L'itinéraire de la vie : Un sujet qui concerne tout un chacun

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L'itinéraire de la vie : Un sujet qui concerne tout un chacun

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Anthroposophie · 10 Octobre 2022
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L'itinéraire de la vie
Travail soutenu par les Docteurs Claude Boudot, Vincent Hédon et Robert Kempenich par leur intérêt et leurs compétences pro­fessionnelles en médecine anthroposophique.

Un sujet qui concerne tout un chacun

Que nous en soyons conscients ou non, la biographie [1] - [1a] commence à devenir une préoccupation pour tout le monde. Il ne s’agit pas simple­ment d’un intérêt pour sa propre vie, son propre destin mais aussi d’un désir de comprendre les façons étonnantes et diverses par lesquelles la vie des autres se déploie.

La connaissance de soi et la connaissance du monde sont ici entrela­cées de manière inextricable. Nous vivons dans un univers d’êtres humains de tous âges et de tous types.

Notre destinée est déterminée, rendue possible, voire contrainte par la vie des autres personnes, près ou loin de nous, et nous, en retour, nous déterminons la leur. Chacun a son « rôle de vie » personnel, sa propre bio-graphie, se tissant avec celle des autres pour constituer le canevas de la société humaine actuelle.

Quand nous étudions les différentes formes que la biographie peut prendre, nous devrions songer à ce canevas social. Ces formes sont dynamiques, potentielles, et comportent de nombreux éléments. Les forces du passé sont à l’œuvre. Ce qui était se prolonge au présent ; le futur est aussi maintenant.

Ce qui sera projette déjà une ombre au-devant de lui. Les bébés à venir luisent déjà dans le regard des jeunes filles. Les réalisations de la maturité sont déjà présentes dans l’aura du jeune être. De telles considérations doivent être mesurées à leur juste valeur.

Nous avons également à considérer la notion d’archétype, cette simi­litude entre tous les êtres. Cette notion, naturellement, nous tendons à l’éviter, spécialement à notre époque où culminent le culte de la per­sonnalité et toutes ces philosophies existentialistes qui nous isolent.

Quoique, dans notre culture, l’accent soit mis sur des thèmes comme « je suis unique », « moi et le monde », « personne n’est en accord avec ce que je fais, personne ne me comprend », il existe aussi des stéréotypes comme « habille-toi comme les autres », « ressemble à tout le monde », « fais les choses comme tout le monde », « pense comme tout le monde ».

Toujours seul, chacun gémit dans son petit moi sauvage et désert. Et pendant ce temps, nous semblons aveugles, totalement inconscients du fait que cette vie qui est la nôtre est un drame [2] qui se déploie en aval, et dont le scénario est écrit en gran­de partie. Une rivière du temps transportant les kayaks solitaires des personnalités. Naturellement, certains rament plus vite, un peu plus à droite, un peu plus à gauche, les uns renversent leurs embarcations, d’autres s’échouent… Le cours cependant est établi. Le lit de la riviè­re est aussi vieux que le temps.

Dans ce contexte, les libertés extérieures ne comptent pas autant qu’on le pense. Ce qui vous rend libre, ce n’est pas la direction que vous suivez sur ce cours d’eau, mais le travail spirituel intérieur effec­tué dans la solitude, au cœur de votre nature indomptée. Le cours de votre vie est établi. Vous vieillirez, penserez, ressentirez et ferez cer­taines choses à chaque époque différemment, tout ceci selon un cer­tain plan.

Alors, que signifie cette rivière de la vie ? Cette histoire de jeunesse, de maturité et de vieillesse ? Pouvons-nous arriver à connaître certains éléments de ce qui est à venir ? Quel en est l'archétype ?

Ce qui en est dit

Jusqu’ici, beaucoup d’intérêt et d’études ont été consacrés aux pre­mières phases de la vie de l’enfant. Beaucoup moins de travail a été fait sur les cycles de la maturité se déroulant pendant les années ultérieures de la vie humaine.

Ceci est vrai à l’intérieur des cercles anthroposophiques, mais est aussi particulièrement juste dans le monde professionnel. Les formes encore floues de périodicité, de changements cycliques dans les phases ultérieures du développement, doivent aujourd’hui intéresser le plus grand nombre.

Cependant, les temps changent. Ces dernières années, la recherche a commencé à s’intéresser aux phases de la vie adulte. Par exemple, un article "Nouvel éclairage sur les cycles de la vie adulte" (Time Magazi­ne, 28 avril 1975), donne ces repères :

Départ de la famille 16 à 22 ans
Aspiration à l’union 23 à 28 ans
Questionnement (crise de la trentaine) 29 à 34 ans
Explosion du milieu de la vie 35 à 43 ans (toutes les valeurs sont remises en question)
Stabilité 44 à 50 ans
Sérénité après 50 ans

Un autre article, concernant la vie professionnelle, intitulé « L’agonie de l’échec de l’exécutif » (Time Magazine, 13 avril 1970), invente l’expression « Flambeaux-trop-tôt-éteints » pour la crise du milieu de vie autour de 35 ans. Il rapporte : « Quelques flambeaux-trop-tôt-éteints sombrent simple­ment dans la dépression, d’autres s’adonnent à la boisson ».

L’article « Le deuxième acte dans la vie des Américains » (Time Maga­zine, 8 mars 1968) élabore le « syndrome de Charley Grey », dénommé ainsi d’après le héros du roman « Point of no return » [3]  (1). On nous dépeint ici le tableau d’hommes d’âge moyen qui, ayant eu auparavant beaucoup de succès, découvrent que leur statut et leur travail sont maintenant dénués de tout sens. Quelques-uns essaient de se lancer dans une seconde carrière. Les stimulations extérieures ne semblent plus avoir de valeur. La dépendance aux motivations extérieures est graduellement remplacée par la découverte de motivations provenant de l’intérieur.

