Approche catégorielle et approche dimensionnelle de l’attachement

Bonjour
Title
Aller au contenu

Approche catégorielle et approche dimensionnelle de l’attachement

Pascal Patry praticien en psychothérapie, thérapeute et astropsychologue à Strasbourg 67000
Approche catégorielle et approche dimensionnelle de l’attachement

Approche catégorielle et approche dimensionnelle, en lien avec les travaux fondateurs de John Bowlby et de ses successeurs, comme Mary Ainsworth et Mary Main.

Comment ces approches permettent-elle de comprendre la sécurité et l’insécurité dans les relations d’attachement tout au long de la vie ?

Mise en lumière des concepts centraux comme les Modèles Internes Opérants (MIO), ainsi que les mécanismes psychologiques régulant la proximité et la sécurité dans les relations d’attachement.

1. Modèles Internes Opérants (MIO)

Les Modèles Internes Opérants (MIO) [1] constituent un concept clé introduit par Bowlby. Ils sont des schémas cognitifs que l’enfant développe sur la base de ses interactions avec sa figure d’attachement.

Ces modèles se forment dès la première année de vie et servent à :

Réguler la sécurité dans la relation d'attachement.

Anticiper les réponses des figures d’attachement.

Il existe deux types de MIO :

Basés sur autrui : L’enfant construit des attentes sur la fiabilité de la figure d’attachement pour répondre à ses besoins en situation d’insécurité.

Basés sur soi : Ils reflètent l’image que l’enfant a de lui-même, notamment sa propre valeur en tant qu’individu digne d’amour et de soins.

Ces schémas influencent les comportements relationnels tout au long de la vie, notamment à l’âge adulte.

2. Approche catégorielle de l’attachement

L’approche catégorielle se fonde sur la classification des styles d’attachement issue des observations comportementales dans des situations spécifiques, notamment avec le paradigme de la Strange Situation Procedure (SSP) développé par Mary Ainsworth.

Cette méthode permet de distinguer quatre catégories d’attachement chez l’enfant, basées sur les réactions comportementales lors de la séparation et de la réunion avec la figure d’attachement :

Attachement sécure (B) : L’enfant utilise la figure d’attachement comme une base de sécurité pour explorer l’environnement. Il manifeste une détresse modérée lors de la séparation et se console rapidement au retour de la figure d’attachement.

Attachement insécure-évitant (A) : L’enfant montre peu de détresse lors de la séparation et évite la figure d’attachement à son retour. Il semble ignorer ses besoins de proximité et préfère l’indépendance.

Attachement insécure-ambivalent/résistant (C) : L’enfant montre une forte détresse lors de la séparation, recherche activement le contact au retour de la figure d’attachement, mais manifeste une résistance, voire de la colère ou de la frustration, ce qui indique un conflit émotionnel.

Attachement désorganisé-désorienté (D) : L’enfant présente des comportements contradictoires et désorganisés (stupeur, figement, approche-retour en arrière), révélant une insécurité majeure et une absence de stratégie cohérente pour réguler la relation d’attachement.

Cette catégorisation a permis de structurer la compréhension des différentes manières dont les enfants développent des liens d'attachement en fonction de la qualité de leurs interactions avec leurs figures de soin.

3. Approche dimensionnelle de l’attachement

L’approche dimensionnelle propose une évaluation plus continue des styles d’attachement, au lieu de les classer strictement en catégories distinctes. Les travaux plus récents, comme ceux de Fraley, Waller et Brennan (2000), ou Shaver et Mikulincer (2002), suggèrent que l'attachement peut être mieux compris en termes de dimensions, ce qui permet de capturer les variations individuelles plus subtiles dans les stratégies d'attachement.

Les axes dimensionnels principaux comprennent :

Approche vs Évitement : Certains individus s’engagent activement dans des relations d’attachement, cherchant proximité et sécurité, tandis que d’autres les évitent pour se protéger d’une souffrance potentielle.

Confiance vs Résistance : Les individus peuvent éprouver soit une confiance dans leur capacité à obtenir du réconfort de leur figure d'attachement, soit une résistance liée à des attentes négatives envers l'autre.

Hyper-activation vs Désactivation : Les stratégies d’hyper-activation reflètent une recherche frénétique de proximité, souvent due à une expérience irrégulière de soutien. À l’inverse, les stratégies de désactivation impliquent une minimisation des besoins d’attachement, avec une tendance à éviter l’intimité.

