Essayons de nous plonger au cœur du vivant pour mieux comprendre l’anthroposophie.
Prenons une image pour parler de ce qui est ésotérique et ce qui est exotérique
Imaginez-vous être un pot en terre cuite et que ce pot se mire dans un miroir. Ce qu’il voit est vu de manière exotérique dans ce miroir. Il s’agit d’un reflet, n’est-ce pas ?
De la même manière, lorsque nous regardons notre corps avec nos yeux, il s’agit également d’un reflet.
En aucun cas vous êtes le corps qui se regarde lui-même ! Vous le voyez seulement de l’extérieur.
Supposons maintenant que ce pot en est encore à l’état de glaise et que cette dernière se sente modeler par les mains du potier.
Cette glaise ressentirait alors ce que le potier fait d’elle.
Tout ce qu’elle vivrait ainsi serait vécu de manière ésotérique.
C’est de cette façon ésotérique qu’il faut comprendre le vécu de Rudolf Steiner lorsqu’il dit :
« En nous tous réside une faculté, mystérieuse et sans pareille, de laisser derrière nous tout ce qui change avec le temps pour nous retirer au plus intime de notre soi dépouillé de tout ce qui est venu l'envelopper de l'extérieur, pour y contempler, sous la forme de l'immutabilité, l'éternel en nous ».
Comment pouvons-nous approfondir ce que dit Rudolf Steiner dans cette affirmation si énigmatique ?
Imaginez-vous être de la glaise dans les mains du potier et que vous ayez une sensibilité.
Que ressentiriez-vous alors ?
Vous ressentiriez sûrement une série de sensations liées à la manière dont le potier manipule le matériau « glaise que vous êtes » - Entendez par là votre noyau intime le plus profond auquel vous puissiez accéder.
Au niveau de la pression des mains, vous sentiriez les doigts du potier exercer une pression constante, ils vous modèleraient pour vous donner forme "d'âme". Cette pression pourrait varier, serait très subtile, passant de douce et délicate à ferme et déterminée, selon la phase du façonnage.
Chaque mouvement serait précis, chaque pression ajustée pour créer les contours souhaités.
D’aucune manière, vous ne pourriez exercer une action volontaire sur ce que fait le potier, car cette action volontaire serait bien antérieure à ce que vous-même, à ce moment de votre création, vous pourriez vous-même exercer. En d'autre terme "vous ne seriez pas fini" pour exercer une action quelconque.
Cette action volontaire provenant du potier serait la toute première chose à laquelle vous pourriez participer, mais sans pouvoir exercer une action quelconque. On pourrait dire que vous seriez comme une personne dans le coma entre les mains d’un médecin, essayant de vous réanimer.
Lorsque le potier utilise son tour, vous ressentiriez le mouvement circulaire et régulier de la rotation. Cette rotation vous donnerait la sensation d’une fluidité* et d’une transformation, comme dans un mouvement de caresses.
*Imaginez que ce soient des mains sublimes et d'une subtilité inimaginable qui harmonisent les volutes de la fumée d'une cigarette vu au travers d'une belle lumière.
Le rythme du tour, synchronisé avec les mains du potier, vous donnerait une impression de dynamisme et de mouvement.
Puis, la friction et la manipulation prolongée pourraient engendrer une légère chaleur, une sensation subtile de chaleur due à l’effort et à l’activation des molécules dans la glaise que vous êtes. Ce réchauffement serait agréable vous ressentiriez que le potier travaille intensément à vous façonner. D'une manière aussi fluide et subtile que la fumée ci-dessus.
Vous pourriez également ressentir des ajustements très fins, de petits coups, de petit pincement dû au lissage que le potier exerce sur vous. Tous ces gestes seraient comme une caresse ou des pressions légères sur votre forme et qui corrigeraient les éventuelles choses à parfaire.
Il y aurait une connexion profonde, une sorte de communication silencieuse entre vous et le potier. Vous percevriez, toujours dans l’incapacité de faire quoique ce soit, la concentration du potier, la patience et l’intention qu’il met dans son travail.
Vous ressentiriez son désir de créer quelque chose de beau et de fonctionnel.
Vous vous ressentiriez en connexion profonde avec la volonté de créativité issue de l’intention que met le potier dans son travail.
