L'attachement et la mentalisation

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L'attachement et la mentalisation

Pascal Patry praticien en psychothérapie, thérapeute et astropsychologue à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Psychologie · Dimanche 22 Sep 2024
Tags: attachementmentalisationpsychologierelationsdéveloppementpersonnelémotions
L'attachement et la mentalisation

Deux concepts fondamentaux en psychologie développementale et en psychothérapie : l'attachement et la mentalisation. Ces concepts, issus de différentes théories, convergent pour expliquer le développement émotionnel et social de l'enfant, ainsi que l'importance de la relation avec les figures de soin dans ce processus.

1. La théorie de l'attachement

La théorie de l'attachement, développée par John Bowlby à partir des années 1950, explore les mécanismes de la relation entre un enfant et sa figure de soin principale (souvent la mère).

Cette théorie est influencée par les travaux d'éthologues comme Konrad Lorenz et Harry Harlow et repose sur plusieurs idées clés :

Dépendance et sécurité : Les êtres humains, comme d'autres mammifères, naissent avec un besoin fondamental de sécurité et de protection. Cette sécurité est assurée par le lien d'attachement avec la figure de soin. L’enfant, dans ses premières années, ne peut pas réguler seul ses émotions et dépend de la régulation offerte par l’adulte qui s’occupe de lui.

Comportements innés d'attachement : L'enfant exprime des comportements innés (sourires, pleurs, recherche de proximité) qui visent à susciter une réponse de la figure d’attachement, généralement la mère. En retour, la mère offre des soins et une présence rassurante, ce qui contribue à la sécurité émotionnelle de l’enfant.

Importance des premières interactions : Les premières expériences d'interaction entre l'enfant et sa figure d'attachement jouent un rôle crucial dans la manière dont l'enfant va développer ses capacités à gérer le stress, à réguler ses émotions, et à se sentir en sécurité dans le monde.

Critiques et développements : La théorie de Bowlby a suscité de vives critiques, notamment dans les milieux psychanalytiques, qui reprochaient à la théorie de l'attachement de négliger des concepts comme la sexualité infantile, centrale chez Freud et ses disciples. Certains ont jugé la théorie mécaniste et trop centrée sur des observations comportementales. De plus, elle a été critiquée pour son « aveuglement culturel », étant perçue comme trop focalisée sur les normes occidentales.

Bowlby, en effet, ne considérait pas les fantasmes inconscients comme centraux, ce qui le mit en opposition avec de nombreux psychanalystes, notamment d'orientation kleinienne. Cependant, certains chercheurs comme Wilfrid Bion, même influencés par la psychanalyse, ont reconnu la validité des observations de Bowlby sur l’importance des liens précoces.

2. La mentalisation

La mentalisation est un concept plus récent, développé par Peter Fonagy et ses collaborateurs (2002), et elle fait référence à la capacité de comprendre et de réfléchir sur ses propres états mentaux et ceux des autres. Ce processus de compréhension des pensées, des émotions et des intentions de soi et des autres est essentiel pour la régulation émotionnelle et les relations interpersonnelles.

Lien avec l'attachement : Les capacités de mentalisation se développent dans le cadre des relations d'attachement sécurisées. Un enfant qui est correctement sécurisé par sa figure d'attachement développe une meilleure capacité à se représenter les états mentaux des autres, car il apprend à travers l’interaction à comprendre ses propres émotions.

Régulation émotionnelle : La mentalisation est particulièrement importante dans la régulation des émotions. Elle permet à l'enfant, et plus tard à l'adulte, de mieux comprendre ce qui se passe en lui-même et chez autrui, d'atténuer l'impact des émotions négatives et de réguler les réactions émotionnelles.

Perspectives thérapeutiques : En thérapie, la mentalisation est un élément central du travail psychologique, notamment pour traiter des troubles de l'attachement ou des psychopathologies. La mentalisation permet de travailler sur la manière dont une personne interprète les pensées et émotions des autres, et de corriger des représentations erronées souvent issues d'attachements insécurisés.

3. Dynamique entre attachement et régulation émotionnelle

La régulation des émotions dépend étroitement de la qualité de l'attachement. Les interactions précoces entre la mère et l'enfant permettent à ce dernier d’apprendre à gérer ses émotions, à travers les réponses de la mère qui, en assurant la sécurité, rétablit l’homéostasie psychique de l’enfant.

La théorie de l’attachement postule que ce processus de régulation émotionnelle par le biais de l’interaction parent-enfant influence non seulement le bien-être psychologique immédiat de l’enfant, mais aussi son développement à long terme, y compris dans ses relations avec les autres et sa manière de faire face aux stress futurs.

4. Perspectives modernes et neuroscientifiques

Avec le temps, la théorie de l'attachement a influencé diverses disciplines, y compris les neurosciences. Des études sur l’hormone ocytocine (aussi appelée « hormone de l’amour ») ont démontré son rôle dans les relations intimes et les liens entre la mère et le bébé. Les chercheurs ont découvert que l'oxytocine, en lien avec les interactions d'attachement, favorise la confiance, la sécurité et la proximité émotionnelle.

Cette expansion au-delà des seuls aspects comportementaux vers des recherches en biologie et neurosciences montre que l'attachement a des effets mesurables au niveau hormonal et neurologique, confirmant ainsi l’importance des premières relations pour le développement global de l’individu.

5. Critique de l'approche centrée sur la mère

Surenchère dans la focalisation sur la relation mère-enfant, qui a parfois conduit à des excès dans certaines disciplines.

Par exemple, Bruno Bettelheim a influencé des théories controversées sur les causes de l’autisme, en liant ces troubles à une défaillance maternelle, une approche qui a depuis été largement critiquée et abandonnée.

Cela souligne la nécessité d'une approche plus nuancée et multidimensionnelle dans l'étude des relations d'attachement.

La théorie de l’attachement de Bowlby, bien qu'ayant été critiquée, a ouvert la voie à une compréhension empirique des premières relations et a influencé de nombreux champs, y compris la psychologie clinique, les neurosciences et la psychothérapie.

La mentalisation, en tant que prolongement de la théorie de l'attachement, est devenue un concept clé pour comprendre la manière dont les individus interagissent avec leurs émotions et avec les autres.

Les conséquences d’une mauvaise mentalisation

Les conséquences d’une mauvaise mentalisation sont nombreuses et peuvent avoir des effets significatifs sur le développement émotionnel, social et psychologique d’une personne. La mentalisation fait référence à la capacité de comprendre ses propres états mentaux (pensées, émotions, intentions) ainsi que ceux des autres.

Une mauvaise mentalisation implique des difficultés à saisir ces états internes, ce qui peut avoir des répercussions sur les relations interpersonnelles et la régulation émotionnelle.

Conséquences d’une mauvaise mentalisation :

1. Difficultés relationnelles :

Les personnes ayant une mauvaise capacité de mentalisation peuvent avoir du mal à comprendre les intentions, les émotions et les pensées des autres, ce qui peut créer des malentendus dans leurs interactions sociales. Cela peut conduire à des conflits fréquents, à une tendance à mal interpréter les comportements des autres, ou à se sentir incompris.

Elles peuvent aussi être perçues comme égocentriques ou insensibles, car elles n’arrivent pas à se mettre à la place des autres ni à répondre de manière appropriée à leurs besoins émotionnels.

2. Régulation émotionnelle déficiente :

La mauvaise mentalisation compromet la capacité à réguler ses propres émotions. Les émotions négatives, comme l’anxiété, la colère ou la tristesse, peuvent devenir envahissantes ou incontrôlées, car l'individu n'arrive pas à comprendre ou à réfléchir à la source de ses émotions.

Cela peut aussi provoquer des réactions émotionnelles inappropriées ou disproportionnées aux événements, car la personne n’a pas une conscience claire de ses propres sentiments ou des intentions des autres.

3. Troubles psychopathologiques :

Une mauvaise mentalisation est souvent associée à divers troubles psychopathologiques. Par exemple, dans les troubles de la personnalité, tels que le trouble borderline, les individus peuvent avoir des difficultés à maintenir des relations stables et à réguler leurs émotions, ce qui est en partie lié à des déficits de mentalisation.

Des recherches ont également montré que la mauvaise mentalisation est liée à des troubles anxieux, dépressifs et des comportements impulsifs ou autodestructeurs, car l'individu peine à comprendre ses émotions et à les gérer de manière adaptée.

4. Tendance à la dissociation ou à l'aliénation :

Les individus ayant une mauvaise mentalisation peuvent ressentir une distance émotionnelle ou cognitive par rapport à leurs propres expériences internes, ce qui peut provoquer des sentiments d'aliénation ou de dissociation. Ils peuvent avoir l’impression d’être déconnectés de leurs émotions ou ne pas comprendre pourquoi ils ressentent certaines choses.

5. Mécanismes de défense rigides :

Sans la capacité de mentalisation, les individus peuvent recourir à des mécanismes de défense psychologiques plus primaires et rigides, comme la projection (attribuer à autrui ses propres pensées ou sentiments), le déni ou la dissociation. Ces mécanismes rendent difficile l’adaptation émotionnelle et sociale.

Lien entre attachement et mentalisation :

La capacité de mentalisation se développe en grande partie dans le cadre des relations d'attachement précoces.