Ces dimensions rendent compte des nuances comportementales et affectives liées à l’attachement, permettant une compréhension plus fine de l’évolution des schémas relationnels au cours de la vie.

4. Plasticité des MIO et continuité développementale

Question de la continuité des MIO entre l’enfance et l’âge adulte. Bowlby postulait une certaine stabilité des schémas d’attachement, mais des recherches récentes (Shah, Fonagy, Stratheam, 2010) montrent qu’une personne peut avoir des styles d’attachement différents selon les figures d’attachement rencontrées au fil du temps.

Cela souligne la plasticité des MIO, qui peut être influencée par de nouvelles expériences relationnelles, même à l'âge adulte.

5. Styles d’attachement à l’âge adulte

Les travaux de Bartholomew et Horowitz (1991) ont adapté la théorie de l'attachement à l'âge adulte, en reliant les représentations de soi et d'autrui aux styles d'attachement adulte :

Attachement sécure : Représentation positive de soi et des autres, favorisant des relations saines et équilibrées.

Attachement détaché-évitant : Représentation positive de soi mais négative des autres, traduisant une tendance à l’indépendance et à éviter les relations émotionnelles pour se protéger.

Attachement préoccupé : Représentation négative de soi mais positive des autres, engendrant une quête constante de validation par les autres.

Attachement craintif-évitant : Représentation négative de soi et des autres, conduisant à une forte anxiété relationnelle et un évitement des relations pour se protéger d'une souffrance émotionnelle.

6. Convergence des approches catégorielle et dimensionnelle

Les approches catégorielle et dimensionnelle de l'attachement ne sont pas mutuellement exclusives, mais complémentaires. L'approche catégorielle fournit une base descriptive des styles d'attachement, tandis que l'approche dimensionnelle permet d’explorer plus profondément les mécanismes sous-jacents et la variabilité individuelle. Cette complémentarité est essentielle pour comprendre les schémas relationnels complexes au sein des relations d'attachement tout au long de la vie.

Les concepts liés à l'attachement précoce et au développement de la mentalisation (ou théorie de l'esprit).

1. Attachement Précoce

L'attachement précoce se réfère à la relation émotionnelle que le nourrisson développe avec son ou ses principaux pourvoyeurs de soins (généralement les parents) durant les premiers mois de la vie. Il existe différents styles d'attachement décrits par la théorie de l'attachement de Bowlby et Mary Ainsworth :

Attachement sécure : l'enfant se sent en sécurité dans la relation avec le parent. Il explore librement l'environnement tout en sachant que le parent est une base de sécurité à laquelle revenir en cas de besoin.

Attachement insécure (évitant, ambivalent ou désorganisé) : l'enfant ne développe pas la même confiance dans sa relation avec le parent, ce qui peut affecter son comportement social et émotionnel à long terme.

2. Théorie de la Mentalisation

La mentalisation est la capacité de comprendre ses propres états mentaux et ceux des autres (comme les croyances, désirs, intentions) et de les interpréter pour expliquer et anticiper les comportements humains. Ce concept est lié à la théorie de l’esprit qui se développe chez l’enfant au fur et à mesure qu’il commence à comprendre que les autres ont des pensées et des croyances différentes des siennes.

3. Lien entre Attachement Sécure et Développement Cognitif et Émotionnel

La qualité de l'attachement précoce influence de manière significative le développement de la régulation attentionnelle et de la régulation émotionnelle, des processus cruciaux dans le développement cognitif et social de l’enfant :

Contrôle attentionnel : Les recherches de Belsky et Fearon montrent que les enfants ayant un attachement sécure sont plus résistants aux défis socio-contextuels et développent de meilleures compétences attentionnelles.

Cela suggère que l'attachement joue un rôle de protection contre les impacts négatifs de l'adversité sociale.

Régulation émotionnelle et comportementale : Des chercheurs comme Kochanska ont montré que l'attachement insécure, en interaction avec des pratiques parentales coercitives, peut exacerber les problèmes comportementaux tels que les conduites antisociales. En revanche, un attachement sécure semble moduler ces effets négatifs et renforcer les capacités d'autorégulation.

