Le Rosarium philosophorum

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Le Rosarium philosophorum

Pascal Patry praticien en psychothérapie, thérapeute et astropsychologue à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Psychologie des profondeurs · Mercredi 22 Mar 2023
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Le Rosarium philosophorum

Le mystère vivant de la vie se dissimule toujours entre deux personnes, et c'est là le vrai mystère que les mots ne peuvent révéler et que les arguments ne peuvent épuiser. C. G. Jung.

Introduction
1 - La Fontaine mercurielle
2 - Le Roi et la Reine
La Persona
3 - La Vérité nue
L'Ombre
4 - L'immersion dans le bain
L’œuvre au noir
5 - La Conjonctio
L’union des contraires
6 - La Mort
La putréfaction
7 - L'Ascension de l'âme
La désorientation
8 - La Putréfaction
Œuvre au blanc
9 - Le Retour de l'âme
La réanimation
10 - La nouvelle naissance
Œuvre au rouge

Introduction

Sur les vingt et une gravures figurant dans le Rosarium philosophorum, Jung en choisit une dizaine pour illustrer les étapes du processus et les obstacles à franchir pour parvenir à la totalité.

Les images utilisées dans son livre Psychologie du transfert [1] sont extraites de la première édi­tion du Rosarium (Francfort 1550), dont l’auteur est in­connu mais compte tenu de la teneur de cet ouvrage, on peut envisager qu’il s’agit d’un philosophe à l’esprit parti­culièrement éveillé et évolué.

L’inventeur de cette création semble avoir parfaitement conscience que l’objectif de l’alchimie ne se résume pas à une quelconque opération mercantile de fabrication de l’or, mais plutôt à un secret philosophique et spirituel menant à une réflexion pro­fonde sur l’origine et le devenir de l’être humain.

Le Rosarium n’expose pas d’une manière évidente la façon d’obtenir la Pierre philosophale, qui au Moyen Âge s’as­socie à la notion de totalité et de perfection, mais ras­semble les diverses considérations, moyens et procédés du processus alchimique. Des inscriptions, qui ne corres­pondent pas toujours aux illustrations, sont libellées en allemand alors que le texte est rédigé en latin.

Par l’intermédiaire de ces gravures nous sommes, avant d’en devenir les acteurs, les spectateurs de cette conjonction des opposés, c’est-à-dire des noces chymiques.

L’équivalent de ces épousailles se situe dans le hierogamos, mariage mystique du Christ et de l’Église. Dans l’univers de l’alchimie, l’être né de cette union, l’Hermaphrodite, s’apparente en psychologie au concept du Soi jungien.

La totalité psychique résultant de cette opération unifie le conscient et l’inconscient, le masculin et le fémi­nin, l’esprit et l’âme qui s’incarnent dans un seul corps.

L’histoire relatée dans le Rosarium commence par une gravure non employée par Jung représentant une assem­blée de philosophes autour d’un feu parmi lesquels se distingue un couple de souverains.

Pour Jung, le Roi et la Reine, héros de cette bande dessinée, personnifient des grades de l'animus et l'anima.

Leur couronnement an­nonce une expression glorieuse et une réalisation parfaite de la psyché, de l’âme accomplie. Mais avant de parvenir à cette perfection, les productions de l’imaginaire vont (de même que le proposent les gravures) mener le moi au centre d’une constellation de sentiments douloureux, contradictoires et torturants.

La réconciliation ne s’effec­tuera pleinement qu’au terme de l’aventure et avec l’appa­rition de l’Hermaphrodite à la dernière gravure. Bien sûr, en amont de cette arrivée se profilent déjà des indices précurseurs de mieux être et d’équilibre.

Jung considère que le mariage du Roi et de la Reine révèle la partie la plus complexe et la plus ardue du processus d’individuation, car il s’agit de la mise en équilibre de la quaternité par l’intervention des deux inconscients animus et anima ainsi que des deux moi, celui de l’homme et de celui de la femme.

Au cœur de ce quaternaire doit émerger le Soi, le centre, le cinquième élément : la quintessence.

Ce n'est pas en regardant la lumière qu'on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. Mais ce travail est souvent désagréable, donc impo­pulaire. C. G. Jung

Avec cette réflexion, Jung nous invite à entrer dans notre laboratoire personnel, à prendre nos outils et à œuvrer pour notre devenir psychique et spirituel.

La fontaine mercurielle



Cette première gravure illustre le moyen utilisé par l’Œuvre alchimique et en comporte toute la philosophie. Il n’y a aucun personnage et la fontaine, origine de vie, matrice de naissance et de renaissance, source du renouvellement intérieur de la psyché, tient le rôle principal.

