Écouter en médecine et en psychothérapie
Publié par Pascal Patry dans Psychothérapie · Vendredi 06 Sep 2024
Tags: Écouter, médecine, psychothérapie
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Écouter en médecine et en psychothérapie
L’écoute est un art central à la fois en médecine et en psychothérapie. Cependant, la nature de cette écoute peut varier de manière significative selon le contexte.
L'écoute en médecine diffère de l'écoute en psychothérapie et en psychanalyse, bien que les deux partagent des objectifs similaires : comprendre et aider le patient.
La Profondeur de l’Écoute en Médecine et en Psychothérapie
Le mode d'écoute en médecine se concentre souvent sur la collecte d'informations précises pour poser un diagnostic et proposer un traitement. Le médecin écoute pour identifier des symptômes, des signes cliniques, et des données objectives qui guideront une intervention rapide. Cette écoute est souvent orientée vers l’action, surtout dans les contextes d'urgence où le besoin de répondre rapidement aux besoins du patient peut prévaloir.
À l’inverse, l’écoute en psychothérapie et en psychanalyse implique une attention plus prolongée et plus profonde aux paroles du patient, à ses émotions, à ses silences, et à ce qui est sous-entendu mais non exprimé. Le psychothérapeute écoute pour comprendre les conflits intérieurs, les dynamiques inconscientes et les émotions refoulées qui peuvent influencer le bien-être du patient.
Les Différents Types d’Écoute
L’écoute n’est pas un processus unidimensionnel ; elle se décline en plusieurs formes, chacune adaptée à différents besoins et contextes.
Double écoute : Ce concept implique une capacité à entendre à la fois le contenu explicite et les messages sous-jacents. Par exemple, un patient peut parler de douleurs physiques, mais le thérapeute perçoit que ces douleurs sont peut-être le reflet d’une souffrance émotionnelle plus profonde.
La « troisième oreille » : Théodor Reik, disciple de Freud, parlait de la nécessité de développer une « troisième oreille » en psychanalyse, une capacité à entendre au-delà des mots prononcés, à capter les signaux inconscients et les non-dits du patient.
Écoute au-delà du symptôme : En psychothérapie, l’écoute ne se limite pas à ce que le patient exprime verbalement ou aux symptômes visibles. Elle va plus loin, cherchant à comprendre les causes profondes des symptômes, qu'ils soient physiques ou psychologiques.
Attention flottante : Freud a introduit ce concept pour décrire une attitude d'écoute dans laquelle le thérapeute reste ouvert à tout ce que le patient exprime, sans se focaliser sur un seul aspect du discours. Cela permet au thérapeute de capter des éléments inattendus ou inconscients.
Écoute inconditionnelle : Inspirée des travaux de Carl Rogers, l’écoute inconditionnelle implique une acceptation totale et sans jugement du patient, créant un espace sécurisant où le patient peut s’exprimer librement.
Écoute retenue : Parfois, ne pas intervenir immédiatement est la meilleure forme d'écoute. Cela permet au patient de trouver ses propres mots, de creuser plus profondément dans son expérience intérieure. Cette écoute retenue contraste avec le besoin d’intervenir rapidement, fréquent dans la pratique médicale.
Le Besoin Irrésistible d'Intervenir
En médecine, particulièrement en médecine d’urgence ou en médecine générale, les praticiens sont souvent confrontés à l'urgence d'agir. Le besoin d'intervenir immédiatement peut être irrépressible, car il est vital de résoudre rapidement les problèmes de santé. Cela contraste fortement avec la psychothérapie, où l'intervention immédiate n'est pas toujours nécessaire ou souhaitable. En psychothérapie, il est souvent plus utile de permettre au patient de parler longuement avant de proposer une intervention.
L’Écoute en Relation avec l’Action
Dans les métiers d'action, comme la médecine d'urgence, l'écoute est souvent pragmatique et orientée vers la solution. Le praticien écoute pour intervenir immédiatement et résoudre un problème concret. Cela peut entraîner une impatience face au silence ou à l'absence de clarté dans les paroles du patient.