Quoique ces apports confirment ce que plusieurs d’entre nous ont expérimenté, à diverses étapes de leur vie, ils ne nous offrent que des symptômes extérieurs. Dans ces approches descriptives, les causes fon­damentales à l’origine de ces expériences intérieures sont inconnues, à la fois pour les crises qui semblent se regrouper autour de certains âges et pour les difficultés intérieures et extérieures rencontrées par tout homme dans une même étape de vie.

Dans les pages suivantes, un effort sera fait pour sonder au moins quelques-unes de ces causes fondamentales à partir du point de vue de la Science de l’Esprit.

Ce qu’aborde ce livre

La connaissance de soi - du fronton de Delphes jusqu’à aujourd’hui - a fait couler beaucoup d’encre, mais a donné bien peu de résultat en ce qui concerne la compréhension réelle du cours de la vie humaine. Nos craintes nous voilent le parcours que nous avons suivi comme l’itinérai­re que nous sommes en train de tracer. Nous n’aimons pas vraiment contempler la réalité de nos biographies à la claire lumière du jour. Jus­qu’à maintenant, nous avons été inconscients du fait qu’apprendre à regarder en face le déploiement de sa propre vie peut rendre nos sou­venirs objectifs et préparer le chemin pour rencontrer le Gardien, le Soi ultime, soit sur la voie de l’initiation soit au portail de la mort.

Les fondements de la Science de l’Esprit à propos de la biographie de l’homme sont si vastes qu’aucune étude particulière ne peut rendre justice à tous ces thèmes. Peut-être que la meilleure chose à faire alors est de permettre l’accès à cette littérature. En fait, l'Anthroposophie, dans son ensemble, est une panoplie d’efforts pour illuminer le mystè­re du devenir de l’homme ; dans la forme de son parcours, la vie de l’individu reflète la biographie de l’humanité.

Des douzaines de facteurs interfèrent littéralement dans les motifs [4] cycliques de l’existence humaine. Au départ, ils doivent être traités séparément afin que la spécificité de leur caractère ressorte clairement. Les considérer tous ensemble, dans le tissage de leur interaction, peut être le résultat d’une étude et non son commencement.

La brève énumération qui suit nous fait entrevoir la richesse des thèmes d’une telle étude de la vie humaine :

Panorama de la vie : les aspects du corps, de l’âme et de l’esprit
Le faîte des 27 ans - et ce qu’il sous-tend
Les deux moitiés de la vie : descente et remontée
Le plan originel de l’Elohim, ce que l’homme devait être
Les apports de Lucifer et d’Ahriman à différents moments
La vie de l’homme comme reflet du développement historique
Le développement de l’humanité reflété dans la biographie
Les influences planétaires dans les cycles de sept ans
Les aptitudes artistiques : forces de l’enfance préservées
La métamorphose des jeunes années dans les dernières périodes
Nos relations et nos amis karmiques, pendant la jeunesse, au milieu de la vie et pendant la maturité
Mort précoce, mort tardive, et la 35e année comme point de retournement
Nos trois rencontres avec La Trinité
Les nœuds lunaires, le cycle de 18 ans et 7 mois
La durée de vie de 72 ans, un cycle du Soleil
Ce que fit Rudolf Steiner avec son autobiographie

Panorama de la vie : aspects du corps, de l’âme et de l’esprit

La vie humaine se déploie en trois larges phases, chacune d’elles déterminant la maturation d’un des aspects de la tripartition corps-âme-esprit : la maturité du corps est atteinte durant la première période, autour de l’âge de 20 ans ; la stabilité émotionnelle ou psychologique prend place habituellement pendant les années du milieu de la vie, autour de 40 ans ; ensuite, l’émergence de l’individualité ou maturité spirituelle peut advenir.

Considérons les athlètes, les champions olympiques. Un nageur est « vieux » autour de 25 ans. Un coureur ou un acrobate atteint le point culminant de sa carrière très jeune. L’armée compte sur la jeunesse pour constituer ses effectifs.

Cependant, dans le domaine de l’astronautique, on a découvert que les jeunes gens ne pouvaient supporter suffisamment le stress, qu’on ne pouvait pas vraiment compter sur eux. La fin de la trentaine constitue l’âge moyen des personnes engagées dans ce domaine.

D’un autre côté, dans le secteur exécutif, les lourdes responsabilités incombent aux personnes de plus de 40 ans, et il semble y avoir un consensus concernant l’âge de maturité des candidats à la présidence. Quoique nous ne puissions pas aisément parler de « maturité du corps, de l’âme et de l’esprit », le monde des affaires, lui, semble en tenir compte avec son pragmatisme. Quand on cherche à savoir si ce principe s’étend à la sphère culturelle, on soulève de nombreuses controverses ; cepen­dant, on constate que les professeurs en titre et les hommes de renom­mée dans la vie universitaire ont généralement « la peau bien tannée ».

De plus, chacune de ces trois périodes de vingt et un ans peut encore être subdivisée, manifestant des phases de croissance rythmique. Encore une fois, c’est une évidence pragmatique.

La maturité du corps : Il est clair que, jusqu’à 7 ans, l’enfance est une période de construction sur le plan corporel. L’énergie corporelle est souveraine, comme tout parent impliqué dans la vie préscolaire le sait bien. Avec l’entrée à l’école, les forces de vie se transforment en ima­gination, en mémoire et en capacité d’apprentissage [5]. Quand l’ado­lescence survient, les forces intellectuelles ainsi que les éléments per­sonnels et émotionnels viennent au premier plan. Et alors, Éros prédomine.