Un attachement insécure ou désorganisé durant l'enfance peut compromettre le développement de la mentalisation. Voici comment ces deux concepts sont liés et les facteurs d'attachement qui influencent la mentalisation :

1. Attachement sécurisant et développement de la mentalisation :

Un attachement sécurisant se forme lorsque l’enfant est en relation avec une figure de soin (généralement un parent) qui répond de manière prévisible, chaleureuse et sensible à ses besoins émotionnels. Dans ce type de relation, l'enfant apprend que ses émotions et ses pensées sont valides, compréhensibles, et peuvent être régulées. Cela permet à l’enfant de mentaliser efficacement, c’est-à-dire de comprendre et de réfléchir à ses propres états mentaux ainsi qu’à ceux des autres.

L’enfant développe aussi la capacité à comprendre que les autres ont des pensées et des émotions distinctes des siennes, ce qui est crucial pour des interactions sociales et émotionnelles saines.

2. Attachement insécure et mauvaise mentalisation :

Un attachement insécure (anxieux ou évitant) se développe lorsque la figure d'attachement est inconsistente, non fiable ou non sensible aux besoins de l’enfant. Dans ces cas, l'enfant peut avoir du mal à comprendre et à anticiper les réactions de la figure d'attachement, ce qui affecte sa capacité à mentaliser.

Attachement anxieux : L’enfant peut devenir hyper-vigilant et trop préoccupé par les pensées et les émotions des autres, mais de manière erronée. Il interprète souvent les comportements des autres comme une menace ou une forme de rejet, ce qui conduit à des réactions émotionnelles excessives.

Attachement évitant : L’enfant, face à des parents distants ou peu réceptifs, apprend à ne pas dépendre des autres pour ses besoins émotionnels. Il a donc tendance à éviter ou à ignorer les émotions, à la fois les siennes et celles des autres, ce qui mène à des difficultés dans la mentalisation des états émotionnels.

3. Attachement désorganisé et absence de mentalisation :

Dans les cas d'attachement désorganisé, où la figure d’attachement est une source à la fois de réconfort et de peur (souvent dans des situations de maltraitance ou de négligence sévère), l’enfant ne peut pas développer de mécanismes cohérents pour comprendre ses propres émotions ou celles des autres.

Ce type d’attachement est le plus fortement associé à des déficits majeurs dans la mentalisation, car l’enfant est confronté à une figure parentale imprévisible, voire traumatisante.

Cela peut conduire à des difficultés importantes dans la régulation émotionnelle, à des comportements autodestructeurs et à des troubles graves de la personnalité, comme le trouble borderline.

Facteurs influençant la relation entre attachement et mentalisation :

1. Qualité des réponses parentales :

La qualité des réponses du parent, notamment sa sensibilité et sa réactivité aux besoins émotionnels de l’enfant, est un facteur clé. Un parent qui répond aux signaux de l’enfant de manière adéquate et prévisible permet à celui-ci de développer une meilleure compréhension de ses états mentaux.

2. Constance des interactions :

Les interactions régulières et cohérentes entre le parent et l’enfant sont cruciales pour permettre à l’enfant de développer la capacité de prédire et de comprendre les comportements d’autrui. Des relations incohérentes ou chaotiques compliquent cette acquisition.

3. Présence de traumatismes ou de maltraitance :

Les expériences de traumatismes, de négligence ou de maltraitance durant l'enfance peuvent gravement perturber la relation d'attachement et altérer la capacité de mentalisation. L’enfant peut développer des mécanismes de défense pour se protéger, mais ces derniers interfèrent souvent avec la capacité de comprendre les autres et ses propres émotions.

Une mauvaise mentalisation a des répercussions significatives sur la régulation émotionnelle et les interactions sociales. Cette capacité est fortement influencée par la qualité des premières relations d'attachement. Lorsque l’enfant bénéficie d’un attachement sécurisant, il développe de solides compétences en mentalisation, ce qui le protège des difficultés émotionnelles et relationnelles.

À l’inverse, un attachement insécure ou désorganisé conduit souvent à des déficits de mentalisation, avec des conséquences qui peuvent persister à l’âge adulte, notamment dans les relations sociales, la régulation des émotions, et dans certains troubles psychopathologiques.

Le RFQ

Le RFQ (Reflective Functioning Questionnaire) est un questionnaire utilisé pour évaluer la capacité de mentalisation, c'est-à-dire la capacité d'une personne à comprendre ses propres états mentaux ainsi que ceux des autres. La mentalisation se réfère à la faculté de percevoir et d'interpréter les pensées, les émotions, les croyances et les intentions, tant chez soi que chez autrui. Cette capacité joue un rôle clé dans les interactions sociales, l'empathie et la régulation émotionnelle.

Le RFQ mesure spécifiquement deux dimensions de la mentalisation :

1. L'incertitude par rapport aux états mentaux (ou sous-mentalisation) : Cela renvoie à une difficulté à saisir les émotions ou les pensées des autres ou de soi-même. Les personnes avec un score élevé dans cette dimension peuvent avoir du mal à comprendre leurs propres sentiments ou ceux des autres, ce qui peut entraîner des difficultés relationnelles et une mauvaise régulation émotionnelle.

2. La certitude excessive concernant les états mentaux (ou sur-mentalisation) : Cela se produit lorsqu'une personne pense comprendre avec une certitude exagérée ce que les autres ressentent ou pensent. Cette dimension est associée à une rigidité mentale et une tendance à faire des interprétations erronées, souvent en étant convaincu d'avoir raison.

La mentalisation, et donc les résultats du RFQ, jouent un rôle important dans les thérapies basées sur la mentalisation (MBT, Mentalization-Based Therapy), qui sont souvent utilisées pour traiter les troubles de la personnalité, en particulier le trouble borderline, ainsi que d'autres problèmes émotionnels et relationnels.

Le travail de mentalisation

Le travail de mentalisation joue un rôle fondamental dans la réappropriation de ses émotions, en particulier pour les personnes qui ont des difficultés à identifier, comprendre et exprimer leurs états émotionnels, comme c'est souvent le cas chez les sujets alexithymiques. La mentalisation désigne la capacité à réfléchir sur ses propres états mentaux (émotions, pensées, désirs) et ceux des autres, et à les relier à des comportements ou à des événements.

Rôles du travail de mentalisation dans la réappropriation des émotions :

1. Reconnaissance des émotions : La mentalisation permet à l’individu de prendre conscience des émotions qu’il ressent. En se focalisant sur ses propres états internes, il apprend à reconnaître qu’il éprouve telle ou telle émotion (colère, tristesse, joie, peur, etc.), ce qui est la première étape pour s’approprier ses émotions.

2. Distinction et différenciation des émotions : Ce processus aide à différencier les émotions les unes des autres. Beaucoup de personnes ayant des difficultés de mentalisation ou souffrant d'Alexithymie ressentent une confusion émotionnelle, où les émotions semblent indifférenciées. La mentalisation leur permet de nommer ces émotions et de comprendre qu'il s'agit d'expériences distinctes.

3. Lien entre émotions et pensées : Le travail de mentalisation permet de comprendre comment les émotions sont liées aux pensées et aux événements de la vie quotidienne. Cela aide la personne à comprendre pourquoi elle ressent certaines émotions dans des situations spécifiques, ce qui favorise une meilleure gestion émotionnelle et une réappropriation de son monde intérieur.

4. Accès à une expérience émotionnelle plus nuancée : La mentalisation ne se contente pas d’identifier une émotion de manière brute, mais encourage une compréhension plus fine, plus nuancée de la vie émotionnelle. Cela permet à la personne de ne pas se laisser submerger par une émotion incomprise, mais d'en saisir la subtilité (par exemple, reconnaître que derrière une colère apparente, il peut y avoir de la peur ou de la tristesse).

5. Meilleure régulation émotionnelle : Quand on arrive à mentaliser ses émotions, il devient plus facile de les réguler, car on comprend mieux ce qui les cause et comment elles se manifestent. Cela réduit les réactions impulsives ou déconnectées des émotions réelles, un problème courant chez les personnes alexithymiques.

6. Empathie et relation à autrui : La mentalisation inclut aussi la capacité à comprendre les émotions des autres.

En apprenant à mieux mentaliser ses propres émotions, on devient plus capable de saisir celles des autres, ce qui enrichit les relations interpersonnelles et améliore les interactions sociales.

Processus de réappropriation :

Le travail de mentalisation est donc un processus graduel qui aide à la réappropriation des émotions, en passant par ces étapes :

1. Prise de conscience des émotions.
2. Nommer et identifier les émotions.
3. Comprendre la relation entre les émotions et les pensées ou les événements extérieurs.
4. Apprendre à réguler les émotions de manière plus saine et ajustée.
5. Développer une compréhension empathique des émotions des autres.

En thérapie, les approches fondées sur la thérapie psychodynamique ou la mentalisation (comme la Thérapie Basée sur la Mentalisation, MBT) sont particulièrement utilisées pour accompagner les personnes qui souffrent de difficultés à accéder à leurs émotions. La mentalisation leur permet de se reconnecter à leur monde émotionnel, ce qui est crucial pour le bien-être psychologique et la qualité des relations interpersonnelles.

