au bord d’un précipice ; il voit un enfant s’en approcher en courant.

Son rêve lui suggère une idée angoissante : il se dit que si cet enfant est imprudent, il va tomber dans le précipice. Il le voit tomber et entend le bruit sourd que fait le choc du corps au fond de l’abîme.

Puis il se réveille et constate qu’un objet qui pendait au mur s’en est déta­ché et que sa chute a produit le bruit en question. De ce simple fait, le rêve a tiré toute une succession d’images angoissantes.

II est inutile pour le moment de se demander, à propos de ce der­nier exemple, comment il se fait qu’un événement instantané - le bruit du choc - se soit traduit par une série de tableaux qui, s’étendent apparemment sur un certain laps de temps ; il suffit de remarquer que le rêve transforme en image ce qui s’offrirait à la perception sensible dans l’état de veille.

Ainsi, dès que les sens suspendent leur activité, un élément créateur se manifeste chez l’être humain. Cet élément créateur existe également pendant le sommeil sans rêves qui correspond pour l’âme à l’état opposé à l’état de veille.

Pour que se pro­duise ce sommeil profond, il faut que le corps astral soit com­plètement sorti des corps physique et éthérique. Pendant le rêve, il n’est séparé du corps physique que dans la mesure où il n’a plus aucun rapport avec les organes sensoriels, mais où il conserve encore un certain lien avec le corps éthérique.

Si ce qui se passe dans le corps astral peut être perçu sous forme d’images, c’est par suite de ce rapport avec le corps éthérique. Dès que cesse aussi ce rapport, les images tombent dans les ténèbres de l’in­conscience et le sommeil sans rêves intervient.

Ce que les images du rêve ont d’arbitraire et souvent d’absurde vient de ce qu'étant séparé des organes sensoriels du corps physique, le corps astral ne peut plus rapporter ces images aux objets et aux phénomènes extérieurs correspondants. L’étude d’un rêve dans lequel le Moi se dissocie pour ainsi dire éclaire tout particulièrement cette situation.

Quelqu’un peut rêver par exemple qu’il est écolier et qu'il ne sait pas répondre à une question que lui pose son maître et à laquelle celui-ci répond aussitôt. Comme le rêveur ne peut pas se servir de ses organes de perception physiques, il n’est pas en état de rapporter ces deux faits à la même personne, c’est-à-dire à lui-même.

Ainsi, il faut être muni d’organes de percep­tion physiques, même pour se reconnaître en tant que Moi per­manent. C’est seulement lorsqu’on a acquis la faculté de prendre conscience de son Moi par d’autres moyens qu’on peut percevoir ce Moi comme permanent tout en étant en dehors de son corps physique.

Ce sont des facultés de ce genre que la conscience supra-sensorielle doit acquérir et il sera question, dans le cours de cet ouvrage, des moyens d’y parvenir.

***

La mort n’est, elle aussi, pas autre chose que le résultat d’une modification dans les rapports entre les éléments de la nature humaine. Dans ce cas également, ce que découvre l’observation supra-sensorielle peut se révéler par ses effets dans le monde visible, de sorte qu’en observant la vie extérieure, tout esprit sans prévention peut y voir se confirmer les communications de la connaissance spirituelle.

Pourtant, cette manifestation de l’in­visible dans le monde visible est ici moins évidente et quand il s’agit de ce domaine, on a plus de difficultés à discerner ce qui, dans la vie extérieure, apporte une confirmation à ces commu­nications.

On peut être tenté de considérer celles-ci comme encore plus fantaisistes que ce qui a déjà été exposé dans cet ouvrage si l’on se refuse à comprendre de quelle façon ce qui est suprasensible se révèle dans le domaine des sens.

Alors qu’au moment du passage à l’état de sommeil, le corps astral brise uniquement son lien avec les corps éthérique et phy­sique, ceux-ci restant unis l’un à l’autre, la mort se produit du fait que le corps physique se sépare du corps éthérique.

Le corps physique abandonné à ses propres forces devient cadavre et ne peut que se décomposer. Quant au corps éthérique, il passe dans un état qu’il ne connaît jamais entre la naissance et la mort, sauf dans certains cas exceptionnels dont il sera encore question.

Il est maintenant lié au corps astral, le corps physique ayant dis­paru. Car corps astral et corps éthérique ne se séparent pas aussi­tôt après la mort.

Ils sont unis pendant quelque temps par une force dont la nécessité se conçoit facilement : si cette force n’exis­tait pas, le corps éthérique ne pourrait jamais se détacher du corps physique. Il est en effet lié à celui-ci à tel point que le corps astral est impuissant à l’en arracher pendant le sommeil.

La force en question entre donc en action au moment de la mort et détache du corps physique le corps éthérique qui est encore attaché au corps astral. L’observation supra-sensorielle révèle que la durée de l’union entre ces deux derniers corps varie selon les individus ; elle se mesure en jours.

Plus tard, le corps astral se sépare également du corps éthé­rique et poursuit son chemin sans lui. Pendant que ces deux corps sont unis, l’être humain est dans un état où il peut perce­voir les expériences de son corps astral.

Tant que le corps phy­sique existe, le corps astral a pour tâche, dès qu’il s’en sépare, d’en reconstituer de l’extérieur les forces organiques épuisées.

Après la disparition du corps physique, cette tâche n’a plus sa raison d’être, mais la force qui servait à l’accomplir pendant le sommeil persiste après la mort et peut alors s’appliquer à autre chose.

Elle sert maintenant à faire prendre conscience au corps astral de ses propres expériences.

Lorsqu’on s’en tient à l’observation de la vie extérieure, on peut dire que si toutes ces affirmations paraissent claires à une personne capable de voir le suprasensible, il n’y a aucune possi­bilité, pour toute autre, de savoir si elles correspondent à la vérité.

La chose ne se présente pourtant pas ainsi.

Ce que la connais­sance supra-sensorielle découvre, dans ce domaine qui échappe à la vision ordinaire, peut être accessible, après avoir été décou­vert, à un jugement normal. Il faut seulement que ce jugement s’applique d’une façon juste aux réalités de la vie telles qu’elles se manifestent extérieurement.

Pensée, sentiment et volonté ont entre eux et avec les expériences de l’être humain dans le monde extérieur des rapports tels qu’ils restent inexplicables si l’on ne considère pas leur activité visible comme l’expression d’une autre qui, elle, est invisible.

Cette activité visible ne s’éclaire pour l’in­telligence que si on la considère, telle qu’elle s’exerce au cours de la vie humaine, comme résultant de ce que la connaissance supra-sensorielle découvre sur le plan immatériel. Faute de cette connaissance, on se trouve, pour ce qui est de cette activité, comme si l’on était dans une pièce obscure.

De même qu’on ne voit les objets physiques de son entourage que dans la lumière, ce qui se passe dans la vie de l’âme ne s’éclaire que par la connaissance supra-sensorielle.

Tant que l’être humain est uni à son corps physique, le monde extérieur pénètre dans sa conscience sous forme d’images ; après la disparition de ce corps, ce qu’éprouve le corps astral quand il n’est plus lié au monde extérieur par aucun organe sensoriel devient perceptible.

Ce corps ne fait pas tout d’abord de nou­velles expériences ; l’union avec son corps éthérique l’en empêche.

Mais ce qu’il possède, c’est le souvenir de sa vie passée et, grâce à la présence du corps éthérique, ce souvenir se présente comme un grand tableau plein de vie. Telle est la première expérience que fait l’être humain après sa mort.

Il voit sa dernière existence étendue devant lui comme une série d’images. Pendant la vie entre la naissance et la mort, la mémoire n’existe que dans l’état de veille où le Moi est lié au corps physique et dans la mesure où celui-ci le permet.

Mais l’âme ne perd rien de ce qui fait impression sur elle pendant la vie. Si le corps physique était un instrument parfait à cet égard, l’âme pourrait évoquer à tout moment la totalité de son existence passée.

Cet empêchement disparaît à la mort.

Tant que dure le corps éthérique, la mémoire reste relative­ment parfaite ; elle décroît peu à peu au fur et à mesure que ce corps perd la forme qu’il avait dans le corps physique et qui coïncidait avec celle de ce corps.

Telle est la raison pour laquelle le corps astral se sépare du corps éthérique après quelque temps. Il ne peut rester uni à ce dernier que tant que persiste la forme éthérique qui correspondait à celle du corps physique.

Pendant l’existence qui va de la naissance à la mort, il n’y a séparation entre le corps éthérique et les autres éléments de la nature humaine que dans des cas exceptionnels et pour très peu de temps. C’est ce qui se passe par exemple quand quelqu’un dit d’un de ses membres qu’il est « endormi ».

Une petite partie de son corps éthérique a pu se séparer du physique.

La sensation très particulière qu’on éprouve dans ce cas provient de l’absence du corps éthérique. Ici aussi, le matérialiste niera naturellement l’existence de cet élément invisible et dira que le phénomène vient simplement d’un dérangement résultant d’une compression.

Mais l’observation supra-sensorielle permet de voir dans un cas de ce genre qu’une partie du corps éthérique est effectivement sortie du corps physique.