En psychothérapie, l’écoute est plus patiente et exploratoire. Il n’est pas nécessaire de trouver une solution immédiate. Au contraire, le thérapeute permet au processus d'émerger progressivement. Cela peut signifier supporter de longues périodes de silence ou de discours apparemment incohérents, en faisant confiance au fait que le sens émergera avec le temps.
La Formation Croisée : Comprendre les Différents Modes d’Écoute
Il est crucial que les médecins et les psychothérapeutes comprennent les différences et les similitudes dans leurs modes d'écoute respectifs. Un médecin doit pouvoir reconnaître les aspects psychologiques et émotionnels du discours de son patient, tandis qu'un psychothérapeute doit être capable de comprendre les implications médicales potentielles d’un symptôme. Cette formation croisée enrichit les deux pratiques et permet de mieux répondre aux besoins du patient dans toute leur complexité.
L'écoute est un pilier fondamental à la fois en médecine et en psychothérapie, mais elle se manifeste de manière différente selon les contextes. La capacité d'écouter activement et profondément, d'accepter le silence, et de se laisser transformer par ce que l'on entend est un art qui nécessite une formation continue et une grande sensibilité. Que ce soit en médecine ou en psychothérapie, écouter véritablement le patient est la clé pour l'aider à retrouver la santé, que ce soit physique, mentale ou émotionnelle.
Le Premier Entretien en Médecine et en Psychothérapie
Le premier entretien, qu'il ait lieu en médecine ou en psychothérapie, constitue une étape cruciale pour établir une relation de confiance entre le soignant et le patient. Il s’agit d’un moment décisif où se crée la première impression, souvent déterminante pour la suite de la relation thérapeutique.
Voici comment aborder ce premier entretien en maximisant son efficacité et en respectant les spécificités de chaque domaine.
L'Importance du Climat d'Ouverture et d'Accueil
Lors de la première rencontre, il est essentiel de créer un climat d'ouverture et d'accueil. Le patient arrive souvent dans un état de vulnérabilité, qu'il s'agisse d'une souffrance physique ou psychique. Il peut se sentir mal à l'aise, intimidé, voire en position de faiblesse. Il est donc primordial pour le soignant de ne pas adopter une posture de supériorité. Cela permet d'établir un cadre sécurisant où le patient se sent entendu et respecté.
Ce premier entretien est également un temps d’observation pour le thérapeute ou le médecin. Il permet de recueillir des informations cruciales sur la condition physique, émotionnelle et sociale du patient. Ce recueil d’informations, appelé anamnèse, comprend non seulement les plaintes actuelles, mais aussi l’historique médical ou psychothérapeutique du patient.
Les Types d’Interventions et de Relations
Dès le premier entretien, il est nécessaire de clarifier le type d'intervention attendu. On peut distinguer plusieurs types de relations :
Relation de contention : Dans des situations d'urgence, comme une crise suicidaire, le soignant doit intervenir rapidement pour stabiliser la situation. L'objectif ici est de protéger le patient.
Relation d’évaluation : Le but est d'évaluer la situation du patient, de lui offrir des conseils ou de l’orienter vers des ressources ou un traitement approprié.
Relation thérapeutique : Dans ce cas, il s'agit d'un engagement plus profond, où une prise en charge à long terme est envisagée. Cela implique une construction progressive de la confiance et de l'alliance thérapeutique.
La Présentation du Cadre
Il est essentiel d'établir les bases du cadre thérapeutique dès la première séance. Cela inclut des aspects pratiques comme la durée des séances, la fréquence des rendez-vous, les horaires, les coûts, ainsi que la gestion des absences et des retards. En clarifiant ces éléments, le patient sait à quoi s'attendre et peut se positionner plus facilement dans la relation avec le soignant.