La maturité de la personnalité : À partir de 20 ans, trois périodes de maturation psychologique peuvent encore être bien différenciées, quoique ceci demande plus de perspicacité.

L’âge de voter a autrefois défini un seuil social à 21 ans, mais l’âge du service militaire et du mariage légal l’ont plutôt fait disparaître. Quoiqu’il existe de toute évidence quelques jeunes qui aiment voter ou quelques mariages précoces heureux, il est à considérer que le point de départ de la maturité personnelle ne prend place qu’au début de la vingtaine.

La crise autour de 30 ans et les poncifs rebattus sur le dénouement immature et tragique de la jeunesse nous montrent clairement que quelque chose se passe maintenant, quelque chose de nouveau et de dif­férent, commençant entre 28 et 30 ans. Autour de ce seuil, on semble arri­ver à un épuisement de la vitalité naturelle ou instinctive de l’âme. Le changement chez les jeunes gens devient évident. Ils ne parlent plus aussi vite, ni avec une telle assurance intransigeante. Et avec le déclin de la confiance en soi, 1 une sorte de dogmatisme apparaît. Ils perdent le char­me et l’aisance naturelle tellement présents dans les jeunes années. Leur idéalisme littéral s’envole souvent en fumée. La fusée de lancement de la jeunesse tombe en panne, et la personnalité doit commencer à générer ses propres énergies. La fin des forces de la jeunesse coïncide presque avec ce que nous pouvons appeler le passage de la période de la vie de l’âme de sensibilité à celle de l’âme de compréhension-sentiment (appe­lée habituellement âme de cœur et de raison [6]). Et maintenant, l’évolution dépend de l’initiative intérieure et des efforts pour approfondir l’éducation de soi.

Les changements prenant place vers la fin de la trentaine commencent à être perceptibles. On a bien étudié la destinée des individus créateurs pendant ces années spécifiques. Artistes, musiciens, écrivains et acteurs ont affaire face à de sérieuses difficultés dans leur travail, qui les ont souvent conduits à tomber dans l’oubli. La carrière, l’engagement dans la communauté, le mariage et la santé peuvent facilement arriver à un point de rupture à cette période cruciale. En fait, trois phases peuvent être relevées dans le développement de la personnalité.

La personnalité émerge dans l’Âme de sensibilité (entre 21 et 28 ans) : C’est l’âge de l’aventure, de l’entrain, de la vigueur et de la sociabilité. Acquérir de l’expérience devient soudain urgent. C’est souvent un moment où se manifestent des aptitudes créatives extraordinaires. C’est aussi le moment d’apogée de la mémoire et de la formulation verbale. Si les diplômes supérieurs ne sont pas acquis dans la première partie de cette période, il devient beaucoup plus difficile de les obtenir ulté­rieurement. On aurait facilement présumé qu’il serait plus aisé de les obtenir plus tard, quand la pensée est mature, cependant l’Académie a des traditions autoritaires qui laissent peu de liberté aux chercheurs plus âgés, qui ont besoin d’une plus grande latitude que les plus jeunes, dans les domaines de la recherche et de la créativité.

Le Je émerge dans l’Âme de compréhension-sentiment (entre 28 et 35 ans) : Il se produit à ce moment un éveil aux réalités du monde, et parallèlement à cela un questionnement sur le sens de ces réalités. On com­mence à se rendre compte qu’il a toujours existé des sages au sein des communautés humaines, et on ressent alors une profonde aspiration à reprendre des études, pour compléter d’une certaine façon notre ins­truction inachevée. La philosophie et les Grands Livres nous attirent. Le Soi se découvre pour inclure plus que le soi ! La Science de l’Esprit, elle aussi, est approchée différemment maintenant, comme une science de la pensée plutôt que comme une grande aventure dans le domaine artistique ou social, comme c’était le cas auparavant.

Nantis d’une nouvelle capacité, nous commençons à faire le tri des expériences et du savoir accumulé. Nous faisons l’inventaire, posons des questions, formulons des objectifs. Nous avons tendance à écrire des mémoires, des lettres et à tenir un journal intime. Nous relions, dès lors, le sens du mot à la pensée qui est derrière le mot. Une passion pour les vérités rationnelles s’éveille, s’accompagnant souvent d’une habileté à les formuler avec aisance.

Quoique ceci puisse se manifester de façon très positive dans les domaines appropriés, cela peut dégénérer en une simple passion d’avoir raison. À aucun autre moment comme autour de la trentaine, la voix humaine a un tel effet « en dents de scie », dénué de toute chaleur. À aucun autre moment, la tentation n’est aussi forte de « pontifier ». Ou, telle une autorité présumée, de peser de tout son poids, de corriger les autres, en disant avec fatuité : « Écoutez-moi, j’ai raison ! »

Cette faculté de juger, qui prend maintenant une couleur si personnelle, était antérieurement tempérée par un sentiment social instinctif. Mais alors que disparaît le chaud rayonnement de la sympathie lié au fait d’apparte­nir à un grand tout, les forces refroidissantes de la critique croissent. Sans le savoir, nous commençons à dégager ce qui est douloureusement perçu par les autres comme de l’antipathie. Nous devenons, nous-mêmes, de plus en plus sensibles à nos échecs et à nos imperfections. Ce qui auparavant était « N’est-ce pas merveilleux ! » devient « Ça ne devrait être pas être comme ça ». Les compagnons déjà acceptés pour ce qu’ils sont, deviennent maintenant l’objet de jugements pour ce qu’ils ne sont pas. Les roses lumi­neux de ceux que nous avions admirés pâlissent ; et nous découvrons que les héros ont des pieds d’argile. Si nous laissions cette tendance aller trop loin nous deviendrions de féroces « redresseurs de torts », conscients des défauts de tout un chacun sauf des nôtres, et nous négligerions totalement les effets de nos actes sur autrui car, à cette étape, les splendides cadeaux de la froide analyse des faits et le diagnostic objectif ; devraient maintenant être tournés vers l’intérieur et dirigés vers nos propres faiblesses. Nous devrions cultiver consciemment un peu de charité envers les autres de même qu’une certaine appréciation de leurs efforts.

