La maturation des forces de l'âme 3

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La maturation des forces de l'âme 3

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Anthroposophie · 6 Octobre 2022
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La maturation des forces de l'âme
Travail soutenu par les Docteurs Claude Boudot, Vincent Hédon et Robert Kempenich par leur intérêt et leurs compétences pro­fessionnelles en médecine anthroposophique.
3. Idéalisme : flammes de la jeunesse et feux de la maturité

L’idéalisme passé et actuel

Nous prenons peu conscience de ce qui alimente la volonté humai­ne. De même nous ne distinguons pas l’idéalisme de la jeunesse de ces enthousiasmes qui nous enflamment plus tard dans la vie. Il est rare que nous reconnaissions que ce qui brûle dans les âmes des jeunes, apprentis en matière de vie, est volatile - un feu de paille sans durée, alors que chez le maître brûle un charbon provenant de la veine même de l’expérience.

Idéalismes, forces conductrices de la volonté ! Idées, projets, inten­tions descendant de la tête, s’incorporent au corps de l’homme : les idées incarnées deviennent caractère, tendance. Nous pensons avec nos Idées, mais notre Idéalisme, nous le mettons en oeuvre. C’est ainsi que nous sommes.

Au sein des mystères de l’homme s’incarnant sur terre, réside celui de son extraordinaire potentiel latent. Chaque enfant humain est un Wunderkind - bien que, comme les graines dans la forêt, bien peu aient une chance de germer. Les êtres qui ont pu germer par le passé - telle était leur destinée - s’avancèrent parmi les chants, les couleurs, les mots et les énergies puissantes qui constituaient l’esprit fougueux de la marche en avant chaotique de l’humanité. Rappelez-vous, autrefois la lyre et la harpe et les chants des jeunes guerriers changèrent le cours de l’histoire humai­ne. Les écritures anciennes, la sagesse des dieux tribaux, furent mises en vers et chantées. Rappelez-vous le chant de courage de Krishna et la jeu­nesse aventureuse d’Alexandre. L’idéalisme de la jeunesse a toujours eu une aura de militantisme divin, une sorte de nécessité ardente, pour ne pas mourir dans l’œuf. Il imprime sa marque sur son époque, sans relâche.

Cela se passait ainsi - dans l’enfance de l’humanité, particulièrement dans les temps les plus anciens, quand les forces de la jeunesse s’éten­daient bien au-delà, jusque dans ce qu’aujourd’hui nous appelons la maturité. Quand de « jeunes » hommes de 55 ans entonnaient les mémoires de leur vie parmi les anges, longtemps avant de poser les pieds sur terre !

Aujourd’hui, les choses se déroulent différemment. Parce que ces maîtres divins de l’école terrestre, les Hiérarchies, raccourcissent toujours plus la durée de la jeunesse, l'homme-Je émergeant doit allumer en lui-même le Feu de sa volonté. Il ne peut plus compter sur son corps « mû par l’enthousiasme » ou animé par les dieux, à travers la musique et la danse, les cérémonies et les processions. Le « Je » doit maintenant devenir enthousiaste, idéaliste, transmutant les intuitions morales, les transformant en actes.

Et ce qui se passe dans l’histoire se retrouve dans la vie de chaque homme. Lorsque les forces idéalistes naturelles, ardentes, qui font tour­ner le monde, et que nous avons apportées avec nous d’avant la nais­sance, lorsque ces forces s’épuisent et meurent, elles doivent renaître grâce à l’effort individuel.

Voici donc notre sujet. Les motivations divines innées de la jeunesse, leur caractère merveilleux et leur destin. Et l’idéalisme de volonté que fait renaître l’homme mûr - l’individu pleinement incarné - ses sources, la lutte, l’accomplissement, et le but.

Le merveilleux idéalisme de la jeunesse

C’est « avec une traîne de nuages de gloire », comme le dit le poète, que nous entrons dans le monde terrestre. Avec de grandes forces de dévotion, rapportées de notre existence parmi les êtres angéliques, nous reflétons fidèlement les qualités de ceux qui nous reçoivent sur terre. Puis, sans réserve et avec soif d’apprendre, nous levons les yeux vers nos professeurs comme source de toute sagesse. Lorsque nous atteignons la maturité terrestre, l’amour pour l’autre sexe s’éveille, les facultés mentales prennent le devant. Et nous assumons alors les idéaux de nos instructeurs, nous les prenons en charge, nous nous habillons de ces idéaux inspirés par les histoires, les légendes, les héros de contes, les biographies - ou alors, dans le pire des cas, nous trouvons l’idolâtrie, l’idéologie de groupes d’appartenance, qui se répand sou­vent comme une maladie infectieuse.