Lorsque quelqu’un ressent une grande frayeur, une dissociation analogue peut se produire, pendant très peu de temps, pour une grande partie de son corps : c’est le cas de celui qui se voit soudain près de mourir en se noyant par exemple ou en risquant une chute lors d’une course en montagne.

Ce que racontent les gens qui ont vécu ce genre de chose se rap­proche en fait de la vérité et peut être confirmé par l’observation supra-sensorielle.

Ces gens disent qu’à de pareils moments, toute leur existence passée a surgi comme un grand tableau devant leur vision intérieure.
Parmi les nombreux exemples qu’on pourrait donner à ce sujet, nous n’en citerons qu’un seul parce qu’il s’agit d’un homme qui ne peut que trouver chimérique tout ce que nous disons sur ces questions.

Il est toujours très utile à celui qui a fait quelques pas dans l’observation supra-sensorielle de recueillir des témoi­gnages venant de ceux qui tiennent cette observation pour illu­soire.

On ne peut pas dire de ces témoignages qu’ils sont tendan­cieux. (Les adeptes de la science spirituelle devraient apprendre beaucoup de choses de ceux qui trouvent absurdes leurs efforts.

Qu’on ne soit pas déconcerté si l’on n’est pas payé de retour par ceux-là ; l’observation supra-sensorielle n’a nul besoin de preuves pour elle-même. Elle ne cherche pas à prouver, mais à éclairer.)

Moritz Benedict, le célèbre criminaliste, auteur de recherches dans bien d’autres domaines de la science, raconte donc dans ses mémoires qu’un jour, étant tout près de se noyer dans un bain, il a revu toute son existence passée surgir de sa mémoire en un seul tableau.

Si, dans des circonstances analogues, d’autres per­sonnes décrivent autrement les images qu’elles ont vues, même au point que ces images n’ont apparemment que peu de rapport avec les événements de leur passé, ce n’est pas en contradiction avec ce qui vient d’être dit, car, lorsque la séparation entre l’éthérique et le physique se fait dans ces conditions tout à fait excep­tionnelles, le rapport en question peut être difficile à découvrir.

Il se révélera pourtant toujours à un examen sérieux. On ne peut pas non plus objecter qu’au moment où elles allaient se noyer certaines personnes n’ont pas fait l’expérience décrite plus haut.

Il ne faut pas oublier qu’elle ne peut avoir lieu que si le corps éthérique est vraiment séparé du corps physique tout en restant uni au corps astral. Si, sous l’effet de la frayeur, un relâchement se produit entre l’astral et l’éthérique, l’expérience n’est plus pos­sible ; il n’y a plus, comme dans le sommeil sans rêves, qu’une inconscience totale.

Après cette vision du grand tableau résumant les souvenirs du passé dans les premiers temps qui suivent la mort, le corps astral séparé du corps éthérique poursuit seul son chemin. Il n’est pas difficile de comprendre que subsiste encore en lui tout ce qu’il a pu assimiler par sa propre activité pendant son séjour dans le corps physique.

Le Moi a élaboré jusqu’à un certain point le Moi spirituel, l’Esprit de vie et l’Homme-Esprit. Pour autant que ceux-ci sont développés, ils ne tiennent pas leur existence des organes corporels, mais du Moi.

Et ce Moi est précisément l’être qui n’a pas besoin d’organes extérieurs pour percevoir ; il n’en a pas besoin non plus pour rester en possession de ce qu’il a acquis.

On pourrait demander pourquoi aucune perception de ces trois éléments supérieurs déjà développés n’a lieu pendant le sommeil. S’il en est ainsi, c’est parce qu’entre la naissance et la mort, le Moi est enchaîné au corps physique ; bien qu’il se trouve en dehors de celui-ci pendant le sommeil, il lui reste encore étroitement uni.

Car l’activité de son corps astral est orientée vers le corps physique. De ce fait le Moi dirige sa faculté de perception vers le monde des sens, ce qui l’empêche de saisir la révélation de l’esprit sous sa forme immédiate.

C’est à la mort seulement que cette révélation peut atteindre le Moi parce qu’il est alors libéré de son union avec les corps physique et éthérique.
À ce moment, un univers nouveau peut s’illuminer pour l’âme du fait qu’elle est arrachée au monde physique qui, durant la vie, absorbait toute son activité.

Il y a pourtant des raisons pour que, même à ce moment, tout lien ne soit pas rompu entre l’être humain et le monde sensible extérieur. La persistance de certaines convoitises fait notamment que ce lien se maintient.

Ces convoitises, ce sont celles qui appa­raissent chez l’homme du fait qu’il est conscient de son Moi en tant que quatrième élément de sa constitution. Les convoitises, les désirs qui résultent de ses trois éléments inférieurs ne peuvent évidemment avoir d’effet que dans le monde extérieur et quand ces éléments ont disparu, ils cessent d’exister.

La faim par exemple a sa cause dans le corps physique ; elle disparaît dès que ce corps n’est plus lié au Moi.

Si ce Moi n’avait pas d’autres désirs que ceux qui tiennent à sa propre nature spirituelle, il pourrait être pleinement satisfait dans le monde spirituel où il entre après la mort. Mais la vie lui en a donné d’autres.

Elle a éveillé en lui le besoin de jouissances que seuls des organes physiques peuvent assouvir, bien que ce besoin ne provienne pas de ces organes eux-mêmes.

Non seule­ment les trois éléments corporels exigent d’être satisfaits par le monde physique, mais le Moi connaît lui aussi, dans ce monde, des jouissances qu’aucun objet ne peut apaiser dans le monde spirituel. Dans la vie, les désirs du Moi sont de deux sortes.

Les uns qui émanent des corps inférieurs demandent à être satisfaits dans ces corps et s’éteignent lorsque ceux-ci se désagrègent.

Les autres découlent de la nature spirituelle du Moi. Ces derniers sont satisfaits, eux aussi, grâce aux organes corporels tant que le Moi vit dans un corps.

Car un élément spirituel caché vit dans ce que révèlent ces organes et, par tout ce que perçoivent les sens, ils reçoivent également de l’esprit.

Or cet élément spirituel existe encore après la mort bien que sous une autre forme. Et tout ce que le Moi désire de spirituel dans le monde sensible, il peut aussi l’avoir quand les sens ont disparu.

Si, à ces deux sortes de désirs, ne venait pas s’en ajouter une troisième, la mort signifierait simplement le passage de désirs qui peuvent être satisfaits par les sens à d’autres qui trouvent leur réalisation dans la révélation du monde spirituel.

Cette troisième sorte de désirs, ce sont ceux auxquels le Moi donne naissance pendant son existence dans le monde des sens parce qu’il trouve du plaisir à cette existence, même lorsque l’esprit ne s’y mani­feste pas.

Les jouissances les plus grossières peuvent être des ma­nifestations de l’esprit. La satisfaction qu’éprouve l’homme affamé à se nourrir est une manifestation de l’esprit.

Car l’absorption de nourriture assure l’existence d’un organisme sans lequel, en un sens, l’esprit ne pourrait pas poursuivre son développement. Mais le Moi peut aller au-delà de la jouissance qui accompagne néces­sairement cette absorption.

Il peut avoir envie de mets savoureux, abstraction faite du service ainsi rendu à l’esprit.

Il en est de même pour d’autres choses dans le monde sensible. Des désirs y naissent qui ne s’y seraient jamais manifestés si le Moi humain n’y était pas entré, mais ces désirs n’émanent pas de la nature spirituelle du Moi.

Tant que celui-ci vit dans un corps, il ne peut pas faire autrement que d’avoir des désirs sensuels bien qu’il soit lui-même de nature spirituelle.
Car de l’esprit se révèle dans ce qui est sensible et ce dont le Moi jouit en s’adonnant dans le monde sensible à quelque chose où transparaît la lumière de l’esprit, ce n’est rien d’autre que cet esprit lui-même.

Le Moi continuera à jouir de cette lumière spirituelle, même quand son rayonnement ne passera plus par la satisfaction des sens. Mais il ne peut y avoir d’assouvissement dans le monde spirituel pour des désirs auxquels l’esprit n’a pas participé dès le monde sen­sible.

Lorsqu’intervient la mort, toute possibilité de les satisfaire est exclue. Il ne peut y avoir jouissance de mets savoureux que si les organes nécessaires à l’absorption d’aliments existent : le palais, la langue, etc.

Or l’homme n’en possède plus quand il a abandonné son corps physique.

Si le Moi éprouve encore le besoin de jouissances de ce genre, ce besoin reste nécessairement insa­tisfait. Pour autant que la jouissance correspond à un besoin de l’esprit, elle persiste seulement tant qu’existent des organes phy­siques.

Mais si le Moi qui l’a fait naître ne l’a pas mise au ser­vice de l’esprit, elle subsiste après la mort comme un désir vai­nement assoiffé de satisfaction. On peut se faire une idée de ce qui se passe alors pour l’homme en se représentant quelqu’un qui souffrirait d’une soif ardente dans une région où il n’y aurait d’eau nulle part.