Ceci est une sorte de clin d’œil pour introduire l’idée que ces années précoces de brillance intellectuelle sont hérissées de difficultés, même si elles ont permis quelques-unes des plus grandes réalisations de la culture humaine. Le génie n’est pas donné à tous et il n’est pas donné à chacun de découvrir par lui-même les vertus qui équilibrent ces dan­gereuses forces intellectuelles. Ces années de la prime trentaine sont constellées de tragédies personnelles ; certaines, bien sûr, sont inscrites dans les cartes de la destinée - mais ce qui est pathétique, c’est que la plupart d’entre elles n’étaient pas vraiment nécessaires, comme nous ne le constatons que plus tard.

Le Je devient conscient de lui dans l’Âme de conscience (35 à 42 ans). Au milieu de la vie, l’être humain est pleinement incarné. Il est totalement lié à son organisme. Il ne le réalise que trop bien quand une certaine lourdeur remplace la spontanéité. Et c’est à ce moment précis que la découverte des motivations intérieures devient le défi à relever. « L’autopropulsion », pour­rait-on dire, remplace le fait d’être propulsé par les circonstances. Et ceci est alors ressenti comme une nécessité vitale pour la première fois, au moment où notre vulnérabilité aux pressions extérieures diminue.

Ce sont ces pressions qui, auparavant, ont engendré ces réactions typiques : le dynamisme personnel, le besoin de tout savoir, la néces­sité d’avoir raison, cette touche d’orgueil démesuré, et aussi le senti­ment d’être important. Ces comportements s’apaisent un peu mainte­nant et nous laissent respirer. Nous détournant maintenant de ce qui est extérieur, nous percevons avec plus de sensibilité notre vie intérieure et la nécessité de modeler notre existence en accord avec ce que nous découvrons de nous-mêmes. Ah ! si nous pouvions également décou­vrir la volonté intérieure de le faire !

Jusqu’alors, nous nous sommes reflétés indirectement dans les autres comme dans un miroir. C’était l’époque de l’appréciation de moi-même par les autres, leur reconnaissance de ce que j’ai fait et de comment je l’ai fait qui me donnait ma propre valeur. Mon rôle, mon titre, mon sta­tut reflétaient ce que je suis. Maintenant, ma perception intérieure du « Je » émerge, un sens de l’identité voit l’aube. « Je suis un Je », à côté de tous les pièges extérieurs, en dehors de toutes dépendances - J’existe ! C’est à ce moment spécifique que nous commençons à enlever les pelures d’oignon de la personnalité.

Dans la vingtaine, le « Je » vivait dans mes expériences.
Dans la trentaine, le « Je » vivait dans mes pensées.
Maintenant, dans l’âme de conscience, le « Je » est nu.

Le « je » est reconnu comme l’amande de l’être. Il est expérimenté comme l’artisan de ma destinée. Rien n’arrive plus, à moins que je ne le fasse arriver.

Ceux qui ne possèdent pas de principes moraux bien charpentés, héritage d’une éducation saine, peuvent être confrontés à de sérieuses difficultés. Beaucoup ne peuvent lâcher prise avec grâce. Pour la per­sonne créatrice, dans tous les domaines, cela peut devenir un temps de désolation quand le talent s’assèche, quand la muse disparaît et que l’inspiration se tarit. Pour cette personne, la porte se referme de l’inté­rieur, elle est exclue de la compagnie de l'Olympe, elle n’a plus d’éner­gie, elle ne peut plus produire. Des sentiments d’isolement naissent, de solitude dans la foule, de désaffection pour des intérêts et des per­sonnes chéris auparavant. Sans un courage stoïque, toutes ces expé­riences peuvent conduire à des mesures désespérées. Et c’est ce qui se passe. Plus grandioses ont été les succès antérieurs, plus élevées les positions tenues, plus lourdes les responsabilités assumées, plus pro­fondément nous sombrons dans l’abysse du vide existentiel et de l’épuisement intérieur. La vitalité, le dynamisme et l’ambition, tout se dégonfle. Et on atteint le fond du gouffre à la fin de cette période.

Les sens ne s’allument plus avec l’imagination, le corps ne nous sou­tient plus de son enthousiasme, la spiritualité naturelle s’éteint. Le futur peut paraître sombre et sans espoir, comme si la vie tirait à sa fin. L’âme expérimente une sorte de suffocation, un sentiment d’être submergée par les réalités extérieures, les exigences de la vie, la routine de l’existence, l’accumulation de problèmes, l’infinité de ce qu’il nous reste à apprendre. Nous haletons, nous aspirons à remplir notre âme d’air spirituel.

Ceux qui rencontrent l’Anthroposophie au cœur de ces années de sécheresse sont privilégiés. La stimulation de la découverte peut rem­plir la désolation de la vie intérieure. Mais beaucoup de ceux qui l’ont rencontrée plus tôt n’ont pas cette chance. Ceux-ci ressentent le chan­gement intérieur et ils ont besoin de trouver une nouvelle relation avec la vie de la pensée. C’en est fini de « lézarder au soleil ». La capacité de s’abreuver insatiablement, la joie de s'être enveloppé en écoutant des exposés, en absorbant des livres, des cycles de conférences - tout ceci tire à sa fin. Cela nous semble maintenant stérile. La vigueur intérieure pour redonner vie à ces expériences, pour y répondre avec enthou­siasme, n’est plus. Et les livres commencent à se couvrir de poussière sur les étagères.