L’idéalisme jaillit. Épanouissement de la première moitié de la vie, aussi naturel que l’arrivée des fleurs à la suite des feuilles et des racines. Bien sûr il peut être émoussé : une éducation sans âme est étouffante, des rencontres prématurées avec les réalités peuvent faire des ravages. Mais quel rayonnement, quelle joie, quand il s’éveille dans notre envi­ronnement. D’où provient-il ? Où est sa source ? Comme nous aimerions le savoir ! En fait, c’est nous qui l’amenons avec nous. Nous le trouvons enfoui au cœur de notre nature physique, puisant dans le sang.

Dans les dernières années de l’adolescence et les premières années de la vingtaine, nous nous découvrons l’envie et la capacité, de nous dévouer sans appréhension à une noble cause. Nous pouvons être pleins de ferveur, d’énergie sans limite, avec une aptitude au sacrifice, une innocence et une volonté de nous dépasser, au-delà de toute ima­gination. Nous voulons être utiles, faire un monde meilleur. Apercevant le but rêvé, nous ne comptons pas nos efforts, notre temps ni notre sueur !

Il en a toujours été ainsi, en grand comme en petit. Les générations de jeunes apportant des changements culturels à chaque décennie suc­cessives. Si nous regardons un peu en arrière, nous pouvons revoir quelques « étendards » brandis ces derniers temps : protestations et révoltes estudiantines, écologie, groupements et communautés, le « pseudo-mysticisme » des années soixante-dix. Et longtemps avant : les mouvements de poésie, les bardes chantant la bonne ou la haute socié­té. Vous rappelez-vous les « Corps de la Paix » ?

Quel que soit le lieu où le cours des événements ait changé, nous trou­vons des jeunes sur le devant de la scène, fournissant enthousiasme et énergie. Les Dominicains et les Franciscains étaient des mouvements de jeunes ; leur idéal : l’assainissement de l’Église. Considérez l’âge des meneurs de la Bastille. (Heureusement, les signataires de la Déclaration d’indépendance américaine n’étaient pas tous des blancs-becs !).

Qui a fourni le feu et la ferveur aux initiatives de Rudolf Steiner ? L’Anthroposophie a commencé avec un parfum de mouvement de jeu­nesse. Comme ils étaient tous jeunes ces enseignants, acteurs, artistes et scientifiques ! C’est leur idéalisme, leurs sacrifices, leur travail dévoué, qui ont rendu possible ce qui existe aujourd’hui.
Ce merveilleux don ardent de la jeunesse ! Inévitablement porté à l’excès mais, en fin de compte, servant les buts de l’humanité.

Que lui arrive-t-il ensuite ?

À l’approche de la trentaine, la fièvre et la ferveur, la vigueur et l’en­thousiasme ardent diminuent. Les rêves s’affaiblissent, la relation au spi­rituel pâlit. Nos « ailes » commencent à se replier et, nos deux pieds bien arrimés au sol, nous nous retrouvons graduellement empêtrés dans les filets de l’existence terrestre.

Les exigences et les besoins de la vie prennent une importance crois­sante. Les contingences extérieures commencent à peser sur nous. Le temps doit être structuré. Le dévouement pour les répétitions de pièces de théâtre, les fêtes rituelles ou les discussions sans fin, les chorales, les petites réunions et les conférences - le besoin de tout cela s’estompe.

Les limites de nos forces et de notre temps, inexistantes jusque-là, com­mencent à se faire sentir. Nous tenons la comptabilité de nos heures. Les responsabilités commencent à prendre de l’importance. Les rêves demandent à être convertis en monnaie sonnante et trébuchante.