Il en va de même pour le Moi si, après la mort, il nourrit encore des désirs inassouvis de jouissance, alors qu’il n’a plus d’organes permettant de les satisfaire. Cette soif ardente à laquelle on peut comparer l’état du Moi après la mort, il faut naturellement se la représenter comme démesurément accrue et s’étendant à toutes les passions pour lesquelles il n’y a plus d’apai­sement possible.

Le pas suivant consiste pour le Moi à se libérer de cet attache­ment au monde extérieur. Il doit passer par une sorte de purifi­cation et de libération. Il lui faut extirper de lui-même tous les désirs qu’il a engendrés dans le corps et qui n’ont pas droit de cité dans le monde spirituel.
C’est comme un objet saisi et consu­mé par le feu que ce monde de passions doit être dissous, détruit après la mort.

Telle est la perspective qui s’ouvre sur ce que la science spirituelle appelle « le feu dévorant de l’esprit ». Ce « feu » s’attaque à toute passion de nature sensuelle si l’on ne voit pas dans son objet une manifestation de l’esprit.

On pourrait trouver désespérant et même terrifiant ce que décrit ainsi la connaissance supra-sensorielle. Il pourrait sembler effrayant qu’un espoir uniquement réalisable par des organes phy­siques doive se transformer après la mort en désespérance, qu’un désir que seul le monde physique peut assouvir doive avoir pour conséquence une privation aussi torturante.

On ne sera pour­tant pas de cet avis si l’on songe que tous les désirs et les convoi­tises qui sont consumés après la mort par le « feu dévorant » correspondent, d’un point de vue supérieur, à des forces non pas bénéfiques, mais destructrices.

Ces forces font que, dans la vie, le Moi se lie au monde des sens plus que ce ne lui serait néces­saire pour en tirer profit.

Ce monde des sens est une manifesta­tion de l’élément spirituel qui est caché derrière lui. Jamais le Moi ne pourrait atteindre l’esprit sous la forme où celui-ci peut se révéler à des sens physiques s’il se refusait à utiliser ces sens pour y parvenir à travers le sensible.

La véritable réalité spiri­tuelle de l’univers lui échappe pourtant dans la mesure où il convoite quelque chose du monde sensible sans y reconnaître la voix de l’esprit.

Selon que la jouissance des sens est conçue ou non comme une manifestation de l’esprit, elle correspond à une élévation, à un développement du Moi ou à son appauvrissement, à son dessèchement.

Même si elle a été satisfaite dans le monde des sens, son action desséchante sur le Moi n’en existe pas moins. Mais avant la mort, le Moi n’est pas conscient de cette action des­tructrice. C’est pourquoi cette jouissance peut éveiller dans le cours de la vie de nouveaux désirs du même genre et, sans qu’on s’en rende compte, on s’entoure ainsi soi-même d’un « feu dévo­rant ».

C’est après la mort seulement que devient visible pour l’homme ce qui l’entourait déjà pendant sa vie et dont se révèlent alors les effets salutaires et bienfaisants.

Lorsqu’on aime quelqu’un, on n’est pas uniquement attiré par ce qui peut être perçu par des organes physiques. Or c’est cela seulement que la mort fait disparaître, tandis qu’elle révèle chez l’être aimé ce qui nécessitait, pour être perçu, l’existence d’or­ganes sensoriels.

Et l’unique obstacle qui empêche alors de le voir clairement, c’est précisément la persistance de désirs que seuls des organes physiques peuvent satisfaire.
Si ces désirs ne s'éteignaient pas, la perception consciente de l’être aimé ne pour­rait jamais avoir lieu après la mort.

Vu de cette façon, ce que pourraient avoir d’effrayant ou de désespérant les phénomènes qui suivent la mort, tels que les décrit la science spirituelle, se transforme et devient pleinement satisfaisant et réconfortant.Les expériences qui suivent immédiatement la mort diffèrent encore à d’autres égards de celles de la vie.

Au cours de sa puri­fication, l’être humain vit en quelque sorte à rebours. Il repasse par tout ce qu’il a vécu depuis sa naissance. Il commence par les événements qui ont immédiatement précédé son décès pour remonter en sens inverse jusqu’à son enfance. À son regard spi­rituel se révèle tout ce qui, dans sa vie, ne provenait pas de la nature spirituelle de son Moi.

Mais maintenant, il le revit en sens inverse, pour ainsi dire. Quelqu’un qui meurt à 60 ans par exemple et qui, dans un mouvement de colère, a causé, à l’âge de 40 ans, une douleur physique ou morale à quelqu’un d’autre, revivra cet incident quand, dans son pèlerinage à rebours après sa mort, il en sera arrivé à sa quarantième année.

Mais au lieu d’éprouver la satisfaction que cette action lui a donnée pendant sa vie, il ressentira la souffrance qu’il a causée à cette autre per­sonne. Ceci montre bien que, dans un cas semblable, ne sera ressenti comme douloureux que ce qui avait eu pour cause une passion du Moi tenant uniquement au monde physique.

En obéis­sant à une impulsion de ce genre, le Moi ne nuit pas seulement à autrui, mais aussi à lui-même bien que, de son vivant, le pré­judice qu’il s’est causé échappe à sa vue. Après la mort, tout cet univers de passions malfaisantes lui devient visible.

Il se sent alors attiré vers tout être, tout objet qui aura allumé en lui une passion de ce genre, afin que, dans le « feu dévorant », elle soit consumée comme elle est née.

C’est seulement lorsque, dans son pèlerinage à rebours, l’homme en est arrivé au moment de sa naissance que toutes les passions de cet ordre ont passées par le feu purificateur. Rien ne l’empêche dès lors de se donner entièrement au monde spirituel. Il accède à un nouveau stade d’existence.

En mourant, il s’est dépouillé de son corps physique et, peu après, de son corps éthérique ; de même se désagrège alors la partie de son corps astral qui ne peut vivre qu’en ayant conscience du monde physique.

Pour la connaissance supra-sensorielle, il y a donc trois cadavres, le physique, l’éthérique et l’astral. Le moment où ce dernier est rejeté se situe à la fin de la période de purification qui dure environ le tiers du temps écoulé entre la naissance et la mort. Plus loin, lorsque sera étudié le cours de la vie humaine à la lumière de la science spiri­tuelle, on verra clairement pourquoi il en est ainsi.

Pour la vision supra-sensorielle, il y a toujours, dans le monde qui entoure l’homme, des cadavres de nature astrale, abandonnés par des êtres qui, ayant achevé leur purification, ont passé à un état supérieur d’existence, de même que, pour la perception physique, il y a des cadavres physiques là où vivent des êtres humains.

Après la purification, le Moi entre dans un état de conscience totalement différent. Tandis qu’avant la mort, les perceptions extérieures devaient venir vers lui pour que la lumière de la conscience puisse les éclairer, c’est en quelque sorte de l’intérieur que surgit maintenant un monde qui accède à la conscience.

Entre la naissance et la mort, le Moi vit aussi dans ce monde, mais celui-ci se revêt alors de manifestations sensibles.

C’est seulement lorsque, faisant abstraction de toute perception extérieure, le Moi se perçoit lui-même dans ce qu’il y a en lui de plus sacré, que se révèle directement ce qui n’apparaît autrement que sous le voile du monde sensible.

Et tout comme cette perception inté­rieure du Moi se produit avant la mort, c’est de l’intérieur qu’après la mort et la purification le monde spirituel se révèle dans sa plé­nitude.

En réalité, cette révélation se produit dès l’abandon du corps éthérique, mais le monde des passions encore tournées vers la Terre s’étend alors devant elle comme un nuage qui l’obscurcit.

On dirait qu’à un monde bienheureux d’expérience spirituelle viennent se mêler des ombres noires et démoniaques naissant des passions qui se consument dans le « feu dévorant ».

Ces passions ne sont pas seulement des ombres, mais des entités réelles ; on le voit clairement dès que le Moi, séparé des organes physiques, peut percevoir ce qui est de nature spirituelle.

Ces êtres se présentent comme des caricatures de ce que l’homme connaissait aupara­vant par la perception extérieure.

L’observation supra-sensorielle révèle que ce monde du feu purificateur est peuplé d’êtres d’un aspect hideux et repoussant pour le regard spirituel, qui semblent avoir plaisir à détruire et qui ont la passion du mal, d’un mal auprès duquel celui du monde sensible paraît insignifiant.

Ce que l’homme introduit de désirs inassouvis dans ce monde est, pour ces êtres, comme une nourriture qui renouvelle et renforce sans cesse leurs pouvoirs.

Cette image d’un monde inaccessible aux sens pourra paraître moins invraisemblable si l’on observe d’un regard objectif cer­taines espèces animales. Qu’est-ce, pour la vision spirituelle, qu’un loup cruel en chasse ?

Qu’est-ce qui se manifeste visible­ment chez lui ?

Pas autre chose qu’une âme pleine de désirs qui la poussent à agir.

On peut considérer l’aspect extérieur du loup comme une incarnation de ces désirs. Et si l’homme n’avait pas les organes nécessaires pour le percevoir, il lui faudrait pourtant admettre l’existence du loup si ces désirs se manifestaient par leurs effets, si une force invisible aux yeux venait rôder alentour en agissant comme le ferait cet animal.