Plus d’un individu prometteur, prometteur dans ses jeunes années pour le mouvement anthroposophique, peut dès lors ne plus maintenir qu’un lien ténu avec lui, constitué d’un certain sens de la loyauté et confirmé par une carte de membre. Lire un article de temps en temps, assister parfois à une conférence quand quelqu’un de spécial est de pas­sage dans sa ville, peuvent constituer les seules braises d’un feu qui s’est consumé dans les jeunes années. Et la vie, avec ses exigences exté­rieures, avec de nouvelles possibilités qui s’ouvrent après ces années sèches, consumera toutes les énergies disponibles à l’intérieur comme à l’extérieur. Ceci se produit souvent et personne n’est réellement à l’abri de ce destin, à moins d’avoir survécu à ces années désolées, émer­geant avec une nouvelle vitalité, un nouvel enthousiasme, un nouvel engagement à cultiver une vie spirituelle active.

Ceux qui sont passés à travers cette « expérience de mort intérieure » et qui ont vécu l’expérience de la « résurrection intérieure » savent ce dont il s’agit. Pour les autres qui sont encore naturellement portés par l’enthousiasme, ceci est impossible à concevoir. Le fait de lire des biographies peut nous aider à nous préparer pour le futur et nous per­mettre de survivre plus tard. Andrej Belyj, par exemple, écrit au sujet de sa vie à l’âge de 41 ans : « Durant les plus durs moments de ma vie, quand il me semblait que je m’étais perdu moi-môme, que j’avais perdu mon chemin, tous mes amis à droite et à gauche, que je m’étais même rebellé contre le Docteur (Rudolf Steiner) et qu’il n’y avait plus per­sonne à mes côtés » … (3) Voilà décrite l’expérience d’un individu pour­tant très actif, qui avait passé quatre années dans l’entourage intime et sous le tutorat de Rudolf Steiner.

Les changements intérieurs durant les trois périodes de l’âme, entre 21 et 42 ans, peuvent être résumés dans une image, une ancienne véri­té puisée dans les Mystères, la relation de l’homme avec son cheval.
Le centaure est une image de l’homme fusionné avec son cheval. Nous pouvons ressentir fortement ce sentiment quand nous rencon­trons les forces de la jeunesse dans la vingtaine dynamique « de sensi­bilité » : la personnalité peut avoir une nature à quatre sabots.

Puis vient, à la période suivante, le chevalier vêtu d’une armure de fer, muni d’une épée et d’une lance. La forme humaine est ici distincte du cheval mais l’homme dépend encore entièrement de sa monture. C’est l’image de l’esprit noble en quête de vérité, servi par sa noble intelligence.

Mais où sont l’homme et son cheval dans la désolation des années de sécheresse qui suivent ? Évidemment, ils ont été séparés et l’individualité existe indépendamment de sa monture pour la première fois. Perdre sa monture et la retrouver est une ancienne image du langage des mystères. L’être humain, à l’époque actuelle de l’âme de conscience, et spéciale­ment autour de 40 ans, doit rechercher et retrouver son cheval. Il serait préférable qu’il trouve un cheval ailé, une forme spiritualisée d’intelli­gence. Ce que nous appelons aujourd’hui : l’activité du Je. Le « cheval magique » qui peut nous transporter à travers les années créatives à venir.

Il est à noter qu’après 30 ans, tout développement ultérieur est poten­tiel. Le cadeau naturel de l’énergie débordante de la vingtaine ne nous porte plus. Ce qui est atteint après l’âge de trente ans dépend uniquement de ce que fait l’individu de ses capacités et de ses forces. Aujourd’hui, « l’âge de 27 ans » constitue une limite pour la plupart des gens, un âge frontière que la plupart d’entre nous n’arrivent pas à franchir. (Voilà un fait tragique, d’une grave signification sociale).

Le dernier tiers - l’ascension : Après 40 ans quand, selon le cliché, « la vie commence », on peut être assuré que tout dépend maintenant du fait que l’on se saisisse ou non de ses potentialités. De nombreuses per­sonnes ne réussissent pas la remontée. La confusion en ce qui concer­ne « le sens de la vie » est endémique. En tout cas, ce n’est certainement plus la culture du corps ni l’idylle. Les deux, à cette époque, sont des pièges décevants. Mais ceux qui comprennent qu’« il est beau de vieillir » et que la personnalité de la jeunesse est en soi un masque, peuvent prendre conscience du fait que le véritable esprit en l’homme com­mence seulement à rayonner comme un soleil intérieur dans les der­nières années. Avant cela, le « lui » de la personne peut être charmant, éduqué, volontaire mais jusqu’à ce moment « personne n’est vraiment là », sous les apparences. On pourrait dire que, quand le tumulte est passé, « vous découvrez votre vrai visage », vous posez les fondements pour devenir vous-même.

Ici encore, dans ce troisième cycle visant l’acquisition de la maturité spirituelle, il y a trois septaines. Les symptômes en sont en fait très nets si nous savons ce qu’il faut observer et si nous considérons que la vie d’un être humain véritable est en continuel développement, la vie d’un individu qui s’est hissé au-delà de l’âge psycho-spirituel de 27 ans.