Le processus qui mène à plus de « sobriété » se met en place gra­duellement. Le point le plus bas est atteint, pour la plupart d’entre nous, vers la fin de la trentaine, quand la santé et la vitalité deviennent pro­blématiques, et que la maladie et la souffrance réclament leur tribut. Quand l’épuisement et la torpeur intérieure commencent à s’installer, c’est à ce moment-là que nous réalisons que l’enthousiasme qui a servi de base à notre petit monde d’entreprise et de responsabilité n’est sim­plement plus là ! Une humidité dans l’âme a étouffé les feux de la jeu­nesse. Tout ce qui nous avait soutenu avec joie est parti. L’idéalisme cède la place aux nécessités de la vie.

À Vienne en 1912, Rudolf Steiner décrivait ainsi cette période : « C’est le moment où les forces de la jeunesse ont été dépensées et où nous passons au-delà d’un certain zénith vers la courbe descendante. Ce moment - qui se produit entre trente et quarante ans - ne peut pas être déterminé irrévocablement, mais le principe en est valable pour tout le monde. C’est la période de vie où nous vivons le plus intensément sur le plan physique. Sur ce plan-là, nous pouvons facilement être victimes d’illusions… C’est dans cette période du milieu de la vie que nous sommes le plus profondément impliqués dans le monde physique, absorbés dans les affaires de la vie extérieure… et que nous sommes en contact direct avec le monde ; notre vie est entre nos mains. Dans cette période, nous sommes préoccupés de nous-mêmes, concernés plus qu’à aucun autre moment par nos affaires extérieures et par notre relation au monde extérieur. Mais cette relation au monde est créée par l’intellect et par les impulsions de volonté dirigées par l’intellect - en d’autres mots, par ces éléments mêmes de notre être qui sont les plus étrangers aux mondes spirituels, auxquels les mondes spirituels restent clos. Vers le milieu de notre vie, nous sommes, pour ainsi dire, le plus éloignés du Spirituel » (24).

L’un des aspects intéressants de ce drame de tout un chacun est son secret. Caché mais bien en vue de tout le monde, pourtant imprévu et méconnu. Nous, les aînés jetant un regard sur notre passé, nous ne réfléchissons pas en disant « Aha ! ». Nous, les plus jeunes, sommes les plus mauvais devins de ce qui va arriver, tout nous prend toujours par surprise. Ni Epiméthée ni Prométhée ne sont vigilants. Nous sommes aujourd’hui vraiment privés de Muses.

Considérons en effet certains signes, certaines énigmes - dont les solutions devraient maintenant être évidentes : dans notre travail anthroposophique, il y a un trou dans la participation. Les gens dans les années médianes de leur vie se font remarquer par leur absence aux réunions et événements. Pourquoi ? Pas le temps, pas l’énergie ! D’autres obligations, d’autres priorités !

Ces rêves de communautés, qui s’embrasent et s’éteignent à chaque décennie, sont-ils Maya ? Quelqu’un s’est-il jamais arrêté pour réfléchir au sort des précédentes ? Il se produit un signe particulièrement encou­rageant lorsque des « fondateurs » de communautés potentielles abou­tissent à une impasse et se demandent : quelles sont les véritables forces non-physiques qui amènent les êtres spirituels des hommes à se ras­sembler ? Cette question est rarement posée avant quarante ans.

Mais l’ancien doit mourir pour que le futur puisse naître. Ce dont nous héritons, ou que nous apportons comme disposition ou don, doit inévitablement disparaître pour que de nouvelles capacités apparais­sent. Avec les forces de notre jeunesse, une graine est plantée, et nous devons attendre pour la floraison et les fruits. La décennie du milieu de la vie est une décennie de transformation, d’assimilation. Chacun de nous ressent : ce « I want to be alone » (Je veux être seul) qu’a immor­talisé Greta Garbo dans La Reine Christine. Et c’est dans cette solitude que nous découvrons nos propres ressources, nos vraies priorités et que nous trouvons la tâche de notre vie.

Le jeune et le vieux

Lorsque les ressources spirituelles originelles régressent, l’homme est incité à lutter. Telle est la loi cosmique. L’idéalisme naturel brûle ardem­ment dans la jeunesse, s’affaiblit et s’étouffe dans la trentaine, puis il refroidit et meurt. Pour que l’homme soit renouvelé pour la seconde moitié de la vie, il doit être recréé de l’intérieur, délibérément. Sans ce renouvellement de l’intérieur, nous continuons - descendant graduelle­ment la pente, ayant « fait notre temps », un « has been », une promesse non tenue.