Le rythme du pro­cessus alchimique et psy­chologique s’inscrit pleinement dans cette première gravure, la quaternité étant féminine et la triade masculine. L’unité est représentée par le vase hermétique dans lequel s’effectue le travail et qui contient l’eau divine, reflet du chaos initial et de l’indifférencié. Le binaire, notion de la dualité apparaît avec le Soleil et la Lune (masculin et féminin), le ternaire est figuré par les trois robinets qui permettent au Mercurius, tout comme l’eau de la fontaine, de s’écouler.

Le quaternaire correspond aux étoiles aux quatre coins, témoins de la structure, des quatre éléments et de la manifestation des typologies. Quant à la cinquième étoile, quintessence et transcendance de tout le potentiel, elle révèle le Soi.

La fontaine est l’activation de l’inconscient. L’Eau Mercurielle peut produire une grande excitation ou une grande dépression tout comme ce qui se passe lors du travail thérapeutique.

Le processus commence avec et dans le désordre et, peu à peu, dans un face-à-face, un côte à côte et des affrontements, les éléments organisateurs se mettent en place créant la relation entre le patient et l’analyste.


Le roi et la reine



La Persona

Nul ne peut avoir de lien avec son prochain s’il ne l’a d’abord avec lui-même. C. G. Jung

L’étoile est un élément lumineux ; la colombe dévoile l’esprit, élément de la cons­cience et de sa probable trans­cendance. Il se produit alors la première liaison transférentielle, l’anima-animus étant des fonctions qui se jouent sur quatre niveaux.

Le Roi et la Reine, figu­res inconscientes de l’alchi­miste et de son assistante : l'anima, sont également frère et sœur. La poignée de main incestueuse indique que les fantasmes inconscients de l’enfance sont transfé­rés sur l’analyste et fournit la matière originelle pour le travail analytique. La relation combine tous les stades possibles du conscient et de l’inconscient.

Le Roi et la Reine respectivement positionnés sur le Soleil et la Lune se donnent la main gauche, celle du cœur mais également celle de l’inconscient. Il s’agit donc du côté obscur de chacun. Les personnages sont habillés. Se montrent-ils comme ils sont en réalité ? Que projettent-ils l’un vers l’autre ? L’union cruciforme des mains droites insiste sur l’importance de la quaternité (quatre fonc­tions).

La confrontation indirecte du moi avec ses parte­naires par le transfert et la projection des contenus inconscients, va se préciser afin de quitter peu à peu l’indifférencié.


La vérité nue



L'Ombre

Les vêtements sont tom­bés. Le masque social et le manteau des conventions ont disparu. Il n’y a donc plus rien à cacher : l’indi­vidu se montre tel qu’il est et doit se reconnaître ainsi. Se mettre à nu équivaut à dévoiler ce qu’on tenait dis­simulé. Le véritable pro­blème réside dans le fait que dans la majorité des cas… on ne sait pas ce que l’on cache. La révélation, souvent désagréable appa­raît donc pour soi et pour les autres.

Pour pouvoir intégrer et assimiler l’ombre et ses contenus, celle-ci doit émerger et s’exprimer. L’individu doit se montrer vigilant, car le moi a désormais conscience du danger dont l’ombre est porteuse.

Connaître son ombre implique une véritable prudence de la part du moi qui n’ignore ni son audace ni son imprévisibilité et sait que, lorsqu’elle surgit, c’est toute la psyché archaïque qui entre contact d’une manière pri­mitive avec le conscient.

Le contact à nu représente l’intégration de l’ombre avec l’ego. L’assimilation à l’ombre amène un retour au corps.

L’ombre recèle une formidable énergie mal utilisée. Dans cette étape se prépare la nigredo. L’être contacte la dépression. La relation des deux mains gauches n’existe plus, les deux personnages sont maintenant liés par le même symbole unificateur, qui s’est également modifié dans sa forme. Les fleurs flores mercurii équivalent aux tuyaux de la fontaine. La colombe portant le message : « C’est l’esprit qui unit » renforce l’emblème de l’Esprit.


L’immersion dans le bain



L’œuvre au noir

Cette gravure ramène à la première, où la fontaine exprimait la notion d’eau.

Mais la nouveauté se situe dans le thème du bain qui se juxtapose à celui du retour aux origines. Dans l’utérus gravide, l’être humain ef­fectue son voyage originel dans le liquide amniotique.