Maintenant, remplaçons le mot « potier » par le mot « Trônes » et lisons ce qui suit :
L'évolution décrite par Rudolf Steiner prend son départ non pas dans un commencement abstrait, mais dans un acte de sacrifice, - celui des Trônes. Le don des Trônes est un acte d'amour pur auquel remonte la création du premier germe de l'être humain. Il est impossible à l'actuelle pensée humaine de se représenter un acte créateur tirant un tel germe de conditions qui échappent encore au temps et à l'espace. L'expression « tirer du néant » n'est qu'un pis-aller pour approcher la représentation de cet acte, et il faut lui préférer « sacrifice » ou « don d'amour pur ». Seule l'idée d'un feu qui brûle sans flamme peut évoquer ce brasier divin d'amour créateur.
Celui qui vit le sentiment « de l’éternel en nous » tel que Rudolf Steiner l’a dit, se sent littéralement être créé comme un pot dans les mains du potier.
« L’éternel en nous » est ici la glaise à l’état brut ; la materia Primera.
Si vous pouviez atteindre par la clairvoyance cet état où vous étiez « materia Primera » c’est-à-dire la glaise dans les mains du potier, vous vous ressentiriez comme étant totalement et pleinement amalgamé à votre propre processus de création**.
** « Dans notre conscience, à chacun de nous, c’est l’Évolution qui s’aperçoit elle-même en se réfléchissant ».
Pierre Teilhard de Chardin — À propos de l’illumination in Le phénomène humain.
Progressivement, vous vous transformeriez sous les mains du potier, passant d'une simple masse de glaise à un pot fini.
Chaque mouvement du potier, chaque ajustement et chaque pression seraient des étapes de cette transformation, faisant de vous une créature fonctionnelle.
Ce processus, vous le ressentiriez comme partant d’un point qui se prolongerait dans un véritable parcours évolutif, où vous vous sentiriez façonner, modelée par les gestes et l’intention volontaire des Trônes.
Au départ, dans l’état de materia primera, vous n’auriez qu’une sorte de conscience minérale. Puis au fur et à mesure de l’évolution du processus, ou les Trônes passent la main en quelque sorte à d’autres potiers, pour prendre la relève, vous commenceriez à acquérir une conscience de plantes, parce qu’à la matéria primera se verrait ajouter un ingrédient supplémentaire : la vie ou corps éthérique. Vous savez, les petites fleurs souvent dessinées sur les pots avant de les cuire !
Le processus se poursuit et à cet ensemble composé maintenant d’une materia primera qui prend vie, d’autres potiers encore vous incorporaient un psychisme ou corps astral.
Aujourd’hui, au moment où vous lisez ces lignes vous êtes capables d’analyse, de réflexion, des images traversent votre esprit : vous vous faites des représentations. Vous habitez un corps physique et vous êtes en vie. Pour retrouver l’état de materia primera qui était le vôtre, il vous faudrait en quelque sorte mourir : abandonnez votre corps physique, avec tout ce que vos sens liés au cerveau sont capables de vous fournir.
Que se passait-il dans les anciens mystères et à quoi servaient-il ?
De la création du pot et jusqu’à son état physique proprement dit, après être passé dans les mains du premier potier et des suivants dans un univers entièrement spirituel où il a participé de la manière la plus intime et la plus profonde à sa propre création, il commençait progressivement à en oublier le potier lui-même.
En effet, tout un monde physique se déroulait désormais sous ses yeux. Les enfants le remplissent d’eau pour se désaltérer, le rangent sur une étagère, bref il entre dans de toutes nouvelles conditions de vie, lui faisant totalement oublier l’action qu'exerçaient des êtres spirituels et la vie spirituelle d’où il provenait.
Dans cette situation, le pot ne peut pas se sentir très bien.
Doté d’un psychisme et désormais muni de la capacité de voir son corps et de l’analyser de l’extérieur, il s’interrogeait sur le sens véritable de sa vie, de son origine. Il a en quelque sorte la nostalgie du potier, la nostalgie du monde spirituel et des entités créatrices.
Alors dans les anciens mystères, on plongeait le pot dans un état de mort durant trois jours. Le pot pouvait alors revivre sa conscience minérale primordiale et revivre la vie spirituelle qui l’avait vu naître dans les mains du potier.
On lui ôtait en quelque sorte le fait d’être en vie et le fait d’avoir un psychisme, dont nous avons vu qu’ils sont venus plus tard dans le processus évolutif.
Le dernier témoignage en date de ces mystères, c’est la résurrection de Lazare par le Christ.
Lazare est malade et meurt : Jean 11:14-15.
