Trouver sa propre voie

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Trouver sa propre voie

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Psychothérapie · 4 Août 2022
Tags: Trouversaproprevoie
Trouver sa propre voie

« Un temps pour chaque chose et un temps pour son contraire. »
« Les paroles des sages sont comme des aiguillons, et aussi comme des piquets plantés :
c’est pour garder les troupeaux qu’ils sont employés par un pasteur. »
Ecclésiaste M, 1 - XII, 11.

Celui qui vient à l'institut Baudouin doit savoir qu'il ne choisit pas la voie de la facilité et des assurances trompeuses, mais celle des incertitudes qui sont le moteur de toute évolution.

Trop souvent le message de Charles Baudouin n'a pas été compris. Certains ont parlé de synthèse, d'autres d'éclectisme et parfois même de syncrétisme. Nous avons toujours affirmé que vouloir faire une synthèse Freud-Jung est un non-sens, même si pour certains cela a donné l'illusion confortable d'une “totalité”. Les deux hommes sont radicalement différents et c'est précisément leur différence irréductible qui enrichit notre réflexion. Il nous faut admettre avec Henri Atlan qu'il existe deux catégories de penseurs : « dont la différenciation peut être suivie tout au long de l'histoire : les uns pour qui les relations quantitatives entre parties sont l'essentiel, les autres qui considèrent comme telle l'indivisibilité qualitative du tout. Pour ces derniers, parmi lesquels il range Plotin, Goethe… auxquels nous pourrions ajouter Jung, Fromm et d'autres contemporains scientifiques ou religieux, à la recherche de la Réalité Ultime. Ainsi, dans l'opposition Freud-Jung, la tentative de Freud de fonder la psychanalyse en discipline scientifique contre "la boue noire de l'occultisme" n'était pas seulement un caprice de vieillard autoritaire, mais un élément fondamental d'une démarche aux enjeux multiples qui avait besoin, pour se renforcer, du consensus d'une société humaine particulière » [1].

L'Institut Baudouin s'oppose au dogmatisme pour s'ouvrir à toute forme sérieuse de recherche en ayant comme but non pas une impossible synthèse, mais une ouverture dans un échange fructueux, conduisant l’analyste vers une plus grande humilité, qui est la seule clé pour une écoute authentique d'autrui.

Dans des travaux de groupe, pendant les journées de formation, le candidat avec ses collègues fait l'expérience de l'infinie difficulté de l'approche d'autrui et apprend douloureusement à perdre ses illusions et à abandonner sa prétention de savoir.

« C'est ainsi, poursuit Atlan, qu'une anthropologie du savoir reste possible, mais qu'au lieu d'être une métathéorie explicative et unificatrice, elle devient un lieu de dialogue entre cadres conceptuels contradictoires qui déterminent des façons différentes de définir ce qui fait un “fait”, des théories différentes et des critères différents de pertinence. Bien que, dans chacun des cadres, des critères de vérité puissent fonctionner, il n'en existe pas qui les traverse tous. Nous dirions : bien que chaque jeu ait ses règles, il n'existe pas de règle unique pour jouer avec les jeux.

Et pourtant ce dialogue est possible, ce jeu des jeux peut être joué comme dans l'imaginaire Castalie du “Jeu des perles de verre'' de Hermann Hess. » [2].

Dans les rencontres organisées pour la formation, le candidat, grâce à des exercices appropriés, s'interroge sur lui-même et découvre la vérité des autres qui diffère de la sienne, mais qu'il accepte, comme la sienne est acceptée. C'est dans la présence mutuelle de l'un à l'autre et de l'autre à l'un que l'être humain atteint sa plénitude ontologique et non pas dans la présence de l'homme à lui-même. C'est alors que le participant est sur la voie d'acceptation qui est confirmation mutuelle, confirmation de l'autre dans ce qu'il a de personnel, d'inaliénable. Martin Buber s'attache à préciser qu'une relation authentique est avant tout “aveu de l'altérité'', reconnaissance de l'autre en tant qu'autre.

La formation d'un analyste se situe au-delà de l'acqui­sition d'un savoir, elle ne vise pas à faire “ingurgiter la bonne parole”, mais à éveiller le germe de la créativité chez le sujet pensant. Le vrai musicien, c’est celui qui après de longues gammes oublie qu’il interprète ; alors la musique se joue à travers lui. Si une institution devient un lieu pour glorifier la parole d’un maître, elle ne peut plus prétendre être analytique, car le but qu’elle poursuit est incompatible avec le cheminement vers la désaliénation. Charles Baudouin écrivit :

« Le psychanalyste a raison de répudier le rôle d’un maître, qui répondrait aux doutes du sujet, qui lui dicterait ses propres convictions, sa propre sagesse ; celle-ci ne serait alors jamais pour ce sujet qu’apport extérieur et arbitraire, alors que toute sagesse authentique doit sourdre du cœur de l’être.

Le psychanalyste a raison de tenir en piètre estime les médecines prêcheuses et moralisantes ; il a raison de se taire encore, en cette dernière étape du chemin, comme en la première où il s’agissait de découvrir le refoulé. Mais tout comme alors son silence même forçait le refoulé à apparaître (ainsi que l’objet perdu dans le ruisseau au moment où l’on cesse de troubler l’eau), de même, ici encore, le refus de répondre, le refus socratique de permettre au sujet cette solution facile qu’est l’adoption d’une sagesse dictée et toute faite, force dans ses derniers retranchements la résistance du sujet à trouver sa propre voie. Et c’est dans ce sens paradoxal que la psychanalyse, devient psychagogie. Nous voici - parce que nous sommes au centre de l’être - au point brûlant et inéluctable où la science est mise en demeure, si elle va jusqu’au bout d’elle-même, de se convertir en sagesse » [3].