La période (potentielle) du Soi-Esprit (entre 42 et 49 ans) : L’être humain dans sa quarantaine peut être un « homme-idée ». Le « Soi-Esprit » s’exprime à l’extérieur par une vigoureuse vie de la pensée. La productivité, l’innovation, l’imagination et la vigueur spirituelle en sont les signes. Un chef de service efficace a besoin de ces qualités. Pendant cette période, de nouvelles possibilités s’offrent à nous, on remodèle souvent sa vie professionnelle et l’ordre commence à régner dans sa vie personnelle. Ce processus dure jusqu’aux environs de 50 ans, la situa­tion peut alors basculer rapidement.

La période (potentielle) de l’Esprit de Vie (entre 49 et 56 ans) : A l’au­be de cette seconde phase, les traumatismes sont possibles. C’est comme si on prêtait à l’homme une nouvelle vitalité et ceci nécessite des réajustements. Pour une personne encore capable de s’adapter, dont le sens de l’humour et de la perspective est intact, la transition peut être douce. Les symptômes peuvent rappeler ceux de l’ado­lescence. Dans le domaine professionnel, on parle de « changement de vie », et ici, on peut certainement faire des distinctions. l'homme qui évite la connaissance de soi pendant ces années, est prédisposé à des « crises de cœur » - soit le « démon de midi » soit la crise cardiaque et l’hôpital. La femme, quant à elle, ne doit pas sous-estimer l’importance qu’il y a à métamorphoser les forces du corps en facultés de vie de l’es­prit.

Les forces de la maturité à l’œuvre dans cette septaine peuvent se res­sentir dans la puissance de l’énergie avec laquelle une personne peut alors promouvoir une cause nouvelle. Le déploiement de ces forces peut être observé dans la qualité qu’ont, sur scène, un eurythmiste ou un acteur d’un certain âge, ou bien ressenti dans l’assurance d’un ensei­gnant chevronné avec un jeune enfant. Nous pouvons remarquer alors quelque chose de tout à fait différent du talent et de l’habileté propres aux jeunes. C’est comme si la sagesse de la vie devenait à cet âge un instinct dans l’être entier.

C’est à cet âge que « les choses bougent autour des gens », que l’on exprime des idées non seulement clairement comme dans la quaran­taine, mais de façon à éveiller et à soulever la participation des autres. C’est comme si les quinquagénaires irradiaient un nouvel élément de vie. (La contrepartie négative de ce nouvel élément peut être caractérisée par la belle-mère dominatrice ou le cadre irascible, deux exemples de force vigoureuse dévoyée.)

C’est à cet âge que le jugement et la maturité peuvent se manifester le plus efficacement dans la communauté et dans les institutions. Ces forces de la personnalité sont d’une qualité telle qu’elles éveillent à la fois la confiance en soi et la confiance dans l’autre, et il en résulte une aptitude naturelle à diriger. À cet âge, la vitalité prend un caractère contagieux qui a le pouvoir d’animer les autres et cette vitalité est suf­fisamment purifiée des éléments personnels pour ne pas offenser autrui.

En résumé : alors que, dans la quarantaine, on acquiert la conscien­ce des idées que l’on a en tête, 'dans la cinquantaine, on peut trouver la force d’amener ces idées à l’état d’intentions,' mais c’est seulement dans les années suivantes que nous aurons la capacité naturelle à réa­liser ces idées et ces intentions dans leur forme finale.

La période (potentielle) de l'Homme-Esprit (entre 56 et 63 ans) : Pre­nons le cas de Rudolf Steiner par exemple, c’est seulement dans ces années spécifiques de sa vie que des institutions furent fondées par des personnes qui se mirent alors à agir, bien qu’elles aient été depuis long­temps en contact avec son enseignement. C’était en fait comme si sa volonté s’était objectivée dans les initiatives des autres. Cette période correspond au moment où un homme de sa maturité n’a qu’à expri­mer un besoin social pour que cette impulsion soit saisie et portée de façon enthousiaste par les autres - même si ce n’est pas toujours comme prévu ! C’est un fait que, dans les dernières phases de sa vie, la per­sonne mature a le pouvoir de transformer sa volonté personnelle afin que celle-ci éveille l’amour et l’engagement des autres (mais peut-être pas toujours la compréhension).

Portons maintenant notre attention sur les êtres dont la destinée est plus simple, intéressons-nous aux organisateurs qui peuvent assumer de pleines responsabilités et sont capables de susciter chez les autres une aide dévouée. Les personnes immatures, par contre, sont dénuées de cette aptitude particulière, et sont totalement incapables - en dehors de leur groupe d’appartenance - de soulever chez les membres de leur entourage une volonté de rendre service. (C’est précisément la raison pour laquelle les communautés dominées par l’immaturité sont souvent condamnées aux conflits internes, elles se séparent en groupes discor­dants, composés de gens qui entrent et sortent continuellement du fait d’exclusions incessantes.)

La période de l’Homme-Esprit est souvent un moment privilégié où l’altruisme, vertu de l’esprit libre, peut devenir une réalité et se mani­fester avec des pouvoirs magiques. Cette qualité de l’altruisme fait res­sortir le meilleur chez les autres, stimule leurs potentialités latentes et agit comme une force unifiante et guérissante dans les communautés humaines.

Après 63 ans : Jusqu’à présent, nous avons accompagné le déroule­ment de la vie se déployant rythmiquement en neuf septaines. Nous montrerons plus loin comment ce rythme suit l’influence manifeste des sphères planétaires, l’être humain étant une image vivante du monde des étoiles. À 63 ans, il a achevé son développement et devient, poéti­quement parlant, un enfant des Dieux. Il est enfin entièrement né ! Cela lui a pris tout ce temps pour devenir véritablement humain. Maintenant libéré de l’élément personnel, une possibilité s’offre à lui : servir l’humanité en tant qu’esprit libre et en accord avec l’Esprit du Temps [7]. Naturellement, voilà un idéal à souhaiter ardemment mais sa réalisation dépendra de la façon dont l’individu a fait fleurir son potentiel.