Alors le Christ le ressuscita. Qu’est-ce à dire ?
Cela signifie que ce qui habituellement était fait en secret - dans les anciens mystères -, fut fait par le Christ lui-même en plein jour, aux yeux de tous.
Voici ce que dit l’écriture : Jean 11:6 : « Lorsque Jésus apprit que Lazare était malade, il resta encore deux jours à l’endroit où il était ». Jésus explique que cette maladie ne mène pas à la mort mais est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle (Jean 11:4).
Allons voir maintenant ce qui est dit dans l’anthroposophie :
C'est en effet une vision - la vision de sa propre création en tant que materia primera par le potier ou Trônes - à laquelle il faut d'abord s'habituer. Il convient avant tout d'élaborer une représentation de tout cela, car c'est indispensable pour parvenir à considérer un tel tableau de l'univers comme quelque chose de réel.
En pensée il faut tout d'abord éliminer du monde tout ce que vous pouvez percevoir par les sens. Il faut encore chasser de votre activité pensante votre propre monde intérieur, dans la mesure où il consiste en mouvements habituels de l'âme humaine.
Vous devriez encore éliminer de votre activité pensante ce qui, du monde, suscite en vous des représentations.
Vous devriez chasser tout ce que les sens peuvent percevoir du monde extérieur, et à l'intérieur tout ce que sont les représentations et les mouvements de l'âme.
Et maintenant, si vous voulez vous faire une idée de cette disposition d'âme en laquelle l'homme doit parvenir lorsqu'il concrétise réellement l'idée suivante : tout ceci serait éliminé, mais l'homme serait encore là*** ; on ne saurait alors dire autre chose, qu'il faut que l'homme apprenne à ressentir la peur, l'effroi devant un vide sans fin qui s'ouvre autour de lui.
*** N’est-ce pas être glorifié que d’être encore là, alors que tout le reste a disparu ? N’est-ce pas là une façon d’honorer le potier ? Jésus explique que cette maladie ne mène pas à la mort mais est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle (Jean 11:4).
Prenons la genèse : « Alors le Seigneur Dieu modela l'homme avec de la glaise du sol, et il insuffla dans ses narines un souffle de vie ; et l'homme devint un être vivant ». Genèse 2:7.
Cette phrase résume à elle seule et en quelques mots l'histoire de la materia primera dans les mains du potier...
De nos jours, de nombreuses façons de faire une expérience au-delà du seuil émergent de-ci de-là, afin que l’âme assoiffée de connaissances puisse retrouver et revivre le souffle divin créateur.
Mais toutes les façons de faire ne sont pas sans danger.
Pour ma part, j’ai suivi le chemin de l’initiation, tel qu’il est décrit par Rudolf Steiner.
Il va de soi, que le fait de revivre le souffle divin créateur, l’éternel en soi, comme l’exprime Rudolf Steiner ; sentir à nouveau la façon dont le potier nous a créé et façonné dans nos moindres détails et aspérités, apporte à notre âme et de façon ésotérique, invisible aux yeux de tous, une dimension à nul autre pareil.
Celui qui expérimente une telle vision, quand elle atteint un paroxysme, pourra dire sans aucune hésitation :
« je me suis senti me faire créer, je dois mon être le plus intime à l'oeuvre de divines mains ».
Cette expérience que peuvent vivre tous les êtres qui suivent le chemin de l’initiation, et que vivent souvent les personnes ayant fait une expérience de mort imminente, est relaté par une même vision chez tous, selon la difficulté à exprimer l’invisible et selon le degré initiatique de chacun.
En effet, certaines personnes remontent par la vision jusqu’à la conscience minérale, d’autres jusqu’à la conscience où ils ont reçu la vie et enfin d’autres personnes remontent par la vision jusqu’au moment où un psychisme leur a été donné.
« Dans notre conscience, à chacun de nous, c’est l’Évolution qui s’aperçoit elle-même en se réfléchissant ».
Pierre Teilhard de Chardin — À propos de l’illumination in Le phénomène humain. On pourrait aussi parler d'expérience du numineux au sens de Carl Gustave Jung ou de vision au sens philosophique.
La psychiatrie s’intéresse de nos jours, de plus en plus, à ces états de conscience modifiée, qu’elle a du mal à expliquer et qui ne peuvent cependant pas être mis de côté tant ils émergent de plus en plus dans la population générale.
Les chiffres actuels donnent 5 % de la population française ayant fait une expérience au-delà du seuil.