Chez le jeune, c’est l’organisme qui fournit les énergies sans limite, la vitalité sans fin, l’enthousiasme spontané. Chez la personne plus âgée, c’est le contraire : l’organisme devient la source de ce qui freine. Sans cesse, elle doit se battre pour vaincre, pour maîtriser les obstacles du corps. Et à moins de laisser son âme succomber au danger omniprésent de s’unir au corps vieillissant qui s’affaiblit, l’homme doit trouver des voies pour se libérer, pour vivre avec des pensées qui ne proviennent pas de la routine quotidienne, pour amener une réelle activité de la pensée et de l’esprit, indépendante du corps, pour faire naître les feux intérieurs.

Mais le don divin de l’idéalisme de la jeunesse peut aussi conduire à l’hyperactivité, qui passait autrefois dans les temples pour de la fréné­sie. Quand nous sommes très jeunes, nous pouvons nous amener à épuisement, ou y être conduits, mettre en jeu notre santé, consumer les forces de notre corps éthérique. Par contre, l’idéalisme de la maturité peut vraiment générer des forces. Plus nous travaillons spirituellement dans la deuxième partie de notre vie, plus nous disposons de santé et de forces ! L’idéalisme suscité de l’intérieur peut dynamiser les forces de notre corps éthérique. L’activité spirituelle est la thérapie ultime de toutes les maladies terrestres.

La torche de la jeunesse s’enflamme et vacille aussitôt. Les personnes âgées enthousiastes portent un flambeau, allumé il y a des années, brillant toujours plus fort.

Lorsque nous sommes jeunes, nous avons tendance à prendre nos idées chez les autres. Nous revêtons une sagesse qui n’est pas nôtre. Nous pouvons être animés d’un grand enthousiasme pour ce que disent nos sages conseillers (comme par exemple, pour ce qu’a dit autrefois Rudolf Steiner). Nous sommes mis en action par l’extérieur. Les mots ont cette faculté de passer au-dessus de nos têtes et d’entrer directement dans notre volonté. Das Nicht-Verstandene sofort durchführen (le non-compris aussitôt exécuté), voilà comment Rudolf Steiner qualifiait cela. Lorsque nous devenons plus âgés, nous ne sommes plus mis directe­ment en mouvement par ce que les autres disent. Nous ne pouvons ingurgiter leurs idées. Le « Je » n’avale pas tout rond, il a besoin de mas­tiquer. Il a besoin de soupeser les idées et de vivre avec elles. Et c’est le « Je » qui doit se mobiliser pour les mettre en pratique. Rien de ce qui vient de l’extérieur ne peut mettre le « Je » en mouvement ! C’est la situa­tion objective qui appelle à l’action. Et le « Je » est interpellé à répondre, il se sent responsable. Il agit en tout altruisme, le fait pour les autres, et non par souhait de grandeur. Et tout ceci présuppose une active vie inté­rieure, l’acquisition d’une capacité à éveiller l’angélique en l’homme !

Faites un instant attention au son de la voix. Notez la différence entre le ton utilisé par les jeunes pour exprimer leurs idéaux et celui qu’em­ploient les personnes plus âgées. Cette différence s’entend très bien. Tôt dans la vie, la voix sonne plat, presque sans âme. Elle a une qualité de mémoire. Elle peut être stridente, dogmatique, ou onctueuse. Une réso­nance spirituelle, une chaleur de ton, ne viennent qu’en vieillissant.

Chez les jeunes, les mots ont souvent l’air de sortir simplement en vrac, ou d’autres fois de se déverser au-dehors avec la solennité d’un barde ancien - avec d’obscures significations que personne ne peut suivre. L’idéalisme de la maturité s’exprime avec une quiétude inté­rieure et une certitude acquise par l’expérience de la vie. Il a une enve­loppe imprégnée d’âme, une enveloppe spirituelle.

À moins d’un amour particulier pour la précision mathématique et la conscience scientifique, la jeunesse tend à être confuse, recrachant avec incohérence ce qu’elle a lu ou entendu. On ressent parfois chez elle un attrait profond pour le caractère sacré ou l’importance particulière de certains mots, qui peuvent alors résonner avec une ferveur digne d’un prophète de l’Ancien Testament. La modestie, la prudence, la simplici­té, la clarté et un style posé, s’exprimant par aphorismes, sont des signes de maturité.