Cette transparence permet de poser les fondations de l’alliance thérapeutique, une composante essentielle du succès de la thérapie. Une alliance thérapeutique solide repose sur la confiance mutuelle, la compréhension et l’accord sur les objectifs de la thérapie.
Les Informations Clés à Recueillir
Lors de ce premier entretien, il est crucial de collecter des informations administratives précises, telles que le nom, l'adresse, le numéro de téléphone, la profession et le nom du médecin traitant. Mais au-delà de ces détails, il faut également recueillir des informations sur :
La plainte ou la demande principale : Quelle est la raison de la consultation ?
Les antécédents médicaux ou psychothérapeutiques : Hospitalisations, traitements médicamenteux en cours, ou thérapies antérieures (et les raisons d'un éventuel arrêt).
La situation sociale : Est-ce que le patient vit seul, en couple, ou en communauté ? Est-il en emploi ou en chômage ? Y a-t-il des difficultés financières ?
Ces données permettent de dresser un portrait global du patient, essentiel pour comprendre sa situation et pour orienter la suite du traitement.
L'Importance de l'Observation et de l'Ajustement
Au-delà des mots, la capacité d'observation du soignant joue un rôle clé dans le premier entretien. Le thérapeute ou le médecin doit être attentif aux indices non verbaux, aux émotions sous-jacentes et à l'état émotionnel général du patient. Cette observation fine permet de recueillir des renseignements précieux sur les niveaux émotionnels et corporels du patient, souvent avant même que celui-ci ne verbalise ses ressentis.
Il est important de vérifier régulièrement si le patient se sent à l’aise et comprend bien les questions posées. Cela permet d'ajuster son approche en temps réel et d’éviter toute incompréhension ou malaise.
L'Évaluation du Risque Suicidaire
Un point essentiel à aborder, surtout en présence de symptômes dépressifs ou de troubles de la personnalité, est l’évaluation de la présence d’idéations suicidaires. Cette évaluation doit être menée avec tact, mais elle est cruciale pour déterminer les mesures de sécurité à prendre si nécessaire.
Clôturer l’Entretien : Recueillir les Impressions du Patient
En fin d’entretien, il est utile de demander au patient comment il a vécu la séance et quelles sont ses intentions pour la suite. Cela peut se traduire par des questions telles que : « Comment avez-vous vécu cet entretien ? », « Envisagez-vous de poursuivre avec moi ? » ou encore « Souhaitez-vous un temps de réflexion avant de prendre une décision ? ».
Ces questions permettent de vérifier que le patient se sent bien dans cette nouvelle relation thérapeutique et lui offrent la possibilité de s’exprimer librement sur ses attentes et ses besoins.
Le premier entretien est une étape cruciale en médecine comme en psychothérapie. Il s'agit non seulement d'un temps d'accueil et d'écoute, mais aussi d'une phase d'observation et d'ajustement. C'est un moment où la relation thérapeutique commence à se tisser, où le patient doit se sentir compris, soutenu, mais aussi libre de poser ses questions et d'exprimer ses besoins. Le soignant, quant à lui, doit rester attentif, ouvert et flexible, tout en posant des bases solides pour la suite de la relation.
L'Importance des Premiers Mots du Patient en Psychothérapie et en Médecine
Les premiers mots qu’un patient prononce lors d'une consultation, que ce soit en médecine ou en psychothérapie, revêtent une importance capitale. Ils peuvent contenir l’essence même du message que le patient veut transmettre, et il est crucial pour le soignant d’en saisir toute la portée.
Ces premiers instants sont empreints d’émotion, de préparation mentale, et souvent de longue réflexion.
Voici pourquoi ces moments méritent une attention toute particulière.
