Écouter avec la troisième oreille

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Écouter avec la troisième oreille

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Psychothérapie · 4 Août 2022
Tags: Écouteraveclatroisièmeoreille
Écouter avec la troisième oreille
Écouter avec la troisième oreille [1].
"On dit que tu lis les rêves".
Christophe : "Non point. Mais j’ai aidé quelques-uns à lire leurs propres rêves.
Simplement en les écoutant mieux qu’ils ne les avaient écoutés eux-mêmes" [2].

Écouter avec la troisième oreille ce n'est pas seulement écouter ce que le patient veut dire, mais c’est aussi et surtout entendre ce qu’il dit sans le savoir.

L’analyse n’est pas une technique que nous pourrions apprendre, c’est un art proche de la poésie. André Green écrit : « La technique dite classique illusionne l’analyste, on fait le plus souvent tout autre chose que ce qu’on croit faire » [3]. Le discours du patient n’est pas à écouter comme une information, ce que doivent entendre analyste et analysant c’est ce que dit l’inconscient.

Il faut à l’analyste une capacité d’écouter au-delà de tout système référentiel (socio-culturel ou théorique) afin d’entendre ce que murmure l’inconscient.

Ce que demande le patient ce n’est pas d’être compris, mais entendu sans a priori afin de se sentir reconnu dans son histoire singulière.

« La véritable compréhension, écrit Jung, semble être une compréhension qui ne comprend pas, mais qui vit et œuvre… La compréhension est un pouvoir terrifiant parfois même un véritable assassinat de l’âme » [4].

Charles Baudouin nous a appris que le thérapeute n’est pas là pour donner une réponse à son patient, mais pour permettre une ouverture de son système répétitif dans lequel il est emprisonné.

Cette ouverture ne peut s’opérer que par un “lâcher-prise” de l’analyste d’abord et du patient ensuite, il faut que l’analyste abandonne tout désir de maîtriser la situation. Il lui faut pour cela accéder à un “non-savoir” à ne pas confondre avec l’ignorance, car ce “non-savoir” ne peut être qu’un au-delà du savoir. La référence à un savoir énoncé par une théorie est un refoulement. J. Lacan nous dit : « Le fruit positif de la révélation de l’ignorance est le non-savoir, qui n’est pas une négation du savoir, mais sa forme la plus élaborée. La formation du candidat ne saurait s’achever sans l’action du maître ou des maîtres qui le forment à ce non-savoir ; faute de quoi il ne sera jamais qu’un robot d’analyste » [5].

Ce que l’analyste doit entendre pour permettre au patient une reconstruction de son histoire, c’est le langage de l’inconscient. Ce sont les fantasmes construits dans une certaine logique, celle de l’inconscient, qui nous déroute. On peut dire que ce qui est à entendre c’est la folie ; Freud nous dit qu’il y a « une méthode dans la folie et aussi un fragment de vérité historique » [6]. Vérité du vécu du patient qui, étant entendue, lui permet une mise en forme ouvrant l’accès à la création de son mythe explicatif. Freud s’est beaucoup intéressé au jeu théâtral, car il se situe entre “rêve et réalité”.

La théâtralisation sur la scène analytique est l’occasion d’une levée de la culpabilité qui coince les mécanismes évolutifs.

Ce qui est dit, dans la séance d’analyse, a peut-être un rapport lointain avec la vérité historique du patient, mais qu’importe, c’est ainsi qu’il a vécu affectivement l’évé­nement. À chacun sa vérité…

Nous avons à « recréer l’événement » nous dit Winnicott, la thérapie a pour but essentiel de retrouver cette créativité « inhérente au fait de vivre » nous avons à découvrir et à faire découvrir « un mode créatif de perception qui donne à l’individu le sentiment que la vie vaut la peine d’être vécue » [7].

Par son comportement, par son Être, l’analyste doit implicitement transmettre ce message :

Je ne te parle pas pour que tu m’écoutes, mais pour que tu t’entendes.

Rien n’est jamais acquis en “technique” analytique, avec chaque patient tout est à remettre en question. La seule vérité c’est que, nous dit Reik « Chacun porte en lui un enfant qu’il doit mettre au monde. Le psychanalyste ne peut aider qu’à l'accouchement » [8].

Cela nous rappelle Platon qui, dans le Théétète, écrit :

« Je ne suis pas du tout sage moi-même et je ne puis préciser aucune trouvaille de sagesse à laquelle mon âme ait donné le jour. Mais ceux qui me suivent dans leurs pensées, bien que certains d’entre eux paraissent au début complètement ignorants, font tous, si le dieu le leur permet, des progrès merveilleux… Et il est clair comme le jour qu’ils n’ont jamais rien appris de moi et qu’ils ont eux-mêmes trouvé en eux et enfanté beaucoup de belles choses. Mais s’ils ont accouché, c’est grâce au dieu et à moi. »

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Source : Ballade pour un jeune thérapeute - Paul Montangérand - Ancien Président de la société de psychanalyse et de psychothérapie de Genève.

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Notes :

[1] - Titre emprunté à un ouvrage de Theodor REIK « Écouter avec la troisième oreille » Denoël 1976.
[2] - Charles BAUDOUIN. « Christophe le Passeur » p. 67. La Colombe 1964.
[3] - André GREEN - Travail psychologique et travail de la pensée, in Revue Française de Psychanalyse, mars-avril 1982. p. 419.
[4] - JUNG. Letters Vol. 1.1906-1950 p. 29. Londres Routiedge et Kegan.
[5] - LACAN. Écrits p. 358 Le Seuil. Collection « Le Champ freudien » 1966.
[6] - FREUD. « Constructions in Analysis ». SE XXIII p. 267.
[7] - WINNICOTT. « Jeu et Réalité » p. 91. Gallimard 1977.
[8] - Théodor REIK. « Écouter avec la troisième oreille » p. 28. Denoël 1976.

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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

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