Dans le cas de celui qui a acquis ces nouvelles facultés par son tra­vail et mis en valeur son potentiel, des années significatives peuvent suivre. Pour ceux qui ont moins travaillé, les contributions seront pro­portionnelles. Ces années constituèrent un point tournant dans la vie de Rudolf Steiner. On peut en sentir les débuts en 1924 ; il était alors devenu capable, avec une énergie extraordinaire, de se lancer dans la tâche finale assignée par sa destinée : la recherche sur le karma et la réincarnation.

Aujourd’hui, dans notre culture, la soixantaine marque le temps de la retraite, volontaire ou non. Cela peut être le commencement d’une époque glorieuse pour les individus vraiment créatifs, les individus qui sont restés jeunes et adaptables niais cela peut aussi bien être un temps pathétique pour ceux qui ont échoué à se préparer et à s’équi­per sérieusement pour l’indépendance spirituelle.

Nous avons des exemples de personnes âgées productives tout autour de nous ; mais nous pouvons aussi voir les tragédies de ceux qui, terro­risés à l’idée de perdre leur identité une fois privés de leur statut exté­rieur, de leur titre et de leur profession, s’accrochent à leur vie, si chère. Un « ex » ou un « ancien » n’a pas l’envergure ou le poids du véritable ! (Un exemple classique dans les années quatre-vingt est celui du juge sénile de la Cour Suprême de Californie qui a dormi à son poste pendant cinq années de procédures légales et ne s’est retiré qu’à la suite d’une action juri­dique ! Pensez à ce que cela a pu représenter pour ses collègues, pour l’État, et pour la cause de la justice !) Et de tels exemples se répètent régu­lièrement à tous les niveaux, grands et petits. L’humanité ne vieillit pas avec grâce. Pourquoi ? Peut-être parce qu’on pense trop peu à cultiver activement une vie intérieure et une autosuffisance spirituelle. Les gens ne semblent pas planifier leur vie en tenant compte de ces éléments. Ils ne nourrissent pas sérieusement leur violon d’Ingres, cette seconde corde de l’arc. Il semble évident que celui qui n'est soutenu que par la structure extérieure de son travail, ne l’exécute pas nécessairement bien. Et si, en plus, il souffre du sentiment illusoire d’être irremplaçable, voilà qui est de mauvaise augure pour la recherche d’un habile successeur.

Une fois libéré du joug, libéré des responsabilités portées pendant des années, l’individu dont les ressources intérieures sont éveillées, peut choisir des intérêts ouverts sur le monde entier. Il peut partager avec les autres les fruits du travail de sa vie. Dans nos cercles anthroposophiques, nous avons rencontré des personnes particulièrement énergiques, travaillant à plein temps professionnellement qui, après leur retraite, ont commencé à écrire, à enseigner, à donner des conférences, et à servir le mouvement avec des capacités originales. Leur imagina­tion morale leur permet d’inventer de nouvelles manières de contribuer au travail anthroposophique.

Osez vous demander : que ferai-je quand j’aurai atteint l’âge de 63 ans ?

Le point culminant des 27 ans - et ce qu’il sous-entend

Dans les temps anciens, le patriarche était vénéré. Et il y avait à cela une bonne raison. En lui, la sagesse vivait naturellement. À travers lui, la sagesse des dieux de la tribu parlait aux hommes. Il était naturel que la sagesse aille de pair avec la vieillesse. Le développement de l’âme suivait
le développement du corps jusqu’au soir de la vie. Au fur et à mesure que le corps vieillissait, l’âme mûrissait. Cependant, le temps de cette matura­tion intérieure naturelle se réduisit progressivement durant chaque époque du développement de l’humanité, soit approximativement 2 160 ans ; c’est ainsi qu’à chaque nouvelle époque, l’âge de la sagesse naturelle était abaissé de 7 ans :

jusqu’à l’âge de :
56 ans, dans l’Inde antique
49 ans, dans la Perse antique
42 ans, dans l’Égypte antique
35 ans, dans la Grèce et la Rome antiques
28 ans, à notre époque

Comme l’époque actuelle a commencé en l’an 1 500, et que du temps s’est écoulé depuis lors, aujourd’hui il s’agit plutôt de l’âge de 27 ans, comme le mentionne souvent Rudolf Steiner. Dans la sixième époque, ce sera l’âge de 21 ans. Ceci continuera jusqu’à quatorze ans, et sept ans apportant la stérilité à la race et un terme à la naissance des enfants par voie biologique.

Ces faits ont une vaste signification sociale, mais restreignons-nous à l’immédiat. Qu’est-ce que cela signifie que la race humaine aujourd’hui devienne mature « par nature » jusqu’à l’âge de 27 ans ? Cela signifie que sans les stimulations d’un milieu intellectuel environnant, sans le sou­tien efficace d’une école de pensée, sans un effort personnel continu dans l’éducation de soi pour faire ressortir ses capacités latentes, un être humain reste aujourd’hui ce qu’il est à 27 ans. Il plafonne. Il s’immobi­lise sur le plan culturel.

Ceci apparaît de façon tout à fait évidente aujourd’hui dans les confi­gurations des âmes qui nous entourent, parmi les gens que nous ren­controns sur notre chemin de vie. Remarquons leur type de divertis­sements, leur emploi du temps, les héros qu’ils admirent. Afin de survivre, les médias, nourriture culturelle des masses, doivent en fait satisfaire la vie de l'âme de sensibilité (21 à 28 ans) dans ses instincts, son égoïsme, son narcissisme, ses caprices et ses modes, ses peurs et ses désirs.