L’individu ne peut accéder à son intégrité que par le lien avec son âme symbolisée par la colombe et l’eau qui unissent par en haut et par en bas le Roi et la Reine. Ici s’ébauche la phase de la dissolution et s’amorce la descente vers l’inconscient : le Roi et la Reine vont s’immerger indiquant ainsi un voyage nocturne en mer ou une dissolution qui les fait retourner au sombre état initial.

Le vase hermétique s’associe à la matrice universelle et à l’utérus individuel. Les deux personnages vont-ils se noyer dans ce liquide, qui n’est autre que le Mercure déjà apparu dans la fontaine de la première gravure, et qui correspond à l’esprit sous toutes ses formes et qui s’in­carne par la représentation de la colombe. Se baigner, c’est également se laver, se nettoyer, se purifier de l’exté­rieur et de l’intérieur. Après cette plongée dans l’incons­cient et cette immersion totale, révélant une commune inconscience, se profile le début de l’union mystique.


La Conjonction



L’union des contraires

La mer engloutit désor­mais le Roi et la Reine et la relation s’effectue dans les ténèbres de l’inconscient, leur coïtus se déroule dans l’eau. Ils sont retournés au début la massa confusa ou le chaos débridé et à ce mo­ment précis le lapis est conçu.

Il est nécessaire de lire cette union biologique, char­nelle et terrestre sur un re­gistre subtil, philosophique ou spirituel et ne pas considérer uniquement l’érotisme saisissant de la gravure.

L’unification des opposés s’accomplit obligatoirement par l’accouplement des substances quelles qu’elles soient. Il s’agit ici de se perdre et de se fondre dans l’autre pour l’intégrer. Ce qui est deux devient un, ce qui est projeté sur l’autre est récupéré au profit du moi. Dans cette union mystique, où se rencontrent les opposés se tient le symbole de la naissance.

Une autre allégorie de la copulation, de l’union psychique des contraires, re­présente les acteurs avec des ailes, comme des oiseaux, pour insister sur le fait qu’ils figurent aussi des êtres d’es­prit et de pensée.




La mort



La putréfaction

Bien que souvent vécue comme un châtiment ter­rible et angoissant dans notre société judéo-chré­tienne, la mort ne doit pas être considérée comme tel. La stagnation de la vie psychique est similaire à la nigredo, état et étape de noirceur, signifiant l’incor­poration de l’identité dans l’inconscient.

Cette phase alchimique de putréfaction engendre une purification. Pour l’ana­lysé, il s’agit du stade de retrait des projections.

Quand l’ego s’unit avec succès avec l’image de l’âme inconsciente, cela produit une nouvelle personnalité composée des deux ou l’union des opposés.

Ce palier développe la personnalité, mais peut égale­ment conduire à l’inflation de l’ego s’il s’identifie à des choses inconscientes et est par-là même pollué par elles.

Aucune vie ne peut naître disent les alchimistes sans que l’ancienne soit morte auparavant. La fontaine mercurielle, vase hermétique du début, est devenue sarco­phage.

Le Roi et la Reine meurent à eux-mêmes dans ce cercueil, berceau et tombeau en les confrontant à l'anima et l'animus. L’inceste a été consommé, il n’existe plus qu’une seule couronne pour les deux têtes suppor­tées par un seul corps. Cependant, toujours enfermé dans un plan obscur, le moi, devenu Hermaphrodite, ne vit pas et attend l’infiltration de l’esprit pour exister.


L’ascension de l’âme



La désorientation

C’est avec une grande dé­tresse que l’âme quitte le corps du Roi et de la Reine.

Contrairement à l’idée reçue sur la conception, cela ne vient pas d’en haut pour ani­mer le corps, mais laisse le corps monter vers le ciel.

Plus tard, elle descendra en tant que force guérisseuse et salvatrice, un parallèle avec la deuxième venue du Christ.

Ce stade sans âme est pénible et difficile à vivre car le patient n’a plus aucun sens et a perdu tous ses repères. Tout repose sur la capacité de l’analyste à diriger l’analysé vers une compréhension de ce qui lui arrive afin que la naissance de l’homme intérieur se prépare.

Quand le corps meurt, l’âme quitte le plan terrestre et rejoint le plan céleste. Mais la perte d’âme, qui s’effectue ici, est perturbante et dissociative pour le moi qui n’a pas encore intégré son potentiel d’unité et ne pouvant pas, de ce fait, identifier ses valeurs d’intégrité et d’intégralité. Cette période de désagrégation, qui indique la perte des éléments de la conscience peut créer un état de désorien­tation menant vers la dépression.

Il faut donc assumer le cadavre avant que celui-ci ne s’élève par l’opération concrète grâce à laquelle le moi sortira de sa nuit obscure.