Mentalisation : Définition

La mentalisation peut être définie comme la capacité à comprendre et à réfléchir sur ses propres états mentaux (émotions, pensées, croyances, désirs) ainsi que ceux des autres, et à percevoir comment ces états influencent les comportements. C'est une fonction psychique qui nous permet d'interpréter les actions humaines en les reliant à des motivations internes, en comprenant que nos pensées et émotions influencent notre façon d'agir.

Points clés de la définition de la mentalisation :

1. Compréhension des états internes : La mentalisation implique la conscience de ses propres états mentaux.

Par exemple, comprendre que l'on est en colère et que cette colère résulte d'une frustration liée à une situation donnée.

2. Réflexion sur les émotions et pensées d’autrui : En plus de comprendre ses propres états internes, la mentalisation consiste à envisager que les autres ont des pensées et des émotions qui influencent leurs comportements. Cela conduit à une meilleure interprétation des actions des autres.

3. Lien entre états mentaux et comportements : La mentalisation nous permet de faire le lien entre ce que l'on ressent (ou ce que les autres ressentent) et les actions qui en découlent. Par exemple, si une personne s'isole, la mentalisation pourrait amener à penser qu'elle est triste ou anxieuse, ce qui explique son comportement.

4. Distinction entre réalité interne et externe : Mentaliser, c'est aussi reconnaître que nos perceptions internes (nos pensées, croyances ou fantasmes) ne sont pas toujours en adéquation avec la réalité extérieure. C’est savoir que nos émotions et interprétations peuvent influencer notre vision des choses.

Fonctions de la mentalisation :

Régulation émotionnelle : en prenant du recul sur ses propres émotions, la mentalisation aide à mieux les comprendre et à les gérer.

Empathie : comprendre les états mentaux des autres favorise l'empathie et les relations sociales.

Résolution de conflits : en saisissant les motivations et émotions des autres, on peut mieux anticiper ou gérer les désaccords.

Conscience de soi : la mentalisation développe une meilleure conscience de son propre fonctionnement interne, contribuant à un sentiment d’identité plus fort.

Exemple pratique :

Une personne qui se sent rejetée par un ami pourrait, sans mentalisation, réagir par la colère ou le ressentiment immédiat.

Avec la mentalisation, cette même personne réfléchirait à ses propres émotions (se sentir blessée, abandonnée) et pourrait aussi envisager que l'ami a peut-être agi de cette façon parce qu'il traverse une période difficile.

Elle pourrait alors ajuster sa réaction en conséquence.

La mentalisation est une compétence psychologique qui nous permet de comprendre notre propre monde intérieur et celui des autres, facilitant ainsi des interactions sociales plus adaptées et une gestion plus saine des émotions.

La composante génétique de l’émotion

L'émotion a une composante génétique, et plusieurs recherches en neurosciences et en psychologie soutiennent cette idée. La manière dont nous ressentons et exprimons nos émotions est influencée par une interaction complexe entre facteurs génétiques et environnementaux. La génétique joue un rôle dans la sensibilité émotionnelle, les réponses physiologiques aux stimuli émotionnels et la régulation émotionnelle.

Preuves et explications soutenant l'influence génétique sur les émotions :

1. Bases neurobiologiques des émotions : Les émotions sont étroitement liées aux structures et fonctions cérébrales, qui elles-mêmes sont influencées par notre patrimoine génétique.

Par exemple :

Le système limbique, en particulier l’amygdale, joue un rôle central dans la gestion des émotions comme la peur et la colère. Des études montrent que des variations génétiques dans les gènes qui affectent le fonctionnement de l'amygdale influencent la réactivité émotionnelle.

Le cortex préfrontal, qui est impliqué dans la régulation des émotions et dans les fonctions exécutives (comme l'inhibition des réponses impulsives), est également influencé par des facteurs génétiques.

2. Études sur les jumeaux : Les recherches sur les jumeaux, en particulier les jumeaux monozygotes (qui partagent 100 % de leurs gènes), montrent que la composante héréditaire des traits émotionnels est significative.

Par exemple, dans les études sur l'anxiété, la dépression ou les traits de personnalité émotionnels comme le névrosisme (tendance à ressentir des émotions négatives), on a observé que les jumeaux identiques avaient une concordance émotionnelle plus élevée que les jumeaux dizygotes (qui partagent environ 50 % de leurs gènes). Cela suggère une forte composante génétique dans la prédisposition à certaines réactions émotionnelles.

3. Gènes spécifiques liés aux émotions : Certains gènes ont été identifiés comme jouant un rôle clé dans la régulation des émotions.

Par exemple :

Les gènes impliqués dans la régulation de la sérotonine (comme le gène transporteur de la sérotonine, 5-HTTLPR) sont associés à des prédispositions à des troubles émotionnels comme l'anxiété et la dépression. Des variations dans ce gène peuvent rendre certaines personnes plus vulnérables à des réponses émotionnelles intenses.

Les gènes liés à la dopamine influencent les émotions positives, le plaisir et la motivation. Par exemple, le gène DRD4 a été étudié en lien avec la recherche de sensations et les réponses émotionnelles à la nouveauté.

4. Tempérament infantile et développement émotionnel : Le tempérament, qui est en grande partie héréditaire, est un facteur clé dans la façon dont les enfants expérimentent et régulent leurs émotions.

Certains enfants naissent avec des tempéraments plus réactifs, montrant des réponses émotionnelles intenses dès leur plus jeune âge, tandis que d'autres ont des tempéraments plus calmes ou moins réactifs. Cette sensibilité émotionnelle de base, largement influencée par la génétique, persiste souvent à l'âge adulte.

5. Évolution et émotions de base : Certaines émotions de base, comme la peur, la joie, la colère ou le dégoût, ont une forte composante génétique en raison de leur importance évolutive.

Elles sont essentielles à la survie, car elles déclenchent des réponses rapides face à des situations de danger ou de plaisir. Le fait que ces émotions soient universelles et présentes dans toutes les cultures suggère une base génétique forte.

Interaction entre génétique et environnement :

Bien que la composante génétique des émotions soit importante, il est essentiel de souligner que les émotions ne sont pas uniquement déterminées par les gènes. Les facteurs environnementaux, tels que l'éducation, les expériences de vie et les relations sociales, jouent un rôle crucial dans la modulation de nos réponses émotionnelles.

Cette interaction entre la génétique et l’environnement est parfois décrite par le concept d'épigénétique, où l’expression des gènes peut être modifiée par les expériences et les influences externes.

Par exemple, une personne génétiquement prédisposée à l’anxiété pourrait ne pas développer un trouble anxieux si elle grandit dans un environnement stable et soutenant. Inversement, une personne sans prédisposition génétique particulière pourrait développer des difficultés émotionnelles en réponse à un environnement particulièrement stressant.

Les émotions ont une composante génétique qui influence la réactivité émotionnelle, la sensibilité aux émotions et la capacité à les réguler. Cette base génétique est complétée et modulée par l'environnement, les expériences personnelles et les interactions sociales. C’est l’interaction entre ces deux facteurs qui façonne finalement la manière dont nous vivons et exprimons nos émotions.

Émotion et prise de conscience

Le chemin de l'émotion jusqu'à sa prise de conscience est un processus complexe qui commence par des sensations corporelles et des pulsions primitives chez l'enfant, pour évoluer ensuite vers des émotions plus élaborées et, enfin, vers une prise de conscience à mesure que l'enfant développe ses capacités cognitives et affectives.

Ce processus implique l'interaction entre le corps, le développement neurobiologique, les pulsions et les apprentissages sociaux et affectifs. Voici un schéma général de ce parcours :

1. Les pulsions et les sensations corporelles (niveau primal)

Au début de la vie, le nourrisson est dominé par ses pulsions et ses besoins biologiques fondamentaux (faim, soif, confort, sécurité, etc.), ainsi que par ses sensations corporelles. Ces pulsions, décrites par Freud comme les forces internes qui cherchent à se décharger, sont ressenties dans le corps sous forme de tension ou de malaise.

Vie pulsionnelle : L'enfant est guidé par les pulsions de base, principalement les pulsions de vie (ou pulsion sexuelle) et les pulsions de mort (ou pulsion agressive). Ces pulsions sont les moteurs internes de la recherche de satisfaction.

Expérience corporelle : Les émotions sont d'abord vécues comme des sensations corporelles. Par exemple, un bébé pleure lorsqu'il a faim (sensation de vide dans l'estomac) ou lorsqu'il est inconfortable. À ce stade, il n'y a pas de différenciation entre la sensation physique et l'émotion.

2. Les premières émotions (niveau préverbal)

Progressivement, ces pulsions et sensations se transforment en émotions rudimentaires. L'enfant commence à ressentir des émotions de base comme la peur, la colère, la tristesse, et la joie, mais elles sont encore mal différenciées. Ces émotions sont principalement des réactions automatiques aux stimuli internes (comme la faim) ou externes (comme la séparation d'avec la mère).

Réactions affectives primaires : L’enfant commence à associer certaines sensations à des émotions, par exemple, pleurer lorsqu'il ressent de l'inconfort ou sourire lorsqu'il est satisfait. Ces premières formes d’émotions sont encore très liées à l'état corporel, avec une dominance du système limbique (notamment l’amygdale, qui gère les réactions de peur et de survie).