Et au fur et à mesure que l’humanité évoluera le nombre de ses expériences augmentera.
Lazare ressuscité par le Christ deviendra plus tard Saint-Jean, le disciple que Jésus aimait.
Saint-Jean, au début de son Apocalypse, nous dit qu’il a été transporté en esprit sur une montagne de grande hauteur. Signe qu’au moment où il nous dit cela, il se trouve dans un état de conscience supérieure, capable d’embrasser du regard tout le processus qui va de la materia primera, jusqu’au devenir de cette dernière, par tous les processus spirituels (le travail des neuf hiérarchies) qui sous-tendent notre évolution.
Cette vision globale de l’évolution est symbolisée dans le film 2001 l’Odyssée de l’espace, lorsque l’astronaute David Bowman se trouve dans une même pièce en tant qu’enfant, adulte et vieillard. Il embrasse du regard sa propre évolution. Cette évolution personnelle est mise en relation avec la découverte du monolithe, dont on voit qu’il était présent au début de l’évolution des hommes et qu’il poursuit son action jusque dans l’avenir.
Le potier était, il est et il vient !
Je peux également citer Carlo Collodi, écrivain italien et auteur de Pinocchio.
En effet, Geppetto nous fabrique un petit bonhomme de bois avec pourrait-on dire une conscience minérale.
Puis vient une fée qui lui donne la vie et il devient ainsi un petit garçon vivant.
Enfin, avec son corps astral fait de désir et de passion de découverte, il va suivre un vilain garnement et finira dans les entrailles d’une baleine avant que Geppetto ne vienne sauver.
Bref, l’univers cinématographique et littéraire est truffé d’histoires que nous rapportent en réalité des initiés.
Revenons au prologue de l’Apocalypse qui commence par :
« Révélation de Jésus-Christ que Dieu donna pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt ; il envoya son ange pour la faire connaître à Jean son serviteur, lequel a attesté la parole de Dieu et le témoignage de Jésus-Christ : toutes ses visions. Heureux le lecteur et les auditeurs de ces paroles prophétiques s’ils en retiennent contenu, car le temps est proche ! ».
De nombreux êtres ont reçu cette parole prophétique avec une amplitude et une profondeur différente selon chacun.
Parmi ces êtres figure Rudolf Steiner, dont on peut constater que tout ce qu’il nous a rapporté au cours de milliers de conférences qui ont été par la suite imprimée sous forme d’ouvrages, correspond dans ses propos à l’essentiel du contenu de l’Évangile selon Saint Jean et de son Apocalypse.
La corrélation entre l'anthroposophie et l'Apocalypse de Saint-Jean obtiendrait une note élevée si elle devait être évaluée sur une échelle d’un à 10. En effet cette note refléterait le fait qu’il existe des parallèles significatifs dans les thèmes spirituels et symboliques.
Tant chez Rudolf Steiner que chez Saint-Jean un riche symbolisme est utilisé pour exprimer des vérités spirituelles profondes. Ils abordent tous les deux la transformation spirituelle par le fait de surmonter le mal par le bien.
Les processus spirituels et cosmiques, bien qu’aborder sous des angles différents, y sont représentés de façon qu’un esprit logique et rationnel puisse en entrevoir les similitudes.
Cela, dans une approche ésotérique bien entendue. Si Saint-Jean parle de la création d’un nouvel ordre cosmique et spirituel par la dénomination de la nouvelle Jérusalem, Rudolf Steiner nomme cette dernière Jupiter : futur État spirituel de notre terre.
Cette perspective d’un nouvel ordre cosmique laisse présager d’une transition vers une réalité plus élevée et plus pure de l’être humain, à laquelle l’être humain lui-même est appelé à participer dorénavant, en collaboration avec l’ensemble des potiers (les hiérarchies spirituelles).
Les résultats de la recherche ésotérique, issu de visions du monde spirituel, traite des révélations et des mystères cachés que l’humanité d’aujourd’hui doit progressivement comprendre et intégrer.
L’anthroposophie, qui est une recherche actuelle faite en temps réel à partir du monde spirituel, offre au lecteur et aux chercheurs, les fruits de cette recherche.
Sans nécessairement faire l’expérience de la vision du souffle divin créateur, l’anthroposophie enrichit l’âme, non en ce qu’elle propose une connaissance toute faite, mais qu’elle engage l’âme sur le chemin même vers la découverte en elle du potier.