Or, bien que les êtres du feu purificateur qui sont visibles pour la conscience supra-sensorielle ne le soient pas pour la perception sensible, leurs effets n’en existent pas moins : ils consistent dans la destruction du Moi si celui-ci les alimente.

Ils deviennent nettement visibles lorsque la jouissance normale s'accroît jusqu’à devenir intempérance et débauche. Car ce que les sens perçoivent ne devrait exercer une attirance sur le Moi que dans la mesure où la jouissance est légi­time, vu la nature même du Moi.

L’animal n’est poussé à convoi­ter dans le monde extérieur que ce qui est nécessaire à ses trois éléments corporels. L’homme a des jouissances supérieures parce qu’à ses trois corps s’ajoute un quatrième élément, le Moi.

Or quand le Moi réclame une satisfaction qui, au lieu de servir à le fortifier, à le faire progresser, le détruit, cette exigence ne peut venir ni de ses trois corps, ni de sa propre nature, mais seulement d’entités dont le véritable aspect demeure caché aux sens.

Ces entités peuvent justement s’attaquer à la nature supérieure du Moi et l’entraîner à des désirs qui ne dépendent pas des sens, mais qu’eux seuls peuvent satisfaire.

Les êtres en question se nourrissent en effet de passions et de désirs. Ils sont pires que n’importe quel animal, parce qu’au lieu d’agir dans le monde sensible, ils s’en prennent à l’esprit et l’en­traînent dans le domaine des sens.

C’est pourquoi leurs formes sont plus laides, plus horribles que celles des animaux les plus repoussants ; chez ceux-ci s’incarnent seulement des passions qui ont leur raison d’être dans le monde sensible.

Les forces destruc­trices de ces entités dépassent infiniment la rage meurtrière du règne animal. La connaissance supra-sensorielle permet ainsi à la vision humaine de s’étendre à un monde peuplé d’êtres qui se situe à maints égards au-dessous du monde visible des animaux destructeurs.

Après avoir traversé cette région, l’être humain aborde un monde spirituel qui n’éveille en lui qu’un besoin, lequel trouve précisément sa satisfaction dans l’esprit. Mais il fait encore la distinction entre ce qui appartient à son propre Moi et ce qui en constitue l’environnement - on pourrait aussi dire le monde spi­rituel extérieur à ce Moi.

Ce qu’il saisit de cet environnement vient à lui de la même manière que lui venait la perception de son Moi pendant qu’il séjournait dans un corps. Ce qui entourait l’homme pendant sa vie entre la naissance et la mort lui parlait à travers ses organes sensoriels.

Maintenant, tout ce qui est corps ayant disparu, son nouvel entourage s’adresse directement au centre le plus sacré de son Moi. Tout cet entourage est peuplé d’entités de même nature que le Moi, car seul un Moi peut avoir accès à un autre Moi.

Dans le monde sensible, l’homme vit entouré de minéraux, de végétaux et d’animaux qui composent ce monde ; après la mort, il est entouré d’un univers constitué par des entités de nature spirituelle. Il introduit pourtant dans cet univers quelque chose de nouveau, c’est-à-dire l’expérience vécue par son Moi dans le monde sensible.

Dès après la mort, alors que son corps éthérique tient encore à son Moi, l’ensemble de ses expériences lui apparaît comme un vaste tableau de sou­venirs. Le corps éthérique est ensuite rejeté, mais il reste de ce tableau quelque chose qui devient alors la propriété impérissable du Moi.

Ce qui subsiste ainsi est comparable à un extrait, à la quintessence de toutes les expériences faites par l’être humain entre sa naissance et sa mort. C’est le produit, le fruit de sa vie, et ce fruit est de nature spirituelle ; il contient tout ce qui se manifeste de spirituel par l’intermédiaire des sens, mais il n’aurait jamais pu apparaître si le Moi n’avait pas vécu dans le monde sensible.

Après la mort, le Moi a l’impression que ce fruit spirituel constitue maintenant son propre monde intérieur ; il l’emporte dans un univers composé d’êtres qui se révèlent comme seul le Moi peut se révéler à lui-même dans son for intérieur.

Tout comme une graine, c’est-à-dire un extrait de la plante tout entière, ne se développe que si elle est semée dans un autre milieu, la Terre, ce que le Moi a emporté du monde sensible se déve­loppe, tel un germe, sous l’action de l’ambiance spirituelle qui l’accueille maintenant.

La science spirituelle ne peut décrire qu’en images ce qui se passe dans ce « pays des esprits », mais ces images peuvent être de telle sorte qu’elles se présentent comme des réalités à la cons­cience supra-sensorielle, lorsque celle-ci observe les faits corres­pondants invisibles à l’œil physique.

Ce qu’il s’agit de décrire peut être rendu compréhensible au moyen de comparaisons tirées du monde sensible, car, bien que purement spirituel, le monde de l’esprit a une certaine analogie avec celui des sens.

De même que, dans ce dernier, on voit par exemple une couleur lorsque tel ou tel objet fait une impression sur l’œil, le Moi a une impression de couleur lorsqu’un être agit sur lui dans le « monde des esprits ».

Mais cette expérience se produit comme seule peut se produire la perception du Moi dans la vie intérieure entre la nais­sance et la mort. Ce n’est pas comme si la lumière entrait de l’extérieur dans l’être humain, mais plutôt comme si un autre être agissait directement sur le Moi et l’incitait à se représenter l’effet produit comme une image colorée.

Ainsi, tous les êtres de l’entourage spirituel du Moi trouvent leur expression dans un monde rayonnant de couleurs.

Comme ces impressions colorées du monde spirituel ont une origine tout autre que celles du monde sensible, elles ont bien entendu un caractère un peu différent. Il faut en dire autant des autres impressions ressenties par l’homme dans le monde sen­sible.

Ce qui ressemble le plus, dans le monde spirituel, aux impressions des sens, ce sont les sons. Plus l’homme s’adapte à cet univers, plus il lui apparaît comme fait de vie en mouvement, une vie comparable à ce que seraient, dans la réalité sensible, des sons et leur harmonie.

L’homme ne perçoit pas ces sons comme agissant de l’extérieur sur un organe, mais comme une force qui se propage dans l’univers à travers son Moi. Ils lui font la même impression que sa propre parole ou son chant dans le monde sensible ; mais, dans le monde spirituel, il sait que ceux qu’il émet sont également des manifestations d’autres entités qui, à travers lui, se répandent dans l’univers.

Une manifestation encore plus haute a lieu dans le « monde des esprits » lorsque le son devient « parole spirituelle ».

Alors ce n’est plus seulement la vie en mouvement d’un autre être spirituel qui passe à travers le Moi ; cet être communique à ce Moi sa propre nature intérieure.
Ce qui sépare inévitablement deux êtres dans le monde des sens étant éliminé, ces êtres vivent l’un dans l’autre quand le Moi est imprégné par le « verbe spirituel ». Telle est réellement, après la mort, la communion du Moi avec d’autres êtres spirituels.

Pour la conscience supra-sensorielle, il y a dans le monde des esprits trois régions qui peuvent se comparer à trois parties du monde physique. La première région est en quelque sorte la « terre ferme » du monde spirituel, la seconde l’élément liquide ou « mer » et la troisième « l’atmosphère ».

La nature spirituelle de ce qui revêt sur la Terre une forme perceptible à des organes physiques devient visible dans la première région du monde des esprits. C’est là qu’on peut découvrir la force qui donne sa forme à un cristal par exemple. Mais ce qui se révèle ainsi, c’est pour ainsi dire l’opposé de ce qui se voit dans le monde physique.

L’espace qui, dans ce dernier, est occupé par une masse minérale apparaît au regard spirituel comme une sorte de creux, tandis qu’on voit tout autour la force qui lui donne sa forme. La pierre qui a une certaine couleur dans le monde des sens apparaît avec la couleur complémentaire dans le monde spirituel ; une pierre de couleur rouge semble verte ; une verte paraît rougeâtre, etc.

Les autres propriétés des objets apparaissent également sous l’aspect opposé au leur. Tout comme, dans le monde sensible, les pierres, les masses minérales et d’autres formations du même genre constituent la terre ferme - les continents - les forma­tions qui se présentent ainsi constituent la « terre ferme » du monde spirituel.

Quant à ce qui est vie dans le monde sensible, c’est l’élément liquide du monde spirituel. Les sens physiques perçoivent la vie dans ses effets chez les plantes, les animaux et les êtres humains ; pour le regard spirituel, la vie est une réalité mouvante qui se répand à travers le monde des esprits comme l’eau de la mer et des fleuves sur la Terre ou, pour prendre une meilleure compa­raison, comme le sang à travers le corps humain.

Car, tandis que les mers et les cours d’eau sont inégalement répartis sur la Terre, la répartition des courants de vie dans le monde des esprits obéit, comme la circulation du sang, à une certaine régularité. Et ce « flot de vie » est également perçu comme une résonance spiri­tuelle.