Le Poids des Premiers Mots
Le patient arrive souvent après un long processus de réflexion et de décision. Prendre rendez-vous peut être le fruit d'une lutte intérieure, d'une accumulation de souffrances ou de doutes. Lorsqu'il prononce ses premiers mots, il s'agit souvent du résultat d'une préparation minutieuse, voire d'une répétition mentale de ce qu'il veut dire. Cette première expression contient donc une charge émotionnelle intense, même si elle n'est pas immédiatement perceptible.
Il arrive aussi que le patient ne soit pas totalement conscient de l'importance de ce qu'il dit ou qu'il ne puisse l'exprimer clairement. L’émotion ou l'angoisse peuvent brouiller le discours, rendre difficile l’expression de la vraie souffrance ou du besoin. Cependant, ces premiers mots, même maladroits, sont souvent révélateurs de l’essentiel du problème.
Le Silence comme Outil Thérapeutique
En psychothérapie, le silence du soignant peut être un espace d'exploration pour le patient. Ce silence invite à une réflexion plus profonde, à laisser remonter des pensées ou des émotions non dites. La chaîne d'associations d'idées est encouragée, permettant au patient de combler le vide et de faire émerger des éléments inconscients.
Cependant, il est crucial de doser ce silence. Si le thérapeute perçoit que ce silence déstabilise le patient, il doit alors intervenir avec bienveillance, pour le soutenir et l'aider à formuler ce qui doit être exprimé. Cette interaction immédiate va colorer le type de rapport à l'autre dans la consultation, posant les bases de la relation thérapeutique.
Les Premiers Mots et la Réaction du Soignant
Les premiers mots du patient peuvent provoquer une réaction émotionnelle intense. Non seulement le patient s'entend prononcer ces mots, mais il les partage avec quelqu'un qui les écoute attentivement. Le fait de dire à haute voix une pensée ou une souffrance, et d’avoir un témoin, peut provoquer un insight ou une prise de conscience, accompagnés de soulagement ou d'inquiétude.
Cependant, le soignant lui-même n’est pas toujours immédiatement prêt à recevoir ces mots. Il peut être préoccupé par un patient précédent, par la complexité d'un cas à venir, ou encore par des soucis personnels. Cela peut nuire à la qualité de l'écoute et à la réception des premiers mots du patient. Il est donc essentiel pour le soignant d’être pleinement présent dès le début de la consultation, afin de capter et de comprendre la profondeur des premiers mots prononcés.
Prendre le Temps d'Écouter et d’Explorer
Dès les premiers instants, il est important pour le soignant de clarifier la demande et de bien comprendre les besoins du patient. Les premières phrases peuvent parfois être trop chargées d’émotion, et il peut être nécessaire de poser quelques questions ouvertes pour permettre au patient d’élargir son propos. Encourager le patient à expliciter ses pensées et ses préoccupations aide à dresser un état des lieux complet de la situation.
Cela permet également d’éviter ce que l'on appelle le "syndrome du bouton de porte". Ce phénomène se produit lorsque des informations cruciales sont révélées par le patient à la fin de la consultation, alors qu'il est déjà sur le point de partir. Cela peut être une remarque apparemment anodine mais lourde de sens, comme « Ma mère est décédée il y a trois jours » ou « Je n’ai plus d’argent ». Ces révélations tardives peuvent survenir parce que le patient n’a pas trouvé le bon moment pour les exprimer plus tôt, ou parce que le soignant n’a pas su explorer suffisamment en profondeur au début de l'entretien.
Les Patients Plus Difficiles à Déchiffrer
Certains patients, comme les alexithymiques (personnes ayant des difficultés à identifier et exprimer leurs émotions), les psychosomatiques, les timides ou encore les phobiques sociaux, peuvent avoir particulièrement du mal à exprimer leurs besoins et leurs émotions. Pour ces patients, les premiers mots peuvent être encore plus significatifs, car ils représentent un effort énorme pour surmonter leur gêne ou leur incapacité à verbaliser leur souffrance.