Bergson se demandait si la destination de l’homme ne serait pas “la création de soi par soi” [4]. Mais pour être créateur, il nous faut être des herméneutes et non pas des exégètes. « L’herméneute a soif de Sens, il ne s’attache pas aux couleurs de la cruche. Il boit à la source. » [5]

Nous avons appris, auprès de Charles Baudouin, que la vraie fidélité à un “Maître” réside dans la mise en interrogation de ce qu’il nous a transmis, afin de sortir de la “parenté” pour nous engager dans la “filiation”, filiation qui est ouverture vers l’inconnu à partir d’une critique saine et rigoureuse.

L’institutionnalisation de la psychanalyse est peut-être nécessaire, mais elle risque de nous enfermer dans un système contraire au but qu’elle poursuit. Le risque est de créer un “complexe” de croyance concrétisé par un corps de doctrine immuable et intolérant. Or on ne devient analyste qu’après avoir fait le deuil du père. Faire le deuil, c’est reconnaître la valeur de ce qui nous a été transmis pour aller plus loin sur notre propre chemin, au risque même de se trouver en désaccord amical avec celui qui a été notre psychagogue pendant notre formation. Cette voie rigoureuse n’est pas facile, elle est parsemée d’embûches et nous devons nous attendre à des déceptions, mais les déceptions sont inconnues aux indulgents pour eux-mêmes comme aux suffisants.

L’analyse de formation doit aboutir à l’échec du “maître discours”, sinon c’est l’enlisement dans une théologie du signifiant. Tout discours qui produit des effets de mimétisme est une forme de suggestion. « Aurions-nous oublié que l’analyse est l’épreuve de la résistance et qu’à faire l’économie de celle-ci on est inévitablement dans la suggestion » [6] écrit Pontalis.

Avec J. Lacan, nous dirons qu’ « il appartient aux élèves eux-mêmes de chercher la réponse à leurs propres questions. Le maître n’enseigne pas ex cathedra une science toute faite… Cet enseignement est un refus de tout système. Il découvre une pensée en mouvement, prête néanmoins au système, car elle présente nécessairement une face dogmatique. La pensée de Freud est la plus perpétuellement ouverte à la révision. C’est une erreur de la réduire à des mots usés. Chaque notion y possède sa vie propre. » [7].

La résolution du transfert n’est autre que l’abandon d’une croyance, qui peut être tenace dans le cas d’une analyse didactique. Si la croyance est nécessaire en un premier temps, encore faut-il que le sujet ouvre un jour ses yeux pour voir et ses oreilles pour entendre par lui-même. « Car une croyance n’est efficace, dans la pratique (comme source de valeur) que dans la mesure où elle aboutit à détruire, dans la théorie, les fondements sur lesquels elle repose comme croyance. Car ces fondements ne peuvent que la transformer en dogme et on tue par là toute efficacité créatrice. » [8].

Pour terminer n’oublions pas de souligner que s’il est demandé au candidat analyste de faire le deuil d’une illusion tenace, encore faut-il que son analyste œuvre dans le même sens et qu’il agisse pour la vérité de la rencontre et non pas pour sa gratification narcissique.

« Paracelse avait un disciple convaincu que son maître possédait un pouvoir extraordinaire : celui de soumettre une rose au feu sans qu’elle se consume. Le disciple demande à Paracelse de faire l’expérience devant lui, de lui montrer ce pouvoir merveilleux. Paracelse humblement refuse. Le disciple revient à la charge, il insiste : qu’avant de mourir, le maître lui communique son secret. Paracelse finit par consentir. Il cueille une rose, la jette dans la cheminée, le feu la réduit en cendres. Le disciple, déçu, comprend son illusion : il a cru à un pouvoir impossible, il se retire en pleurs. Paracelse ferme la porte derrière lui, se retourne, se penche sur l’âtre et ramasse la rose, intacte. » [9].

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Source : Ballade pour un jeune thérapeute - Paul Montangérand - Ancien Président de la société de psychanalyse et de psychothérapie de Genève.

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Notes :

[9] - Henri ATLAN. « À tort et à raison » p. 221. Seuil 1986.
[9] - Henri ATLAN. « À tort et à raison » p. 340. Seuil 1986.
[9] - Charles BAUDOUIN. « Psychanalyse et Psychagogie » in “Action et Pensée” juin 1969. Texte publié en 1950 dans : Les archives du 5e Congrès des sociétés de Philosophie de langue française. P.U.F.
[9] - BERGSON. « Énergie spirituelle » p. 847.
[9] - Jean-Yves LELOUP. « Évangile selon Thomas » p. 48. Albin Michel 1986.
[9] - PONTALIS. « Nouvelle Revue de Psychanalyse » n° 20, p. 11.
[9] - J. LACAN. Le Séminaire. Livre I (Ouverture du Séminaire).
[9] - Henri ATLAN. « À tort et à raison » p. 329.
[9] - D’après Didier ANZIEU. « Le Psychanalyste et son Patient » p. 302.

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Pascal Patry
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