Le prosélytisme oratoire imprudent, hypnotisé par ses propres croyances - ce fait d’imposer sa volonté à autrui, proclamant ce qui « devrait » être fait, ce que les autres « devraient » faire - la tyrannie de ses propres idéaux, tels sont les signes d’idéalismes particulièrement immatures.

Faire de l’esprit est aussi un don de la jeunesse, jaillissant souvent comme une fontaine d’astuces acides. L’humour, celui qui est aimable, vient avec l’expérience, avec la connaissance de la souffrance, avec la perspicacité.

*

Parlons du soi-disant « fossé entre les générations » - dont on nous rebat les oreilles. L’observation de la vie montre qu’assurément il n’y a pas un tel écart entre l’idéaliste mature et le jeune idéaliste, quand ils sont authentiques. Si on met à part ceux qui sont intoxiqués par leur propre suffisance, les jeunes « sobres » recherchent la compagnie des personnes créatives plus âgées. Ils sont unis dans une même vénéra­tion pour la sagesse et la connaissance. On rencontre fréquemment des relations dans lesquelles l’idéaliste mature favorise le développement du plus jeune, l’encourageant mais le laissant libre, ne cherchant pas à l’impressionner, le submerger, ou le dominer.

Cependant, comme nous ne le savons que trop bien, à côté des indi­vidus créatifs et matures - et il y a assurément de nombreux indivi­dus remarquables dans notre travail, dans tous les domaines de recherche, puisque l’Anthroposophie est universelle - il y a aussi ceux qui n’ont pas amené leurs forces idéalistes à maturité. Ces personnes plus âgées sont pathétiques à force de vivre dans l’idéalisme de la jeu­nesse, ayant perdu le leur et n’ayant pas pu en faire naître un de leur cru. Le feu de la jeunesse agit comme un stimulant artificiel sur leurs désirs passifs et creux. Ils vivent un renouveau en miroir de ce qu’ils ont connu autrefois et ont perdu depuis, une gloire passée. Là réside la tragédie des âmes affaiblies, avec leur adulation juvénile dépour­vue de critique.

Les fossiles arrivant au sommet par l’ancienneté ou les circonstances, débarrassés de leur « idéalisme magique », deviennent des pantins. Ils assument des responsabilités administratives, se reposant sur la vigueur des jeunes qui les entourent. En sont témoins nos Présidents, leur entourage, leurs génies.

Se connaître comme un être évoluant dans le temps est essentiel. Les jeunes peuvent apprendre des aînés ce que, un jour, ils pourront deve­nir. Quand mon feu faiblira, deviendrai-je comme cette personne-ci ou comme celle-là ? Aussi inéluctablement que l’automne succède au prin­temps, beaucoup de nos jeunes novateurs et redresseurs de fautes pro­metteurs, se retrouveront un jour parmi les gentils vieux messieurs et gentilles vieilles dames, somnolant dans les coulisses.

Transformation des idées en idéaux

Comme les mots ont du mal à garder leur signification ! Comme les plantes, ils ont tendance à subir des mutations, se métisser, redevenir sauvages, être altérés ou simplement se dessécher.

Les Idées furent autrefois les forces créatives d’êtres spirituels actifs dans la nature, mais ce sont transformées en vérités actives et principes sous-jacents. Et aujourd’hui, que sont-elles ? À peine plus que des opi­nions, des notions, des pensées vacillantes devant le miroir du cerveau.

Les Idéaux furent autrefois la volonté de Dieu manifestée dans l’hom­me, des desseins divins incarnés dans des hommes remarquables. Ils étaient des forces intentionnelles pour l’évolution de l’humanité, les forces de dévotion, sources d’inspiration, qui firent s’ériger les temples à la ressemblance des cieux. Ils donnèrent naissance aux mœurs, aux formes sociales. Et maintenant ? Un idéaliste ? Un rêveur, une personne un peu hors d’atteinte.