Rôle de la relation d'attachement : Les relations précoces, notamment avec la mère ou la figure d'attachement, jouent un rôle clé. Les réponses affectives de la mère aident l'enfant à réguler ses émotions. Le sourire de la mère, par exemple, apaise et permet de faire le lien entre une sensation de sécurité et une émotion positive (plaisir, bonheur).

3. L’identification et la différenciation des émotions (niveau développemental)

À mesure que l’enfant grandit, vers 2 à 3 ans, il commence à différencier ses émotions et à leur donner un sens plus clair. C’est une étape cruciale du développement émotionnel.

Langage et émotion : Le développement du langage permet à l'enfant d'identifier et de nommer les émotions, ce qui est un pas important vers leur prise de conscience. Par exemple, il apprend à dire "je suis en colère" ou "je suis triste". Le langage permet de structurer l’expérience émotionnelle et de la rendre consciente.

Mentalisation : L'enfant commence également à développer une capacité de mentalisation, c'est-à-dire qu'il peut réfléchir à ses émotions et comprendre que ses états internes peuvent être différents de ceux des autres. Il peut dire "je suis triste parce que tu es parti" ou "je suis fâché parce que je ne peux pas avoir de jouet".

4. La régulation émotionnelle (niveau cognitif et social)

Vers 4 à 6 ans, l'enfant apprend à réguler ses émotions, c'est-à-dire à ne pas réagir de manière impulsive à chaque ressenti émotionnel. Il comprend de mieux en mieux la relation entre ses émotions et ses comportements, ainsi que les conséquences sociales de ses actions.

Apprentissage social : Grâce à l’interaction avec ses parents, ses pairs et d’autres adultes, l’enfant apprend des stratégies pour gérer ses émotions, comme l’attente, le compromis ou la communication de ses besoins. Par exemple, plutôt que de se mettre immédiatement en colère lorsqu'il est frustré, il apprend à demander de l'aide ou à patienter.

Rôle du cortex préfrontal : Cette phase de régulation émotionnelle est liée au développement du cortex préfrontal, une zone du cerveau impliquée dans le contrôle des impulsions, la planification et la prise de décision. Plus le cortex préfrontal se développe, mieux l’enfant peut gérer des émotions intenses.

5. La prise de conscience des émotions (niveau réflexif)

Avec le développement de ses capacités cognitives et sociales, l'enfant (et plus tard l'adulte) devient capable d'une véritable prise de conscience de ses émotions. Il comprend non seulement qu'il ressent une émotion, mais aussi pourquoi il la ressent, dans quel contexte, et comment elle influence son comportement.

Rationalisation et réflexion : L’enfant apprend à réfléchir sur ses émotions, à en comprendre les causes et à les mettre en perspective avec les événements de sa vie. Cela devient possible grâce à des processus de réflexion cognitive : il peut se dire "je suis triste parce que je n’ai pas eu ce que je voulais, mais je comprends pourquoi".

Empathie et compréhension des autres : Cette prise de conscience n’est pas limitée à ses propres émotions. L’enfant apprend également à identifier les émotions des autres, à comprendre que les autres ont des sentiments, ce qui conduit au développement de l’empathie. Il peut comprendre que quelqu'un est triste, et adapter son comportement en conséquence.

6. Intégration des émotions dans l’identité personnelle (niveau mature)

À l’âge adulte, les émotions sont pleinement intégrées dans l’identité personnelle. Les individus sont capables de comprendre leurs propres patterns émotionnels, d’anticiper certaines réactions émotionnelles et de les réguler de manière appropriée dans la plupart des contextes.

Co-construction avec l’environnement : À travers l’expérience de la vie, les émotions sont continuellement influencées par l'environnement social, culturel et personnel. Les expériences de vie permettent de raffiner cette prise de conscience émotionnelle et de créer des stratégies de gestion émotionnelle plus sophistiquées.

Conscience émotionnelle intégrée : La personne mature est capable d'une auto-réflexion émotionnelle continue. Elle peut non seulement reconnaître une émotion à l’instant présent, mais aussi analyser des schémas émotionnels dans sa vie (par exemple, "je me sens souvent stressé quand je suis confronté à telle situation") et agir en conséquence.

Le chemin de l’émotion à sa prise de conscience est un processus développemental graduel, allant des pulsions corporelles primaires à une réflexion consciente et à une régulation des émotions.

Ce parcours est marqué par l'évolution des capacités de l'enfant à identifier, nommer, comprendre et gérer ses émotions, sous l'influence de son développement neurobiologique, de ses relations affectives et de ses apprentissages sociaux. La prise de conscience émotionnelle complète se construit donc à travers l'interaction entre le corps, les émotions primitives et les processus cognitifs de réflexion.

La Mentalisation vs les approches psychodynamiques

Bateman et Fonagy, qui ont développé la Thérapie Basée sur la Mentalisation (MBT), ne limitent pas la notion de réflexivité ou de mentalisation aux seules approches psychodynamiques.

Ils reconnaissent que diverses techniques psychothérapeutiques peuvent contribuer au développement de la capacité à mentaliser, tant chez le patient que chez le thérapeute. Leur approche est en effet intégrative, puisant dans différentes disciplines et méthodes thérapeutiques pour soutenir la mentalisation, et elle met en avant l'idée que la mentalisation est un processus essentiel à la compréhension des états mentaux (les siens et ceux des autres) dans un cadre relationnel.

Mentalisation : au-delà du paradigme psychodynamique

La mentalisation, telle que définie par Fonagy et Bateman, est la capacité à comprendre et à réfléchir sur ses propres états mentaux et ceux des autres, et à percevoir comment ces états influencent les comportements. Cette capacité est essentielle dans la régulation des émotions et des relations interpersonnelles.

Traditionnellement, la psychodynamique met l’accent sur la compréhension des processus inconscients et des relations d'objet internes qui influencent les comportements et les émotions. La réflexivité y est souvent vue comme une forme de prise de conscience des conflits internes, des pulsions et des expériences infantiles qui influencent l’adulte.

Cependant, Bateman et Fonagy élargissent cette perspective en introduisant la mentalisation comme une capacité plus large et adaptative qui peut être soutenue par différents modèles psychothérapeutiques, non seulement la psychanalyse ou les approches psychodynamiques.

Techniques psychothérapeutiques favorisant la mentalisation :

1. Thérapie comportementale et cognitive (TCC) : Bien que la TCC ne se concentre pas directement sur la mentalisation dans son cadre théorique traditionnel, elle joue un rôle crucial dans l’amélioration de la capacité de réflexion sur ses propres pensées, émotions et comportements.

La TCC aide à identifier les schémas de pensées dysfonctionnels et à comprendre comment ceux-ci influencent les émotions et les comportements. Cela correspond à un travail de mentalisation, car le patient est amené à relier ses pensées à ses réactions émotionnelles et comportementales, ce qui favorise la régulation émotionnelle.

Le travail sur les distorsions cognitives et l'entraînement à la flexibilité cognitive sont des éléments importants pour développer une réflexion sur ses propres états mentaux et ceux des autres.

2. Thérapies humanistes et centrées sur la personne : Les thérapies humanistes, comme celle de Carl Rogers, qui mettent l’accent sur l’empathie, l'authenticité et la considération positive inconditionnelle, favorisent également la capacité à mentaliser, surtout en ce qui concerne la réflexion sur les états mentaux des autres.

L’accent sur l’empathie et la compréhension profonde des émotions du patient dans ces thérapies encourage le patient à explorer ses propres états mentaux de manière sécurisée, favorisant ainsi une meilleure compréhension de soi.

Le climat thérapeutique chaleureux et non jugeant aide à développer la réflexivité en créant un espace où le patient peut s'explorer sans craindre d’être jugé.

3. Thérapies de groupe et de famille : Les thérapies de groupe ou familiales offrent un cadre dans lequel les individus doivent continuellement mentaliser non seulement leurs propres états mentaux, mais aussi ceux des autres membres du groupe ou de la famille. Cela permet une pratique active de la mentalisation dans des interactions réelles et sociales.

Dans les groupes, les interactions et les retours des autres membres offrent une occasion unique d’améliorer la compréhension des perspectives et des états émotionnels des autres.

Dans les thérapies familiales, le fait de travailler sur les dynamismes relationnels complexes favorise une meilleure prise de conscience des émotions qui se cachent derrière les comportements interpersonnels.

4. Mindfulness et thérapies basées sur la pleine conscience : Les approches basées sur la pleine conscience (comme la Thérapie Cognitivo-Comportementale Basée sur la Pleine Conscience, MBCT, ou la Réduction du Stress Basée sur la Pleine Conscience, MBSR) aident à développer une observation détachée de ses pensées et émotions, ce qui est très similaire à l'idée de mentalisation.

Le mindfulness entraîne la capacité à prendre du recul sur ses propres expériences émotionnelles et pensées sans jugement, favorisant ainsi une meilleure compréhension des états internes.

La pratique régulière de la pleine conscience améliore la régulation émotionnelle, en permettant aux individus de ne pas être submergés par leurs émotions, mais plutôt de les observer et de les comprendre.