La troisième région du monde des esprits, c’est son « atmo­sphère ». Ce qui est sensation dans le monde physique existe dans le domaine de l’esprit de la même façon que l’air sur la Terre, c’est-à-dire que tout en est imprégné. Il faut se représenter un océan de sensations en mouvement. Peine et douleur, joie et ravissement parcourent ce domaine comme le vent et la tempête sillonnent l’atmosphère du monde sensible.

Supposons qu’une bataille se livre sur le plan physique. Il ne s’agit pas seulement d’une lutte entre des formes humaines, mais de sentiments, de passions qui s’affrontent. Il y a autant de souffrances que de corps humains sur-le-champ de bataille.

Passions, douleurs, exaltation de la victoire, tout cela ne se manifeste pas seulement par ses effets apparents.

L’esprit en prend conscience comme d’un phé­nomène qui se passe dans l’élément aérien du monde des esprits, phénomène comparable à un orage dans le monde physique et dont la perception ressemble à l’audition de paroles dans le domaine des sens. C’est pourquoi on dit que, tel l’air qui enve­loppe et imprègne les êtres et les objets terrestres, le « souffle du verbe spirituel » enveloppe et imprègne ceux du monde des esprits.

D’autres perceptions sont encore possibles dans ce monde spi­rituel. Il s’y trouve également quelque chose qu’on peut comparer à la chaleur et à la lumière du plan physique.

Ce qui, comme la chaleur dans le monde physique, imprègne tout dans le pays de l’esprit, ce sont les pensées ; mais il faut se représenter ces pen­sées comme des êtres vivants, autonomes.

Ce que l’homme entend par pensée dans le monde manifesté n’est que l’ombre des êtres de pensée qui vivent dans le monde spirituel.

Qu’on se représente une idée distincte de celui qui la conçoit, tel un être actif et doué de vie intérieure, et l’on aura une faible image de ce qui remplit la quatrième région du monde des esprits.

Les idées que l’homme peut concevoir dans le monde physique entre sa nais­sance et sa mort ne sont que des révélations d’un monde de pen­sée selon l’aspect qu’elles peuvent prendre en passant par l’in­termédiaire du corps.

Mais toute pensée humaine qui enrichit le monde physique émane de cette source. Ceci ne vaut pas seule­ment pour les idées conçues par de grands inventeurs, des hommes de génie ; tout être humain peut avoir de ces « inspira­tions » qu’il ne doit pas au seul monde extérieur, mais au moyen desquelles il le transforme.

Tant qu’il s’agit de sentiments ou de passions dont la cause réside dans ce monde extérieur, ces sentiments font partie de la troisième région du monde des esprits ; mais tout ce qui, dans l’âme, permet à l’homme de devenir créateur, d’agir en trans­formant, en enrichissant le milieu dans lequel il vit, se révèle sous sa forme originelle dans la quatrième région.

Quant à ce qui existe dans la cinquième région, on peut le comparer à la lumière physique. C’est de la sagesse se manifestant dans sa forme originelle. Les êtres qui répandent leur sagesse autour d’eux comme le soleil répand sa lumière dans le monde physique appartiennent à cette région.

Ce qui est éclairé par cette sagesse se montre alors dans sa vraie signification et son importance pour le monde spirituel, de même qu’un être physique révèle sa cou­leur quand il est en pleine lumière. Il y a encore des régions plus élevées dans le monde des esprits. Leur description figurera dans la suite de cet ouvrage.

C’est dans cet univers que le Moi est plongé après la mort avec tout ce qu’il apporte de son existence terrestre. Cet apport est encore uni à la partie du corps astral qui n’a pas été rejetée à la fin de la période de purification. Seule disparaît en effet la par­tie de ce corps dont les appétits et les désirs étaient tournés vers la vie physique.

L’introduction du Moi dans le monde spirituel avec ce qu’il s’est approprié du monde sensible est comparable à la plantation d’une graine dans la terre nourricière. Tout comme cette graine tire des substances et des forces du milieu qui l’en­toure, afin de donner naissance à une nouvelle plante, le Moi qui est plongé dans le monde spirituel y croît et s’y épanouit.

Dans ce que perçoit un organe se trouve également la force qui construit cet organe. L’œil perçoit la lumière, mais sans lumière, il n’y aurait pas d’œil. Les êtres qui passent leur vie dans l’obscu­rité ne possèdent aucun organe visuel.

De même, le corps humain tout entier est édifié par des forces cachées dans ce qui est perçu par ses organes.

Le corps physique est constitué par les forces du monde physique, le corps éthérique par celles du monde de la vie et le corps astral tire sa constitution du monde astral.

Lorsque le Moi se trouve dans le monde spirituel, il voit venir à lui des forces qui restent cachées à la perception physique.

Ce qui lui devient visible dans la première région du monde des Esprits, ce sont les entités spirituelles qui entourent toujours l’homme et qui ont aussi formé son corps physique.

Dans le monde phy­sique, l’homme ne perçoit pas autre chose que les manifestations des forces spirituelles qui ont servi à édifier ce corps. Après la mort, il se trouve mêlé à ces forces formatrices qui se montrent maintenant à lui sous leur véritable aspect.

Il vit de même dans la seconde région parmi les forces qui ont formé son corps éthé­rique et dans la troisième, viennent à lui les puissances dont est issu son corps astral. Enfin, des régions les plus élevées du monde spirituel afflue vers lui ce qui le constitue pendant son existence entre la naissance et la mort.

Les entités du monde spirituel se servent de ce que l’homme apporte de sa vie passée et qui devient maintenant graine. Ceci fait que cet homme est en quelque sorte reconstitué en tant qu’être spirituel.

Pendant le sommeil, les corps physique et éthérique existent toujours ; le Moi et le corps astral leur sont encore unis, tout en étant en dehors d’eux. Les influences qu’ils reçoivent alors du monde spirituel ne peuvent servir qu’à réparer leurs forces épuisées pendant la veille.

Mais lorsqu’après la mort, ces deux corps ont disparu, ainsi que la partie du corps astral qui restait encore unie par ses désirs avec le monde extérieur après la puri­fication, tout ce qui vient du monde spirituel vers le Moi ne fait pas que réparer, mais reconstitue.

Et, après un certain temps dont il sera question dans une autre partie de cet ouvrage, un nouveau corps astral se forme autour du Moi, un corps astral capable d’habiter un corps éthérique et un corps physique tels que l’être humain en possède entre la naissance et la mort.

Cet être peut alors passer de nouveau par la naissance et entrer dans une existence terrestre à laquelle s’est intégré le fruit de sa vie précédente.Jusqu’à l’achèvement de son corps astral, l’être humain est témoin de sa propre reconstitution.

Comme les puissances du monde spirituel ne se révèlent pas à lui par des organes exté­rieurs, mais de l’intérieur - à la façon du Moi quand il prend conscience de lui-même - il peut recevoir cette révélation tant que son esprit n’est pas orienté vers la perception d’un monde extérieur.
Mais dès l’instant où le nouveau corps astral est formé, l’esprit se tourne vers le dehors.

Le corps astral exige maintenant un corps éthérique et un corps physique.

Il se détourne ainsi de toute révélation intérieure.

C’est pourquoi un stade intermédiaire intervient alors pendant lequel l’être humain tombe dans l’incons­cience. La conscience ne pourra renaître que dans le monde phy­sique lorsque seront formés les organes nécessaires à la percep­tion sensorielle.

Pendant le temps où s’éteint la conscience qu’éclairait aupara­vant la perception intérieure, le nouveau corps éthérique com­mence à se joindre au corps astral et l’homme peut maintenant se revêtir d’un corps physique. À cette double incorporation pourrait seul participer consciemment un Moi qui aurait tiré de lui-même les forces créatrices cachées dans les corps physique et éthérique : l’Esprit de vie et l’Homme-Esprit.

Tant que l’être humain n’en est pas encore là, il faut que des entités plus avan­cées que lui dans leur évolution dirigent cette incorporation. Ces entités orientent donc le corps astral vers un couple de parents, afin qu’il soit pourvu d’un corps éthérique et d’un corps physique lui convenant.

Avant que s’accomplisse l’incorporation du corps éthérique, il se passe quelque chose d’extrêmement important pour l’être qui revient à une existence physique. Pendant sa vie précédente, il a donné naissance à des forces de destruction qui se sont révé­lées à lui après sa mort au cours de son pèlerinage à rebours.

Prenons un exemple qui nous a déjà servi. Dans un mouvement de colère, cet être a fait du mal à quelqu’un, à l’âge de quarante ans. Cette souffrance causée à autrui lui est apparue comme une force qui s’oppose au développement de son propre Moi.

Il en est de même pour tout ce qui s’est passé d’analogue dans son exis­tence précédente. Lors de son retour à la vie physique, ces obstacles se dressent de nouveau devant le Moi.

Et de même que, peu après la mort, ce Moi avait vu apparaître une sorte de tableau rétrospectif, il a maintenant une vision prémonitoire de sa future existence.

Cette vision révèle à l’homme tous les obstacles qu’il devra écarter de sa route pour que son développement se pour­suive.

Et ce qu’il voit ainsi est le point de départ de forces qu’il devra emporter avec lui dans sa nouvelle existence.