Ceux qui ont eu la chance de rencontrer l'Anthroposophie ont décou­vert une source intarissable d’idées - Idéaux dans le sens originel. Lorsque nous l’avons rencontrée pour la première fois, la découverte fut extraordinaire pour la plupart d’entre nous. Comme l’enfant qui ouvre des paquets sous le sapin de Noël, nous ouvrions livre après livre avec ce sentiment du « n’est-ce pas merveilleux ? ». L’ampleur, la portée, la diversité - tous les domaines de la vie - nous étions fascinés. C’est alors que le zèle du nouveau converti montra le bout du nez. Et tel qu’on avale, on régurgite (comme Francis Edmunds (25) l’a formulé un jour). Nous disions tout ce que nous savions, tout au moins tout ce dont nous nous souvenons. Jusqu’à ce que, enfin, la triste vérité apparut : ça ne marche pas comme ça, pas de cette façon-là.

Exactement comme un enfant ne peut absorber un savoir d’un ensei­gnant qui ne l’a pas auparavant digéré et transformé dans une forme artistique appropriée, de même un adulte ne peut pas adopter une information-idée de quelqu’un qui ne l’a pas digérée, transformée, et individualisée. C’est dangereusement étouffant, dans les deux cas.

Lorsque la nouveauté de tout cela et l’excitation s’apaisent, nous commençons à limiter « l’engrangement ». Nous ressentons le besoin de nous agripper vraiment aux idées qui ne sont pas en nous, mais enfouies dans les livres. Nous nous retirons pour étudier seul ou avec d’autres. C’est à ce moment-là que nous commençons à réaliser quel défi nous est lancé. Comme ces formes de pensée, ces thèmes sont dif­ficiles - un effort est exigé pour se les rappeler vraiment et être capable de les reformuler. La substance est évanescente, il est difficile de s’en souvenir. Ses contextes et ses liens échappent à notre esprit. Comme tout cela devient pâle, comme cela sonne sans vie en nous et égale­ment chez les autres, pendant les séances d’étude. Ces pièces remplies de mots, dont l’écho est terne, pour tout ce qui avait été pour nous vibrant de charme.

Les années passent et notre « corps de connaissances » gavé, notre Anthroposophie en tant qu’information sur l’homme et le monde, com­mencent à peser lourdement sur notre âme. On ressent une sorte de raidissement intérieur. Une sorte de saturation.

Ceci peut durer jusqu’à ce qu’une volonté se fasse jour qui nous pous­se à entreprendre le chemin du développement intérieur à travers une vie régulière d’exercices, à travers concentration et méditation, vers la maîtrise des livres de base.

A l’approche subjective personnelle qui consistait à absorber un savoir et à en parler va se substituer une vie contemplative active, un vécu où s’apprend la sagesse, pour qu’elle devienne perspicacité et conviction objectives - désintéressées.

Ceux qui se sont confrontés à cette pensée-clé dans Comment acquérir des connaissances sur les Mondes Supérieurs (au chapitre I) comprendront qu’aujourd’hui les idées sont en elles-mêmes porteuses de forces de mort, ces forces de mort qui éveillent la conscience. Et ces idées transformées en idéaux éveillent dans l’âme des forces de vie :

« Chaque idée qui ne devient pas votre idéal fait mourir une force dans votre âme ; Chaque idée qui devient votre idéal crée des forces dans votre vie. »

Le livre L’Initiation ou Comment acquérir des connaissances sur les mondes supérieurs commence par un dialogue avec l’auteur sur la façon de devenir objectif à propos de soi-même. Il s’achève par la rencontre avec le Grand Gardien, l’ange de l’Être du Christ, représentant le salut de l’Humanité. Le chemin montré revient à une transmutation de toutes nos acquisitions et connaissances. L’Anthroposophie comme façon de vivre est un idéal qui se pratique. La métamorphose du savoir apporte des pouvoirs indescriptibles. On peut voir ce chemin d’aujourd’hui comme une « Initiation de la Volonté », une transformation des dons en réalisations.

Rudolf Steiner sur ce thème :

L’idéalisme inné et l’idéalisme de la re-naissance

Qu’est donc cet idéalisme plein de jeunesse, naturel, élémentaire ? Bien qu'il soit beau, qu’il soit grand, il ne doit pas être la seule force dans l’homme. Parce que cet idéalisme plein de jeunesse n’est encore que l’idéalisme du « ex deo nascimur », de la divinité encore identifiée à Yahvé. Il ne peut être le seul depuis que le Mystère du Golgotha a eu lieu sur la Terre. De plus, quelque chose doit être ajouté : il faut qu’il existe une éducation, une auto-éducation vers l’idéalisme.