Le soignant doit être particulièrement vigilant et empathique dans ces situations, en posant des questions larges et non menaçantes, en offrant des espaces d’expression sécurisants, et en prêtant une attention accrue aux indices non verbaux.
Les premiers mots du patient sont un précieux indicateur du cœur de la souffrance ou de la demande. Pour le soignant, être pleinement attentif à ces premiers instants peut non seulement aider le patient à se sentir compris, mais aussi orienter efficacement la suite de la consultation. En encourageant l'expression, en offrant des moments de silence réfléchis, et en explorant les zones d'ombre, le soignant peut éviter les incompréhensions et maximiser les bénéfices de la relation thérapeutique dès les premières minutes.
L'Art de l'Écoute en Médecine et en Psychothérapie
L'écoute est au cœur de la relation entre le soignant et le patient, qu'il s'agisse de médecine ou de psychothérapie. Comme le souligne Martin Winkler, le code de déontologie de l'Ordre des médecins en France place l'écoute au même niveau que la compétence technique.
Cet équilibre entre savoir-faire médical et écoute empathique est fondamental pour la qualité des soins.
Explorons en profondeur ce que signifie véritablement écouter dans le cadre médical et thérapeutique.
L'Écoute selon le Code de Déontologie Médicale
L'article 7 du code de déontologie médicale exige des médecins qu'ils écoutent et soignent tous les patients de manière égale, quelle que soit leur origine, leur situation personnelle ou leur état de santé.
Cela implique une écoute bienveillante et sans jugement, qui doit transcender les préjugés ou les préférences personnelles du soignant. Mais l'écoute va au-delà de la simple réception des paroles : elle implique une réelle disponibilité émotionnelle et intellectuelle, un engagement actif pour comprendre le vécu du patient.
L'Implication de l'Écoute
Écouter nécessite non seulement une disponibilité mentale mais aussi une gestion des limites personnelles. Le soignant doit être attentif à ses propres émotions pour éviter la contagion émotionnelle — un phénomène où l'émotion du patient influence directement celle du soignant. Ce risque d'empathie excessive doit être maîtrisé par une distance émotionnelle appropriée, tout en conservant une attitude d'accueil et de respect profond des croyances et priorités du patient.
Certains patients, notamment ceux en grande détresse psychique, peuvent présenter des attitudes destructrices ou dissociatives qui mettent à l'épreuve la patience et la résilience du soignant. Dans ces situations, le soignant doit reconnaître les mécanismes de persécution à l'œuvre et renforcer à la fois son cadre externe (les règles de la consultation) et son cadre interne (ses propres limites émotionnelles).
Les Obstacles à l'Écoute
Contrairement aux psychothérapeutes ou aux psychanalystes, les médecins ne sont pas formés pour adopter une posture de neutralité totale. Néanmoins, une écoute attentive, chaleureuse et empathique est essentielle pour comprendre la souffrance du patient. Divers obstacles inconscients peuvent perturber cette écoute, rendant le dialogue moins efficace. Voici quelques-uns des principaux obstacles rencontrés :
Rassurer trop vite : En cherchant à apaiser rapidement le patient, le médecin risque de sous-estimer l’intensité de son angoisse et de l’isoler davantage dans sa souffrance. Il est important de laisser le temps au patient d'exprimer pleinement son inquiétude avant de le rassurer.
Moraliser, juger ou blâmer : En essayant de stimuler ou d'encourager un patient déprimé, on peut le rendre encore plus silencieux, renforçant son sentiment d'inadéquation ou d’impuissance. Il est essentiel d’adopter une attitude non-jugeante pour permettre au patient de s'exprimer librement.
Conseiller trop rapidement : Le réflexe de donner des conseils ou des solutions pragmatiques peut donner au patient l’impression que le soignant prend une position de toute-puissance, empêchant ainsi un dialogue plus profond sur ses besoins réels. L’écoute active doit primer sur la recherche immédiate de solutions.