Le rôle du thérapeute dans la capacité à mentaliser :

Bateman et Fonagy insistent aussi sur le fait que la capacité de mentalisation n’est pas seulement nécessaire chez le patient, mais également chez le thérapeute. Le thérapeute doit être capable de mentaliser dans l’ici et maintenant de la séance, ce qui signifie qu’il doit pouvoir comprendre et réfléchir non seulement sur l'état mental du patient, mais aussi sur son propre état mental, et sur la dynamique relationnelle entre les deux.

Soutien de la mentalisation chez le thérapeute : Le thérapeute doit être conscient de ses propres réactions émotionnelles et cognitives au cours de la thérapie (le contre-transfert en langage psychanalytique) et réfléchir à la manière dont ses propres états mentaux influencent la relation thérapeutique.

Attitude de non-savoir : Pour soutenir la mentalisation du patient, le thérapeute adopte souvent une attitude de non-savoir, où il cherche à comprendre avec le patient plutôt que d'imposer une interprétation. Cela crée un espace dans lequel le patient peut explorer ses états mentaux de manière plus autonome et sécurisée.

Co-construction de la réalité psychique : Le processus thérapeutique basé sur la mentalisation se fait souvent par la co-construction des expériences internes, où le thérapeute et le patient travaillent ensemble pour donner du sens aux émotions et comportements.

Bateman et Fonagy ouvrent la porte à l’utilisation de techniques psychothérapeutiques diverses pour soutenir la capacité à mentaliser, tant chez le patient que chez le thérapeute. Bien que la mentalisation ait des racines dans la psychodynamique, ils reconnaissent que la réflexivité peut être nourrie par des approches comportementales, cognitives, humanistes, relationnelles et basées sur la pleine conscience. Leur approche intégrative montre que la capacité à mentaliser est un processus fondamental de la santé psychique, et que divers outils thérapeutiques peuvent contribuer à la renforcer, indépendamment de l’orientation théorique.

Fonction réflexive en rapport avec le concept de mère morte d'A. Green

Le concept de la mère morte, introduit par André Green, est une métaphore puissante qui décrit une dynamique psychique où l'enfant perçoit la figure maternelle comme émotionnellement absente, voire "morte" sur le plan psychologique, bien qu'elle soit physiquement présente. Ce concept peut être lié à la fonction réflexive ou à la capacité de mentalisation (un concept central chez des auteurs comme Bateman et Fonagy) dans la mesure où la fonction réflexive de l'enfant peut être gravement compromise dans ce type de contexte relationnel.

La « mère morte » : concept d’André Green

Dans ses écrits, Green décrit la "mère morte" comme une figure maternelle qui, à un certain moment du développement de l'enfant, devient émotionnellement inaccessible à cause de sa propre dépression, d'une perte ou d'un deuil non résolu. L'enfant, qui est encore dans une phase de grande dépendance à l'égard des réponses affectives de la mère, éprouve cette absence émotionnelle comme une forme de mort psychique.

L'impact de cette "mère morte" sur l'enfant est profond :

L'enfant ressent un vide émotionnel et une absence de résonance affective.

La relation dynamique avec la mère se fige, ce qui bloque les processus psychiques en cours, notamment la capacité à réfléchir sur les états mentaux et à comprendre les émotions.

Fonction réflexive et mentalisation

La fonction réflexive ou capacité de mentalisation fait référence à la capacité d'un individu à reconnaître et à réfléchir sur ses propres états mentaux et sur ceux des autres. Cela inclut la compréhension de ses émotions, de ses désirs et de ses intentions, ainsi que de ceux des autres. Cette capacité se développe principalement à travers l'interaction avec les figures d'attachement, notamment la mère ou le parent principal.

Dans un environnement sain, la figure d'attachement aide l'enfant à développer sa fonction réflexive en :

Réagissant de manière émotionnellement cohérente aux signaux émotionnels de l'enfant.

Miroitant les émotions de l'enfant de façon empathique, ce qui permet à l'enfant de reconnaître et de nommer ses propres sentiments.

Aidant l'enfant à réguler ses émotions, en offrant un soutien sécurisant et en modélisant des stratégies d'adaptation émotionnelle.

Cependant, dans le cas de la "mère morte", ce processus est gravement compromis.

Impact de la « mère morte » sur la fonction réflexive

Lorsque l'enfant est confronté à une mère émotionnellement absente, la résonance émotionnelle, qui est essentielle pour le développement de la fonction réflexive, est perdue.

Voici comment cela affecte le développement de la mentalisation et de la capacité à réfléchir sur ses émotions :

1. Manque de mirroring : L’enfant dépend du "mirroring" (ou effet de miroir) pour reconnaître et comprendre ses propres états émotionnels. Une mère dépressive ou émotionnellement absente ne répond pas adéquatement aux signaux émotionnels de l’enfant, ce qui empêche l'enfant de se sentir compris et validé dans ses émotions.

Sans cette validation externe, il devient plus difficile pour l'enfant de mettre des mots sur ses états internes, ce qui limite sa capacité à développer une réflexion émotionnelle.

2. Désaffection émotionnelle et désorganisation psychique : Face à cette absence affective, l'enfant peut ressentir un désespoir profond ou une perte d'ancrage émotionnel. Il devient difficile pour l'enfant de se repérer dans ses propres émotions.

Les émotions peuvent être ressenties comme confuses, intenses, ou même incompréhensibles, car l'enfant n'a pas reçu l'accompagnement nécessaire pour les nommer et les réguler.

Cela entraîne une désorganisation psychique, avec une incapacité à structurer ses états internes de manière cohérente.

3. Fragmentation du self : L'enfant peut être amené à dissocier ses propres émotions pour se protéger de cette situation affective douloureuse. La "mère morte" ne répondant plus aux besoins affectifs de l’enfant, ce dernier pourrait éteindre ses émotions ou fragmenter certaines parties de lui-même, rendant plus difficile l'accès à ses propres états mentaux.

Cette fragmentation entraîne une faiblesse de la fonction réflexive, car le processus même de reconnaissance et d'intégration des émotions est compromis.

4. Répression des affects : Face à une figure maternelle qui ne répond plus, l’enfant peut apprendre à réprimer ses propres affects pour éviter de ressentir le vide émotionnel ou la douleur de la perte. Cette répression des affects est souvent accompagnée d’une détérioration de la capacité à réfléchir sur ses propres états émotionnels.

Plutôt que de mentaliser ses émotions, l’enfant devient émotionnellement "figé" ou adopte des comportements défensifs pour éviter la douleur.

Enjeux thérapeutiques

Dans un cadre thérapeutique, il devient important de restaurer la capacité de mentalisation chez ces patients, souvent profondément marqués par l’expérience d’une "mère morte".

Cela implique :

Créer un espace de sécurité où le patient peut réactiver ses capacités émotionnelles et commencer à identifier ses états internes.

Travailler sur la reconstruction de l’histoire relationnelle et affective du patient, afin de lui permettre de donner un sens à l’absence affective maternelle et aux défenses qu'il a mises en place pour y faire face.

Encourager le patient à réfléchir sur ses expériences émotionnelles passées et présentes, afin de redévelopper une capacité à mentaliser.

Le rôle du thérapeute est alors essentiel en tant que nouveau "miroir" pour le patient. Le thérapeute doit fournir cette résonance émotionnelle qui a fait défaut durant l’enfance. Cela permet au patient de commencer à reconnaître ses émotions, à les nommer et à les comprendre, soutenant ainsi la reconstruction d'une fonction réflexive saine.

Le concept de la "mère morte" de Green décrit un traumatisme relationnel profond où l'absence affective de la mère empêche le développement normal de la fonction réflexive chez l'enfant. Sans la validation émotionnelle nécessaire, l'enfant est coupé de ses émotions, ce qui entraîne une désorganisation affective et une incapacité à mentaliser.

Cette situation peut avoir des répercussions importantes sur la vie émotionnelle et relationnelle à l'âge adulte. Dans un cadre thérapeutique, la restauration de la capacité à mentaliser est possible, notamment en recréant un lien de sécurité et d'empathie avec le thérapeute, permettant ainsi au patient de redévelopper une relation plus saine avec ses émotions et ses états mentaux.

Méthodes pour restaurer une fonction réflexive saine dans le cadre de la mentalisation

Restaurer une fonction réflexive saine dans le cadre de la mentalisation est un processus complexe qui nécessite des approches thérapeutiques spécifiques, visant à aider le patient à reconnaître, comprendre, et réguler ses états mentaux ainsi que ceux des autres.

L'objectif est de renforcer la capacité à mentaliser, c'est-à-dire la capacité à réfléchir sur ses émotions, pensées et intentions, et à les relier à ses comportements et à ceux des autres.

Voici quelques méthodes clés pour restaurer cette capacité dans un cadre thérapeutique :

1. Création d'un environnement thérapeutique sécurisant

La première étape essentielle est de créer un environnement thérapeutique sécurisant et empathique. Le patient doit se sentir en confiance pour explorer ses émotions et pensées sans crainte de jugement. Le thérapeute joue un rôle fondamental en adoptant une posture de non-savoir, dans laquelle il ne présume pas connaître les réponses à l'expérience interne du patient. Cela encourage l'exploration et l'expression libre des états mentaux.