Plusieurs carrières illustrent bien cet état d’âme stagnant. Si les politi­ciens à succès portaient le poids de la maturité intellectuelle et morale, ils trouveraient impossible d’assumer leur profession. Quiconque atteint le niveau d’homme d’État est de plus en plus assujetti à un peuple qui fait des choix à partir des critères de la vingtaine. Le journalisme semble une carrière improbable au-dessus de l’âge mental de 27 ans. Toute expression de jugement ou d’évaluation transforme immédiatement le journaliste en commentateur !

Des réflexions comme celle-ci ne devrait servir que de coup de pouce pour de futures observations : le vaste monde contient de nombreuses illustrations de ces faits. Dans le monde du quotidien, le monde des hommes qui luttent, l’aspiration est là pour nous emme­ner beaucoup plus loin. Il nous faut nous efforcer d’atteindre les buts de l’humanité, au moins en pensée et en imagination, quand ce n’est pas possible dans les faits. Nous pouvons comprendre en partie le plan divin lorsque nous saisissons que ce que nous avons apporté avec nous et ce que la nature nous offre au départ, ce ne sont que les bases de ce que nous-mêmes pouvons réaliser. Ce « stade de 27 ans » est le point de départ du chemin que nous devrions entre­prendre en tant qu’âme moderne. La tâche primordiale qui nous incombe à partir de ce moment-là est d’envergure : garder le proces­sus d’apprentissage vivant, travailler assidûment à notre éducation permanente qui se métamorphose maintenant en éducation du Soi, se confronter à de nouveaux apprentissages et à de nouvelles facul­tés, discipliner notre vie intérieure et les forces de la pensée, s’auto-éduquer à étudier et à lire de manière efficace, écrire et parler avec une certaine intelligence.

Naturellement, ce n’est pas ainsi que cela se passe. Les obstacles nous paraissent insurmontables. Pas le temps ! Trop occupés ! Épuisés en fin de journée ! Le faible niveau de vitalité devient un handicap. Et toutes ces interminables exigences d’ordre social ! Nous en connaissons tous la liste sans fin ; les excuses sont usées jusqu’à la corde. Nous-mêmes, en tant qu’anthroposophes, sommes supposés méditer et faire nos exer­cices. Notre désir était de « suivre le chemin ». Qu’est-ce qui nous entra­ve ? En deux mots, c’est une question de priorité.

Pour pénétrer cet « au-delà », pour être fidèle à cette promesse que nous nous sommes faite, nous devons premièrement, clairement, sépa­rer l’homme intérieur de l’homme extérieur. Nous devons apprendre à vivre deux vies en parallèle. Et pour commencer, nous devons mettre en priorité ce que nous faisons seuls, pas ce que nous effectuons avec les autres. Tout d’abord, y consacrer quelques minutes, plus tard des heures. Nous devons apprendre graduellement à nous libérer nous-mêmes du carcan des demandes extérieures excessives : les illusions de la fusion, la dépendance névrotique, instinctive à la communauté, l’ab­sorption totale dans le travail ; et nous devons parvenir à un certain degré de liberté face aux exigences de la vie familiale « Gabriélique ». Celles-ci sont des « valeurs » pendant les années esthétiques où règne la sensibilité. Elles ne fournissent que le sol pour la croissance indivi­duelle. Si nous ne progressons pas intérieurement, nous aurons peu à donner à nos compagnons de destinée et, avec le temps, nous pour­rions même perdre ce que nous avons.

Alors la priorité se pose maintenant en termes d’engagement vis-à-vis de soi-même. La culture délibérée de la vie intérieure devient un « ren­dez-vous » avec le Soi.

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Source : George et Gisela O'Neil avec les apports de Florin Lowndes - La vie humaine - Saisir le sens de son parcours terrestre.

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Travail soutenu par les Docteurs Claude Boudot, Vincent Hédon et Robert Kempenich par leur intérêt et leurs compétences pro­fessionnelles en médecine anthroposophique.

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Notes (renvois du livre).

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Notes du texte

[1] - bio = vie ; graphos = écriture


[2] - Drame : vient du grec et signifie "action". Ce mot est utilisé dans le sens d'origine et désigne toute pièce de théâtre

[3] - "Point de non retour"

[4] - motif : en général, ce terme signifie un mobile, une raison d’agir. Cependant, tout au long de ce livre, il sera employé dans le sens artistique d’un ornement isolé ou répété, servant de thème décoratif inscrit dans une trame (comme dans un dessin, sur un tissu, dans une sculpture, dans une musique). Ceci conforte l’image de la vie conçue comme une œuvre d’art.

[5] - Les écrits de R. Steiner et la littérature sur la pédagogie des Écoles Steiner traite abondamment de ces trois phases. Concrètement, les développements des corps physique, éthérique et astral sont vus comme trois naissances successives.

[6] - Ceci fait référence aux 9 parties constitutives de l’être humain, tel qu’il est décrit par R. Steiner dans "théosophie". Les auteurs ont choisi les termes de : corps phy­sique, corps éthérique, corps de sensibilité, âme de sensibilité, âme de compréhension-sentiment, âme de conscience, Soi-Esprit, Esprit de Vie, Homme-esprit.

[7] - Esprit du temps : Zeitgeist dans les ouvrages de R. Steiner.



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NB : Le lecteur qui aurait décelé une coquille (faute d'orthographe, de grammaire ou typographique) est prié de la rapporter par mail. Merci.





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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

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