On doit bien comprendre que dans la communauté humaine, à côté de l’idéalisme inné de la jeunesse, quelque chose d’autre doit être acquis qui est de la nature de l’idéalisme accompli, pas seulement l’idéalisme montant du sang et du feu de la jeunesse, mais quelque chose de conquis, accompli pour soi-même par quelqu’initiative. Un idéalisme enseigné [anerzogener], et particulièrement enseigné par soi-même, qui ne se perd pas quand on perd la jeunesse - c’est cela qui ouvre la voie vers le Christ, parce que l’individu l’acquiert pendant la vie entre la naissance et la mort.

Ressentez l’énorme différence entre l’idéalisme naturel et l’idéalisme acquis, pensé par soi-même. Sentez la grande différence entre le feu de la jeunesse et cet autre feu qui résulte d’avoir pris en main la vie de l’es­prit, un feu qui peut être réactivé, encore et toujours, indépendamment de notre développement corporel, puisqu’acquis en nos âmes, alors vous avez saisi ce qu’est cet idéalisme à deux versants, celui qui est l’idéalis­me de la re-naissance, différent de celui qui est inné. Voilà le chemin de Volonté vers le Christ…

Si vous recherchez le Chemin de la Volonté, vous ne tomberez pas sur quelque chose d’abstrait, mais sur la nécessité de l’éducation de soi vers l’idéalisme.

Et alors, quand vous aurez acquis pour vous-mêmes cet idéalisme, ou quand vous l’aurez transmis par l’éducation aux jeunes qui grandis­sent - ce qui est de la plus grande urgence - alors vous trouverez que, grâce à cet idéalisme acquis, un sens naît en l’homme qui le pousse à accomplir plus que seulement ce que le monde extérieur exige qu’il fasse ; car de cet idéalisme jaillit l’impulsion de faire plus que ce qu’exi­ge le monde des sens. Par lui s’élèvent l’attitude et la volonté d’agir ins­pirées par l'Esprit.

Ce que nous accomplissons grâce à cet idéalisme acquis, en cela nous réalisons l’intention du Christ. Il est descendu sur Terre des mondes extra-terrestres pour amener la réalisation de buts non seulement terrestres, mais également supra-terrestres.

Nous grandissons conjointement à Lui, seulement si nous construisons en nous cet idéalisme, afin que le Christ, qui agit de manière supra-terrestre à l’intérieur du monde terrestre, puisse agir à l’intérieur de nous. C’est seulement par cet idéalisme autodicacte que nous pouvons réaliser ce que les paroles de Paul disent à propos du Christ : "Pas Moi, mais le Christ en moi". Celui qui ne cherche pas à essayer de développer cet idéalisme acquis par soi-même ne peut que dire : "Pas Moi, mais Yahvé en moi"… Alors nous pourrons parler du Christ comme Dieu de notre re-naissance, et de Yahvé comme Dieu de notre naissance.

Cette différence doit être découverte par l’homme moderne, car c’est seulement cette différence qui, dans un même temps, nous donnera de véritables sentiments sociaux, de vrais intérêts sociaux. Celui qui a déve­loppé en soi cet idéalisme ressentira aussi de l’amour pour l’humanité…

Vous pouvez toujours prêcher : l’amour, l’amour, et encore l’amour. Ce n'est que de la rhétorique, ce ne sont que des mots. Mais si vous tra­vaillez dans ce but, que les hommes vivent une re-naissance en lien avec cet idéalisme, que, à côté de l’idéalisme de sang, ils aient un idéalisme mûri dans l’âme, un idéalisme qui durera toute la vie, alors vous aurez éveillé l’amour humain dans les âmes des hommes.

Autant vous aurez développé d’idéalisme en vous-mêmes, autant votre âme ira, au-delà de votre égoïsme, vers un intérêt sensible, indépendant, pour les autres…

Par la volonté de re-naissance, d’une re-naissance obtenue en gagnant l’idéalisme, grandit un sentiment accru de responsabilité envers tout ce qu’un homme accomplit durant sa vie. (23)

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Source : George et Gisela O'Neil avec les apports de Florin Lowndes - La vie humaine - Saisir le sens de son parcours terrestre.

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Travail soutenu par les Docteurs Claude Boudot, Vincent Hédon et Robert Kempenich par leur intérêt et leurs compétences pro­fessionnelles en médecine anthroposophique.

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