La purification



Œuvre au blanc

La rosée descend, l'aqua sapientae, ou l'Eau de la Sagesse présageant la nais­sance divine. L’illumination nettoie la nigredo par l'albedo ou blanchissement, comme le lever du soleil après la nuit. À ce stade de l’analyse, quand le contenu de l’inconscient devient conscient et évalué de ma­nière théorique, le patient pense que le but est atteint, mais il n’en est rien.

Sur un plan intellectuel, la situation devient plus claire et plus compréhensible, mais le corps n’a pas en­core intégré totalement ses quatre fonctions par la terre : sa sensation, par l’air : sa pensée, par le feu : son intui­tion et par l’eau : son sentiment.

La symbolique de l’eau et sa propriété purificatrice prennent dans cette phase une place particulièrement importante. Ce nettoyage révèle les parties propres du corps et de l’esprit en les mettant en évidence, en les clarifiant, en les identifiant et en les distinguant. Bien qu’étant différents l’un de l’autre, le corps et l’esprit savent maintenant collaborer en échangeant leur spécifi­cité afin de, nouvelle grande étape, spiritualiser le corps et de corporifier l’esprit. Pour illustrer ce temps, l’alchi­miste dit : « Pour quitter le corbeau (noir) et atteindre le cygne (blanc), il faut une propreté intérieure absolue. »


Le retour de l’âme



La réanimation

Du ciel, l’âme plonge vers le sarcophage pour insuffler la vie à l’Hermaphrodite. En réinvestissant le corps, elle s’incarne à nouveau et prend possession de l’hu­main qu’elle réanime. Le pa­tient possède maintenant la faculté de se visualiser, d’être plus détaché et éloigné du corps qui le limite et l’empri­sonne.

Il a acquis la capacité à s’élever. Cependant deux corbeaux se tenant au bas de la gravure signalent tou­jours la présence des opposés dans la sphère de l’incons­cient. Les oiseaux ailés et non ailés symbolisent la double nature du Mercurius, le côté chtonien (souterrain) et le côté éthéré (aérien).

Pour que l’âme puisse réintégrer le corps, il est indis­pensable que le moi se distingue des éléments contenus dans l’inconscient. La prise de conscience de la force émise par ces contenus peut déclencher une inflation. Il ne s’agit plus d’une histoire d’amour entre deux mortels, un homme et une femme, mais plutôt d’un homme avec son anima et d’une femme avec son animus.

L’oiseau représente l’esprit. Sur la gravure, l’un est libre de prendre son envol, l’autre est englué dans la matière qui le retient. À ce stade de l’analyse, le patient intègre de plus en plus les opposés dans sa psyché et s’achemine vers l’unification de ses polarités contraires.

La nouvelle naissance



Œuvre au rouge

Le Rebis, ou celui qui est re-né, apparaît sous l’iden­tité de l'Hermaphrodite, ailé debout sur la Lune, nou­velle forme matricielle. Pour l’alchimiste, il s’agit de la naissance du fils des philo­sophes, Pierre philosophale, annonçant l’aboutissement et l’achèvement de l’œuvre, la transmutation du plomb en or. Cette nouvelle atti­tude de l’Hermaphrodite ouvre à de nouvelles possi­bilités d’être et de vie.

Les représentations portées sur cette gravure sont puissantes : La Trinité est incarnée par les trois serpents qui sortent du calice et l’on peut y assimiler, la fonction transcendante, le troisième terme puis l’unité par le ser­pent tenu de la main gauche. Trois plus un pour aboutir à la quaternité indispensable à la totalité. N’oublions pas que le serpent affirme l’un de ses symboles majeurs dans la correspondance qu’il établit avec le Mercure.

L’oiseau figuré dans sa totale liberté de vol indique la matérialisation de l’esprit. Quant à la spiritualisation de la matière, elle se révèle par les importantes ailes fixées sur le dos de l’Hermaphrodite.

Au terme de l’analyse qui n’est pas le terme de sa vie, l’individu, malgré son avancée et son progrès n’est tou­jours qu’au début. L’arbre des treize lunes sur l’image souligne le perpétuel changement, l’instabilité de l’être humain et la précarité de son équilibre sans cesse remis en cause. Cependant, comme il nous le montre, triom­phant les pieds sur la Lune, félicitons l’Hermaphrodite. Le courage et la volonté l’ont aidé dans son entreprise, la patience et les efforts l’ont soutenu sur le chemin… Que cette lueur atteinte le guide vers une source plus lumi­neuse encore !


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Source : Carole Sédillot
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[1] - Concept issu de la psychologie du transfert de Jung :











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