L’image de la douleur qu’il a causée à autrui devient une force qui incite le Moi revenu à la vie à réparer ce mal. Ainsi la vie précédente agit sur la suivante en la déterminant. Les actions de cette nou­velle vie sont causées en quelque sorte par celles de la vie anté­rieure.

Ce rapport de cause à effet entre deux existences succes­sives, c’est la loi du destin. On a pris l’habitude de lui donner le nom de Karma, emprunté à la sagesse orientale.

L’édification d’un nouvel ensemble corporel n’est pourtant pas la seule tâche qui incombe à l’homme entre la mort et une nou­velle naissance.
Pendant que s’effectue cette édification, il vit en dehors du monde physique, mais celui-ci avance simultanément dans son évolution. En relativement peu de temps, la Terre change d’aspect.

Qu’étaient il y a quelques millénaires les territoires occu­pés actuellement par l’Allemagne ?

En général, quand l’homme revient à une nouvelle existence sur la Terre, celle-ci est toute différente de ce qu’elle était lors de sa vie précédente ; pendant son absence, bien des choses ont changé.

Cette transformation du visage de la Terre est l’œuvre de forces cachées, dont l’action provient du monde où l’homme se trouve après sa mort, et lui-même doit collaborer à ce changement.

Il ne peut le faire que sous la direction d’entités supérieures tant que, par la naissance en lui de l’Esprit de vie et de l’Homme-Esprit, il n’a pas pris clai­rement conscience du rapport qui unit l’esprit à sa manifestation physique. Il contribue pourtant à la transformation des condi­tions terrestres.

On peut dire qu’entre la mort et une nouvelle naissance, les êtres humains transforment la Terre de façon à ce que les conditions qui y règnent s’accordent avec ce qu’ils ont développé en eux-mêmes.

Si l’on observe un coin de terre à un moment donné et qu’après très longtemps, on découvre qu’il est dans un état tout différent, c'est parce que des forces venant des morts ont opéré cette transformation. Les défunts restent ainsi en contact avec la Terre, même entre la mort et une nouvelle naissance.

Pour la connaissance supra-sensorielle, tout ce qui existe phy­siquement est la manifestation d’un élément spirituel caché. Pour l’observation ordinaire, la transformation de la Terre est due à la lumière du soleil, aux modifications du climat, etc.

Pour l’ob­servation supra-sensorielle, il y a dans le rayon de soleil qui tombe sur la plante une force spirituelle venant des défunts ; des âmes humaines planent autour des végétaux et modifient l’aspect du sol.

Après la mort, l’homme ne s’occupe pas seulement de lui-même de préparer sa future existence terrestre. Il est appelé en outre à travailler spirituellement dans le monde extérieur, comme il est appelé à le faire matériellement entre sa naissance et sa mort.

Mais si la vie de l’être humain dans le monde spirituel réagit sur les conditions du monde physique, son activité dans l’exis­tence physique a inversement des effets dans le monde spirituel.

Un exemple peut faire comprendre ce qui se passe à cet égard. Un lien d’amour unit la mère à l’enfant. Cet amour a pour ori­gine une attirance tenant à des forces du monde sensible.

Mais ce lien se transforme avec le temps et se spiritualise de plus en plus.

Or ce lien spirituel s’est créé non seulement pour le monde physique, mais aussi pour celui de l’esprit. Et il en est de même pour d’autres relations.

Ce qui a été tissé dans le monde phy­sique par des êtres spirituels subsiste dans le monde des Esprits.

Là se retrouvent des amis qui se sont étroitement liés dans la vie. Après avoir quitté leurs corps, ils sont même beaucoup plus unis que pendant leur vie terrestre.

Car en tant qu’esprits, ils ont des rapports analogues à ceux qu’ont entre eux les êtres spirituels dont il a été dit plus haut qu’ils communient dans une même vie intérieure. Et le lien qui s’est ainsi créé entre deux personnes les réunit de nouveau dans la vie suivante.

C’est donc au vrai sens du mot qu’on peut dire des êtres humains qu’ils se retrouvent après la mort.

Ce qui se passe pour l’homme de la naissance à la mort, puis de la mort à une nouvelle naissance, se répète constamment.

L’homme revient sans cesse sur la Terre quand le fruit qu’il a récolté d’une existence terrestre est arrivé à maturité dans le monde des Esprits. Pourtant, cette répétition n’est pas sans com­mencement ni fin. À un moment donné, l’homme a passé de formes d’existence toutes différentes à celles qui viennent d’être décrites et dans l’avenir, il en connaîtra d’autres.

On aura une idée de ces différents stades lorsqu’il sera question plus loin de l’évolution du Cosmos dans ses rapports avec l’être humain.

Ce qui se passe entre la mort et une nouvelle naissance est naturellement encore plus caché à l’observation extérieure que l’élément spirituel qui est à la base de l’existence entre la nais­sance et la mort.

L’observation sensorielle ne peut constater les effets de cette partie du monde invisible que là où ils intervien­nent dans la vie physique.

La question se pose donc de savoir si l’homme apporte en naissant quelque chose qui confirme les faits décrits par la science spirituelle comme se produisant entre la mort et une nouvelle naissance.

Si quelqu’un trouve une coquille d’escargot dans laquelle il ne reste rien de l’animal, il admettra pourtant que cette coquille a été produite par l’activité de cet animal et ne se figurera pas qu’elle doit sa forme à des forces purement physiques.

De même, quiconque étudie la vie d’un être humain et y découvre quelque chose qui ne peut pas avoir son origine dans cette vie actuelle pourra raisonnablement admettre ce qu’enseigne à ce sujet la connaissance supra-sensorielle s’il voit s’éclairer ainsi ce qui, autrement, reste inexplicable.

Ici aussi, l’observation par les sens et le raisonnement permettent de sai­sir les causes invisibles d’après leurs effets visibles.

Et cela, tout observateur vraiment impartial le vérifiera toujours davantage, à chaque nouvelle observation. Il s’agit seulement de se placer à un point de vue d’où l’on peut observer ces effets d’une façon exacte.

Où sont par exemple ceux qui résultent des phénomènes décrits par la connaissance spirituelle comme se produisant pendant la période de purification ? Comment se manifeste l’effet de ce dont l’être humain fait l’expérience, d’après les données de la recherche spirituelle dans le monde des Esprits ?

Des énigmes abondent dans ce domaine pour peu qu’on fasse une étude approfondie, sérieuse de la vie. On voit naître quel­qu’un dans la pauvreté, dans la misère, être pourvu de peu de dons, de sorte que les conditions mêmes de sa naissance semblent le prédestiner à une existence misérable.

Quelqu’un d’autre sera, dès le premier instant, soigné, choyé par des mains et des cœurs pleins de sollicitude ; des facultés brillantes se développent chez lui ; il est destiné à une existence féconde et heureuse.

Devant des énigmes de ce genre, on peut adopter deux façons de voir opposées. Si l’on ne se fie qu’à ce que perçoivent les sens et ce que peut comprendre la raison qui s’en tient à leurs données, on ne voit aucun problème dans le fait qu’un être humain naît dans des circonstances favorables et un autre dans l’infortune.

Même si l’on n’invoque pas le hasard, on ne pensera pas à expliquer ces faits par une causalité logique. Quant aux dispositions, aux dons innés, on y verra « l’héritage » des parents, des grands-parents, des ancêtres en général.

On se refusera alors à en chercher les causes dans des événements d’ordre spirituel, vécus par l’être en q notion avant sa naissance - en marge de son hérédité - et d’où il tiendrait ses prédispositions et ses dons.

SI l’on adopte une autre façon de voir, on ne sera pas satisfait par une conception de ce genre.

On se dira que rien n’arrive nulle part, dans un certain endroit ou dans un certain milieu du monde manifesté, sans qu’il faille l’attribuer à des causes. Même si, dans de nombreux cas, on ne sait pas découvrir ses causes, elles n’en existent pas moins.

Une fleur alpestre ne pousse pas dans la plaine ; il y a dans sa nature quelque chose qui la destine à la région des Alpes.

Il doit de même y avoir chez un être humain quelque chose qui le fait naître dans un certain milieu. Ce ne peut pas être dû à des causes purement physiques.

Pour celui qui réfléchit un peu sérieusement, ce serait comme si l’on voulait expliquer par le mécanisme de sa main et non par ses sentiments, le fait qu’une personne en a frappé une autre.

Expliquer par la seule hérédité ce qui est disposition et don inné ne suffit pas non plus.

On a beau dire : « Voyez comment certains talents se trans­mettent dans une famille. Pendant deux siècles et demi, toutes les générations de la famille Bach ont été douées pour la musique.

De la famille Bernoulli sont issus huit mathématiciens dont plu­sieurs avaient été destinés dans leur enfance à des professions tout autres ; mais leurs dons « hérités » les ont toujours poussés vers la vocation familiale. »

On dira également qu’en remontant dans la lignée ancestrale d’une certaine personnalité, on peut découvrir que ses dons sont déjà apparus chez ses aïeux, sous une forme ou une autre, et qu’ils se présentent maintenant comme un ensemble de facultés héritées.