Consoler trop vite : Consoler un patient trop tôt peut empêcher d’appréhender toute l’étendue de sa tristesse ou des deuils non résolus. Une écoute patiente et sans précipitation est nécessaire pour comprendre les souffrances profondes et pour adapter l'accompagnement thérapeutique en conséquence.
Argumenter ou raisonner trop vite : Sigmund Freud soulignait que l’émotion est essentielle pour provoquer un changement profond. Le raisonnement rationnel du soignant, souvent utilisé comme défense face à la douleur du patient, peut nuire à la compréhension émotionnelle de la situation. Accorder du temps à l'émotion avant de passer à l’analyse rationnelle est crucial pour une véritable écoute.
Esquiver ou dévier : Parfois, le soignant peut, consciemment ou non, éviter les aspects les plus difficiles de la souffrance du patient en changeant de sujet ou en minimisant l’importance de ce qui est dit. Cette attitude peut résulter de la fatigue ou de préoccupations personnelles, mais elle réduit l'efficacité de l'écoute.
Questionner ou enquêter excessivement : Le questionnement incessant peut être une manière pour le soignant d’éviter sa propre angoisse face à l’impuissance devant la souffrance du patient. Parfois, seul un silence empathique est la meilleure réponse pour permettre au patient de se sentir entendu.
Agir trop vite : L'action peut rassurer à la fois le soignant et le patient, mais elle peut également masquer les besoins réels du patient. L’écoute prolongée, même en l’absence de solution immédiate, peut offrir un apaisement plus profond.
Catégoriser ou labelliser : Réduire un patient à une catégorie diagnostique, même si cela apporte une clarté médicale, peut être enfermant et réducteur pour le patient. Il est essentiel d'éviter de figer un diagnostic trop rapidement et de rester ouvert à l’évolution du patient au-delà des étiquettes.
L’écoute en médecine et en psychothérapie est un art subtil qui nécessite à la fois empathie, distance émotionnelle et technique. Elle n'est pas passive, mais active et participative. Pour que l’écoute soit véritablement bénéfique, le soignant doit éviter les pièges de la précipitation, de la moralisation ou de l'action rapide. En étant pleinement présent, attentif aux émotions exprimées et non exprimées, et en adoptant une approche nuancée, le soignant peut véritablement aider le patient à se sentir compris et soutenu.
Le Temps de l’Écoute et l'Intervention Prudente en Psychothérapie et Médecine
L'écoute attentive et patiente est un fondement essentiel de la psychothérapie et de la médecine. Cependant, un réflexe courant chez les soignants est de vouloir intervenir trop rapidement, de poser des questions précises ou de chercher des solutions immédiates.
Cette tendance peut figer le processus thérapeutique ou fausser l'évaluation clinique.
l est crucial de comprendre pourquoi l'attente, la patience, et l'écoute en profondeur sont nécessaires pour un soin efficace et respectueux.
Le Danger d'Intervenir Trop Vite
Dans les premiers instants d'un entretien, il est tentant pour le soignant de vouloir rapidement cerner le problème en bombardant le patient de questions fermées, souvent par souci d'efficacité ou par angoisse de manquer un élément clé.
Cependant, cette approche peut inhiber l'expression naturelle du patient en créant une dynamique de soumission, de peur ou même de rébellion. En figer le processus, on risque de réduire la relation à une série de réponses simples et de manquer la complexité des expériences du patient.
Pour éviter cela, il est recommandé au soignant de se taire, d’accueillir avec une attitude d'ouverture et d'inviter le patient à s’exprimer de manière libre.
Ce moment initial est crucial : les premiers mots du patient peuvent déterminer l'orientation de l'entretien et de la prise en charge. Une critique fréquente chez les étudiants en médecine ou en psychothérapie est justement qu’ils commencent trop vite l'interrogatoire sans laisser suffisamment de temps au patient pour exposer ses préoccupations.