4. Rôle de la Sensibilité Parentale

La sensibilité maternelle est décrite comme un facteur clé pour expliquer les différences dans les capacités cognitives et émotionnelles des enfants. Une mère attentive aux besoins de son enfant favorise le développement des compétences sociales, langagières et comportementales. L'étude mentionnée montre que cette sensibilité, mesurée à 24 mois, influence positivement des domaines comme la scolarité et les interactions sociales.

5. Attachement et Théorie de l'Esprit

Les travaux de Fonagy et Meins ont montré que les enfants ayant un attachement sécure durant la petite enfance développent plus rapidement et efficacement la théorie de l'esprit, c'est-à-dire la capacité à comprendre les états mentaux d’autrui, y compris les croyances et les émotions.

Les études longitudinales évoquées démontrent que l'attachement sécure durant les premières années prédit des performances supérieures dans les tâches de fausse croyance (Wimmer et Perner, 1983), ce qui reflète une avancée dans la mentalisation.

6. Perspective Évolutionniste de l'Attachement

L’attachement n’est pas simplement perçu comme une question de bien ou de mal (sécure versus insécure) ; il est vu comme une adaptation de l’enfant à son environnement social. Selon Belsky et Pluess (2013), l’attachement insécure peut parfois être une réponse adaptative à un environnement relationnel particulier, notamment dans des contextes de forte adversité.

Cette idée propose que l'attachement insécure n'est pas nécessairement un échec, mais une forme d’adaptation au contexte social vécu.

7. Mirroring et Développement du Sens de Soi

L’un des mécanismes proposés pour expliquer comment l’attachement précoce soutient la mentalisation est le mirroring. Ce terme fait référence à la façon dont les parents reflètent ou "miroirent" les émotions de l’enfant, l’aidant ainsi à identifier et à réguler ses propres émotions.

Le mirroring joue un rôle de compétence clé dans la construction du sens de soi chez l’enfant.

On ne peut ignorer l'importance de l'attachement sécure pour le développement des capacités de régulation émotionnelle, de contrôle attentionnel et de mentalisation chez l’enfant.

Il établit des liens empiriques solides entre les styles d'attachement précoces et les capacités cognitives, tout en suggérant que l'attachement insécure, bien que souvent perçu comme négatif, peut être une réponse adaptative dans des environnements spécifiques.

Finalement, le rôle des parents, particulièrement à travers leur sensibilité et leur capacité de mirroring, est central dans le développement sain de ces fonctions chez l’enfant.

__
Note :

[1] - Les Modèles Internes Opérants (MIO) sont un concept clé de la théorie de l'attachement développée par John Bowlby, qui tente d'expliquer comment les expériences précoces d'attachement influencent la perception de soi, des autres et des relations tout au long de la vie.

Ces modèles sont des schémas mentaux ou des représentations internes que l’enfant forme au fil du temps en réponse à ses interactions avec ses figures d'attachement (généralement les parents ou les personnes qui prennent soin de lui).

Définition des Modèles Internes Opérants (MIO)

Les MIO sont des structures cognitives et émotionnelles qui se développent dans l'enfance, souvent inconsciemment, à partir des interactions avec les figures d'attachement.

Ils se forment dans deux domaines principaux :

1. Modèle de soi : Il se réfère à la manière dont une personne perçoit sa propre valeur, sa compétence, son mérite d’amour et de soutien.

2. Modèle des autres : C'est la manière dont une personne perçoit les autres, notamment leur fiabilité, leur bienveillance, et leur disponibilité à répondre aux besoins émotionnels.

Ces modèles influencent les comportements et les attentes dans les relations interpersonnelles. Une fois formés, ils ont tendance à persister et à guider les interactions futures, bien que, dans certains cas, ils puissent évoluer.

Formation des MIO dans l'enfance

Les MIO sont façonnés par les premières expériences relationnelles, notamment avec les parents. Les réponses sensibles et cohérentes des figures d'attachement aux besoins du nourrisson permettent à celui-ci de développer un modèle de soi comme étant digne de soin et d'amour, et un modèle des autres comme étant fiables et disponibles.

Par exemple :

Si un parent répond de manière cohérente et affectueuse aux pleurs d’un bébé, ce dernier peut développer un modèle interne de soi positif, se percevant comme étant digne d’attention et d’amour.

En même temps, il formera un modèle des autres comme étant fiables et capables de répondre à ses besoins.