Il ne s’agit certes pas de négliger des faits de ce genre, mais, pour celui qui adopte la seconde façon de voir, ces faits n’ont pas la même signification que pour celui qui tient uniquement compte des phénomènes du monde sensible.

Le premier fera remarquer que les dispositions héréditaires peuvent aussi peu se combiner d’elles-mêmes pour constituer une personnalité, que des parcelles métalliques peuvent s’assembler d’elles-mêmes pour faire une montre.

Et si on lui objecte que la coopération des parents peut déterminer cette combinaison, jouant ainsi le rôle de l’horloger, il répondra : « Remarquez sans parti pris ce qu’il y a de totalement nouveau dans une personnalité d’enfant ; cela ne peut pas venir de ses parents, tout simplement parce que cela n’existe pas chez eux. »

Une pensée peu claire peut causer beaucoup de confusion dans ce domaine. Ce qu’il y a de pire, c’est que les partisans de la première façon de voir présentent ceux de la seconde comme opposés à ce qui s’appuie sur des « faits certains ».

Il ne vient pourtant à l’esprit de personne de nier l’exactitude ou la valeur de ces faits. Les défenseurs de la seconde façon de voir voient bien par exemple qu’une disposition, une tournure d’esprit particulière s’hérite dans une famille et que la réunion et la combinaison de certaines facultés chez un de ses descendants donnent naissance à une remarquable personnalité.

Ils reconnaissent parfaitement qu’un nom illustre marque plus souvent la fin que le début d’une lignée.

Mais comment trouver mauvais qu’ils tirent de là des déductions toutes différentes de celles qu’on adopte lorsqu’on s’en tient aux phénomènes sensibles ? Tout homme possède évidem­ment les caractéristiques de ses ascendants, car l’élément psycho­spirituel qui entre dans l’existence physique par la naissance tire son enveloppe corporelle de ce que l’hérédité lui fournit.

Ceci signi­fie simplement qu’un être porte en lui les particularités du milieu dans lequel il est plongé. Pour prendre une comparaison un peu singulière et triviale, on pourrait dire ceci : le fait qu’un être humain présente les mêmes particularités que ses ascendants nous renseigne aussi peu sur l’origine de ses qualités personnelles que le fait de le voir mouillé parce qu’il est tombé à l’eau nous éclaire sur sa vie intérieure.

En outre, puisque le nom le plus illustre apparaît à la fin d’une lignée, c’est la preuve que le porteur de ce nom a eu besoin de toute cette lignée pour constituer le corps nécessaire au développement de sa personnalité.

Cela ne prouve nullement que l’élément personnel soit héréditaire, mais, pour une saine logique, tout le contraire. Si les aptitudes personnelles s’héritaient, elles devraient en effet se révéler dès le début et se transmettre ensuite à tous les descendants de la lignée. Puis­qu’elles apparaissent à la fin de celle-ci, c’est la preuve qu’elles ne sont pas héréditaires.

D’autre part, il est incontestable que, du côté de ceux qui voient dans la vie une causalité spirituelle, on ne contribue pas moins à la confusion.
On en reste trop souvent aux généralités ; on s’ex­prime d’une façon trop vague.

Certes, quand on dit que la per­sonnalité d’un être humain n’est que la somme des particularités dont il a hérité, c’est vraiment comme si l’on prétendait que les parties métalliques d’une montre se sont réunies d’elles-mêmes.

Mais il faut aussi reconnaître que beaucoup d’affirmations concer­nant le monde spirituel en reviennent à dire : du moment que l’assemblage des pièces métalliques de la montre ne suffit pas à en faire avancer les aiguilles, il faut admettre l’intervention d’un élément spirituel.

À l’égard d’un raisonnement de ce genre, on se place sur le meilleur des terrains en disant : « Je n’ai que faire de ces êtres « mystiques » qui feraient avancer les aiguilles ; je cherche à comprendre le mécanisme de la montre qui les met en mouvement. »

Peu importe en effet de savoir que, derrière un mécanisme, celui de la montre par exemple, il y a un élément spirituel, l’horloger en l’occurrence ; l’essentiel, c’est de connaître les pensées qui, dans l’esprit de l’horloger, ont précédé la fabrica­tion de la montre. Or, dans le mécanisme, on peut retrouver ces pensées.

Tout ce qui est uniquement rêverie ou spéculation fantaisiste au sujet du monde spirituel ne peut qu’être cause de confusion. Ce n’est guère propre à convaincre des opposants.

Ceux-ci ont raison quand ils disent que faire simplement allusion, d’une façon générale, à l’existence d’êtres spirituels ne permet nullement de mieux comprendre les faits.

Il est vrai que ces contradicteurs font la même objection aux données précises de la science spirituelle.

Mais alors on peut leur montrer comment se révèlent dans la vie extérieure les effets de causes spirituelles cachées.

On peut leur dire par exemple : supposons que soit exact ce que la science spi­rituelle affirme avoir établi par l’observation, c’est-à-dire qu’après sa mort, l’homme passe par une période de purification au cours de laquelle il sait par expérience que telle action commise par lui dans sa dernière vie fait obstacle au progrès de l’évolution.

Cette expérience fait naître en lui le désir de réparer les suites de cette action, désir qu’il emportera dans une nouvelle vie. L’existence en lui de cette impulsion constitue un trait de son caractère qui l’entraînera là où la réparation en question deviendra possible.

Qu’on observe un ensemble d’impulsions de ce genre et l’on saura pour quelle raison la destinée d’un être humain l’a fait naître dans un certain milieu.

On peut prendre encore un autre exemple : supposons, comme le dit la science spirituelle, que les fruits d’une existence passée s’incorporent au noyau spirituel de l’homme ; supposons que le monde des Esprits où cet homme se trouve entre la mort et une nouvelle naissance soit le domaine où ces fruits mûrissent pour se transformer dans la vie suivante en aptitudes innées, en facul­tés, et constituer ainsi une personnalité qui apparaît alors comme la conséquence de ce qui a été acquis dans la vie précédente.

Si l’on admet ces hypothèses et qu’on les applique sans parti pris à l’observation de la vie, on verra qu’elles permettent non seule­ment de reconnaître l’importance et l’exactitude des faits d’ordre sensible, mais aussi de comprendre ce qui reste nécessairement incompréhensible à celui qui, tout en étant attiré par le monde spirituel, ne tient compte que de ce qui se révèle à ses sens.

Et surtout, on évitera l’illogisme qui consiste à penser que, puisque l’homme supérieur apparaît à la fin d’une lignée, c’est qu’il doit avoir hérité de ses dons. La vie devient ainsi logiquement com­préhensible grâce aux faits suprasensibles que communique la connaissance spirituelle.

Celui qui cherche la vérité avec sérieux et veut y voir clair dans les faits sans avoir lui-même l’expérience du monde suprasensible pourra soulever une autre objection d’importance.

Il fera valoir qu’il est inadmissible d’admettre certaines données pour la simple raison qu’on peut ainsi expliquer quelque chose qui, sans cela, resterait inexplicable.

Cette objection n’a évidemment aucun sens pour celui qui connaît les faits par expérience. Et dans la suite de cet ouvrage sera indiqué le chemin qu’on peut suivre pour connaître, par expérience personnelle, non seulement ce qui est dit ici du monde de l’esprit, mais encore la loi de causalité spirituelle.

Pour celui qui ne veut pas s’engager dans cette voie, une objection de ce genre a sans doute un sens. Et ce qu’il faut y répondre a également de la valeur pour celui qui se décide à suivre le chemin en question. Car si on comprend bien la portée de cette réponse, on fait ainsi le meilleur des premiers pas qu’on puisse faire sur ce chemin.

Il est certain qu’on ne saurait admettre l’existence de quelque chose, dont on ne savait rien jusqu’alors, pour l’unique raison qu’ainsi s’explique ce qui sans cela resterait inexplicable. Mais il en est autrement des données spirituelles en question.

Le fait d’en admettre la possibilité n’a pas seulement pour conséquence de rendre la vie compréhensible ; il se passe encore autre chose dans la pensée de celui qui y réfléchit.

Prenons le cas suivant : quel­qu’un passe par une expérience qui éveille en lui des sentiments très pénibles. Il peut alors adopter l’une des deux attitudes sui­vantes. Douloureusement ému par cet événement, il peut se laisser aller à des sentiments et même s’absorber dans sa douleur.

Mais il peut aussi se dire : en réalité, j’ai causé moi-même, dans une vie antérieure, ce qui m’a exposé à ce malheur ; c’est moi-même qui me le suis attiré. Il pourra alors éprouver les sentiments qui découlent d’une pareille idée ; il faut bien entendu que cette idée soit vécue avec un profond sérieux et toute la force possible pour qu’elle ait cet effet sur la sensibilité et la vie affective.

On fait dans ce cas une expérience que la comparaison suivante permet de mieux comprendre.

Supposons que deux personnes aient chacune à la main un bâton de cire à cacheter. L’une d’elles se livre à des considérations intel­lectuelles sur la constitution de ce bâton.

Ces considérations pour­ront être très subtiles, mais n’auront aucun sens si cette consti­tution interne ne se révèle pas au-dehors. L’autre personne frotte son bâton avec un chiffon et l’on voit qu’il attire à lui de petites particules de matière.