L'Écoute en Psychothérapie : Décoder les Non-Dits
En psychothérapie, l'écoute va au-delà des mots. Le psychothérapeute doit décoder ce qui se cache derrière les paroles et les attitudes du patient, non pas en fonction de ses propres perceptions, mais en respectant le modèle du monde de l'autre. Le rôle du thérapeute n’est pas de provoquer ou d’orienter le patient vers une interprétation spécifique, mais de permettre à ce dernier de découvrir par lui-même sa propre réalité.
Il s'agit d'une écoute patiente, où l'on laisse au patient le temps de faire émerger ses propres émotions, vécus, et récits. Comme le dit Madame Suzanne Wolff, cette capacité à attendre et à tempérer l'analyse indique au patient que « tout n’est jamais dit », qu’il existe toujours des latents et des non-dits derrière les mots.
L’attente garantit que le thérapeute et le patient ne tombent pas trop vite d'accord sur ce qui serait le problème central, car toute émotion ou conflit est souvent sur-déterminé.
Cette approche contraste avec une empathie active, qui pourrait se concentrer trop rapidement sur l'émotion apparente et manquer les conflits inconscients sous-jacents. Derrière chaque émotion exprimée, il y a souvent des affects cachés et des images inconscientes.
C’est pourquoi le thérapeute doit résister à la tentation d'intervenir trop tôt, car cela risque d'interrompre le processus d’associations libres du patient et d’empêcher l’apparition de nouvelles significations.
Les Risques d’une Intervention Précipitée
Intervenir trop rapidement, sous prétexte de vouloir aider, peut devenir une forme de viol intellectuel, où le thérapeute impose sa propre compréhension au patient, le maintenant dans une position passive.
Ce déséquilibre peut renforcer un schéma destructeur-victime, en particulier si le patient perçoit que le thérapeute occupe une position de toute-puissance.
De plus, les interventions précipitées peuvent également être un moyen inconscient pour le thérapeute de gérer ses propres angoisses.
Ces angoisses peuvent surgir de la confrontation à la souffrance du patient, et, sans en avoir pleinement conscience, le thérapeute pourrait réagir de manière défensive en cherchant à résoudre rapidement les problèmes évoqués.
L’Art de l’Attente et de l’Écoute
L'écoute en psychothérapie et en médecine n'est pas seulement une question d'entendre ce qui est dit, mais de créer un espace où le patient peut explorer en toute sécurité ses pensées et ses émotions. Cela nécessite de la part du soignant une patience active, une capacité à tolérer l’incertitude et à résister à l’envie d'intervenir trop tôt. Cette approche permet de découvrir des couches plus profondes de signification, d'ouvrir des pistes de réflexion sans imposer de solutions.
Le soignant doit être conscient de ses propres réactions émotionnelles pour ne pas laisser ses peurs ou ses angoisses influencer la thérapie. Attendre, écouter et être attentif aux non-dits permet au processus thérapeutique de se dérouler de manière organique, offrant ainsi au patient un véritable espace de transformation.
Les Pièges de l'Intervention Précipitée et l'Importance de l'Écoute Active
Dans notre pratique, que ce soit en tant que thérapeutes, médecins, ou même dans des relations interpersonnelles, nous sommes souvent tentés d'intervenir rapidement. Pourtant, ce besoin irrépressible de parler trop tôt peut être contre-productif et nuire à une véritable communication.
Louis Timbal-Duclaux a identifié dix raisons principales qui expliquent pourquoi nous ressentons cette urgence à intervenir immédiatement, et Théodor Reik a déjà noté en 1948 que cette impatience est souvent le reflet de notre propre confusion et anxiété face à la situation.
Ces interventions précoces, bien que souvent justifiées, peuvent compromettre l'écoute active et le dialogue.
Les 10 Raisons d’Intervenir Trop Tôt
Le besoin de rectifier les erreurs : Lorsqu'une erreur est perçue dans la discussion, il est tentant de la corriger immédiatement. Cependant, cela peut cristalliser l’échange sur un point de détail et détourner l’attention du problème de fond.