À l’inverse, si un parent répond de manière incohérente, distante ou peu sensible, l’enfant pourrait développer un modèle interne de soi négatif, se voyant comme peu digne de soin ou d’attention, et un modèle des autres où les personnes sont perçues comme non fiables ou insensibles.

Types de Modèles Internes Opérants

En fonction de l'expérience d'attachement, l'enfant développera un certain type de modèle, qui correspond souvent aux styles d'attachement décrits par Ainsworth :

1. MIO lié à un attachement sécure :

Modèle de soi positif : L'individu se voit comme digne d’amour et de soins.
Modèle des autres positif : Les autres sont perçus comme fiables et disponibles émotionnellement.
Cela conduit à une régulation émotionnelle saine, des relations interpersonnelles positives, et une bonne gestion du stress.

2. MIO lié à un attachement insécure-évitant :

Modèle de soi positif ou défensivement positif : L’individu peut se percevoir comme autonome et indépendant, mais cette perception peut masquer des sentiments de vulnérabilité ou de rejet.

Modèle des autres négatif : Les autres sont perçus comme non fiables ou indifférents, ce qui conduit à éviter la dépendance émotionnelle et à privilégier l’indépendance.

Cela peut entraîner des difficultés dans les relations intimes et une tendance à éviter les engagements émotionnels profonds.

3. MIO lié à un attachement insécure-ambivalent :

Modèle de soi négatif : L’individu peut se percevoir comme non digne d’amour, d’attention ou de soutien.

Modèle des autres positif ou ambivalent : Les autres peuvent être perçus comme capables de fournir de l'affection, mais de manière incohérente. Cela crée un besoin intense de proximité avec une peur de l’abandon.

Cela peut conduire à des comportements anxieux dans les relations, une peur du rejet, et un besoin constant de réassurance.

4. MIO lié à un attachement désorganisé :

Modèle de soi et des autres contradictoire ou confus : L’individu peut se percevoir comme indigne d'amour ou de sécurité, tout en ayant une perception des autres comme étant à la fois une source de réconfort et de peur (souvent dans les cas de maltraitance ou de négligence).

Cela peut mener à des relations marquées par la confusion, l’évitement ou des comportements désordonnés, ainsi qu’une difficulté à gérer les émotions de manière cohérente.

Fonctionnement des MIO

Une fois que ces modèles internes opérants sont établis, ils tendent à fonctionner comme des filtres à travers lesquels une personne interprète et réagit aux événements relationnels.

Ces modèles guident les attentes que l’individu a envers les autres et orientent les comportements dans les interactions sociales.

Par exemple :

Une personne avec un MIO sécure s’attendra généralement à des interactions bienveillantes et réagira de manière confiante dans les relations.

Une personne avec un MIO insécure pourrait anticiper le rejet, et soit évitera les relations étroites, soit cherchera une réassurance constante.

Ces modèles ne sont pas figés, mais ils peuvent être résistants au changement, car ils se renforcent au fil du temps à travers l’expérience et les interactions.

Cependant, des événements majeurs, comme une relation sécurisante à l’âge adulte ou une thérapie, peuvent aider à réviser ces modèles et améliorer la manière dont une personne se perçoit et perçoit les autres.

Impact des MIO sur le Développement

Les MIO jouent un rôle crucial dans la socialisation et la santé mentale à long terme. Ils influencent :

La manière dont les enfants gèrent le stress et l'anxiété.
Le développement des compétences sociales.
La capacité à formuler des attentes positives dans les relations futures, y compris les amitiés et les relations amoureuses.
Les stratégies d’adoption de comportements d’attachement dans les relations interpersonnelles (par exemple, demander de l'aide ou l’éviter).

Les Modèles Internes Opérants sont des schémas mentaux qui permettent à l’individu de comprendre et d’anticiper les interactions sociales en fonction des expériences précoces d'attachement.

Ils influencent le comportement social tout au long de la vie, en façonnant la perception de soi et des autres.

Les enfants qui développent des MIO basés sur un attachement sécure sont plus susceptibles de développer des relations sociales et émotionnelles saines, tandis que ceux qui développent des MIO basés sur un attachement insécure peuvent faire face à des défis émotionnels et relationnels plus importants.







0
commentaires

Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

5, impasse du mai
67000 Strasbourg

Mobile : 06 29 54 50 29

Retourner au contenu