Attitude empathique : Le thérapeute adopte une attitude de curiosité bienveillante et empathique envers les pensées et émotions du patient.

Soutien émotionnel : Offrir un soutien émotionnel constant permet au patient de se sentir en sécurité dans l'exploration de ses états mentaux, même ceux qui sont douloureux ou conflictuels.

2. Utilisation du "mirroring" et de la validation émotionnelle

Une méthode fondamentale consiste à utiliser le mirroring (effet de miroir), c’est-à-dire que le thérapeute reflète et valide les émotions du patient. Cela aide à développer la conscience émotionnelle et à renforcer la connexion entre les expériences internes et leur expression externe.

Reflet des émotions : Lorsque le thérapeute nomme et reflète les émotions du patient, cela aide ce dernier à reconnaître et à valider ses propres états émotionnels. Par exemple, en disant : "Il semble que vous soyez en colère, mais en même temps, il y a peut-être aussi de la tristesse dans ce que vous décrivez."

Reconnaissance des états internes : Le thérapeute aide le patient à reconnaître les états internes refoulés ou non conscients, favorisant ainsi la régulation et la compréhension des émotions.

3. Focus sur l’ici et maintenant (ici-et-maintenant relationnel)

La mentalisation met souvent l'accent sur ce qui se passe dans l’ici et maintenant de la relation thérapeutique. Le thérapeute invite le patient à réfléchir sur ce qu’il ressent à un moment précis, et sur la manière dont ces émotions influencent son comportement.

Explorer les états mentaux en temps réel : Le thérapeute peut poser des questions comme : "Qu'est-ce que vous ressentez en ce moment ?", ou "Comment percevez-vous ce que nous sommes en train de faire ensemble dans cette séance ?"

Prendre conscience des projections et interprétations : Inviter le patient à réfléchir sur ses interprétations des actions du thérapeute et à explorer la façon dont elles reflètent ses propres attentes ou expériences relationnelles passées.

4. Développer la tolérance à l'incertitude

Restaurer une fonction réflexive saine nécessite d'apprendre à tolérer l'incertitude et l'ambiguïté des états mentaux. Il s’agit d’accepter que nos pensées et émotions, ainsi que celles des autres, ne soient pas toujours claires ni immédiatement compréhensibles. En reconnaissant cette incertitude, le patient peut mieux explorer et comprendre ses émotions et comportements.

Explorer les pensées contradictoires : Par exemple, si un patient ressent à la fois de la colère et de l'affection envers une personne, le thérapeute peut l’encourager à reconnaître la coexistence de ces émotions, plutôt que de les supprimer ou de les nier.

Travail sur la flexibilité mentale : Encourager le patient à adopter une attitude flexible face à ses états mentaux et à accepter que ceux-ci peuvent changer ou être incertains permet de développer la réflexion nuancée sur les émotions.

5. Techniques basées sur la pleine conscience (Mindfulness)

La pleine conscience (ou mindfulness) est une méthode efficace pour restaurer la capacité de mentalisation, car elle entraîne à observer ses pensées et émotions sans jugement, et à les accepter telles qu’elles sont.

Prendre conscience des émotions en temps réel : La pratique de la pleine conscience aide à développer une attention focalisée sur le moment présent et à reconnaître les émotions sans être submergé par elles.

Éviter les réponses automatiques : Apprendre à observer ses pensées et émotions sans y réagir immédiatement permet au patient de prendre du recul et de réfléchir sur ce qui se passe à l’intérieur de lui avant d’agir, favorisant ainsi une réflexion consciente sur ses propres états mentaux.

6. Thérapie basée sur la mentalisation (MBT)

La Thérapie Basée sur la Mentalisation (MBT), développée par Peter Fonagy et Anthony Bateman, est spécifiquement conçue pour renforcer la capacité à mentaliser chez les patients souffrant de troubles de la personnalité, notamment le trouble borderline. Elle utilise plusieurs techniques pour aider les patients à réfléchir sur leurs états mentaux et sur les relations interpersonnelles.

Enseigner la mentalisation : La MBT se concentre sur l'enseignement direct de la mentalisation, en aidant le patient à apprendre à réfléchir sur ses pensées et émotions, ainsi que sur celles des autres. Cela inclut des exercices de réflexion sur des situations émotionnelles vécues dans la vie quotidienne.

Exploration des ruptures de mentalisation : Lorsqu'un patient cesse de mentaliser (par exemple, lorsqu'il est submergé par ses émotions ou adopte des pensées rigides), le thérapeute l'aide à identifier ce moment et à réfléchir sur ce qui s'est passé.

7. Dialogue socratique

Le dialogue socratique est une méthode d'exploration utilisée en thérapie pour encourager le patient à explorer ses propres croyances, pensées et émotions par des questions ouvertes.

Ce type de dialogue favorise la mentalisation en invitant le patient à réfléchir activement et à découvrir par lui-même des liens entre ses états mentaux et ses comportements.

Questions ouvertes et exploratoires : Le thérapeute utilise des questions telles que : "Qu'est-ce que cela signifie pour vous de ressentir cela ?", ou "Pourquoi pensez-vous que cette situation vous a mis en colère ?" Ces questions incitent à la réflexion et à la prise de conscience des processus internes.

8. Travail sur les états mentaux des autres (réflexion interpersonnelle)

Pour restaurer une fonction réflexive saine, il est aussi important que le patient apprenne à réfléchir sur les états mentaux des autres et à comprendre comment ceux-ci peuvent influencer les relations interpersonnelles.

Reconnaissance des perspectives des autres : Le thérapeute encourage le patient à envisager les pensées et émotions d’autrui, par exemple en lui demandant : "Comment pensez-vous que cette personne pourrait avoir ressenti cela ?"

Développement de l'empathie cognitive : En apprenant à se mettre à la place des autres et à réfléchir sur leurs états mentaux, le patient renforce ses capacités interpersonnelles et émotionnelles.

Restaurer une fonction réflexive saine dans le cadre de la mentalisation repose sur plusieurs méthodes thérapeutiques, allant de la validation émotionnelle à la tolérance à l'incertitude, en passant par l’exploration de l’ici et maintenant et les techniques de pleine conscience.

La MBT offre un cadre spécifiquement conçu pour améliorer cette capacité, en se concentrant sur la réflexion sur les états mentaux, tant personnels qu’interpersonnels.

L’objectif est de permettre au patient de développer une conscience émotionnelle et cognitive plus nuancée et régulée, favorisant ainsi son bien-être psychique et relationnel.

Articulation entre la pensée opératoire, la dépression essentielle, la réflexivité et la mentalisation

L’articulation entre la pensée opératoire, la dépression essentielle, la réflexivité et la mentalisation est une dynamique complexe qui touche à des aspects fondamentaux du fonctionnement psychique. Chacun de ces concepts fait référence à des dimensions spécifiques de la vie émotionnelle, cognitive et relationnelle, mais ils sont profondément interconnectés, notamment dans le cadre des difficultés à mentaliser et à développer une fonction réflexive saine. Développons chacun de ces concepts et leurs liens.

1. Pensée opératoire

La pensée opératoire est un concept clé développé par Pierre Marty dans le cadre de la psychosomatique. Elle se caractérise par une diminution ou une absence de vie affective, avec une prédominance des processus de pensée orientés vers l’action concrète, au détriment de l'exploration ou de la symbolisation des émotions. Les personnes présentant une pensée opératoire ont souvent des difficultés à mentaliser leurs émotions, ce qui se traduit par une manière d'aborder la réalité de manière pragmatique et instrumentale.

Caractéristiques :

Faible accès aux émotions : les individus opératoires ne ressentent pas ou ne reconnaissent pas leurs émotions.

Mode de pensée concret : ils se concentrent sur les faits et les actions plutôt que sur les affects et les symbolisations.

Absence de réflexion émotionnelle : les émotions ne sont ni nommées ni élaborées, ce qui limite la capacité à comprendre ses propres états mentaux.

Cette forme de pensée peut être considérée comme un mécanisme de défense qui permet d'éviter le contact avec des émotions douloureuses ou intenses, et donc de se protéger d'un affect potentiellement envahissant. La pensée opératoire représente un appauvrissement de la fonction réflexive, car elle réduit la capacité à réfléchir sur les émotions et à intégrer celles-ci dans la pensée consciente.

2. Dépression essentielle

La notion de dépression essentielle (ou dépression anaclitique, terme parfois utilisé de façon proche) fait référence à une forme de dépression profonde et primordiale liée à une carence affective précoce.

André Green a approfondi cette notion en lien avec le concept de la "mère morte", où l'absence affective de la mère ou de la figure d'attachement crée une blessure psychique intense.

Dans la dépression essentielle :

Les affects sont désinvestis : le sujet peut sembler détaché de ses émotions, se sentant vide ou engourdi sur le plan émotionnel.

Il y a souvent un échec de la mentalisation, car l'absence d'une relation affective sécurisante dans l’enfance empêche le développement d'une capacité à mentaliser ses propres états mentaux. L’enfant, devenu adulte, peut avoir du mal à comprendre et à élaborer ses émotions, ce qui entraîne une carence de la fonction réflexive.