Se protéger de l’affectif : La colère, la séduction, la peur, et d’autres émotions intenses peuvent être inconfortables à gérer. Pour s'en protéger, on interrompt pour rationaliser ou dévier la conversation.
Donner des conseils personnels : Souvent, au lieu de vraiment écouter, on donne des conseils personnels non sollicités. Cela peut bloquer la discussion, car l'interlocuteur ne cherche pas toujours des solutions immédiates.
Dicter des solutions : Dans un désir d'efficacité, on propose rapidement « sa » solution au problème, sans laisser le temps à l'autre d'explorer toutes les dimensions de la situation.
Porter des jugements : En se plaçant en juge, en vertu de valeurs morales ou éthiques, on dévalorise l’interlocuteur, qui se sent alors inférieur et trouve difficile de poursuivre la conversation.
Laisser libre cours à sa curiosité : On interrompt pour demander des détails ou explorer des sujets annexes qui nous intriguent, mais cela peut faire perdre le fil de la discussion à l'interlocuteur.
Se rappeler des souvenirs : Ce qui est dit nous rappelle des expériences personnelles, et nous ressentons le besoin de partager ces souvenirs, souvent au détriment de l’écoute.
Émettre des diagnostics : Parfois, on se lance dans des analyses « sauvages » pour expliquer la situation, ce qui peut bloquer la communication, surtout si c'est perçu comme condescendant.
Noyer le problème dans les bons sentiments : En cherchant à apaiser ou réconforter rapidement, on peut noyer le problème, évitant de le confronter directement.
Présenter notre point de vue : Nous sommes impatients de partager notre propre opinion, mais cela peut détourner l’attention du problème de l’autre personne, surtout si cela est perçu comme une contradiction.
Pourquoi Sommes-Nous Si Pressés d’Intervenir ?
Théodor Reik explique que cette impatience vient souvent de notre propre inconfort et confusion. Après la phase initiale où nous découvrons la situation de l'autre, il peut y avoir une période de flottement où l’on se sent dans le flou. Cela peut générer de l'anxiété, et pour la masquer, nous cherchons à reprendre le contrôle de la situation en intervenant trop vite.
Cette impatience peut aussi refléter une frustration face à l'apparente irrationalité du patient ou de l'interlocuteur. Nous ne comprenons pas toujours pourquoi l'autre persiste dans des comportements névrotiques ou autodestructeurs, et cette incompréhension peut éroder notre sympathie initiale.
Les Trois Attitudes pour une Écoute Active
Pour éviter de tomber dans ces pièges, Timbal-Duclaux propose trois attitudes qui favorisent une écoute véritablement active et participative :
Savoir garder le silence : Il est essentiel de laisser l'autre aller au bout de son discours, même si ce qu'il dit nous semble confus ou incorrect. Le silence peut être un outil puissant pour permettre à l'autre de s'exprimer pleinement.
Être tolérant : La tolérance implique de rester neutre, de ne pas laisser transparaître son agacement ou son jugement, même si l'interlocuteur se contredit ou semble illogique.
Se montrer bienveillant : La bienveillance consiste à écouter avec un réel intérêt, à montrer que l'on est attentif et que l'on cherche à comprendre véritablement l'autre.
Cultiver la Patience et l'Attente
La clé d'une bonne communication réside dans notre capacité à rester présents et à écouter sans précipitation. Même si notre désir d'intervenir vient souvent d'une place de bienveillance ou d'inconfort personnel, il est crucial de se rappeler que l'écoute attentive ouvre des espaces pour des échanges plus profonds et plus riches. En prenant le temps d’attendre, en tolérant l’incertitude et en offrant une écoute bienveillante, nous permettons à l’autre de pleinement s’exprimer et d’explorer ses propres solutions, sans être bloqué par nos interventions prématurées.
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