Il y a une grande différence entre les pen­sées qui ont passé par la tête de la première personne et celles de la seconde. Les premières n’ont eu aucune conséquence effec­tive ; les secondes ont fait sortir de son état latent une force, c’est-à-dire quelque chose de réel.

Il en est de même des pensées d’une personne qui se représente qu’elle a engendré, dans une existence antérieure, la force qui l’a mise en présence de tel ou tel événement.

Cette simple représentation éveille en elle une véritable énergie qui lui permet de se comporter à l'égard de cet événement tout autrement que si elle n’avait pas eu cette idée.

Ainsi s’éclaire pour elle la nécessité de ce qui, sans cela, lui aurait semblé dû au hasard. Et son idée lui paraîtra d’autant plus juste qu’elle a eu le pouvoir de lui faire découvrir la réalité.

Si ces expériences intérieures se répètent, elles deviennent un moyen d’accroître les forces de l’âme et leur fécondité est la preuve, toujours plus évidente, de leur exactitude.

Elles agissent en assainissant l’esprit, l’âme et le corps ; elles sont à tous égards favorables à la vie.

L’homme devient ainsi cons­cient qu’il s’intègre d’une façon juste à la vie universelle, tandis qu’en ne tenant compte que d’une seule existence humaine, limi­tée par la naissance et la mort, il vit dans l’erreur.

Une preuve de ce genre, purement subjective, de la causalité spirituelle, chacun ne peut la trouver que dans sa propre vie inté­rieure ; mais elle est accessible à tous. Tant qu’on ne l’a pas admise, on ne peut juger de sa force ; mais quiconque en a fait l’expé­rience ne la mettra plus en doute.

Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’il en soit ainsi, car ce qui tient si étroitement à la nature profonde de l’être humain, à sa personnalité, ne peut naturellement être prouvé que par l’expérience intérieure.

On ne saurait objecter à cela que, celle-ci étant limitée à la vie de l’âme, elle est l’affaire personnelle de chacun et ne peut faire l’objet d’une science de l’esprit. Certes, chacun doit la faire lui-même, tout comme en mathématique, il doit admettre par lui-même la démonstration d’un théorème. Mais le chemin qui donne accès à cette expé­rience est valable pour tout homme, comme l’est la méthode qui sert à démontrer un théorème.

Il est incontestable - abstraction faite bien entendu de l’obser­vation supra-sensorielle - que cette preuve par le pouvoir des forces de la pensée est la seule qui satisfasse une véritable logique. Toute autre considération a certes son importance, mais offrira toujours des points faibles aux attaques d’un adversaire.

Celui dont le jugement est suffisamment objectif pourra déjà voir, dans la possibilité et l’efficacité de l’éducation chez l’être humain, la preuve que, dans l’enveloppe corporelle, un être spirituel lutte pour l’existence.

Comparant l’animal à l’homme, il se dira : chez le premier, ses qualités et ses facultés essentielles apparaissent comme fixées dès sa naissance, ce qui montre clairement que son développement dans le monde extérieur est déterminé par son hérédité.

Dès sa sortie de l’œuf, le jeune poussin accomplit avec précision les actes nécessaires à sa vie.

Chez l’homme au contraire, l’éducation fait apparaître dans sa vie intérieure quelque chose qui peut n’avoir aucun rapport avec son hérédité ; il peut être capable d’intégrer à sa nature les effets d’influences extérieures.

Tout éducateur sait qu’à ces influences doivent répondre des forces intérieures, sinon l’instruction ou l’éducation est inefficace.

Pour l’éducateur impartial, la frontière est même très nette entre les dispositions héritées et les forces intérieures qui percent, chez l’enfant, au travers de ces dispositions et proviennent d’existences antérieures.

Les preuves qu’on peut fournir dans ce domaine n’ont évidemment pas le « poids » de ce qu’on mesure sur la balance servant à des expériences de physique.

C’est qu’elles font partie de ce que la vie a de plus intime. Mais pour celui qui a le sens de ces choses, ces preuves impalpables sont plus convaincantes que la réalité palpable.

Le fait qu’on puisse dresser des animaux et qu’ils acquièrent par l’éducation certaines qualités, certaines facultés ne prouve rien pour celui qui sait voir l’essentiel.

Car, outre qu’il y a tou­jours dans le monde des états transitoires, les effets de l’éducation ne s’intègrent nullement chez l’animal à sa nature individuelle, comme c’est le cas pour l’homme.

On remarque même que les facultés acquises par les animaux domestiques, grâce à leur coha­bitation avec l’homme, deviennent aussitôt héréditaires, c’est-à-dire qu’elles s’attachent à l’espèce et non à l’individu.

Darwin a observé des chiens qui rapportent sans qu’on le leur ait appris ou qu’ils l’aient vu faire. Qui donc prétendrait qu’il en est de même pour l’éducation de l’être humain ?

Certains penseurs s’élèvent, à la suite de leurs observations, au-dessus de l’opinion d’après laquelle l’homme doit uniquement sa constitution à des forces reçues de l’extérieur, par hérédité. Ils conçoivent bien qu’une entité spirituelle, une individualité puisse précéder son existence corporelle et la façonner.

Mais beaucoup d’entre eux ne peuvent pas admettre qu’il y ait répétition des vies terrestres et que, dans l’intervalle entre deux de ces vies, les fruits de l’une deviennent des forces constructrices. Au nombre de ces penseurs, il faut citer E.H. Fichte, le fils du grand Fichte.

Dans son « Anthropologie », il décrit les observations qui l’ont amené à émettre le jugement suivant : « Les parents ne sont pas les générateurs de l’enfant dans toute l’acception du terme ; ils four­nissent bien la substance de son organisme et de plus, l’élément intermédiaire, à la fois émotionnel et affectif, qui se manifeste dans le tempérament, le caractère et la spécification des instincts dont la source est « l’imagination », au sens large où nous l’en­tendons.

Dans tous ces éléments de la personnalité, il y a incon­testablement fusion, union toute particulière des âmes des pa­rents ; on est donc fondé à n’y voir qu’un produit de la procréa­tion, surtout si nous considérons - comme nous avons dû le faire - que celle-ci est un véritable phénomène psychique.

Mais le centre même de la personnalité fait ici défaut, car il résulte d’une observation plus pénétrante que ces particularités affectives ne sont, elles aussi, qu’une enveloppe, une sorte d’instrument propre à rassembler les véritables dispositions idéelles, spiri­tuelles, de l’être humain et qui est de nature à favoriser ou à entraver leur développement sans être aucunement capable de leur donner naissance. »

Et plus loin : « Tout homme préexiste pour ce qui est de sa nature spirituelle fondamentale, car, du point de vue de l’esprit, aucun individu n’est pareil à un autre, pas plus qu’une espèce animale n’est identique à d’autres. »

Ces raisonnements aboutissent seulement à faire admettre la présence d’une entité spirituelle dans la nature physique de l’être humain. Or si les forces formatrices de cette entité ne découlent pas de causes situées dans des vies antérieures, il faudrait qu’elle procède d’un principe divin chaque fois qu’un être humain vient au monde.

Mais d’après cette hypothèse, il n’y aurait aucun moyen d’expliquer l’affinité qui existe entre les dispositions propres à la nature intérieure de l’homme et ce qu’y introduisent au cours de la vie les influences venant de son environnement terrestre.

L’être intérieur, issu d’un principe originel divin, ne pourrait que se sentir étranger au milieu qui l’accueille dans la vie. Il ne peut en être autrement que si - et c’est en effet le cas - un lien a déjà existé entre la nature intérieure de l’être et la vie extérieure, c’est-à-dire s’il ne vit pas sur la Terre pour la première fois.

Le véri­table éducateur peut se dire : je transmets à mon élève des don­nées qui sont étrangères aux facultés dont il a hérité, mais qui le stimulent comme s’il avait jadis participé au travail d’où résultent ces données.

Seules la répétition des vies terrestres et leur rela­tion avec les expériences faites dans l’intervalle au sein du monde spirituel, expériences qui se révèlent à la recherche supra-senso­rielle, peuvent expliquer d’une façon satisfaisante ce qu’est la vie de l’humanité actuelle.

C’est intentionnellement que nous disons « l’humanité actuelle », car il résulte de la recherche spirituelle que la série des existences terrestres a eu un commencement et qu’à l’époque, les conditions dans lesquelles s’incarnait l’être humain étaient toutes différentes de celles d’aujourd’hui.
Dans les chapitres suivants, on remon­tera jusqu’à cet état originel de l’humanité.

On verra ainsi com­ment, d’après la science spirituelle, l’être humain en relation avec l’évolution de la Terre est parvenu à sa forme actuelle ; d’autres précisions seront aussi données sur la façon dont le noyau spiri­tuel de cet être descend des mondes suprasensibles dans ses enve­loppes corporelles ; on verra aussi comment se forme la loi de causalité spirituelle, c’est-à-dire la « destinée humaine ».

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Source : Rudolf Steiner - La science de l'occulte - Édition 1970





Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

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