Cette dépression touche à un niveau très primitif du fonctionnement psychique, souvent avant même que l’enfant n’ait pu accéder à une structuration suffisamment solide de ses affects.

La dépression essentielle est donc un terreau fertile pour l'émergence de la pensée opératoire, car la coupure des affects et l'absence de symbolisation favorisent un fonctionnement opératoire et concret.

3. Réflexivité et mentalisation

La réflexivité est la capacité à penser sur ses propres pensées et émotions, et à relier celles-ci à ses expériences internes et à ses comportements externes. La réflexivité fait partie intégrante de la mentalisation, qui est le processus par lequel un individu attribue des états mentaux à soi-même et aux autres.

La mentalisation est essentielle pour comprendre ses propres émotions, pensées, désirs, et intentions, ainsi que ceux des autres.

Fonction réflexive saine : dans un développement psychologique normal, les expériences émotionnelles sont intégrées dans le psychisme grâce à des interactions sécurisantes avec les figures d'attachement (souvent les parents).

Ces interactions permettent à l’enfant de reconnaître, nommer et comprendre ses émotions, facilitant ainsi l’accès à la mentalisation.

Fonction réflexive altérée : dans le cas d'une carence émotionnelle précoce (comme dans la dépression essentielle) ou d'un fonctionnement psychique opératoire, la capacité à mentaliser est compromise.

Le sujet ne parvient pas à reconnaître ses émotions ni à les intégrer dans une pensée cohérente. Cela entraîne une réduction de la réflexivité, avec une incapacité à réfléchir sur ses propres états internes.

4. Articulation des concepts

a) Dépression essentielle et pensée opératoire

La dépression essentielle crée un terreau psychique marqué par un vide émotionnel et une incapacité à se relier à ses affects.

Dans ce contexte, la pensée opératoire devient un mode de défense privilégié, car elle permet de fuir les affects et de se concentrer uniquement sur des aspects concrets et pratiques de la vie. Le lien entre ces deux concepts se manifeste par un retrait affectif profond et une incapacité à mentaliser les émotions.

La dépression essentielle, en raison de l'absence d'investissement affectif, peut entraîner un fonctionnement opératoire où les émotions sont évacuées au profit d’une pensée pratique. Le sujet se coupe de sa vie émotionnelle, car celle-ci devient trop douloureuse ou incompréhensible, ce qui empêche le développement de la fonction réflexive.

b) Pensée opératoire et perte de la fonction réflexive

La pensée opératoire empêche la réflexivité en bloquant l’accès aux émotions et en restreignant la possibilité de réfléchir sur ses états mentaux. Le sujet, focalisé sur l'action et la réalité concrète, ne parvient pas à élaborer ses ressentis ni à comprendre ce qui se passe à l’intérieur de lui. Ce mode de fonctionnement entraîne une sorte d’automatisme mental, où les affects ne sont pas traités ni symbolisés.

Sans la fonction réflexive, il devient impossible de reconnaître ses propres émotions, et encore moins de les relier à des situations ou à des relations interpersonnelles. C’est ici que l’articulation avec la mentalisation devient essentielle.

c) Dépression essentielle, fonction réflexive et mentalisation

Dans la dépression essentielle, la capacité de mentalisation est altérée en raison du manque de soutien affectif et de l’absence de résonance émotionnelle précoce. L'enfant n'apprend pas à mettre des mots sur ses émotions ni à comprendre ses propres états internes, ce qui compromet le développement de la fonction réflexive.

À l’âge adulte, cette difficulté se manifeste par une incapacité à réfléchir sur ses propres émotions, renforçant un sentiment de vide intérieur.

La mentalisation repose sur la capacité à réfléchir sur ses propres états mentaux et à empathiser avec les états mentaux des autres.

Dans le cadre de la dépression essentielle, cette capacité est bloquée, car les émotions ne sont ni reconnues ni comprises. Le patient reste dans une sorte d’indifférence affective ou de confusion émotionnelle, qui empêche le processus de mentalisation.

5. Le rôle thérapeutique dans la restauration de la réflexivité et de la mentalisation

Restaurer la fonction réflexive et la mentalisation dans un contexte de pensée opératoire ou de dépression essentielle nécessite un travail thérapeutique spécifique :

Création d'un espace sécurisé où les émotions peuvent être explorées sans jugement.

Réapprentissage émotionnel : Aider le patient à reconnaître et nommer ses émotions, souvent à travers un processus de mirroring où le thérapeute reflète les affects du patient.

Encouragement à la réflexivité : Le thérapeute invite le patient à réfléchir sur ses propres émotions et pensées, en posant des questions ouvertes et en facilitant l'exploration des états mentaux.

Mentalisation : Le but est de restaurer une capacité à mentaliser, c’est-à-dire à comprendre ses propres états internes et ceux des autres, en offrant un cadre relationnel qui favorise l'exploration des émotions et la symbolisation des affects.

L’articulation entre la pensée opératoire, la dépression essentielle, la réflexivité et la mentalisation met en lumière des processus psychiques liés à la reconnaissance et à l'intégration des émotions.

La pensée opératoire et la dépression essentielle résultent souvent d'une incapacité à mentaliser les émotions, entraînant une perte de la fonction réflexive. Le travail thérapeutique vise à restaurer la capacité de mentalisation en encourageant la réflexivité, l'exploration des états mentaux, et la compréhension des émotions, pour rétablir une connexion entre l'affect et la pensée.

La relation d'attachement Secure et le développement d'une mentalisation robuste et flexible.

La relation d'attachement sécurisée constitue la base essentielle pour le développement d'une mentalisation robuste et flexible, car elle fournit les conditions psychologiques nécessaires pour que l'enfant puisse explorer, comprendre et réguler ses émotions ainsi que ses pensées de manière saine.

1. Régulation de l'attention et de l'émotion

Une relation d'attachement sécurisée se caractérise par la stabilité émotionnelle et la présence bienveillante de la figure d'attachement (souvent les parents), qui permet à l'enfant d'apprendre à réguler ses émotions. Lorsque le parent ou le soignant répond de manière réceptive et appropriée aux besoins émotionnels de l'enfant, ce dernier développe progressivement la capacité à autoréguler ses affects.

Régulation des affects : Dans une relation d'attachement sécurisée, l'enfant fait l'expérience que ses émotions sont valides et peuvent être apaisées par l'autre, ce qui l'aide à nommer, comprendre et réguler ces émotions.

Régulation de l'attention : L'enfant apprend également à gérer son attention, en se concentrant sur ses états mentaux et émotionnels sans être submergé. Cela facilite l’exploration interne et favorise la capacité de mentalisation.

Dans un contexte d'attachement sécurisé, l’enfant peut expérimenter ses émotions (y compris les émotions négatives) tout en étant accompagné, ce qui lui permet de développer une sécurité interne face à ses propres affects. Cela devient une fondation pour une mentalisation robuste, car la régulation émotionnelle est cruciale pour la pensée réfléchie et la réflexivité.

2. Découverte de la dimension mentale de l’expérience

L'une des fonctions clés d'une relation d'attachement sécurisée est qu'elle ouvre un espace mental où l'enfant peut découvrir que ses émotions, pensées et intentions sont mentalisables. Dans un environnement où les réponses émotionnelles sont prévisibles et fiables, l'enfant apprend que ses états internes peuvent être explorés, nommés et partagés.

Fonction de contenance : L'attachement sécurisant permet à l'enfant de se sentir suffisamment en sécurité pour explorer l'intériorité et prendre conscience que ses pensées et émotions ne sont pas simplement des réactions automatiques, mais des phénomènes mentaux pouvant être interprétés et compris.

Développement d'une théorie de l'esprit : Le soutien d'un parent sécurisant favorise l'apprentissage que l'autre a également une vie mentale, des émotions, et des intentions. C’est la base du développement de la mentalisation intersubjective, où l’enfant commence à comprendre et à attribuer des états mentaux à lui-même et à autrui.

Ainsi, la découverte de la dimension mentale de l'expérience est rendue possible par le fait que l’enfant est encouragé à explorer son monde intérieur, ses désirs et ses intentions, dans un contexte relationnel contenant.

3. Possibilité de jouer avec ses déterminants

Une relation d'attachement sécurisée permet à l'enfant de jouer avec ses émotions et ses pensées, un processus essentiel pour développer une flexibilité mentale. Cet espace de jeu n’est pas seulement ludique, il représente une zone où l’enfant peut tester et réviser ses expériences internes de manière créative.

Jeu mental : L’enfant peut apprendre à moduler ses émotions et à expérimenter différentes perspectives. Par exemple, un enfant peut exprimer de la colère ou de la tristesse, et recevoir une réponse qui lui montre qu’il peut explorer ces émotions sans en être submergé ou rejeté. Cette flexibilité émotionnelle est au cœur de la mentalisation, car elle permet de ne pas rester figé dans une interprétation unique ou rigide des états mentaux.

Capacité à symboliser : Le jeu, en tant que modalité expressive, permet à l’enfant de symboliser ses expériences. Cette capacité à jouer avec ses émotions et à leur donner des formes symboliques favorise la capacité à mentaliser des émotions complexes.

Cette dimension ludique dans la relation d'attachement offre à l'enfant la possibilité d’expérimenter différents rôles, d’explorer des émotions contradictoires, et de développer une tolérance à l'ambiguïté des états mentaux.

4. Développement de la continuité et de la maîtrise de soi psychologique

La relation d'attachement sécurisée permet à l'enfant de développer un sens de continuité psychologique, car elle offre une structure stable et prévisible qui renforce la capacité à se comprendre dans le temps.

Continuité du soi : L'enfant développe une conscience de soi cohérente en relation avec son passé, son présent, et ses aspirations futures. Cette narrativité interne est un aspect fondamental de la mentalisation, car elle permet à l'individu de faire le lien entre des événements émotionnels distincts et de leur donner un sens sur le long terme.

Maîtrise de soi psychologique : Grâce à la sécurité de l'attachement, l'enfant apprend à maîtriser ses propres états mentaux et à adapter ses réponses émotionnelles. Cette maîtrise n'est pas une suppression des émotions, mais une capacité à se réguler et à comprendre les interactions entre ses pensées, ses émotions et ses comportements.

Cette continuité dans la construction de soi est centrale pour une mentalisation stable et flexible, car elle permet à l’individu de se percevoir de manière cohérente malgré les variations émotionnelles, renforçant ainsi sa capacité à mentaliser efficacement dans des contextes émotionnellement exigeants.

La relation d'attachement sécurisée contient effectivement les ingrédients essentiels au développement d'une mentalisation robuste et flexible.

Elle favorise la régulation émotionnelle, la prise de conscience de la dimension mentale de l’expérience, le jeu mental avec les émotions et les pensées, et le développement d’une continuité psychologique et d'une maîtrise de soi.

C’est dans cet espace sécurisé et soutenant que l’enfant apprend à explorer et à comprendre son monde intérieur, créant les bases solides d’une capacité à mentaliser ses propres émotions et à réfléchir sur les états mentaux d’autrui.

Pathologies et attachement

Les principales pathologies liées à une problématique d'attachement se développent souvent dans l'enfance lorsque les besoins émotionnels fondamentaux de sécurité, de protection et de réconfort ne sont pas satisfaits de manière adéquate par les figures d'attachement (souvent les parents ou les soignants).

Ces troubles affectent la régulation émotionnelle, la perception de soi, et la relation aux autres, et incluent souvent les pathologies suivantes :

Principales pathologies liées à l'attachement :

1. Trouble de la personnalité borderline (TPB) : Ce trouble est souvent associé à des expériences d'attachement instable. Les personnes avec un TPB peuvent avoir des difficultés à réguler leurs émotions, à maintenir des relations stables, et à gérer la peur de l'abandon. Elles oscillent fréquemment entre des sentiments intenses d'attirance et de rejet.

2. Trouble de la personnalité dépendante : Les personnes souffrant de ce trouble cherchent un soutien excessif et sont souvent incapables de prendre des décisions sans l'approbation des autres. Elles peuvent ressentir une forte peur de la séparation, souvent liée à des expériences précoces d'attachement anxieux ou ambivalent.

3. Trouble de la personnalité évitante : Les individus avec ce trouble ont un besoin constant d'être acceptés mais évitent les interactions sociales par crainte d’être rejetés ou jugés. Cela peut découler d'un attachement insécure, où l'enfant apprend à éviter les contacts émotionnels pour se protéger.

4. Trouble de l'attachement réactif (TAR) : Ce trouble se développe souvent chez les enfants qui ont subi de graves négligences ou des abus. Il se manifeste par une incapacité à former des liens affectifs avec les autres, ainsi que par des comportements émotionnels perturbés, tels que l'apathie ou l'agressivité.

5. Dépression et anxiété : Les problèmes d'attachement peuvent également augmenter le risque de dépression, d'anxiété et de trouble de stress post-traumatique (TSPT). Les personnes peuvent développer une perception négative d'elles-mêmes et des autres, ainsi qu'une incapacité à faire confiance.

La mentalisation comme outil de correction :

La mentalisation est la capacité de comprendre ses propres états mentaux et ceux des autres. Elle se réfère à la conscience que nos pensées, émotions, et comportements, ainsi que ceux des autres, sont guidés par des états mentaux intérieurs (désirs, croyances, émotions).

La mentalisation permet donc une meilleure régulation émotionnelle et une meilleure compréhension des intentions des autres, ce qui est crucial pour les personnes souffrant de troubles liés à l'attachement.

Voici en quoi la mentalisation aide à rectifier les problèmes d'attachement :

1. Renforcement de la régulation émotionnelle : La capacité à comprendre et à identifier ses propres émotions permet de mieux les gérer. Pour les personnes ayant un attachement insécure, la mentalisation aide à décoder les émotions complexes ou perturbantes, réduisant ainsi la réactivité émotionnelle excessive.

2. Réparation des relations interpersonnelles : Les troubles d'attachement mènent souvent à des malentendus dans les relations. La mentalisation aide à interpréter les comportements d’autrui de manière plus réaliste, diminuant la tendance à percevoir les interactions comme hostiles ou rejetantes, et favorisant ainsi des relations plus saines.

3. Développement de la conscience de soi : Pour les personnes qui ont du mal à distinguer leur propre « moi » de leurs peurs ou traumatismes, la mentalisation favorise une meilleure compréhension de soi. Cela aide à reconstruire une image de soi moins rigide et plus nuancée.

4. Diminution des réactions impulsives : En développant la mentalisation, les individus deviennent plus aptes à réfléchir avant d'agir. Cette pause réflexive diminue les comportements impulsifs souvent associés à des réactions émotionnelles intenses dans les troubles d'attachement.

5. Création d'une base de sécurité intérieure : En comprenant mieux ses propres besoins et en reconnaissant les intentions des autres, la mentalisation aide à créer un sentiment de sécurité intérieure, réduisant la dépendance à des sources extérieures de validation ou d'attention.

La thérapie basée sur la mentalisation, connue sous le nom de Thérapie basée sur la mentalisation (MBT), a été développée pour traiter spécifiquement les troubles de la personnalité, en particulier le trouble borderline, en améliorant cette capacité à réfléchir sur ses propres états mentaux et ceux des autres.

L'alexithymie une pathologie de l’attachement ?

L'alexithymie n'est pas une pathologie en soi, mais un trouble de la régulation émotionnelle qui est souvent associé à d'autres pathologies, y compris celles liées à des problématiques d'attachement.

L'alexithymie se caractérise par la difficulté à identifier et à exprimer ses propres émotions, ainsi qu'à reconnaître les émotions des autres.

Relation entre l'alexithymie et les pathologies liées à l'attachement :

1. Attachement insécure et alexithymie : Les personnes avec un attachement insécure, en particulier un attachement évitant ou ambivalent, peuvent développer des traits alexithymiques. L'attachement insécure perturbe le développement des compétences émotionnelles, car ces individus n'ont pas reçu un soutien émotionnel adéquat dans leur enfance. Cela peut entraîner une dissociation des émotions, où les émotions sont ressenties mais ne sont pas reconnues ou comprises consciemment.

2. Trouble de la personnalité borderline (TPB) : Bien que les personnes ayant un TPB ressentent souvent des émotions intenses, elles peuvent avoir des difficultés à les nommer et à les comprendre, ce qui crée un lien avec l'alexithymie. Cela peut aggraver les comportements impulsifs et la régulation émotionnelle, car l'incapacité à comprendre ses émotions rend difficile leur gestion.

3. Troubles de la personnalité évitante et dépendante : Dans ces troubles, la relation avec les émotions peut être soit de l'ordre de l'évitement (dans le cas du trouble évitant), soit de l'hyperdépendance aux autres pour comprendre ses propres états émotionnels (dans le trouble dépendant). L'alexithymie peut se développer lorsque l'individu ne parvient pas à se connecter à ses propres émotions, soit parce qu'il les rejette, soit parce qu'il se repose trop sur les autres pour les interpréter.

4. Alexithymie et trouble de l'attachement réactif : Dans le trouble de l'attachement réactif, les enfants qui n'ont pas développé de liens affectifs sains avec leurs parents ou soignants peuvent présenter une détresse émotionnelle importante, qui se manifeste souvent sous forme d'alexithymie. Ces enfants deviennent incapables de lire et d'exprimer leurs émotions en raison de l'absence de modèles émotionnels adéquats.

La mentalisation et l'alexithymie :

La mentalisation, comme mentionné précédemment, est un outil qui peut également aider à corriger les traits alexithymiques. En développant la capacité de mentaliser, c'est-à-dire d'identifier et de comprendre ses propres états mentaux et ceux des autres, une personne alexithymique peut progressivement acquérir une meilleure compréhension de ses émotions et de ses relations. La thérapie basée sur la mentalisation (MBT) est d'ailleurs utilisée dans des cas où l'alexithymie est liée à des troubles de la personnalité.

L'alexithymie est souvent présente dans les troubles liés à des problèmes d'attachement et de personnalité, en raison d'une incapacité à reconnaître et à comprendre ses émotions. Le développement de la mentalisation peut être un outil thérapeutique clé pour aider les personnes alexithymiques à surmonter ces difficultés.







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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

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67000 Strasbourg

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